Fiche du document numéro 29669

Num
29669
Date
Dimanche 10 avril 1994
Amj
Hms
13:00:00
Auteur
Taille
28830
Sur titre
Journal de 13 heures
Titre
Michel Roussin : « La France a toujours été très neutre dans cette histoire qui oppose les Hutu et les Tutsi depuis des années »
Nom cité
Lieu cité
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Mot-clé
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Résumé
- 150 French people have already left Rwanda thanks to the evacuation operation called "Amaryllis". The 400 French paratroopers, who are in Kigali, will organize the departure in difficult conditions of the other French nationals.

- The rebels of the Rwandan Patriotic Front continue their march on Kigali. They announced their desire to take the capital by force from the hands of the majority Hutu ethnic group. For their leader, Theogen Rudasingwa, they have no choice. Théogène Rudasingwa: "The military option was imposed on us by the presidential guard. The fact that the Rwandan President was killed with that of Burundi does not justify the massacres against our ethnic group and against us".

- Meanwhile, like a year ago, the big maneuvers began at Kigali airport held by French troops. The Transall, from Bangui in the Central African Republic, once again land in Rwanda to evacuate French, Belgian, German or American foreign nationals. A real race against time before the chaos continues.

- The difficulty is to go to the city to recover the Whites who have been holed up in their homes for four days and who have not yet been completely regrouped. This flash evacuation concerns some 3,000 people. So far, only a few hundred have been able to leave the city.

- The UN forces are deployed in town and await French and Belgian reinforcements to ensure the security of the axis leading to Kigali airport. It seems, in this more than confused situation in Rwanda, that the Tutsi and Hutu ethnic groups want to continue to do battle for the struggle for power.

- The situation is all the more difficult since the rebels of the Rwandan Patriotic Front have issued a warning to France and other Western countries: he asks them to remain neutral in this ethnic war. The RPF representative in Paris is unambiguous. François Rutayisire: "Three years ago France sent its troops saying it was to protect and evacuate French nationals. Three years later, it was there. We hope it's not the same refrain". […] The RPF will not hesitate to fight against anyone who gets in its way".

- Michel Roussin: "The evacuation of the French is continuing. It started yesterday evening. It is quite complicated. The situation is worrying in Kigali. points in the capital and then transfer them by routes we maintain to the airport from where they are evacuated […] We also have a role to play in taking care of the 1,500 Belgians, 300 Americans, more than 200 Europeans. […] We are a bit of a bridgehead in this operation, which is a protection, security and perhaps also a bit humanitarian action. So we are very committed to this affair. […] The France has always been very neutral in this story which has pitted Hutu and Tutsi against each other for years. It is thanks to us that these two ethnic groups were able to meet around a negotiating table in Arusha, Tanzania last August. We We have always worked for calm to return to Rwanda. things explode. This is a problem that Rwandans will have to deal with together, that the massacres stop, that peace returns, that a ceasefire is signed. France will always be present to respond if requested. But, in this case, our action is only an action of security and evacuation of our compatriots. […] There were massacres. The information we have, which comes to us from the field, from French witnesses, from Belgian witnesses, from religious, suggests that there were massacres. […] One might think that the world has forgotten Africa, but unfortunately Africa often reminds the world. In any case, I believe that the international community is making a special effort to help Africa again. I am alluding here to another problem, which is that of devaluation. International aid arrives: 39 billion dollars given to Africa and 50 billion French francs. So we still live very close to Africans. We are not letting go of Africa".
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Paul Amar :] Bonjour. 150 Français ont déjà quitté le Rwanda grâce à l'opération d'évacuation baptisée "Amaryllis". Les 400 parachutistes français, qui se trouvent à Kigali, vont organiser le départ dans des conditions difficiles des autres ressortissants français. Notre invité Michel Roussin, le ministre de la Coopération -- bonjour [Paul Amar regarde dans sa direction] --, nous informera précisément. Mais écoutons d'abord François Cornet.

[François Cornet :] Les rebelles du Front patriotique rwandais poursuivent leur marche sur Kigali. Ils ont annoncé leur volonté de prendre par la force la capitale aux mains de l'ethnie majoritaire hutu. Pour leur chef, Théogèle [Théogène] Rudasingwa, ils n'ont pas le choix [diffusion d'images d'archives montrant des soldats du FPR marchant sur une route derrière un camion].

["Théogèle [Théogène] Rudasingwa, Secr. Gén. du Front Patriotique" [il s'exprime en anglais mais ses propos sont traduits] : "L'option militaire nous a été imposée par la garde présidentielle. Le fait que le Président rwandais ait été tué avec celui du Burundi ne justifie pas les massacres contre notre ethnie et contre nous".]

Pendant ce temps, comme il y a un an, les grandes manœuvres ont commencé sur l'aéroport de Kigali tenu par les troupes françaises [une incrustation "Kigali 1993 (Archives)" s'affiche à l'écran"]. Les Transall, venus de Bangui en Centrafrique, se posent une fois encore au Rwanda pour évacuer les ressortissants étrangers français, belges, allemands ou américains. Une véritable course contre la montre avant la poursuite du chaos [diffusion d'images d'archives montrant des soldats français sur l'aéroport de Kanombe].

