Fiche du document numéro 32487

Num
32487
Date
Vendredi 12 mars 1993
Amj
Taille
2346662
Titre
Note - A/S : Politique intérieure du Rwanda
Cote
N° 585 /DAM
Source
Type
Document diplomatique, TD
Langue
FR
Citation
RW/POLINT/POLINT1

MINISTERE REPUBLIQUE FRANCAIS
DES
AFFAIRES ETRANGERES Paris, le 12 mars 1993

DIRECTION DES AFFAIRES
AFRICAINES ET MALGACHES

Sous-Direction d'Afrique
Centrale et Orientale

N° C585 /DAM

-NOTE-

A/S : POLITIQUE INTERIEURE DU RWANDA

I. UN PAYS EN CRISE

L'attaque lancée sur le Rwanda par 4 à 5.000 éléments
armés venus de l'Ouganda le 1er octobre 1990 a plongé ce petit
pays d'Afrique centrale dans la tourmente. Dirigée contre un
régime passant pour modéré, plutôt respectueux des droits de
l'homme et dans l'ensemble soucieux de bonne gestion, l'action des
"Inkotanyi" (nom donné à l'aile combattante du Front Patriotique
Rwandais) a surpris les observateurs. Ceux-ci voyaient en effet en
M. HABYARIMANA, Président du Rwanda, un chef d'Etat africain
modéré dont la personnalité contrastait heureusement avec celle de
certains de ses collègues du continent. Pourtant, sous une
apparente quiétude, la situation au Rwanda et dans la sous-région
contenait des germes déstabilisateurs, dont la lente maturation
s'est traduite par l'agression du 1er octobre dernier. Le
refus réitéré du gouvernement de Kigali de permettre le retour au
pays de réfugiés dont l'appartenance à la nation rwandaise était
niée, son incapacité à concevoir à temps une politique susceptible
de dépasser les clivages ethniques ont contribué à la formation
d'un abcès aux marches du pays. Cet abcès, constitué par la
présence d'au moins 600.000 réfugiés dans les Etats limitrophes et
de 7 à 8.000 Banyarwanda (réfugiés rwandais Tutsi) dans les
de l'armée ougandaise, a donc finalement crevé et les dirigeants
de Kigali doivent faire face à la crise la plus sérieuse qu'ait
connue le Rwanda depuis l'indépendance.

Après l'échec de leur offensive éclair, les rebelles
constitués en Front Patriotique Rwandais (FPR) changèrent de
stratégie et abandonnèrent la guerre de positions pour des
opérations de guérilla, menées à partir du sanctuaire ougandais.
Au fil des mois, ils parvinrent à user les Forces Armées
Rwandaises, grâce, notamment, aux soutiens dont ils disposent en
Ouganda (communauté rwandaise d'Ouganda et officiels du régime
MUSEVENI) .

II L'EXACERBATION DES ANTAGONISMES ETHNIQUES ET REGIONAUX

Le Rwanda pré-colonial disposait d'une organisation
étatique centralisée fondée sur un monarque aux prérogatives
absolues (le Mwami) et une noblesse Tutsi concentrant l'essentiel
des pouvoirs. La colonisation belge s'accommoda si bien de cette
situation qu'elle s'appuya exclusivement sur les élites Tutsi pour
gouverner le pays. Cependant, à la faveur d'un revirement
d'alliances du colonisateur, les Hutus majoritaires à près de 85%
s'emparèrent du pouvoir en 1959, non sans massacrer quelques
milliers de Tutsi, provoquant ainsi une première vague de départs.
Ce phénomène s'amplifia au cours des années suivantes, notamment à
la suite des massacres inter-ethniques de 1963, 1966 et 1973.

Lorsqu'il devint Président consécutivement à un coup
d'Etat en 1973, le Général HABYARIMANA mis fin aux excés les plus
criants du régime KAYIBANDA. Mais si les persécutions à l'encontre
des Tutsi restés au pays cessèrent ou presque, le nouveau
dirigeant ne remit pas en cause la confiscation du pouvoir par les
Hutu. Au contraire, promoteur d'une "politique d'équilibre
ethnique et régionale" fondée sur un système de quotas il a figé
voire accentué les clivages ethniques, claniques et régionaux.
Aux divisions entre Hutu et Tutsi sont venues se superposer les divisions entre Bakiga (Hutus du Nord) et Banyanduga (Hutus du Sud),
puis au sein des Bakiga, entre Bashiru (Hutu de Gisenyi et de
Ruhengeri, au Nord-Ouest) et Hutu du Nord-Est. L'armée, la haute
administration et les entreprises publiques sont ainsi presque
complètement contrôlées par des Hutu originaires des préfectures
de Gisenyi (région natale du Président), Ruhengeri (région natale
de l'épouse du Président) et Byumba. Les conditions étaient donc
réunies pour que l'action armée du FPR à la frontière nord trouve
en écho l'absence de consensus à l'intérieur des frontières du
pays.

