Fiche du document numéro 31362

Num
31362
Date
Jeudi 23 octobre 2003
Amj
Taille
32047
Sur titre
International
Titre
La mort du journaliste Jean Hélène, tué par un policier à Abidjan, suscite l'indignation en France et en Afrique
Sous titre
Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, a promis une enquête immédiate après le décès, mardi, du reporter de RFI. Cette enquête doit être "indépendante", demande Reporters sans frontières.
Nom cité
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Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
L'assassinat, mardi 21 octobre, de Jean Hélène, correspondant en Côte d'Ivoire de Radio France internationale (RFI), a provoqué tout au long de la journée de mercredi de nombreuses réactions.

En Côte d'Ivoire, le président Laurent Gbagbo a promis, mercredi, l'ouverture immédiate d'une enquête après le meurtre du journaliste français, tué d'une balle dans la tête par un policier devant les locaux de la direction générale de la police à Abidjan. M. Gbagbo a, par ailleurs, réitéré « son engagement à ce que les journalistes puissent accomplir librement et en toute sécurité leur mission d'information partout en Côte d'Ivoire ».

Lors d'une conférence de presse tenue mercredi dans la capitale ivoirienne, le procureur général militaire Ange Kessi a déclaré que Jean Hélène a été tué « de façon volontaire et pas involontairement comme l'a dit le sergent Sery Théodore », l'auteur du coup de feu, lors de son audition. « L'autopsie a démontré que la balle avait transpercé la tempe gauche. C'est un crime extrêmement crapuleux. Le sergent va être poursuivi devant le tribunal militaire et risque au moins vingt ans de prison », a poursuivi M. Kessi, insistant sur le fait que le meurtrier présumé avait « outrepassé les ordres de son chef ».

Il s'est toutefois refusé, à ce stade de l'enquête, à qualifier ce crime d'« assassinat », la préméditation n'ayant pas pour l'instant pu être établie formellement. « C'est un acte isolé que personne, a fortiori ses chefs, ne comprend », a déclaré le commandant Kessi. Le policier, auteur du coup de feu, a commis « un acte abominable, horrible, dont lui seul à ce jour connaît la signification », a-t-il estimé, soulignant qu'une expertise psychiatrique du meurtrier allait être ordonnée prochainement.

Aide de la police française



Selon les premiers éléments de l'enquête, seuls Jean Hélène et le sergent Séry étaient présents sur les lieux du crime, a indiqué le procureur militaire, ajoutant qu'un appel à témoins avait été lancé. M. Kessi a précisé que les enquêteurs ivoiriens avaient officiellement demandé l'aide de la police française dans cette affaire et a assuré que « l'enquête serait bouclée dans les quinze jours ».

La mort de Jean Hélène a provoqué stupeur et indignation en France et sur le continent africain. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a fait part de « sa profonde consternation » et a demandé que « toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce tragique évènement ». De son côté, le président gabonais, Omar Bongo, a rendu hommage aux « hautes qualités humaines » de Jean Hélène, dans un message de condoléances adressé au président de RFI, Jean-Paul Cluzel. Le chef de l'Etat togolais, le général Eyadéma, a condamné « fermement » ce meurtre, qui « endeuille à nouveau la presse en général et RFI en particulier ». « L'Afrique de l'Ouest perd en Jean Hélène, un témoin précieux de ses efforts pour ramener la paix dans la sous-région et pour l'avènement d'une démocratie apaisée sur le continent », a souligné M. Eyadéma. Le président de la République centrafricaine, le premier ministre, le ministre de la communication et les journalistes de la République centrafricaine (RCA) « condamnent sans réserve cet acte barbare qui ne saurait honorer l'Afrique en ce début de 3e millénaire », indiquent-ils dans un communiqué. A Dakar, les journalistes sénégalais qui participaient à une rencontre consacrée aux délits de presse ont observé une minute de silence à la mémoire de Jean Hélène.

En France, RFI a modifié ses programmes, mercredi, et a diffusé de la musique classique en hommage à son correspondant. La radio a aussi décidé d'annuler son « antenne décentralisée » prévue à Dakar du 20 au 25 octobre. M. Cluzel, ainsi que la direction de la rédaction de RFI, se sont rendus mercredi à Abidjan pour tenter de « savoir ce qui s'est passé ». Dans une lettre adressée à M. Cluzel, Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a fait part de « sa vive émotion ».

De son côté, Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), exige une « enquête indépendante »sur les circonstances de ce drame ainsi que « des expertises balistiques ». « Cela fait des mois que Laurent Gbagbo, ainsi que ses prédécesseurs, ont mis à l'index et diabolisé la presse occidentale et particulièrement RFI, a-t-il déclaré au Monde. Il y avait des menaces et c'est dans ce climat que la police a pu passer à l'acte. Gbagbo porte indirectement la responsabilité de ce qui s'est passé. »

Daniel Psenny (avec AFP et Reuters)

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