Fiche du document numéro 29741

Num
29741
Date
Mardi 28 avril 1998
Amj
Auteur
Taille
51811
Titre
Audition du père Guy Theunis, prêtre au Rwanda de 1975 à avril 1994, membre de la Société des missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Source
MIP
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition du père Guy THEUNIS
Prêtre au Rwanda de 1975 à avril 1994, membre de la Société des
missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)
(séance du 28 avril 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
Le Président Paul Quilès a accueilli le père Guy Theunis, membre de
la Société des Missionnaires d’Afrique, prêtre au Rwanda de 1970 à 1994,
qui a exercé, de 1989 à 1994, diverses activités à Kigali, en particulier dans
le domaine des médias.
Le père Guy Theunis, s’exprimant en son nom personnel, a
souhaité préalablement lever une ambiguïté entretenue par la presse française
en précisant qu’il n’avait jamais été, ni n’était le responsable des
missionnaires Pères Blancs au Rwanda mais que pendant les 23 ans où il y
avait vécu, il avait milité dans divers organismes de défense des droits de
l’homme, dans des mouvements contre la violence et dans divers médias.
En mémoire des nombreuses victimes civiles et militaires du drame
rwandais, qu’elles soient françaises, belges, hutues ou tutsies, il a demandé
que soit observée une minute de silence.
Le père Guy Theunis a précisé que son témoignage était celui d’un
membre de l’Eglise catholique, membre actif de la société civile rwandaise,
responsable de la revue Dialogue de 1989 à 1992 au Rwanda, puis de 1994 à
1995 en Belgique et enfin secrétaire exécutif du projet Reba Video, conçu
pour collaborer avec la télévision rwandaise.
Il a indiqué qu’en sa qualité de fondateur de l’Association rwandaise
pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques (ADL), il
avait été responsable de ses publications et plus particulièrement de deux
rapports successifs sur la situation au Rwanda : le premier, portant sur la
période de septembre 1991 à septembre 1992, fut à l’origine de l’enquête
internationale qui a eu lieu en janvier 1993, le second couvrant la période
d’octobre 1992 à octobre 1993. Il a ensuite souligné qu’il avait eu peu de
contacts au sommet, ni avec les militaires français, malgré les relations
intéressantes qu’il a entretenues avec les deux ambassadeurs de France dont
il a regretté le non-engagement en faveur de la défense des droits de
l’homme. Ayant dû quitter précipitamment le Rwanda le 14 avril 1994, et y
abandonner l’ensemble de sa documentation, il a indiqué que son témoignage

ferait surtout appel à sa mémoire et reprendrait pour partie des éléments déjà
exposés devant la Commission d’enquête du Sénat belge. Il a souhaité se
limiter à quelques points peu connus et à quelques questions, de façon à
livrer à la mission sa vision du déroulement des événements en insistant sur la
place et le rôle de la France.
Reprenant sa déclaration devant le Sénat belge, il a rappelé qu’il
trouvait inadmissible que l’on ait retiré le contingent belge de la MINUAR,
qui disposait de l’infrastructure, de la logistique et des communications de la
force internationale, sans le remplacer par un autre aussi crédible et de même
valeur. C’est pour cette raison qu’il a déclaré avoir honte d’être Belge. Dans
le rapport du Sénat belge, il est précisé qu’une campagne diplomatique a été
conduite pour amener tous les Etats à soutenir la position du Gouvernement
belge. Cette initiative gouvernementale incombe, selon lui, au ministère des
Affaires étrangères belge qui doit en porter l’entière responsabilité. Il a
estimé que si, au lieu de se retirer, la Belgique avait fait appel aux troupes
françaises, américaines et italiennes présentes au Rwanda ou dans des pays
proches du Rwanda, le génocide aurait pu être évité. Il a dit ne pas
comprendre que le FPR n’ait pas explicitement demandé à la Belgique de ne
pas quitter le pays, puisqu’il lui avait demandé de participer au maintien de la
paix.
Il a déclaré que l’appréciation qu’il portait sur la Belgique valait
aussi pour la France car celle-ci, en sa qualité de membre permanent, a pris
part aux décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU du 15 avril qui
constituent selon lui la cause essentielle du génocide.
A son avis, la presse n’a pas suffisamment montré que le mois
d’avril 1994 pouvait être scindé en trois phases distinctes, comme le met en
évidence Mme Alison Des Forges.
D’une part, l’attentat contre l’avion présidentiel le 6 avril n’a pas
déclenché un génocide mais plutôt des massacres politiques et ciblés. Ce sont
des ministres, le Président de la Cour suprême, des membres de l’opposition
qui ont été tués dans les premières heures et les premiers jours au cours
desquels certains d’entre eux étaient nommément recherchés.
