Fiche du document numéro 32144

Num
32144
Date
Mercredi 8 juillet 1998
Amj
Auteur
Taille
0
Titre
Audition de M. Marcel Causse, ambassadeur au Burundi (6 février 1990-17 février 1993)
Nom cité
Source
MIP
Fonds d'archives
MIP
Extrait de
MIP, Auditions
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition de M. Marcel CAUSSE
Ambassadeur au Burundi (6 février 1990-17 février 1993)
(séance du 8 juillet 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
Le Président Paul Quilès a accueilli M. Marcel Causse,
Ambassadeur de France au Burundi de 1990 à février 1993. Il a souhaité que
M. Marcel Causse expose à la mission d’information comment il avait vécu,
du Burundi, l’évolution de la situation au Rwanda durant la période où il
était en poste et quelles répercussions les événements qui survenaient au
Rwanda ou au Burundi pouvaient avoir chaque fois sur l’autre des deux
pays.
M. Marcel Causse a d’abord exposé que lorsqu’il avait pris ses
fonctions au Burundi, le 6 février 1990, le Major Pierre Buyoya présidait aux
destinées du pays depuis deux ans et demi. Il a ajouté que le traumatisme
subi par les populations à la suite des massacres ethniques d’août 1988 était
encore très vivace et précisé qu’au Burundi comme au Rwanda voisin, toute
la vie politique était conditionnée par la lutte que se livrent depuis des
décennies les deux composantes de la population, les Hutus et les Tutsis.
Il a indiqué que la répartition entre les deux ethnies était la même
dans chacun des deux pays, les Hutus représentant près de 80 % de la
population et les Tutsis un peu moins de 20 %, et que, au Burundi comme au
Rwanda, ces ethnies ne se distinguaient l’une de l’autre ni par le territoire, ni
par la langue, ni par la religion, ni par des coutumes particulières. Il a fait
observer cependant qu’au Burundi, contrairement au Rwanda, il y avait
longtemps que toute référence à une origine ethnique avait disparu des cartes
d’identité et autres documents administratifs et que, à l’époque, c’était
l’ethnie minoritaire tutsie qui y était au pouvoir et qui y constituait et
dirigeait l’armée. C’étaient donc les Hutus qui, dans les périodes de tension,
étaient victimes de la soldatesque tutsie.
Il a exposé que les excès commis lors des massacres de 1988,
quelques mois après la prise du pouvoir par le Major Buyoya, avaient décidé
celui-ci à tenter de changer le cours des choses, et ce, d’abord en prônant
l’unité nationale. Dès le 4 octobre 1988, il mettait en place une commission
consultative sur l’unité nationale. La charte de cette commission qui affirme,
entre autres choses, la suprématie des droits de l’homme au Burundi, fut
adoptée par plus de 89 % des suffrages exprimés, lors d’un référendum
populaire, le 5 février 1991. M. Marcel Causse a estimé que cette charte et la
campagne d’explication qui l’a entourée, si elle n’avait pas empêché le
renouvellement d’incidents interethniques graves, comme en novembre 1991
ou en avril 1992, avait cependant largement contribué à une évolution
favorable des esprits.
Il a précisé que, bien qu’il ait été porté au pouvoir par l’armée, le
Major Buyoya avait eu pour deuxième objectif d’éliminer progressivement
tous ses représentants des instances politiques. Ce processus avait été achevé
avec l’acceptation, le 9 mars 1992, d’une nouvelle constitution, interdisant
toute activité politique aux militaires. M. Marcel Causse a indiqué que,
parallèlement, une action était menée contre l’omnipotence des Tutsis au sein
de l’armée. Tous les ans pendant cette période, on a pu constater une
augmentation du nombre des élèves officiers d’ethnie hutue, ceux-ci
constituant un tiers de la promotion en 1993.
Il a ajouté que la même politique d’ouverture fut menée en ce qui
concerne l’accès aux fonctions gouvernementales. D’octobre 1988 jusqu’au
changement de régime en 1993, tous les gouvernements furent dirigés par un
Hutu, M. Adrien Sibomana. De plus, alors que dans un premier temps, la
participation des deux ethnies était égalitaire, dès le 2 avril 1992 les Hutus
devinrent majoritaires avec quatorze ministres contre dix Tutsis.
