Traduction
Cher Monsieur Senn,
J'ai trouvé votre lettre du 12 mars hier matin lorsque je suis arrivé ici quelques jours plus tard que prévu en raison de l'arrivée retardée du navire à Mombasa. Votre lettre est à l'image de toute votre activité dans ce pays : claire, reconnaissante et disant l'essentiel, impitoyable et authentique. Durant ces semaines pas faciles, où il était important pour moi de montrer au Président la réalité sans aller jusqu'à la rupture à cause de maladresse de langage, vous avez été d'une aide précieuse. Car nous voulions et disions la même chose et rendre crédible notre sympathie pour ce pays, l'influence raisonnable suisse - ou dirons-nous mesurée - s'est accrue. Vous avez fait plus que quiconque pour la présence de la Suisse au Rwanda.
Je n'ai pas encore parlé au président, je lui ait écrit une lettre avant mon départ le 6 mars, dans laquelle je le priais à nouveau de renoncer à la publication du soi-disant "Livre blanc" et de son message. Comme je l'apprends, ce pamphlet a été imprimé, même - apparemment - avec quelques modifications que je ne peux pas juger car je n'ait pas encore vu le texte définitif.
Ce comportement montre un entêtement que j'ai remarqué à d'autres occasions. Les hommes d'État sont souvent comme ça, mais ce n'est pas tout à fait pareil quand c'est de Gaulle qui se complaît dans ce rôle. Je suis déterminé à prendre publiquement mes distances avec Kayibanda s'il y a une nouvelle polémique dans la presse, mais alors, une visite de l'ambassadeur Lindt serait nécessaire, qui devrait expliquer au président avec le poids de notre gouvernement quelle est la situation . Il est maintenant absolument nécessaire qu'il prenne certaines mesures et sorte de sa hutte africaine à l'air frais. Je n'arrêterai pas de le demander. On peut le faire d'autant plus qu'une période de calme extérieur s'est installée et qu'il faut prendre le temps de remettre en ordre et de reconstituer ses troupes avant que de nouvelles difficultés ne surgissent.
Tous les points que vous mentionnez dans votre lettre, je vais les aborder sans donner l'impression que je me suis entendu avec vous. J'ai demandé à Tulpin, d'organiser une entrevue discrète avec le vice-président de la Cour d'Appel, il décrit l'homme comme irréprochable, droit et intelligent. Votre retour me paraît indispensable, tant que les circonstances ne sont pas complètement normalisées. On parle encore à nouveau d'invasion récente au Bugesera. D'ici il est difficile de distinguer le vrai du faux. Un homme du CICR et spécialement quelqu'un de votre prestige et de votre intégrité inébranlable compte tenu du comportement répressif du gouvernement est à la fois indispensable pour l'opinion internationale comme pour le Rwanda lui-même. Comme je vous l'ai déjà dit, vous seriez aussi la personne toute indiquée, à mon avis, pour remettre "l'Action Humanitaire" sur la bonne voie. Personne d'autre ne sait exactement où et qui a besoin d'aide. Pensez-vous que c'est le comité tripartite dont vous parlez qui devrait mener l'« Action Humanitaire » ? Ou serait-ce une sorte de Conseil pour tout le problème des réfugiés ? Cependant, vous ne devriez pas en être absent, tellement tout le pays est affectée. A côté de vous, on pourrait penser à Vianney, un représentant l'"Eglise protestante presbytérienne" et à un représentant du ministère de l'Intérieur ou du ministère des Affaires sociales. Les commissions tripartites dans les préfectures seraient alors des organes exécutifs, en tant qu'auxiliaires des organisations internationales chargées de l'action.