D’autre part, la décision du Gouvernement belge du 11 avril de
retirer ses militaires et la constitution du gouvernement intérimaire ont eu
pour effet de modifier le comportement de la frange hutue des partis
d’opposition (MDR, PL, PSR). En effet, ces personnes sont alors sorties de
leurs cachettes pour prêter main forte aux miliciens, aux Interahamwe du
MRND et aux membres de la CDR, ce qui a constitué le début des massacres
de Tutsis en tant que Tutsis.

Enfin, le débat de l’ONU du 15 avril marque véritablement le début
du génocide avec les massacres perpétrés les 16 et 17 avril à Gitarama,
préfecture qui avait été épargnée jusque là, et à Butare, dans le sud, où les
miliciens du nord ont pénétré le 19 avril et tué les autorités locales pour les
remplacer par des extrémistes.
Le père Guy Theunis s’est déclaré convaincu que, jusqu’au 15 avril,
il aurait été possible d’empêcher le génocide. Il a estimé que le retrait des
Casques bleus avait, d’une part, laissé libre cours à la participation populaire
aux massacres et avait, d’autre part, favorisé leur extension à l’ensemble du
pays. Il a également insisté sur la responsabilité incombant aux pays
occidentaux dans la suite des événements qui se sont déroulés au Rwanda.
Il a ensuite exprimé son sentiment sur l’opération Turquoise.
Admettant ne pas connaître l’ensemble des motivations ayant conduit à son
déclenchement, il a noté qu’elle correspondait à l’appel lancé par le père
Henri Blanchard sur une chaîne télévisée française et a souligné que cette
action positive avait permis de sauver non seulement des milliers de vies
tutsies mais aussi des dizaines de milliers de victimes potentielles. En effet, le
risque était grand que ces populations, voulant se réfugier au Burundi, n’y
déclenchent encore d’autres massacres. 200 000 personnes sont parties au
Burundi alors qu’il y en aurait eu bien davantage si l’opération Turquoise
n’avait pas eu lieu.
La présence des troupes françaises a aussi empêché que l’APR, qui
avait déjà éliminé des milliers de personnes dans les régions dont elle avait
pris le contrôle, se livre à de nouveaux massacres dans la zone de sécurité qui
avait été créée. En permettant à de très nombreux Rwandais de ne plus avoir
à fuir, l’opération Turquoise a épargné la vie de plusieurs milliers de
personnes dans la zone des préfectures de Gikongoro, Kibuye et Cyangugu.
Même s’il y a eu des massacres à Kibeho et dans les camps de réfugiés du
Zaïre, dans la région de Bukavu, il y aurait eu encore bien davantage de
victimes si toutes les populations avaient quitté le pays.
Face à ces drames, il a déploré l’absence de politique commune des
pays européens, estimant que si la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne
et la Belgique avaient, depuis 1990, coordonné leurs actions, le génocide
aurait été évité. Si certains prônaient, à raison, la réconciliation et le dialogue
dans le cadre de la négociation des accords d’Arusha, d’autres au contraire,
en s’appuyant sur des diplomaties parallèles et secrètes, ont permis aux
divisions internes de se développer.

Après avoir rappelé qu’il était attaché à rechercher toute la vérité, le
père Guy Theunis a souhaité faire part à la mission de ses nombreuses
interrogations afin, selon lui, d’éclairer le drame rwandais.
Pour mieux comprendre les causes des massacres, il a déclaré qu’il
convenait non seulement de faire la lumière sur l’origine des missiles ayant
abattu l’avion présidentiel, mais aussi sur les nombreux trafics ayant permis la
création de dépôts d’armes à Goma et Gisenyi. Un Belge, d’origine
burundaise, Mathias Hitimana, et un Français, dont l’identité n’a pas été
établie, se seraient livrés à ces trafics et un rapport établi par Human Rights
Watch fait également état de l’implication de la France dans les livraisons
d’armes au Rwanda.
Il convient aussi de comprendre pourquoi les Adjudants-Chefs René
Maier et Alain Didot, et son épouse, ont été assassinés par le FPR le matin
du 8 avril. Ces meurtres de deux gendarmes du GIGN ayant pour mission de
surveiller les communications est d’autant plus troublant qu’il se situe
chronologiquement à un moment où le FPR n’exécutait que des victimes
figurant sur des listes préétablies. Avec qui ces personnes avaient-elles des
contacts et de qui dépendaient-elles puisqu’elles ne faisaient pas partie du
DAMI ? Se pose aussi la question du suicide à l’Elysée de M. François de
Grossouvre, Conseiller du Président de la République, qui était en relation
avec un personnage clé et fumeux : le Capitaine Paul Barril.