M. Marcel Causse a exposé que si les Occidentaux considéraient
que cette évolution devait rapidement aboutir à une démocratisation totale
assortie du multipartisme, le Major Buyoya, homme éclairé s’il en était,
semblait néanmoins souhaiter que le processus soit plus évolutif. Cependant,
sur la pression de la France, notamment après le discours de La Baule, il
avait fini par se résoudre à accélérer la démocratisation. En mai 1990, il
annonçait dans son programme de réformes la préparation d’une
constitution. Celle-ci fut approuvée par référendum le 9 mars 1992, par
90,23 % des électeurs inscrits, et proclamée le 13 mars. La première
conséquence fut l’instauration du multipartisme. L’UPRONA perdit son
statut de parti unique. Sept autres formations apparurent dont la principale,
le FRODEBU, devint rapidement le parti des Hutus, et le principal adversaire
de l’UPRONA. Des élections à tous les échelons eurent lieu ensuite et virent
la victoire des Hutus. M. Marcel Causse a fait remarquer que si l’on avait pu
constater, à cette occasion que, pour les Burundais, l’intérêt de l’ethnie
passait avant celui de la Nation, le Major Buyoya avait cependant obtenu
34 % des voix aux élections présidentielles, ce qui signifie qu’un nombre de
Hutus représentant environ 14 % du corps électoral avait, malgré tout, voté
pour lui.
M. Marcel Causse a alors analysé les relations entre le Burundi et le
Rwanda. Il a considéré que c’est certainement avec le Rwanda que le
Burundi a entretenu les pires relations de voisinage alors que ces deux pays
présentent les mêmes caractéristiques de dimension et de composition
ethnique.
Il a estimé que l’origine de ces tensions tenait sans doute au fait que
le pouvoir dans chacun des deux pays était alors dans les mains d’une ethnie
différente, chacune ayant contraint à l’exil dans l’autre pays des milliers de
réfugiés.
Il a ajouté que, si les Rwandais tutsis réfugiés au Burundi n’avaient
pas beaucoup interféré dans les relations bilatérales, il n’en était pas de même
des Burundais hutus réfugiés au Rwanda. Ceux-ci, parqués nombreux dans
des camps du HCR proches de la frontière, ont servi de base de recrutement
au PALIPEHUTU, parti d’opposition au régime burundais, prônant la
violence et donc interdit au Burundi, mais soutenu par le Gouvernement du
Président Habyarimana, et installé au Rwanda.
Il a précisé que, pour sa part, le Président Habyarimana, lors de
l’attaque du FPR, en octobre 1990, avait accusé le Burundi d’apporter une
aide importante aux rebelles tutsis venus d’Ouganda, et avait même réussi à
en convaincre le Gouvernement français. Il a ajouté qu’il avait lu-imême dû,
dans les jours qui avaient suivi cette attaque, effectuer, en tant
qu’Ambassadeur de France au Burundi, deux démarches successives auprès
du Major Buyoya pour le mettre en garde contre une telle assistance, mais
que le Président du Burundi avait toujours proclamé sa neutralité dans ce
conflit. Il s’est déclaré persuadé de la sincérité de celui-ci, faisant remarquer
que malgré les sentiments favorables de l’élite tutsie burundaise à l’égard du
FPR, et son rejet profond de la personnalité du Président Habyarimana, le
Major Buyoya avait toujours fait preuve de la plus grande prudence dans ses
relations avec le régime alors en place à Kigali.
Il a enfin expliqué que la présence militaire française au Rwanda
faisait l’unanimité contre elle au Burundi, même si ses interlocuteurs officiels
ne l’avaient jamais ouvertement critiquée.
Le Président Paul Quilès a alors demandé à M. Marcel Causse s’il
pouvait préciser les caractéristiques de la communauté des réfugiés tutsis
rwandais au Burundi, forte de 300 000 personnes en 1990 selon ses
informations, et notamment s’il s’agissait d’une communauté intégrée,
quelles relations elle entretenait avec les Tutsis du Burundi, et si elle
souhaitait rester dans ce pays ou revenir au Rwanda.
