Fiche du document numéro 32389

Num
32389
Date
Lundi 15 mai 2023
Amj
Taille
513331
Titre
RD-Congo : recrudescence du sentiment anti-Tutsis
Sous titre
Analyse. Des Congolais associés aux Tutsis sont victimes d’agressions répétées dans l’est de la RD-Congo. Plusieurs observateurs s’en inquiètent, dans un contexte préélectoral et de violence armée généralisée dans le Kivu.
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M23
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des véhicules de l'ONU incendiés, à Goma, en RD-Congo, le 1er novembre 2022. Moses Sawasawa/AP

Depuis plusieurs mois, le discours anti-Tutsis reprend de la vigueur dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), dans les régions limitrophes du Rwanda. Selon plusieurs observateurs, ce climat empreint d’hostilité est lié à la renaissance du M23, cette rébellion réputée majoritairement Tutsie, accusée d’être soutenue par Kigali et l’Ouganda, et qui occupe illégalement une partie de cette région.

Parmi les lanceurs d’alertes, l’ONG Human Rights Watch (HRW). Dans une note parue la semaine dernière, elle écrit : « Les parties au conflit font de plus en plus appel aux loyautés ethniques, suscitant une vague de discriminations à l’encontre des Banyamulenges (Congolais d’origine tutsie de la province du Sud-Kivu, NDLR) et des communautés tutsies, que beaucoup au Congo considèrent comme des partisans du M23. »

Les machettes sont de retour



Chercheuse de l’organisation pour la RDC, Carine Dikiefu Banona a documenté les agressions subies par les citoyens identifiés comme Tutsis lorsqu’ils se font enregistrer pour obtenir leur carte d’électeur en vue de la présidentielle de décembre 2023. « À Goma, Bukavu, Nyangezi et Uvira, dans l’est du Congo, des groupes de jeunes ont menacé et passé à tabac des Banyamulenges et leur ont temporairement refusé l’accès aux centres d’enrôlement en raison de leur ethnicité », précise-t-elle. Leurs agresseurs sont les « Wazalendo », nom donné aux groupes de jeunes mobilisés pour défendre leurs localités contre les groupes armés au Sud-Kivu.

Pour Me Bernard Maingain, l’avocat belge mandaté par la communauté des Banyamulenges et des Tutsis du Nord-Kivu pour les défendre juridiquement, « les discours de haine et les machettes sont de retour dans le Kivu ». Dans ces discours, précise-t-il, les Tutsis congolais sont présentés comme des envahisseurs venus du Rwanda pour chasser les autochtones de leurs terres. Ils seraient la cinquième colonne du projet expansionniste attribué à Kigali, dont le M23 est la branche armée.

Vigilance du Mémorial de la Shoah



Alarmé par cette situation, le Mémorial de la Shoah s’est mobilisé le 25 avril à Paris pour la faire connaître. « Depuis quelque temps, nous assistons au surgissement d’un discours de haine anti-Tutsis dans l’est du Congo. Derrière le M23, l’une des multiples rébellions qui écument cette partie de la RDC, d’aucuns prétendent déceler les manifestations du péril tutsi. Il rappelle par trop celui qui a prévalu au Rwanda avant et pendant le génocide des Tutsis en 1994 », a-t-il été expliqué à cette rencontre à laquelle participaient, entre autres, Me Maingain, une rescapée des persécutions anti-Tutsis en RDC et l’historien Marcel Kabanda, président d’Ibuka France (association représentant les victimes du génocide de 1994).

Au nom de cette rhétorique, environ un million de Tutsis ont été exterminés au printemps 1994 par la majorité hutue du Rwanda. Or, l’idéologie du génocide contre les Tutsis – un « nazisme tropical », selon la formule de l’historien Jean-Pierre Chrétien – s’est diffusée dans l’est de la RDC avec l’arrivée d’une partie des réfugiés rwandais hutus à l’été 1994. Une région qui, depuis, n’a jamais été « dénazifiée », ont souligné les intervenants. La rébellion armée créée par les génocidaires Hutus, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), est ainsi toujours active dans le Kivu, ciblant les Tutsis congolais et se préparant à reconquérir le pouvoir au Rwanda.

Au cours de cette rencontre ont été diffusées des images des violences anti-Tutsis récoltées et authentifiées par l’équipe de Me Maingain ces onze derniers mois : attaques sur les troupeaux de vaches (les Tutsis sont plutôt des pasteurs), chasse au faciès, distribution de machettes, bandes de jeunes qui chantent à Goma des airs des génocidaires de 1994, bergers égorgés et même une scène d’anthropophagie. En novembre, selon un rapport préliminaire de l’ONU, la rébellion du M23 aurait de son côté tué au moins 131 Congolais dans deux villages voisins.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024