Il m'est arrivé de rencontrer Cuénod et Jamieson à Kampala. Schnyder m'a envoyé une longue lettre et un télégramme. Il ne veut pas venir lui-même car son adjoint, le prince Sadruddin, était déjà ici en septembre. Cependant, un représentant, Cuénod ou Jamieson, doit être désigné comme expert-réfugiés pour la prochaine mission de Dorsinville en avril. A Genève, il faut contrer la "malhonnêteté intellectuelle" (déclaration d'un ambassadeur à Usumbura), selon laquelle les réfugiés dans les camps ont un comportement irréprochable, car cette déformation de la vérité nuit à la réputation du HCR et le fait suspecter de prendre parti. Jamieson m'a semblé plus réaliste et sérieux cette fois. Personne ne lui demande de s'impliquer dans les affaires politiques, mais il n'a pas non plus le droit de dire des choses qui ne sont pas vraies, d'embellir la façade du HCR à New York.
J'espère vivement que vous rencontrerez Lindt dès que possible. Vous trouverez la confirmation de ce que j'ai dit à son sujet. Pour lui il sera particulièrement important d'entendre votre jugement sur la situation. La presse suisse continue de polémiquer sur le nombre de morts. J'ai été heurté de voir dans un journal bâlois que les déclarations de Vuillemin étaient mises en doute et le chiffre de 2-3000 était évoqué. Plus j'y pense, plus j'estime que ce chiffre est justifié si l'on considère les opérations militaires ou paramilitaires dans le Bugesera et ignore les civils tués à la frontière ougandaise. Mais avec ceux-ci, vous ne pouvez pas dépasser 5000. C'est aussi la ferme conviction de Tulpin. L'ambassadeur d'Allemagne m'a récemment dit qu'on lui avait demandé d'aider les Orphelins dans une mission et après une semaine quand il est venu avec l'aide, pour ainsi dire, ils étaient introuvables, car les parents entre-temps était réapparu. Les sœurs lui ont également dit qu'une grande quantité de matériel que l'on croyait volé avaient été ramené par des voisins. Les faits sont juste très différents et ne sont pas les clichés que décrit le professeur Vuillemin. C'est juste déprimant pour moi, que, compte tenu de cette situation beaucoup plus favorable, le gouvernement ne peut se résoudre à dire un mot énergique. Veuillez discuter également avec Lindt de la lettre que Kayibanda lui a adressé. Je pense qu'une publication - de préférence des extraits - serait très utile. Le mieux serait un récit de notre gouvernement lui-même, basé sur cette lettre et en particulier sur votre rapport. D'ailleurs, le CICR va-t-il lui-même publier quelque chose ?
Je serais très heureux à l'occasion de recevoir un rapport de votre part, très bref bien sûr, pour ne pas vous surcharger. Et j'ai hâte de vous revoir ici très bientôt Cordialement et merci pour votre aide et votre soutien.
PS Monsieur Boilod vient de m'informer que le "Jeûne fédéral", avait mis un montant de CHF 200'000 à disposition pour la construction de l'Ecole Normale non confessionnelle à Kigali, mais l'affaire a été reportée sine die. Il s'agit clairement de l'œuvre de Vuillemin, dont le père est un théologien protestant. Ne pourriez-vous pas appeler le beau-père de Boilod, M. Ramseyer à Neuchâtel, et le pasteur Javet aussi à N. ? Vous seriez certainement remerciés de leur donner des informations de première main.
Citation
Dr. H.K. Frey. V
Kigali, den 17. März 1964
Herrn G,C, Senn,
Delegierter des Internationalen Komitees
vom Roten Kreuz,
c/o Herrn Bundesrichter Dr. WS Schönenberger,
53 Béthusy,
Lausanne
Sehr geehrter lieber Herr Senn,
Ich habe Ihren Brief vom 12, März gestern Morgen vorgefunden, als ich - wegen der vergögerten Ankunft des Schiffes in Mombasa - um einige Tage später als vorgesehen hier eintraf. Ihr Brief ist wie Ihre ganze Tätigkeit in diesem Lande: klar, das Wesentliche erkennend und sagend, schonungslos und echt.