M. Marcel Causse a répondu que les réfugiés tutsis rwandais
n’étaient pas, pour la plupart, parqués dans des camps de réfugiés comme
c’était le cas des réfugiés hutus burundais au Rwanda mais qu’ils étaient
assez intégrés dans la population -il y avait par exemple des mariages entre
Burundais et réfugiés rwandais- et même dans l’administration burundaise où
beaucoup de fonctionnaires, voire de chefs de service, étaient des réfugiés
rwandais. Il a ajouté que lui-même, à l’ambassade, avait parmi son personnel
de nombreux réfugiés tutsis rwandais et que lorsque les Tutsis avaient repris
le pouvoir au Rwanda, si certains étaient partis pour ce dernier pays, d’autres
avaient préféré rester.
Il a précisé qu’il n’avait jamais entendu parler d’interférences
importantes dans la vie publique burundaise de ces Rwandais.
A une question complémentaire du Président Paul Quilès,
M. Marcel Causse a répondu que durant les trois années qu’il avait passées
au Burundi, il n’avait jamais remarqué d’influence spécifique de ces réfugiés,
et ajouté qu’on ne pouvait pas les distinguer du reste de la population dans la
mesure où ils étaient en tout point semblables aux Burundais.
A une nouvelle question du Président Paul Quilès sur l’opinion du
Gouvernement burundais sur l’influence de la France auprès du Président
rwandais, M. Marcel Causse a répondu que les Burundais devaient
supposer que cette influence était importante et pacificatrice puisque, à
plusieurs reprises, le Président Buyoya lui avait demandé de transmettre des
messages au Gouvernement français afin qu’il intercède auprès du Chef de
l’Etat rwandais pour qu’il contienne la violence de la radio rwandaise, qui
jetait de l’huile sur le feu tous les jours, et du PALIPEHUTU.
Il a ajouté que ce jugement avait changé lorsque l’armée française
était intervenue au Rwanda. Il a précisé que si ses interlocuteurs officiels
n’avaient jamais critiqué la présence de l’armée française, le bruit courait au
Burundi que les militaires français intervenaient directement auprès de
l’armée rwandaise dans les combats contre le FPR. En privé ses
interlocuteurs plus familiers, des proches du Gouvernement, tutsis ou hutus,
avec qui il entretenait des relations amicales, condamnaient assez fermement
l’intervention de l’armée française.
Revenant sur les mauvaises relations qui existaient entre le Burundi
et le Rwanda et auxquelles il supposait que devaient correspondre de
mauvaises relations entre le Président Buyoya et le Président Habyarimana,
M. Bernard Cazeneuve a demandé à M. Marcel Causse s’il expliquait cette
situation plutôt par des raisons ethniques, le Président Buyoya, Tutsi, voyant
avec beaucoup de méfiance et de ressentiment la politique de ségrégation
ethnique du Président Habyarimana, ou plutôt pour des motifs politiques le
Président Buyoya s’étant engagé dans une politique de démocratisation que
le Président Habyarimana n’avait, au contraire, mise en oeuvre qu’avec
retard.
M. Marcel Causse a répondu qu’on ne pouvait pas nier l’influence
ethnique dans ce qui était sans doute plus que de l’incompréhension entre les
deux Présidents.
Il a ajouté que l’animosité contre le Président Habyarimana était
répandue dans l’ensemble de la population burundaise. Il a précisé que la
politique de ce dernier était généralement mal perçue au Burundi, en
particulier par les Hutus proches du Gouvernement. Avant même l’attaque
du FPR, elle était ressentie comme une politique de clan plus que d’ethnie, la
façon dont le Président Habyarimana favorisait, à l’intérieur de l’ethnie
hutue, son clan familial étant fortement critiquée.
M. Bernard Cazeneuve lui demandant si l’exercice de la politique
était différent au Burundi, M. Marcel Causse a répondu que, pour lui, le
Président Buyoya était l’homme providentiel de ce pays, un homme ayant le
sens de l’Etat et qui essayait de donner à son peuple le sens de la Nation et
de l’éloigner petit à petit des rivalités ethniques. Il a estimé que, s’il était
resté au pouvoir, on n’aurait pas connu les massacres qui ont été perpétrés
après son départ.
Il a ajouté qu’il n’avait jamais entendu parler à son sujet, après qu’il
eut quitté le pouvoir ou depuis qu’il l’a repris, d’accumulation de fortune
personnelle ou de prévarications et a conclu qu’à son avis il s’agissait d’un
homme de grandes qualités morales.