Reprenant ses déclarations faites devant la Commission d’enquête
du Sénat belge, le père Guy Theunis a indiqué qu’il avait été établi que dix
soldats belges avaient été tués à Kigali le 6 avril. Or, le Général Romeo
Dallaire et le Général Ndindiliyimana se sont rendus à la morgue de Kigali où
ce dernier a affirmé avoir recensé onze corps de Blancs. Qui était cette
onzième victime ? Comment se fait-il que les autorités belges aient fait
pratiquer les autopsies de seize corps à Nairobi le 10 avril 1994 et non à
Bruxelles et n’aient révélé la nationalité que de quatorze d’entre elles :
dix Belges, deux Marocains, un Portugais et un Zimbabwéen. Que sont
devenues les dépouilles des deux autres victimes et quelles étaient leurs
identités ?
Un certain Jean-Pierre, qui savait beaucoup de choses, qui a joué un
rôle d’informateur au mois de janvier 1994 et qui demandait l’asile politique
dans un pays occidental, a-t-il eu des contacts avec l’ambassade de France ?
Comment se fait-il que la France, patrie des droits de l’homme,
conviée à la conférence de presse organisée par l’ambassadeur belge après les
tortures infligées dans les locaux de la présidence au journaliste Boniface
Ntawuyirushintege, n’ait pas été représentée alors que de nombreuses

ambassades y avaient dépêché des représentants, même si, il est vrai, des
organisations françaises ont apporté leur soutien à cette démarche.
Comment expliquer la présence de militaires français, dont Pascal
Estrevada, en mars et avril 1994 à Kigali alors que la France avait retiré son
contingent ?
Enfin, quelles sont les raisons qui ont empêché la France de
conduire une enquête sur l’attentat commis contre l’avion présidentiel alors
que le Général Romeo Dallaire et le gouvernement intérimaire, accueilli à
Paris à l’époque, en avaient officiellement fait la demande et proposé que la
France prenne la présidence de la Commission qui en serait chargée, comme
en témoigne deux lettres dont la mission peut avoir communication.
Le père Guy Theunis a terminé en citant les propos que lui aurait
tenus l’Ambassadeur de France, M. Georges Martres : “ je ne comprend pas,
je reçois des ordres de l’Elysée, de Matignon, d’ailleurs parfois
contradictoires, et je ne sais pas lesquels je dois suivre. ”
Après avoir relevé que la mission entendait des témoignages pour
s’informer et qu’elle ne répondrait donc pas aux questions posées mais au
contraire les relaierait et les poserait elle-même, le Président Paul Quilès,
notant que le père Theunis avait été très discret sur le rôle de l’Eglise
catholique au Rwanda, lui a demandé s’il pouvait caractériser l’attitude de
cette dernière à l’égard des violations des droits de l’homme et indiquer si
cette question avait été évoquée lors des visites du pape en septembre 1990
et du cardinal Etchegaray en mai 1993.
Rappelant que le pape avait déclaré en 1996 que, si des
représentants de l’Eglise avaient failli en 1994, ils devaient être punis, il a
souhaité savoir à quelles personnalités ecclésiastiques il était ainsi fait
allusion.
Le père Guy Theunis a apporté les éléments de réponse suivants :
— lors du recensement de 1991, près de 90 % des Rwandais se sont
déclarés chrétiens, soit 62 % catholiques, 18 % protestants et 8 %
adventistes. Par ailleurs, depuis l’époque coloniale, l’Eglise catholique est
une puissance au Rwanda, une sorte d’Etat dans l’Etat. Cependant l’Eglise,
ce sont d’abord les Rwandais eux-mêmes et ceux-ci n’ont pas forcément
toujours agi selon la foi. Si des milliers de chrétiens rwandais, dont certains
ont agi au nom de leur foi et l’ont dit, en ont défendu d’autres et ont parfois
été eux-mêmes tués pour cela, d’autres Rwandais chrétiens ont tué ;
cependant ils n’ont alors pas agi comme chrétiens mais comme Rwandais

hutus ou tutsis. Le rôle de l’Eglise est un rôle d’évangélisation, c’est une
conscience morale au sein de la société civile et sa contribution a été
importante dans ce domaine : c’est largement grâce à l’intervention
d’évêques, notamment le Président de la conférence épiscopale Thaddée
Nsengiyumva et de responsables protestants dans le cadre du comité qu’ils
avaient fondé ensemble que les accords d’Arusha ont pu être conclus ; ce
sont eux qui ont mis le Président Habyarimana et les responsables du FPR
autour de la même table. L’Eglise catholique a donc le plus souvent été un
moteur de pacification. Cependant, les responsables de l’Eglise rwandaise
sont également Hutus ou Tutsis. Certains d’entre eux ont été incapables de
transcender leur situation particulière, comme l’Evêque de Kigali, Vincent
Nsengiyumva, resté toujours très proche du Président Habyarimana et qui
avait accepté d’être membre du comité central du MRND, responsable de la
commission sociale, même s’il a démissionné en 1985 sous la pression
populaire et dans la perspective d’une visite du Pape au Rwanda.