In diesen nicht einfachen Wochen, wo es für mich darum ging, dem Präsidenten die Realität vor Augen zu führen, ohne es wegen Stilfehler zum Bruch kommen zu lassen, waren Sie mir eine unschätzbare Hilfe. Dadurch dass wir das gleiche wollten und sagten und unsere Sympathie für dieses Land glaubhaft machten, hat sich der schweizerische - oder sagen wir es vermessen - vernünftige Einflues verstärkt. Sie haben damit für die Präsens der Schweiz in Rwanda mehr getan als irgend jemand sonst.
Den Präsidenten habe ich noch nicht gesprochen, Ich schrieb ihm kurs vor meiner Abreise am 6, März noch einen Brief, in dem ich ihn nochmals bat, von der Publikation des sogenannten "Livre blanc” und seines Message's abzusehen. Wie ich höre, wurde das Pamphlet nun doch gedruckt, wenn auch - offenbar - mit paar Abänderungen, die ich nicht beurteilen kann, da ich den definitiven Text noch nicht gesehen habe.
Es zeigt sich in diesem Verhalten eine Starrköpfigkeit, die mir schon bei anderer Gelegenheit aufgefallen ist. Staatsmänner haben dies ja häufig an sich, aber es ist nicht ganz das gleiche, wenn sich de Gaulle in dieser Rolle gefällt. Ich bin fest entschlossen, mich öffentlich von Kayibanda zu distansieren, wenn es zu einer neuen Pressepolemik kommt, Dann wäre allerdings ein Besuch von Botschafter Lindt fällig, der dem Präsidenten mit dem Gewicht unserer Regierung klarmachen müsste, wie die Lage ist. Es ist nun unbedingt nötig, dass er gewisse Massnahmen trifft und den Schritt aus seiner afrikanischen Hütte in die frische Luft wegt. Ich werde nicht aufhören, dies zu verlangen. Man kann dies umso mehr tun, als nun eine Periode der äusseren Ruhe eingetreten ist und er die Zeit nutsen sollte, seine Truppen zu sichten und zu retablieren, bevor neue Schwierigkeiten kommen.
Alle Punkte, die Sie in Ihrem Brief erwähnen, werde ich
zur Sprache bringen, ohne den Anschein einer Absprache mit Ihnen
zu geben. Ich habe Tulpin gebeten, unauffällig eine Entrevue
mit dem Visepräsidenten de la Cour d’Appel herbeizuführen, Er
bezeichnet den Mann als tadellos, integer und gescheit, Ihre
Rückkehr scheint mir unerlässlich, solenge die Verhältnisse nicht
völlig normalisiert sind. Man hört immer wieder von Uebergriff...
dodis.ch/31354
neuerdings im Bugesera. Von hier aus ist es schwer zu beurteilen,
was Wahrheit und Legende ist, Ein Mann des IKRK und besonders
jemand mit Ihrem Prestige und Ihrer unerschrockenen Lauterkeit
ist angesichts der verdrückten Haltung der Regierung sowohl für
die internationale Meinung als auch für Rwanda selbst unentbehrlich.
Wie ich Ihnen schon sagte, wären Sie m.E, auch der gegebene Mann,
um die "Action humanitaire” auf die richtige Piste zu setzen, Niemand sonst weiss so genau, wo und wem geholfen werden muss. Sind
Sie der Meinung, dass das Dreierkomitee, von dem Sie sprechen,
die "Action humanitaire” durchführen sollte? Oder wäre dies eine
Art Conseil für das gesamte Flüchtlingsproblem? Wie auch immer,
sollten Sie in diesem Gremium nicht fehlen, soweit das ganze Land
betroffen ist. Neben Ihnen könnte man an Vianney, einen Vertreter
der "Eglise protestande presbyterienne" und an einen Vertreter
des Innen- oder Sozialministeriums denken, Die Dreierkomitees in
den Präfekturen wären dann ausführende Organe, als Helfer der mit
der Aktion betrauten internationalen Organisation.
