Sous titre
Des juges d’instruction parisiens ont ordonné un non-lieu général dans l’enquête sur l’inaction reprochée à l’armée française lors des massacres de Bisesero fin juin 1994, pendant le génocide des Tutsi au Rwanda, a appris mercredi l’AFP de sources proches du dossier.
Citation
Dans cette affaire, les associations Survie, Ibuka, FIDH et six rescapés de Bisesero, parties civiles, accusaient l’armée et la France de « complicité de génocide » pour avoir, selon eux, sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l’Ouest du pays, laissant se perpétrer le massacre de centaines d’entre eux par les génocidaires, du 27 au 30 juin 1994.
Dans leur ordonnance datée du 1er septembre, les magistrats estiment que l’instruction, ouverte en 2005, n’a pas établi « la participation directe des forces militaires françaises à des exactions commises dans des camps de réfugiés, ni aucune complicité par aide ou assistance aux forces génocidaires ou complicité par abstention des militaires français sur les collines de Bisesero en l’absence d’intention de ces derniers de faciliter la commission du crime de génocide et des crimes contre l’humanité », a précisé ensuite dans un communiqué la procureure de Paris Laure Beccuau.
Cette décision était prévisible puisqu’aucun des cinq officiers généraux impliqués n’avaient été mis en examen au terme de l’enquête conclue en juillet 2018, une étape pourtant nécessaire avant d’envisager un éventuel procès.
Le parquet avait de fait requis en mai 2021 un non-lieu dans ce dossier sensible, emblématique de la controverse historique sur les objectifs de la mission militaro-humanitaire Turquoise, déployée au Rwanda sous mandat de l’ONU pour faire cesser le génocide des Tutsi.
« Ce non-lieu est parfaitement logique, il était attendu depuis de nombreuses années », a réagi auprès de l’AFP Me Pierre-Olivier Lambert, avocat de trois des officiers généraux.
« L’enquête minutieuse a mis en évidence que les responsables militaires de l’opération Turquoise avaient réalisé leur mission avec humanité, courage et impartialité », a-t-il affirmé, estimant qu’« il était temps que la justice française reconnaisse enfin le caractère irréprochable de la mission » menée par les militaires français au Rwanda en 1994.
« C’est une grande satisfaction pour mon client et pour les autres officiers mis en cause », a déclaré de son côté Me Emmanuel Bidanda, avocat du colonel Jacques Rosier, chef des opérations spéciales présent à Bisesero.
« Au terme d’une instruction en cours depuis 17 ans avec X juges d’instruction qui se sont succédé, nos clients sont hors de cause et l’armée française n’est pas complice ni de génocide ni de crimes contre l’humanité », a-t-il salué.
L’avocat de l’association Survie était injoignable dans l’immédiat pour faire un commentaire.
Selon l’ONU, les massacres ont fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.