III. UN PROCESSUS D'OUVERTURE ET DE DEMOCRATISATION PORTEUR
D'ESPOIR

Depuis le 1er octobre 1990, le résident HABYARIMANA a
pris plusieurs mesures allant dans le sens de l'ouverture et de la
démocratisation. Une nouvelle Constitution mettant fin au régime
de parti unique a été promulguée le 10 juin 1991 et la loi du
1er juillet 1991 a consacré l'avènement du multipartisme. Surtout,
en vertu d'un accord conclu entre le pouvoir et l'opposition le
13 mars 1992, le Président HABYARIMANA s'est résolu le 2 avril
dernier à nommer au poste de Premier ministre le candidat que lui
proposait le principal parti d'opposition, le Mouvement
Démocratique Républicain (MDR). Ce parti, qui se veut l'héritier
du MDR-PARMEHUTU (Parti pour l'Emancipation des Hutus de l'ex-
Président KAYIBANDA), rassemble les déçus de la révolution de 1973
qui a porté Juvenal HABYARIMANA au pouvoir. Il est
particulièrement bien implanté dans le Sud du pays et se présente
comme la principale alternative au MRND (Mouvement Républicain
National pour la Démocratie et le Développement), ancien parti
unique. Le MDR a conclu une alliance avec le Parti Libéral (PL),
qui regroupe surtout des industriels et des commerçants et qui
passe pour avoir parmi ses membres des personnalités proches du
FPR, et avec le Parti Social Démocrate (PSD), parti de cadres
actif en milieu urbain.

Ces trois organisations ainsi que le Parti Démocrate Chrétien (PDC), proche du MRND, participent, aux cùôtés du MRND, gouvernement qu'est parvenu à former le nouveau Premier ministre M. DISMAS NSENGIYAREMYE.

IV. LES NEGOCIATIONS DE PAIX

Le nouveau gouvernement, qui s'est fixé pour priorité de
restaurer durablement la paix et de favoriser la réconciliation
nationale, a pu entamer à Arusha en Tanzanie un dialogue direct
avec le Front Patriotique Rwandais, qui s'est concrétisé par la
signature le 12 juillet 1992 d'un accord de cessez-le-feu, la
conclusion le 18 août d'un protocole d'accord relatif à l'Etat de
droit, puis les 30 octobre 1992 et 3 janvier 1993 de protocoles
relatifs à la période de transition transférant la majorité des
pouvoirs du Chef de l'Etat à un gouvernement à base élargie dont
la répartition implique que le Président et son parti n'ont plus
de prise sur la période de transition.

Les négociations devaient reprendre le 25 janvier sur la
formation d'une armée nationale avec intégration d'éléments du FPR
et le problème des réfugiés.

Les résultats des négociations d'Arusha et les
concessions faites au FPR, ainsi que le fait que la Coalition pour
la Défense de la République (CDR, parti extrémiste Hutu affilié au
MRND) ait été écartée du pouvoir pendant la période de transition
ont provoqué des tensions politiques très fortes qui se sont
transformées en massacres ethniques dans le Nord-Est du pays.

Ces massacres ont donné un prétexte au FPR pour rompre
le cessez-le-feu par une offensive généralisée lancée le 8 février
qui lui a permis d'avancer jusqu'à quelque 25 Km de Kigali.

Ce n'est qu'après la réunion de Dar Es Salam du 5 au
7 mars entre une délégation rwandaise dirigée par le Premier
ministre et le FPR représenté par son président qu'un accord a pu
se faire sur un cessez-le-feu pour le 9 mars à minuit et la
reprise des négociations d'Arusha le 15 mars.

La mise en oeuvre du cessez-le-feu se fait selon des
modalités qui lui lie le retrait des forces françaises présentes
au Rwanda.

V. LA FRANCE AU RWANDA

Après l'attaque organisée le 1er octobre 1990 par des
éléments armés en provenance de l'Ouganda, une intervention
militaire française coordonnée avec celle de la Belgique a été
lancée pour assurer la sécurité des ressortissants expatriés.

Cette action a eu un effet dissuasif sur la rébellion.
En outre, s'agissant d'une attaque extérieure menée par des hommes
qui faisaient partie de l'armée d'un pays voisin et qui risquait
de compromettre la stabilité de toute la région des Grands Lacs
la France a été amenée à s'engager et à décider de maintenir...
présence militaire visant à assurer la sécurité de nos
ressortissants (dont les effectifs ont varié en fonction de la
situation et des risques encourus) et d'apporter un soutien
indirect à l'armée rwandaise.

La présence des militaires français rassure les
populations et c'est également grâce à cet élément protecteur que
nombre d'expatriés peuvent continuer à assumer leurs tâches
indispensables à l'économie du pays. Elle reçoit d'ailleurs
l'assentiment des partis de l'opposition intérieure.

Le détachement NOROIT s'est en outre avéré un instrument
efficace dans le domaine humanitaire que ce soit pour la
distribution d'aide alimentaire ou dans le domaine médical.



Parallèlement, il a été clairement indiqué aux autorités
rwandaises que notre soutien ne pouvait avoir d'autre objectif que
de favoriser la paix et la réconciliation. Nos efforts ont visé à
encourager le Rwanda à engager un processus de démocratisatio et
à négocier avec le FPR.

Face à la gravité de la situation et ä la nécessité de
parvenir à un réglement politique, la France appuie l'action
engagée par le Rwanda auprès du Conseil de Sécurité des Nations
Unies qui vise à favoriser le cessez-le-feu et le rétablissement
de la paix et de la sécurité dans la région.

La coopération civile française a subi pour sa part
certaines entraves liées à la guerre et à l'insécurité. Elle
s'exerce principalement dans l'agriculture, la santé et
l'éducation et a atteint 192 MFF en 1992 avec environ 70
coopérants.

Catherine BOIVINEAU

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