Le père Guy Theunis a renvoyé, pour de plus amples
développements sur l’implication de l’Eglise catholique, à l’article qu’il avait
écrit en 1994 dans l’ouvrage Les crises politiques au Burundi et au Rwanda,
publié sous la direction d’André Guichaoua.
Il a souligné que, lors de la visite du pape en 1990, le problème clé
était celui des réfugiés, le comité du MRND ayant refusé leur retour en 1986.
Le pape a posé la question dès son arrivée. Une commission avait été mise en
place et un début de solution a été trouvé en octobre 1990. Il n’est pas
impossible que l’invasion de 1990 ait été décidée pour empêcher la mise en
oeuvre d’une solution politique de la question des réfugiés.
Par ailleurs, le pape, s’il a joué son rôle, n’a qu’une autorité morale
et ne dispose pas de force de coercition. Aussi cette autorité ne peut être
forte que si l’opinion publique vient l’appuyer ; en revanche, elle reste faible
lorsque tel n’est pas le cas.
M. Roland Blum, revenant sur le rôle de l’Eglise catholique au
Rwanda et mentionnant les critiques de l’abbé Sibomana, accusant cette
dernière d’avoir contribué aux violations des droits de l’homme, a demandé
des précisions sur ce point et s’est enquis des positions prises par le cardinal
Etchegaray lors de sa visite au Rwanda.
Rappelant qu’il avait suivi le voyage du cardinal Etchegaray de près,
étant responsable de la partie de son organisation concernant les médias, le
père Guy Theunis a apporté les éléments de réponse suivants :

— le cardinal Etchegaray est la première personnalité politique à
avoir voulu rencontrer, lors de sa visite au Rwanda, à la fois les responsables
du pays et ceux du FPR. Il a reçu un excellent accueil dans les régions tenues
par le FPR et il a tenu le même langage des deux côtés, ce qui a établi sa
crédibilité au service de la modération et de la paix ;
— l’abbé Sibomana -on peut se reporter à son livre Gardons espoir
pour le Rwanda- n’a pas accusé l’Eglise catholique comme telle. En
revanche, il a eu des difficultés avec certains membres de l’Eglise tel que
l’archevêque de Kigali qui, mis par l’abbé Sibomana lui-même devant des
documents significatifs, n’a pas hésité à les déchirer plutôt que de devoir en
tenir compte. Responsable éminent de l’ADL, l’abbé Sibomana a refusé de
rencontrer le Président Habyarimana en compagnie de l’archevêque, dénoncé
avec courage et au péril de sa vie les dérives, tant sous le régime
Habyarimana que sous celui du FPR, et s’est avéré très fiable en montrant ses
capacités à distinguer au sein de l’Eglise les personnalités porteuses de paix
et d’avenir et celles qui envenimaient la situation.
S’étonnant également que le père Guy Theunis n’ait pas évoqué le
rôle de l’Eglise catholique dans sa déclaration liminaire, M. François Loncle
a souhaité évoquer non seulement le rôle de la hiérarchie catholique
rwandaise mais aussi celui de la hiérarchie catholique non originaire du
Rwanda. Il a mentionné l’archevêque André Perraudin, Suisse et évêque de
Kabgayi de 1956 à 1989, résidant actuellement dans le Valais, près de Sion,
dont il a estimé qu’il pouvait être intéressant pour la mission de l’entendre, et
fait état de la manière partisane dont celui-ci avait opposé les ethnies l’une à
l’autre, certains allant jusqu’à dire qu’il avait accompagné le processus
conduisant au génocide. Il a également cité les évêques français au Rwanda
qui, entre 1922 et 1945, avaient théorisé la supériorité des Tutsis sur les
Hutus. Il en a conclu que des responsables de l’Eglise catholique, dont Mgr
André Perraudin, avaient eu au Rwanda un rôle contestable et négatif, y
compris au moment du génocide.
M. Bernard Cazeneuve a cité le mandement de Carême de Mgr
Perraudin du 11 février 1959 : “ Constatons tout d’abord qu’il y a
réellement au Rwanda plusieurs races assez nettement caractérisées, bien
que des alliances entre elles aient eu lieu et ne permettent pas de dire
toujours à quelle race tel individu appartient. Cette diversité de races dans
un même pays est un fait normal contre lequel d’ailleurs nous ne pouvons
rien ”. Il a ensuite demandé si le fatalisme de ce discours n’aboutissait pas à
authentifier le fait ethnique et n’avait pas pu alimenter les dérives évoquées
par M. François Loncle.