M. Pierre Brana a alors évoqué la rencontre qui avait été organisée
entre le Président Buyoya et la direction du PALIPEHUTU à Paris, en
octobre 1991, en marge du sommet de la francophonie et qui avait été
ajournée du fait qu’avait éclaté au Burundi une série d’attaques contre des
installations militaires et contre des civils tutsis. Il a demandé à ce propos à
M. Marcel Causse comment il expliquait que le PALIPEHUTU ait pu en
même temps accepter de rencontrer le Major Buyoya et soutenir des attaques
sur le terrain destinées à torpiller la rencontre qu’il avait acceptée, et si cette
offensive était due à un double jeu de sa part ou à l’action d’une frange
extrémiste hutue.
M. Marcel Causse a répondu qu’il se souvenait bien que la visite
officielle à Paris du Président Buyoya qu’il accompagnait, avait été écourtée
et que la délégation burundaise avait repris l’avion en catastrophe deux ou
trois jours avant la date prévue, mais qu’il lui semblait qu’on avait accusé à
l’époque non pas le PALIPEHUTU, mais plutôt des Tutsis extrémistes.
M. Pierre Brana lui a répondu que nombre de chercheurs,
notamment M. Filip Reyntjens et M. Jean-Pierre Chrétien, estimaient au
contraire que cette série d’attaques était l’oeuvre du PALIPEHUTU.
Il lui a ensuite demandé s’il pensait que le Président Habyarimana
avait une influence sur les Hutus du Burundi.
M. Marcel Causse a répondu qu’il pouvait au moins l’exercer
grâce à la Radio des Mille Collines, qui était bien captée et très écoutée au
Burundi. Il a indiqué à ce propos que le Président Buyoya avait fait
demander au Président François Mitterrand d’intervenir auprès du Président
Habyarimana pour faire cesser les attaques virulentes de cette radio, qui était
également très écoutée par les Hutus burundais réfugiés au Rwanda.
En réponse à une question du Président Paul Quilès, il a ajouté
que pendant qu’il était en poste, il n’avait pas entendu parler d’une radio
extrémiste hutue au Burundi.
M. Pierre Brana a alors demandé à M. Marcel Causse s’il pensait
que le Major Buyoya avait la volonté de développer progressivement la
démocratie malgré le clivage ethnique et, eu égard notamment au nombre de
Hutus qui avaient voté pour lui lors de l’élection présidentielle, s’il y avait
une chance que le Burundi parvienne dans un délai raisonnable à dépasser ce
clivage.
M. Marcel Causse a répondu qu’il ne fallait pas précipiter les
choses, d’autant que la nouvelle période de massacres que le Burundi venait
de traverser avait provoqué l’inversion de l’ensemble du processus qu’avait
petit à petit mis en place le Président Buyoya, jusqu’à revenir peut-être même
en deçà de son point de départ.
Le Président Paul Quilès, remarquant que le Président Buyoya
était revenu au pouvoir grâce à un coup d’Etat et non pas à des élections,
M. Marcel Causse a précisé que, comme la première fois, ce n’était pas le
Major Buyoya qui avait agi mais l’armée qui, après avoir repris le pouvoir, le
lui avait confié. Il a ajouté, à l’appui de cette analyse, qu’il y avait
certainement dans l’armée burundaise des officiers supérieurs pleins
d’ambition et que, si ceux-ci n’avaient pas estimé que le Major Buyoya était
l’homme de la situation, ils auraient sûrement pris eux-mêmes le pouvoir
plutôt que de le lui confier.
Après que le Président Paul Quilès et M. Bernard Cazeneuve se
furent montrés dubitatifs devant cette interprétation, M. Pierre Brana a
demandé quelle était la proportion de Hutus dans l’armée burundaise.
M. Marcel Causse a répondu que, tous les ans, il y avait des
concours d’entrée à l’école d’officiers et que la promotion 1993 était
composée pour un tiers de jeunes officiers hutus, ce qui constituait un grand
progrès. Il a ajouté que, le concours ne comportant aucun quota, rien ne
s’opposait en principe à ce que toute la promotion soit hutue. Cependant, les
jeunes Tutsis étant élevés dans des familles aisées où la culture est d’un accès
plus facile, leurs chances de succès étaient plus grandes, la différence de
situation entre les deux ethnies s’apparentant à celle que l’on peut observer
entre les classes sociales en France ou en Europe.
