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Monsieur le Préfe
t, Mesdames e
t Messieurs,
Il y a 28 ans, le 7 avril 1994, après le
timide accord d’Arusha de l’é
té 93, qui laissai
t encore espérer une solu
tion pour une socié
té marquée dès la fin de la colonisa
tion belge par un régime d’apar
theid, e
t au lendemain de l’a
tten
ta
t con
tre l’avion du présiden
t Habyarimana, débu
tai
t au Rwanda le dernier génocide du XX
ème siècle. En une cen
taine de jours, jusqu’au mois de juille
t, plus d’un million de personnes répu
tées
Tu
tsi – ce qui englobai
t égalemen
t les Hu
tu favorables aux
Tu
tsi – furen
t assassinées dans des condi
tions de cruau
té e
t d’horreur irreprésen
tables. Génocide à la mache
tte, à la massue clou
tée, au fusil, à la grenade, enfermemen
t des hommes, des femmes, des enfan
ts, dans des églises auxquelles on me
ttai
t le feu, corps mu
tilés voués à une in
terminable agonie e
t abandonnés sur des
tas d’immondices ou dans des la
trines, charniers innombrables, viols de masse : « génocide du pauvre », a-
t-on di
t, usan
t de moyens sommaires, mais génocide d’une efficaci
té jamais a
ttein
te. Raul Hilberg, le grand his
torien de la shoah, écrivi
t, peu avan
t sa mor
t en 2007, ceci, dans la dernière édi
tion de son immense livre sur
La destruction des Juifs d’Europe : «
Le désastre des Tutsi s’est déroulé au vu et au su du monde. Aucune crise mondiale n’a éclipsé l’événement. Aucun manque d’avions ou d’hommes n’entravait une riposte. Le défi était lancé. Il n’a pas été relevé. Les juristes du Département d’Etat aux Etats-Unis ont même récusé l’emploi du mot "génocide", de crainte qu’il n’imposât l’obligation de faire quelque chose […] L’histoire s’était répétée. »
Ce son
t là les dernières lignes de son livre, e
t comme l’ul
time conclusion de son œuvre gigan
tesque.
«
L’histoire s’était répétée » proclame donc, désespéré, peu avan
t sa mor
t, Raul Hilberg, don
t le
travail monumen
tal avai
t pour
tan
t eu pour sens e
t perspec
tive d’empêcher jus
temen
t qu’elle se répé
tâ
t. «
Plus jamais ça ! »

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Plus jamais ça ! La naïve mise en garde, aussi bien e
t aussi peu que le
travail savan
t de Hilberg, n’a
tteignen
t leur bu
t, parce que – ce qui es
t peu
t-ê
tre, en un sens, heureux – un génocide ne
trouve aucune place dans le quo
tidien de l’humani
té, parce qu’un génocide défie la représen
ta
tion, parce que par là-même il conserve
toujours en lui une par
t d’exo
tisme. «
A quelques heures d’avion de chez nous » mar
telaien
t cependan
t en 1995 encore, quelque mois après le Rwanda, les médias
tandis que se déroulai
t le massacre de Srebrenica, comme si la proximi
té géographique devai
t ce
tte fois-ci surmon
ter l’exo
tisme e
t perme
ttre d’accéder à l’Irreprésen
table. Pour
tan
t ni l’éloignemen
t géographique, ni aucune au
tre considéra
tion ne son
t des raisons suffisan
tes pour absoudre la conscience de ce qui lui demeure par na
ture inaccessible : un génocide ! Il fau
t dès lors un effor
t excep
tionnel, l’effor
t que consen
t con
tre sa na
ture la mémoire pour garder en
tê
te ce qui ne peu
t y prendre place.
Aujourd’hui dans ce cadre solennel dédié aux cérémonies officielles de la République, nous commémorons donc ce génocide : pour la première fois depuis 1994 ; alors même que la Russie vien
t de déclencher une guerre de
terreur – e
t puisque nous en sommes aux symboles, je voudrais le souligner, ce
tte
terreur a débu
té ce 24 février, jour pour jour 101 ans après la créa
tion en Bavière, le 24 février 1921, de la NSDAP, le par
ti d’Adolf Hi
tler : une guerre de
terreur, à nouveau, qui a d’ores e
t déjà causé un nombre effroyable e
t encore inconnu de mor
ts, e
t fai
t que 10 millions de réfugiés se pressen
t aujourd’hui aux por
tes des démocra
ties.
Prenan
t la parole au nom d’une associa
tion don
t l’obje
t es
t la lu
tte con
tre le racisme, l’an
tisémi
tisme, les crimes con
tre l’humani
té e
t les génocides, devan
t ce monumen
t érigé en 2017, voulu par François Rebsamen e
t les édiles de no
tre ville, e
t dédié «
à la paix, aux victimes des guerres, des crimes contre l’humanité et des génocides », il me semble plus que jamais approprié d’élever la voix pour se souvenir, se souvenir de ce qui fu
t le dernier génocide du XX
ème siècle ; se souvenir, c’es
t-à-dire garder en no
tre cœur e
t en no
tre mémoire, e
t prê
ter une voix à ceux qui à nouveau, aujourd’hui comme hier, n’on
t pas la voix pour faire en
tendre qu’ils n’on
t pas de voix.
En ce
tte cérémonie, se souvenir. En ce
tte cérémonie : ce
t événemen
t où la conscience na
tionale se superpose à la conscience universelle, élargissan
t par là-même, infinimen
t, le champ de l’espérance républicaine.
La Ligue in
terna
tionale con
tre le racisme e
t l’an
tisémi
tisme se
trouve aujourd’hui infinimen
t honorée, Monsieur le Préfe
t, d’avoir pu par
ticiper à ce
tte cérémonie, qui comme
telle es
t inaugurale.
Françoise Tenenbaum, présidente de la Licra Dijon.