Il a également cité un article, paru le 18 avril 1994 dans le Journal
de Genève, présentant l’attitude de Mgr Perraudin quelques jours après le
début du génocide : “ Condamner et comprendre. Le prélat valaisan
condamne vivement les massacres perpétrés ces derniers jours par des
extrémistes hutus, ces massacres qui ont déjà coûté la vie à plus de
vingt prêtres, la plupart de l’ethnie tutsie. Mais s’il condamne, il ajoute : je
les condamne, mais j’essaie de comprendre. Ils agissent par colère et par
peur, par colère contre le meurtre de leur Président, Juvénal Habyarimana,
le 6 avril dernier et par peur de retomber dans l’esclavage ”. Il a demandé
au père Guy Theunis quelle était sa position vis-à-vis de cette déclaration et,
notant qu’il n’y était pas fait mention du génocide ni de massacres, à quel
moment l’Eglise catholique avait officiellement dénoncé le génocide.
Enfin, en ce qui concerne le rôle de la presse d’obédience catholique
au Rwanda, M. Bernard Cazeneuve a évoqué le journal Kinyamateka créé en
1933 et très lié à la conférence des évêques catholiques qui, à partir de 1987,
s’est montré très critique vis-à-vis du régime du Président Habyarimana.
Citant un éditorial du père Guy Theunis paru dans la revue Dialogue, parlant
de “ confirmer des signes positifs avant la dénonciation ” et rappelant que
le numéro du vingtième anniversaire de Dialogue avait publié un message
très laudatif du Président Habyarimana, il a demandé quelles étaient les
positions respectives de Dialogue et de Kinyamateka et quel était le sens
précis de l’expression “ confirmer des signes positifs avant la
dénonciation ”.
Après avoir estimé que M. François Loncle était très mal informé,
ce qui a entraîné de vigoureuses dénégations de celui-ci, qui a rappelé qu’il
citait des témoins rwandais, le père Guy Theunis a apporté les réponses
suivantes :
— en posant la question du fait ethnique dans son mandement de
Carême, Mgr Perraudin avait simplement rappelé une situation objective : les
livres montrent que le problème ethnique existait déjà lors de l’arrivée des
Pères Blancs au Rwanda dès le début du XXème siècle et que, si l’évêque
français Mgr Classe avait appuyé, à tort sans doute, la systématisation par les
Allemands et les Belges, d’un régime en fait beaucoup plus complexe, c’est
le pouvoir politique allemand puis belge qui était responsable de cette
simplification sociale et de cette systématisation et non pas l’Eglise
catholique, même si celle-ci avait ainsi soutenu le pouvoir en place ;
— s’agissant de l’article du Journal de Genève, seul Mgr Perraudin
pourrait préciser le sens de ses propos et c’est à lui qu’il faudrait le
demander ;

— la première autorité politique d’envergure qui ait parlé du
génocide, c’est le pape Jean-Paul II. En effet, la revue Dialogue, reprenant
l’Osservatore Romano du 3 mai 1994 relate ainsi les propos tenus par le
pape : “ Rappelons que lors de l’audience générale du 27 avril 1994, le
pape consterné a appelé les fidèles à une prière fervente pour le Rwanda
martyrisé en ces termes : "Très inquiet, je vous invite à une prière intense et
fervente pour le Rwanda. La tragédie de ces populations semble ne jamais
vouloir s’arrêter : barbarie, vengeance, tueries, sang innocent versé,
partout l’horreur et la mort. J’invite ceux qui détiennent les responsabilités
à une action généreuse et efficace pour que cesse ce génocide." ”
En conséquence, l’Eglise catholique, par la voix de son plus haut
représentant, a reconnu cette réalité l’une des premières, avant, par exemple,
M. Alain Juppé, qui n’a pourtant pas tardé, et ce d’autant plus vite qu’on ne
pouvait pas encore parler de génocide dans les premiers jours qui ont suivi
l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana.
— Kinyamateka et Dialogue travaillaient ensemble et avaient la
même ligne éditoriale, dénonçant les limites du régime du Président
Habyarimana. Les deux revues étaient d’ailleurs installées dans le même
bâtiment, l’abbé Sibomana et le père Theunis lui-même étant l’un président,
l’autre trésorier de l’Association des journalistes du Rwanda. Le Président
Habyarimana avait du reste fini par demander l’expulsion du père Theunis du
pays en raison des positions qu’il défendait, ce que certains semblent avoir
oublié, si jamais même ils l’ont su.
Le Président Paul Quilès a souligné que c’est en raison de son
expérience que le père Guy Theunis était aujourd’hui entendu par la mission
d’information.