Répondant ensuite à une question de M. Pierre Brana sur les
conditions d’un dépassement des clivages ethniques au Burundi, M. Marcel
Causse a considéré que, pour peu qu’on laisse au Président Buyoya le temps
nécessaire, ce qui supposait aussi qu’il ne connaisse pas le sort de ses
prédécesseurs, une évolution positive était tout à fait envisageable et cela en
une seule génération.
Evoquant alors une affaire survenue en avril 1989, avant la
nomination de M. Marcel Causse comme Ambassadeur au Burundi
-l’expulsion du Burundi de ressortissants libyens au motif qu’ils étaient les
hommes de l’ancien Président Bagaza-, M. Pierre Brana lui a demandé si ce
problème de présence libyenne avait connu des suites.
M. Marcel Causse a répondu qu’il n’en avait eu aucune et que
d’ailleurs l’importance qu’avait pris alors la présence de la Libye au Burundi
s’expliquait mal.
Soulignant que le Rwanda et le Burundi connaissaient les mêmes
conditions géographiques, économiques et démographiques -même
répartition ethnique, même absence d’industrie ou de richesses minières
susceptibles d’absorber le surplus de population-, M. Bernard Cazeneuve
s’est demandé comment une situation analogue avait pu aboutir à une telle
tension et à de tels massacres au Rwanda, tandis qu’au Burundi, malgré les
difficultés, les affrontements n’avaient pas pris cette ampleur.
M. Marcel Causse a répondu que cette différence était peut-être
due aux personnalités des deux chefs d’Etat, l’un ayant su gouverner avec
prudence et beaucoup de lucidité tandis qu’en favorisant peut-être
excessivement son clan, l’autre avait encouru l’hostilité non seulement des
Tutsis, mais aussi d’une grande partie des Hutus.
Il a ajouté qu’au Burundi les difficultés étaient purement internes,
l’assassinat du Président Ndadaye ayant été le fait de Tutsis burundais tandis
qu’au Rwanda l’armée du FPR, composée de Tutsis vivant en Ouganda
depuis une, voire deux générations, et maîtrisant désormais, outre le
kinyarwanda, l’anglais et non plus le français, pouvait presque apparaître
comme une force étrangère.
Il a néanmoins précisé que le Burundi, où les massacres de 1993
avaient fait entre 50 000 et 100 000 morts, qui s’ajoutaient aux 100 000 ou
200 000 morts des massacres de 1972, apparaissait comme un pays meurtri
et que la sérénité politique y serait longue à rétablir.
Le Président Paul Quilès a alors demandé si la Communauté
économique des pays des Grands Lacs, dont le Burundi assurait la présidence
en 1990, avait pu constituer un cadre approprié pour régler les problèmes
politiques et économiques des réfugiés Tutsis qui se posaient dans toute la
région.
M. Marcel Causse a répondu que la Communauté économique des
pays des Grands Lacs ne constituait certainement pas une structure
appropriée pour régler ce type de difficultés, la preuve étant qu’elle n’avait
eu aucune efficacité en ce domaine.
Il a ajouté en revanche qu’elle avait certainement favorisé les
échanges, les contacts, le dialogue, non seulement entre les chefs d’Etat mais
aussi entre leurs ministres.
Le Président Paul Quilès lui demandant s’il avait souvenir de ce
qui s’était passé lors de la réunion tenue en février 1993, à Bujumbura, entre
l’opposition au Président Habyarimana et le FPR, sous la présidence de
MM. Twagiramungu et Kanyarengwe, M. Marcel Causse a répondu que,
s’il y avait des réfugiés éminemment politiques au Burundi, l’un d’entre eux
ayant même été reçu par le Directeur des Affaires africaines et malgaches,
M. Michel Lévêque, lors de la visite au Burundi du Ministre Jacques
Pelletier, il n’y avait pas pour autant de relations entre le FPR rwandais et les
autorités burundaises.
Il a ajouté qu’en revanche, dès la constitution d’un gouvernement
rwandais plus ouvert, comportant des Hutus de l’opposition, les relations
entre le Burundi et le Rwanda s’étaient améliorées : il y avait eu des contacts
entre les ministres, ce qui n’avait pas eu lieu parfois depuis des mois, voire
des années, et même entre les autorités administratives de chaque côté de la
frontière.
Il a précisé, à la demande de M. Pierre Brana, que la frontière
entre les deux pays était très perméable, n’étant faite que de collines et
comportant de nombreuses zones boisées.

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