Extrait de
Paris-Kigali 1990-1994. Pour un génocide en Afrique - Lunettes coloniales, politique du sabre et onction humanitaire, Monique Mas, L'Harmattan, septembre 1999.
Citation
6 AVRIL 1994
A New York, le mandat de la Minuar est renouvelé pour trois mois et la police de l'ONU se promet d'organiser le lendemain une fouille systématique des quartiers de Kigali où lui ont été indiquées des caches d'armes attribuées aux milices de l'ancien parti unique et de ses alliés de la CDR.
A Dar-es-Salam, en Tanzanie, s'achève le sommet régional consacré aux crises burundaise et rwandaise. Il réunit les présidents Arap Moï (Kenya), Habyarimana (Rwanda), Ntaryamira (Burundi), Mwinyi (Tanzanie) et Museveni (Ouganda). Le président Habyarimana s'engage publiquement à appuyer l'installation rapide des institutions de transition. Selon la délégation burundaise, au moment du retour, le président burundais, Cyprien Ntaryamira, pressé de rentrer, aurait demandé à son homologue rwandais de l'emmener dans son avion, plus rapide. Avec deux de ses ministres, Cyriaque Simbizi, ministre de la Communication et Bernard Cyiza, ministre du Développement et de la Reconstruction, le président burundais prend place à bord du Falcon 50 rwandais, L'appareil a été acheté d'occasion par la France et offert par l'Elysée pour remplacer la Caravelle présidentielle hors d'usage. Paris finance la maintenance du Falcon, assurée par une succursale de Dassault. La coopération française règle les salaires des trois membres de l'équipage français, via une ou plusieurs sociétés parisiennes plus ou moins en règle avec le tribunal du commerce, dont la SATIF, Service et assistance en technique industrielles françaises.
Le Falcon décolle de Dar-es-Salam à 18 h 50, pour Kigali. Il doit ensuite conduire Cyprien Ntaryamira, attendu à Bujumbura vers 20 h. L'avion transporte également des dignitaires du régime rwandais, dont le chef d'état-major, Déogratias Nsabimana (voir liste plus bas). Le pilote français, Jacquy Héraud, est aux commandes. Avec lui, son copilote Jean-Pierre Minaberry et le mécanicien Jean-Michel Perrine.
Peu après 20h30, l'avion s'écrase, en partie dans les jardins de la villa présidentielle, La thèse de l'attentat prédomine immédiatement. Selon le Monde (du 27 juin 1994), qui cite des sources militaires françaises, aux abords de l'aéroport, le copilote aurait mis son épouse en contact radio et, juste avant l'attentat celle-ci aurait entendu la tour de contrôle demander à trois reprises si le président burundais était bien à bord.
Vers minuit, contactés par RFI, deux officiers de l'ONU se succèdent au téléphone à Kigali pour lire un communiqué officiel : « Vers 20h, heure locale, alors que l'avion présidentiel était en phase d'approche de l'aéroport, il a été abattu par des tirs en provenance du quartier de Kanombe. » L'un des casques bleus ajoute qu'il ne s'explique pas pourquoi « les Forces gouvernementales nous en interdisent l'accès». Selon lui, une équipe de l'ONU serait partie sur les lieux pour tenter de s'informer.