M. Pierre Brana a insisté sur le fait que le génocide rwandais
devait représenter une plaie vive au coeur de l’Eglise catholique car la
population était christianisée à plus de 90 %. Il a demandé à quelle date a
commencé ce que l’on pourrait appeler une certaine fascisation sous la forme
d’une propagande raciste anti-tutsie, si on avait une idée du moment à partir
duquel a commencé la planification du génocide et s’il était plausible
d’imaginer que deux millions de Rwandais aient participé à un crime de sang.
M. Pierre Brana a également demandé au père Guy Theunis quelle
signification il attachait à l’existence d’un onzième corps en plus de ceux des
dix soldats belges et pourquoi il avait autant insisté sur le rôle de
l’informateur Jean-Pierre.

Le père Guy Theunis a tout d’abord demandé que les députés
veuillent bien l’excuser d’avoir parfois réagi trop fortement à leurs remarques
mais il est vrai que le Rwanda demeure une plaie vive. Il a présenté le
Rwanda comme un pays où la population se dit plus chrétienne qu’elle ne
l’est. Mais on retrouve ailleurs en Afrique centrale, au Burundi, en Ouganda,
à l’est du Zaïre, une proportion de chrétiens similaire à celle du Rwanda. Au
Rwanda, les Pères Blancs sont arrivés en même temps que les Allemands et
jusqu’au départ de ces derniers en 1916, les Pères Blancs étaient plus
nombreux qu’eux dans le pays. Les écoles, les centres de santé et de
développement, les foyers sociaux étaient entre les mains de l’Eglise
catholique gérés par elle. Cette situation a continué avec les Belges.
Le père Guy Theunis a rappelé que le Mouvement révolutionnaire
national pour le développement (MRND) avait été fondé le 5 juillet 1975 et
que dès 1976, certaines personnalités ont émis des doutes sur sa nature. Il
faut toutefois attendre 1980 pour que les premières difficultés apparaissent
avec la diffusion de certains tracts et l’emprisonnement de M. Théoneste
Lizinde. Le processus de fascisation est fondé sur un système de parti unique
qui conduit à un régime politique militarisé, un de ces régimes que les
Occidentaux se plaisent parfois à favoriser au détriment de la démocratie.
Le père Guy Theunis a nié qu’il y ait eu une propagande anti-tutsie
organisée par le pouvoir mais qu’il convenait plutôt de parler de déclarations
d’hommes de pouvoir. La plus malheureuse a été celle de M. Ferdinand
Nahimana, le directeur de l’Office rwandais d’information (ORINFOR), en
mars 1992, qui fut à l’origine des massacres de la région du Bugesera. Il y a
eu en revanche une véritable propagande anti-tutsie à la Radio Télévision
Libre des Mille Collines (RTLM) mais celle-ci avait un statut de radio libre
privée. Cette radio, constituée en réaction au limogeage de M. Nahimana, a
commencé à émettre à partir d’août 1993. Elle employait de nombreuses
personnes liées au pouvoir qui voulaient retrouver un canal d’expression et
était installée à Kigali près de la présidence. Les mots d’ordre anti-tutsis ne
furent toutefois lancés qu’à partir du 15 avril 1994 et leur reprise par la radio
RTLM ont contribué alors à l’amplification du génocide. Pour combattre
cette radio, le projet d’une radio catholique avait été conçu. Il avait bénéficié
d’une autorisation d’émettre mais les moyens techniques n’étaient pas
disponibles sur place.
Le père Guy Theunis a considéré qu’il n’y avait pas eu de
planification du génocide en tant que tel mais plutôt planification des
massacres politiques. Dans ce pays quadrillé, des listes circulaient, écrites ou
pas, préparées dans chaque cellule du MRND, mais elles établissaient des

distinctions et n’avaient pas le caractère indifférencié d’une démarche de
génocide.
Le père Guy Theunis a expliqué que les massacres étaient commis
par des commandos de trente à quarante personnes réunies autour de
quelques militaires ou membres de Interahamwe, non pas pour tuer, mais
pour voler et piller, voire par curiosité. Le chiffre de deux millions est une
estimation exagérée du nombre de Rwandais ayant commis un crime de sang.
Il y a en prison aujourd’hui au Rwanda environ 150 000 personnes. Certes,
de nombreux responsables du génocide sont partis à l’étranger ou ne sont pas
rentrés du Zaïre, où ils entretiennent une situation de rébellion à l’égard du
gouvernement de Kigali, mais il ne faut pas confondre les divers degrés de
responsabilité. La loi rwandaise, qui distingue quatre catégories de crime,
devrait contribuer à clarifier la situation, en accordant un sort différent à tous
ceux, nombreux, qui pauvres ou désoeuvrés, se sont livrés à des violences et
des destructions de gravité variable.
