Citation
Après la mort des chefs de l'Etat rwandais, M. Habyarimana, et burundais M. Ntaryamira (tous deux d'ethnie hutu), survenue le 6 à Kigali dans la chute de leur avion la situation est critique au Rwanda, où les affrontements ethniques se poursuivent. Les Forces armées rwandaises (FAR), après avoir assassiné de nombreux responsables de l’opposition hutue, s’en sont pris sans discrimination et avec l’aide de jeunes hutus à la partie tutsie de la population et ont attaqué le bataillon des Forces populaires (FPR) cantonné entre la capitale et l’aéroport.
Celui-ci a bien résisté aux trois bataillons des FAR censés le réduire tandis que les unités FPR ont fait mouvement à partir du 10 vers Kigali depuis la zone où elles étaient stationnées dans le nord du pays, afin de prêter main-forte à leurs camarades de Kigali et de porter secours à leurs congénères tutsis en train d’être massacrés. Le 11 après-midi elles étaient parvenues jusqu'à cinq kilomètres de la capitale sur la ligne de crêtes dominant Kigali et avaient conquis un des camps militaires de la ville.
A 14h00, elles avaient pris le contrôle de la partie nord de la ville et avaient contourné l'aéroport de Kanombé par l'est Les unités FAR étaient alors en train de se débander.
Situation générale
Au plan intérieur, l'accord de cessez-le-feu conclu dans l'après-midi du 8 avril sous l'égide de la MINUAR entre le FPR et le Comité de salut public formé par les autorités militaires est resté lettre morte. Le nouveau chef de l'Etat qui a appellé à l'arrêt des combats a vainement tenté d'assurer la gestion régulière de l'Etat et de poursuivre la négociation avec le FPR pour la mise en place dans les six semaines des institutions élargies prévues par les accords d'Arusha. Ses tentatives pour tenter d'enrayer les massacres ethniques ne sont pas suivis d'effet et les exactions de bandes incontrôlées se poursuivent dans la capitale alors que le FPR parait déterminé à renverser le gouvernement provisoire qui refuse un cessez-le-feu pour la ville de Kigali.
Au plan militaire
A Kigali d'où les ressortissants français et notre personnel diplomatique ont tous été évacués, l'insécurité demeure dans la partie de la ville tenue par les FAR. Les pillages et les massacres imputables à des troupes incontrôlées comme à des civils se multiplient.
Des affrontements opposent depuis quatre jours trois bataillons des FAR au bataillon FPR installé dans le Conseil national de développement près de l'hôtel Méridien. En réalité seulement la moitié des effectifs FAR est engagée pour la défense de la ville (le quartier Kyiovu, l'état-major, le palais présidentiel, les résidences des responsables politiques et militaires), beaucoup de militaires étant plus occupés à piller les biens des expatriés évacués qu'à se battre contre le FPR.
Les éléments du bataillon du FPR retranché dans l'enceinte du parlement parvenaient hier midi à s'emparer du camp de la sécurité présidentielle, situé sur la colline de Kimhurura et ont tenté d'étendre leur emprise vers la zone de Kacyiru mais ont été arrêtés à l'est du camp de la gendarmerie. Celui-ci constituait le dernier obstacle sérieux empêchant l'unité du FPR de faire sa jonction avec le camp Kami. En effet hier, en fin d'après-midi, un bataillon progressant depuis Rutongo qu'il avait atteint la veille, entrait dans la capitale par le nord-ouest et se rendait maître du Camp Kami. Aujourd'hui 12 à 10H00, une unité de la valeur d'une compagnie était signalée à 5 km au sud-ouest de l'aéroport qu'elle a probablement contourné par l'est.
Dans la soirée d'hier, les Forces armées rwandaises (FAR), après une longue préparation d'artillerie et l'engagement du bataillon parachutiste maintenu en réserve, parvenaient à reprendre l'hotel Méridien mais échouaient devant le Conseil national de développement (CND) qui est toujours aux mains du FPR.
Une nouvelle action contre le CND devait être engagée ce matin à l'aube. Mais les FAR perdaient vers midi le contrôle du camp de gendarmerie et se débandaient. Leur position sur le Mont Jari, situé au nord-ouest de la ville et commandant l'un des axes d'approche de la capitale n'était pas connue.
Par ailleurs, on signalait hier quelques accrochages entre FPR et FAR au nord du carrefour de Remera qui donne accès à l'aéroport, dont le contrournement par l'est et le sud était confirmé à 12h00.
Forces belges
Les forces armées belges ont posé, le 10, huit C130 et débarqué 350 militaires sur la plate forme de Kigali, 400 autres militaires belges de la MINUAR assurent la sécurité de plusieurs points de regroupement de leurs ressortissants en ville. Leur opération d'évacuation a commencé le 11 et avait permis en 24 heures l'évacuation de près de 500 ressortissants d'une communauté qui en comptait environ 2 500.
Dans le secteur de Byumba, au centre, une offensive des FAR menacées d'encerclement a causé de nombreuses pertes à l'ennemi sans permettre de reprendre beaucoup de terrain.
Dans le secteur de Mutara, au nord-est, règne une confusion totale après l'avancée des troupes rebelles en direction de Gatsibo et Nyakayaga. Le chef FAR du secteur a replié ses trois bataillons sur Gabiro et Nyakayaga alors que la population fuit massivement la zone.
Dans le secteur de Rulindo l'engagement de deux bataillons FAR à fini par faire céder du terrain à l'ennemi malgré des pertes importantes.
Dans le secteur de Ruhengeri au nord ouest du pays les FAR paraissent résister aux éléments FPR mais connaissent d'importantes difficultés logistiques.
Si le secteur de Gisenyi au bord du lac Kivu près de la frontière du Zaïre ne connaît pas d'opérations militaires, des tensions ethniques sont signalées dans cette zone après le massacre de réfugiés à Ngorogero et il est fait état d'exécutions d'opposants perpétrées hier par des milices hutues dans la région du Cyangugu (sud-ouest du pays).
Situation aux frontières
Au Burundi, le calme perdure. Les autorités se sont rendues hier en province afin d'apporter aux populations un message d'explication et d'apaisement.