Ich habe in Kampala zufällig Cuénod und Jamieson getroffen. Schnyder hat mir einen Langen Brief und ein Telegramm geschickt, Er wiLl nicht selber kommen, da sein Stellvertreter Prinz Sadruddin erst im September hier war. Der nächsten Mission Dorsinville im April soll aber ein Vertreter, Cuénod oder Jamieson, als Flüchtlingsexperte beigeordnet werden, Man muss in Genf der "malhonnêteté intellectuelle" (Ausspruch eines Botschafters in Usumbura), wonach die Flüchtlinge in den Lagern sich tadellos verhalten, entgegenwirken, da diese Umbiegung der Wahrheit dem Ansehen des HCR schadet und ihn der Parteilichkeit verdächtig macht. Jamieson schien mir diesen Mal realistischer und seriöser. Niemand verlangt, dass er sich in die politischen Probleme einmischt, aber er darf auch nicht - um die Fassade des HCR gegenüber New York zu verschönern - Dinge sagen, die nicht stimmen.
Sehr hoffe ich, dass Sie möglichst bald Lindt treffen.
Sie werden bestätigt finden, was ich von ihm sagte. Für ihn wird
es vor allem wichtig sein, Ihr Urteil über die Lage zu hören.
Immer noch wird in der Schweizerpresse über die Todeszahlen polemisiert, In einer Basler Zeitung wurde ich angegriffen, weil ich
die Behauptungen von Vuillemin in Zweifel gezogen und die Zahl
2-3000 genannt hatte. Je länger ich darüber nachdenke, desto mehr
halte ich diese Ziffer für gerechtfertigt, wenn man die in den
militärischen oder paramilitärischen Operationen im Bugesera und
an der Uganda-Grenze umgebrachten Zivilpersonen ausseracht lässt.
Mit diesen kommt man aber keineswegs über 5000. Dies ist auch die
feste Ueberzeugung von Tulpin. Der deutsche Botschafter erzählte
mir letzthin, dass er um Hilfe für Orphelins in eine Mission angesucht worden sei und nach einer Woche, als er mit der Hilfe kam,
sozusagen keine mehr vorfand, weil die Eltern in der Zwisdhenzeit
wieder aufgetaucht waren. Auch sagten ihm die Schwestern, dass
sehr viel Material, das als gestohlen gegolten hatte, von den
braven Nachbarn wieder zurückgebracht worden sei. Die Tatbestände
sind eben sehr vielfältig und nicht so clicheehaft, wie Herr Professor Vuillemin dies darstellt, Es ist für mich nur depirmierend,
dass angesichts dieser wesentlich günstigeren Lage die Regierung
sich nicht zu einen mannhaften Wort entschliessen kann. Besprechen
Sie bitte mit Lindt auch Kayibanda's Brief an ihn. Ich fände eine
Publikation - am besten aussugsweise - sehr nützlich. Das allerbeste wäre eine Darstellung unserer Regierung selbst, gestützt auf
dienen Brief und insbesondere auf Ihren Bericht.
dodis.ch/31354
Wird übrigens
das IKRK selber etwas publisieren?
Ich würde mich sehr freuen, gelegentlich einen Bericht
von Ihnen zu erhalten, ganz kurz natürlich, um Sie nicht zu
belasten. Und dann freue ich mich darauf, Sie recht bald hier
wiederzusehen,
Mit herzlichen Grüssen und vielen Dank für Ihre grosse
Hilfe und Unterstützung,
P.S. Herr Boilod teilt mir soeben mit, dass der "Jeûne fédéral",
der für den Bau der "Ecole normale non-confessionnelle”
in Kigali einen Betrag von Fr. 200’000 zur Verfügung stellen
wollte, die Sache auf unbestimmte Zeit verschoben hat.
Dies ist eindeutig Vuillemin’s Werk, dessen Vater ein
protestantischer Theologe ist. Könnten Sie nicht den
Schwiegervater von Boilod, Herrn Ramseyer in Neuchâtel,
sowie Pasteur Javet ebenfalls in N. anrufen? Sie wären
sicher für eine first hand information dankbar.