Fiche du document numéro 30802

Num
30802
Date
Jeudi 29 septembre 2022
Amj
Taille
33136
Titre
Rwanda : Félicien Kabuga, l’argentier du génocide jugé à La Haye
Sous titre
Le procès de Félicien Kabuga, arrêté en France en 2020, débute jeudi 29 septembre à La Haye (Pays-Bas). Ce Rwandais âgé de 87 ans est accusé d’avoir pris une part décisive dans la préparation et l’extermination d’environ un million de Tutsis en 1994.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Il a été l’un des hommes les plus recherchés au monde. Son cas est si hors norme qu’il a même été abordé dans la série documentaire « World’s Most Wanted » sur Netflix. Félicien Kabuga, accusé d’être l’un des principaux responsables du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, est traduit devant le tribunal (1) des Nations unies à La Haye, ce jeudi 29 septembre.

Surnommé « l’argentier du génocide », il aurait « transformé ses propriétés commerciales en terrains d’entraînement pour une milice — les Interahamwe — et fait de la tristement célèbre chaîne Radio Télévision libre des Mille Collines une station de propagande incitant au massacre de civils tutsis », résume l’ONU. « Lorsque l’horrible tuerie a été déclenchée, Félicien Kabuga aurait aussi fourni aux tueurs des centaines de milliers de machettes. »

Pendant le génocide, il aurait rassemblé « des fonds destinés à donner un appui financier et logistique aux Interahamwe pour tuer et porter atteinte à l’intégrité des Tutsis ».

Kabuga était connu de tous



Né en 1935 ans une famille modeste de la préfecture de Byumba, l’ancien propriétaire de la radio Mille Collines a fait fortune dans les plantations de thé, dans l’immobilier et le commerce. Son sens des affaires et son entregent lui ont permis de devenir l’un des personnages clés du clan au pouvoir. En 1993, l’une de ses filles épouse le fils aîné du président Juvénal Habyarimana. Il fut le beau-père d’Augustin Ngirabatware, le ministre au plan du gouvernement génocidaire, dont la condamnation à 30 ans de réclusion a été confirmée en 2019.

« Son nom était connu de tous et il était très craint même s’il était très discret, se souvient Étienne Nsanzimana, président de l’association Ibuka France, âgé de 16 ans en 1994. Pour me rendre au lycée, je passais devant son immeuble à Kigali. Son nom était devenu un adjectif pour désigner celui qui s’enrichit. »

« Il était considéré comme l’homme le plus riche du Rwanda, personne ne l’a oublié au pays », ajoute Delphine, lycéenne en 1994, aujourd’hui fonctionnaire à Paris.

Une cavale de 25 ans



Parmi les rescapés du génocide, le nom de Kabuga est surtout associé aux émissions de la radio Mille collines et aux prêches anti-Tutsis. « Nous les jeunes, nous écoutions tous cette radio qui était comme Skyrock : elle diffusait de la musique très entraînante. Elle était très à la mode, souligne Étienne Nsanzimana. Au début, nous n’arrivions pas à croire les messages de haine qu’elle diffusait contre nous, c’était tellement absurde et loin de ce qu’elle représentait pour nous. Quand on a compris que ce n’était pas une blague, c’était trop tard, l’extermination avait commencé. »

En fuite depuis 1997, Félicien Kabuga faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis 1999, et la justice internationale offrait cinq millions de dollars (4,5 millions d’euros) contre tout renseignement permettant d’aider à sa capture. Arrêté le 16 mai 2020 dans la banlieue de Paris, le voici donc traduit devant la justice internationale.

« Je ne pensais pas qu’il serait un jour jugé, confie à La Croix l’un des témoins appelés à comparaître pendant le procès, il a bénéficié de tellement de complicités pour échapper à nos investigations depuis 1997, pour trouver refuge en France et y vivre si longtemps sans être inquiété que je m’attendais à ce que ce procès soit ajourné et peut-être même annulé pour des raisons de santé : il a tout de même 87 ans. »

De son côté, Félicien Kabuga dément toutes les accusations portées contre lui. Devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, le 26 mai 2020, il avait déclaré : « Tout cela, ce sont des mensonges. Les Tutsis, je les ai aidés dans tout ce que je faisais, dans mes affaires, je leur faisais crédit. Je n’allais pas tuer mes clients. »

(1) Ce tribunal, le Mécanisme, est chargé d’exercer les fonctions qu’assumaient auparavant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et le Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie (TPIY). Le Mécanisme comprend deux Divisions, l’une à Arusha (Tanzanie) et l’autre à La Haye (Pays-Bas).

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024