Le père Guy Theunis a estimé qu’il était important d’identifier le
onzième corps car cela permettrait de savoir quelles autres personnes, en
dehors des forces en place, sont intervenues au Rwanda. Ce corps a été
autopsié à Nairobi à la demande des militaires belges mais la page qui
permettrait de l’identifier a été arrachée du registre. Le père Guy Theunis
s’est dit persuadé que le compte rendu de cette autopsie se trouvait dans un
ministère belge. Ce que l’on sait, c’est qu’il s’agit d’un Blanc, peut-être d’un
Français.
Le Président Paul Quilès a rétorqué qu’il pouvait être également
d’une autre nationalité, ce dont a convenu le père Guy Theunis.
Le père Guy Theunis a rappelé que Jean-Pierre, personnalité
trouble qui vit toujours à Kigali, avait donné des informations fiables, en
indiquant par exemple l’endroit où se trouvaient les armes qui ont été
distribuées à la population par le MRND et qu’il avait, le premier, parlé
d’événements graves à venir. Les ambassades, qui ont toutes refusé
d’accorder une protection à Jean-Pierre, savaient beaucoup plus de choses
dès janvier 1994, qu’il n’en savait lui-même.
M. Kofi Yamgnane a demandé comment le père Guy Theunis
pouvait expliquer qu’il y ait eu une véritable participation populaire au
génocide, y compris de représentants de l’Eglise catholique en tant que
Hutus.
Le père Guy Theunis a rappelé que le système foncier étatisé
rwandais permettait à l’autorité communale d’enlever leur terre aux paysans,

qui n’en étaient pas propriétaires. Aussi était-il très difficile aux paysans, par
ailleurs traditionnellement très soumis, de refuser de suivre un bourgmestre
et de prendre le risque économique d’être dépossédés. En outre, certains ont
profité des événements pour s’emparer de la terre du voisin.
Mais l’élément le plus déterminant a été la radio RTLM et son
endoctrinement idéologique, facilité par le fait que les gens étaient mal
informés. Peu savaient lire. Leur seul moyen d’information était la radio . Ils
ne savaient pas la vérité. Pour les réfugiés dans les camps, le FPR était
l’auteur de tous les massacres. La BBC ou Voice of America n’émettaient
pas à l’époque en kinyarwanda, la première radio à le faire fut la radio
Amahoro (pour la paix).
Enfin, le père Guy Theunis a mis en avant les rivalités locales, tout
en insistant sur le fait que la différenciation entre Tutsis et Hutus relève
davantage de la simple convention que de la réalité ethnique. Un frère et une
soeur peuvent être l’un Hutu et l’autre Tutsi car si l’ethnie à laquelle on
appartient après le mariage légal est celle du père, avant le mariage, c’est
celle de la mère. Toutefois, il est vrai que les réflexes ethniques ont joué,
même si la situation, particulièrement au centre et au sud, était très
complexe, certains étant aujourd’hui rejetés des deux côtés.
Rappelant que l’Eglise catholique constituait au Rwanda “ un Etat
dans l’Etat ” et qu’elle était responsable de l’éducation, M. Michel Voisin a
souhaité savoir si les programmes éducatifs qu’elle établissait faisaient
référence aux précédents génocides qui avaient eu lieu depuis le début des
années cinquante. Il s’est également interrogé sur l’accueil favorable réservé
par l’Eglise à l’abbé Wenceslas Munyashyaka accueilli actuellement dans
l’Eure et dont on dit qu’il a pris une part importante dans les événements.
Le père Guy Theunis s’est demandé qui pouvait répondre à ces
questions. Il a indiqué que la mère de l’abbé Wenceslas Munyashyaka tutsie
était toujours vivante alors que son père hutu avait été tué à Kigali. Il a
précisé que le père Wenceslas Munyashyaka avait sauvé 18 000 personnes
dans sa paroisse à Kigali. Comme il n’avait pas de réserves, il a sûrement
pillé pour les nourrir. On lui a déconseillé d’attendre le FPR et il s’est réfugié
dans un camp où là aussi il risquait sa vie pour avoir sauvé des Tutsis, il était
donc menacé par les extrémistes des deux côtés. Les milices Interahamwe
souhaitaient sa mort. Un évêque français a pris la responsabilité de l’accueillir
en Europe, compte tenu de sa situation et de ce qu’il avait fait. Il n’est donc
pas honnête de le présenter comme on le fait parfois. Le père Wenceslas
Munyashyaka n’a jamais été en Belgique et est arrivé directement en France.
Il avait été désigné comme responsable de la radio d’Eglise qui devait être
mise en place à Kigali pour contrer la RTLM. Mais, en raison des

oppositions des autorités de l’Etat et de l’archevêque de Kigali, les moyens
techniques et matériels pour émettre n’ont jamais été obtenus.
