Sa prise de parole était très scrutée. Emmanuel Macron, en visite à Kinshasa samedi 4 mars, n’a pas clairement condamné le Rwanda, mais lancé de fermes mises en garde à Kigali. La République démocratique du Congo (RDC) accuse le Rwanda de soutenir le groupe rebelle M23, contre lequel il se bat dans l’est du pays. Kigali nie cependant tout soutien à ce groupe.
Le président de la République, qui s’exprimait aux côtés de son homologue congolais, Félix Tshisekedi, s’est toutefois refusé à toute «
escalade de tribune » sur ce sujet sensible. L’ancien Zaïre n’est pas une ancienne colonie française, mais la perception du soutien de Paris au Rwanda voisin est regardée de près par Kinshasa, où des manifestations hostiles à la France ont eu lieu ces derniers jours.
Sur le plan humanitaire, Emmanuel Macron a annoncé lors de cette conférence de presse le déblocage de 34 millions d’euros pour venir en aide aux populations touchées par les conséquences de la rébellion, qui s’ajoutent à une enveloppe de 47 millions de l’Union européenne. La Commission européenne a, pour sa part, annoncé la mise en place d’un «
pont aérien humanitaire » vers Goma.
« La RDC ne doit pas être un butin de guerre »
«
La France a constamment condamné le M23 », a fait savoir M. Macron à propos des rebelles présents dans l’est de la RDC. «
Que chacun prenne ses responsabilités, y compris le Rwanda », a-t-il ajouté. Le président français a insisté sur le respect de l’actuel plan visant à mettre fin aux violences dans l’est de la République démocratique du Congo, affirmant que des sanctions seraient prises contre ceux qui ne le respectent pas : «
Ceux qui feront obstacle au plan de paix (…) savent à quoi ils s’exposent, y compris à des sanctions. »
«
Ce que nous attendons du Rwanda et des autres [acteurs], c’est de s’engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs, et s’ils ne [les] respectent pas, alors oui, il peut y avoir des sanctions, je le dis très clairement », a expliqué Emmanuel Macron.
Le chef de l’Etat français a émis le souhait que le cessez-le-feu attendu pour mardi prochain dans le cadre du processus engagé sous l’égide de l’Angola, où il s’est rendu vendredi, soit respecté. «
La République démocratique du Congo ne doit pas être un butin de guerre. Le pillage à ciel ouvert de la République démocratique du Congo doit cesser : ni pillage, ni balkanisation, ni guerre », a-t-il dit, répétant le soutien de la France à «
l’intégrité territoriale et [à] la souveraineté » du pays.
«
Je reste dubitatif quant à la bonne foi de ceux qui nous ont agressés », a déclaré de son côté le président de la RDC, Félix Tshisekedi. Et d’ajouter : «
La question est de savoir si le Rwanda peut se passer de ce pillage systématique de la RDC qui date d’une vingtaine de d’années. Si c’est le cas, cela se vérifiera à travers ce processus. »
M. Macron pour la mise en place d’une commission d’historiens
La France et le Rwanda se sont rapprochés après qu’Emmanuel Macron a reconnu en 2021 les responsabilités de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, mais le président français a toujours nié favoriser Kigali. Emmanuel Macron s’est par ailleurs joint à la RDC, aux Nations Unies et à d’autres pays pour dénoncer le soutien apporté par le Rwanda au groupe M23.
Interrogé sur le rôle de la France dans l’histoire récente de cette région du monde, Emmanuel Macron s’est dit favorable à la mise en place d’une commission d’historiens «
qui puisse assigner les responsabilités des uns et des autres ». «
Je suis pour la vérité, toute la vérité, je ne suis pas pour prendre tous les fardeaux », a-t-il dit.
«
Depuis 1994, vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté (…). Il ne faut pas chercher des responsabilités à l’extérieur », a-t-il déclaré, invitant ainsi Kinshasa à faire en sorte que les responsables des atrocités soient traduits devant la justice.
Le Monde avec AFP et Reuters