Après que M. Kofi Yamgnane eut demandé qui protégeait le père
Wenceslas Munyashyaka maintenant, le père Guy Theunis a ajouté que
deux prêtres venaient d’être condamnés à mort mais qu’il ignorait s’ils
avaient participé au génocide. Ces deux prêtres sont restés en fonction
jusqu’à leur arrestation, en novembre 1996 pour l’un, le 30 juin 1997 pour
l’autre, et ils n’ont pas été inquiétés jusqu’à cette date. Lorsque les
massacres ont eu lieu dans la paroisse de Nyange où ils étaient présents, ils
ont été enfermés par les milices Interahamwe qui ont, elles, commis les
tueries. Par crainte de représailles, aucune personne n’est venue témoigner à
leur procès en leur faveur.
Le père Guy Theunis, tout en se déclarant contre la peine de mort,
de surcroît exécutée en public, a estimé pour autant qu’il était normal de
sanctionner les auteurs du génocide. Il a toutefois indiqué que les autorités
rwandaises avaient condamné à mort et exécuté en public l’ancien procureur
de Kigali qui n’était pas impliqué directement dans les massacres, autant que
l’on sache, et qu’il s’agissait donc plus dans ce cas d’une condamnation
politique que d’un acte de justice.
M. Yves Dauge a souhaité savoir si la présence de troupes belges et
françaises aurait pu éviter le génocide et a demandé au père Guy Theunis s’il
considérait que le retrait des soldats français au profit d’une intervention des
Nations Unies, comme le prévoyaient les accords d’Arusha, dont la France
avait activement encouragé l’élaboration, constituait selon lui une
catastrophe.
Le père Guy Theunis a indiqué que, présent à l’aéroport où il avait
été conduit pour reconnaître des personnes, il avait pu constater que les
troupes françaises présentes dans le cadre de l’opération Amaryllis et les
troupes belges présentes au titre de l’opération Silver Back disposaient de
matériels très performants, dont des hélicoptères leur permettant d’aller
récupérer des ressortissants français et d’autres pays, alors que les
450 hommes de la MINUAR étaient mal équipés. Les soldats belges sont
intervenus à certains endroits, devant le stade Amahoro, où ils ont failli être
tués, ils ont tiré dans la foule et pendant 24 heures il n’y a eu aucune action
des FAR ou des miliciens. Il en aurait peut-être été différemment si la garde
présidentielle avait été en face. Il s’est à nouveau dit convaincu que
l’intervention des soldats belges ou français aurait été efficace et aurait pu
éviter le génocide. L’efficacité des militaires occidentaux a été évidente
durant l’opération Turquoise face à des armées mal entraînées et peu

courageuses. Ni les FAR, ni le FPR ne sont intervenus en avril 1994 quand
les chars ou les hélicoptères des forces occidentales sont allés récupérer des
ressortissants étrangers.
M. Jacques Myard a rappelé que les évêques rwandais n’avaient
pas été les seuls à agir en faveur des accords d’Arusha, le Gouvernement
français ayant constamment concouru lui aussi aux négociations. Il a fait
remarquer qu’une intervention armée unilatérale nécessitait une décision ou
un mandat de l’ONU ou d’une organisation internationale, sauf à
recommencer la colonisation. La France ne pouvait donc demeurer au
Rwanda. Il a affirmé que les propos tenus par le père Guy Theunis l’avaient
gêné et donnaient l’impression d’une recherche du sensationnel. Il a ainsi
jugé que l’évocation du suicide de M. François de Grossouvre ou du rôle du
Capitaine Barril était déplacée et que des questions aussi pointillistes que
celles qu’il avait posées finissaient par faire douter de sa volonté de
comprendre ce qui s’est passé.
Le père Guy Theunis a indiqué que, depuis 1994, il essayait de
comprendre les événements qui se sont déroulés au Rwanda où il a vécu
25 ans et qu’il avait témoigné devant la Commission d’enquête du Sénat
belge pour clarifier un certain nombre de points. Il a souhaité que la mission
d’information française soit transformée en commission d’enquête pour
progresser dans la compréhension des faits. La communauté internationale a
démissionné au Burundi après les massacres successifs à l’assassinat du
président démocratiquement élu, M. Melchior Ndadaye, en octobre 1993,
mais n’avait pas de responsabilité en tant que telle. Au Rwanda, le vote du
Conseil de Sécurité des Nations Unies a donné un mandat à une force
internationale, la MINUAR qui devait garantir la paix. La responsabilité de la
communauté internationale était engagée et notamment celle des Etats qui
ont voté les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU ou qui, comme la
France ou la Belgique, ont envoyé des troupes au Rwanda. Les accords
d’Arusha ont pu être élaborés grâce aux pays occidentaux qui étaient partie
prenante à leur mise en oeuvre. La MINUAR était liée à ces accords
d’Arusha dont elle devait garantir l’application, ce qui engageait bien la
responsabilité de la communauté internationale.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024