La difficulté est, bien sûr, d'aller récupérer en ville les Blancs terrés depuis quatre jours dans leurs maisons et qui n'auraient pas encore été complètement regroupés. Cette évacuation éclair concerne quelque 3 000 personnes. Pour l'instant, seules quelques centaines ont pu quitter la ville [diffusion d'images d'archives de la ville de Kigali et d'images montrant notamment des Casques bleus].

Les forces de l'ONU sont déployées en ville et attendent les renforts français et belges pour assurer la sécurité de l'axe menant à l'aéroport de Kigali. Il semble, dans cette situation plus que confuse au Rwanda, que les ethnies tutsi et hutu veuillent continuer à en découdre pour la lutte du pouvoir [diffusion d'une vue aérienne de la ville de Kigali].

[Paul Amar :] La situation est d'autant plus difficile que les rebelles du Front patriotique rwandais ont lancé un avertissement à la France et aux autres pays occidentaux : il leur demande de rester neutre dans cette guerre ethnique. Le représentant du FPR à Paris est sans ambiguïté.

[François Rutayisire, "Représentant Front Patriotique Rwandais à Paris" : - "Il y a trois ans la France avait envoyé ses troupes en disant que c'était pour protéger et évacuer les ressortissants français. Trois ans plus tard, elle y était. On espère que ce n'est pas le même refrain". Le journaliste : - "Les troupes du FPR qui descendent sur Kigali, si elles se trouvent au contact des troupes françaises qui les empêchent de passer, est-ce que le FPR, euh, peut réagir, euh, violemment ?". François Rutayisire : - "Un de not…, un de notre porte-parole a déjà répondu à cette question : tous ceux qui se mettraient en travers des forces du FPR qui se battent, qui veulent éliminer la garde présidentielle, le FPR n'hésitera pas à…, à se battre". Le journaliste : - "Y compris contre les troupes françaises ?". François Rutayisire : - "Y compris contre toutes les troupes qui…, qui seront en travers…, au travers de sa route".]

[Paul Amar interviewe à présent Michel Roussin.]

Paul Amar : Michel Roussin, euh, bonjour. Vous êtes le ministre de la Coopération. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous vous occupez de cette opération évidemment en liaison avec les ministères de la Défense et des Affaires, euh, étrangères.

Michel Roussin, "Ministre de la Coopération" : Tout à fait.

Paul Amar : Est-ce qu'on peut d'abord faire le point sur l'évacuation des Français ?

Michel Roussin : Et avec le Premier ministre qui depuis Pékin n'a pas manqué, euh, de se renseigner et de nous pousser à accélérer tout le processus que nous avons mis en œuvre.

Paul Amar : Alors, l'évacuation des Français…

Michel Roussin : L'évacuation des Français, euh, se poursuit. Elle a commencé hier soir. C'est assez compliqué. La situation est préoccupante à Kigali. Mais nous avons pu aller chercher les gens chez eux, les rassembler dans un certain nombre de points de la capitale et ensuite les transférer par des itinéraires que nous tenons -- avec non pas quat…, 400 parachutistes comme vous l'avez dit, mais un peu plus de 500 -- jusqu'à l'aéroport d'où ils sont évacués.

Paul Amar : Alors j'ai dit tout à l'heure que 150 Français avaient quitté le Rwanda. Il en reste environ combien, 450 ?

Michel Roussin : 450. Mais nous avons aussi, euh, vraisemblablement, un rôle à jouer pour nous occuper des 1 500 Belges, des 300 Américains, de…, plus de 200 Européens. Il y a une… forte communauté italienne…

Paul Amar : Il y a… à peu près 3 000 ressortissants étrangers, hein, au Rwanda, à peu près ?

Michel Roussin : À peu près.

Paul Amar : Et donc, euh, de ce point de vue, est-ce que vous êtes confiant ? Est-ce que vous pensez que les Français et les autres étrangers vont pouvoir quitter ce pays, euh…

Michel Roussin : Oui. Je…, moi je suis confiant parce que notre dispositif, euh, fonctionne. Notre capacité, euh, maintenant, euh, nous permet d'évacuer très rapidement les gens que nous rassemblons sur, euh, l'aéroport. Les moyens aériens sont suffisants. Euh…, des moyens aériens belges sont en réserve, euh, les Américains sont à Bujumbura. Un avion arrive d'Italie. Donc, euh, nous, nous sommes un peu une tête de pont dans cette opération qui est une action de protection, de sécurité et…, et peut-être aussi, il faut le dire, un peu humanitaire. Donc, euh, nous sommes très engagés dans…, dans cette affaire.

Paul Amar : Alors, je reprends votre terme : "action de protection", c'est votre façon à vous de répondre à l'avertissement lancé par, euh…, les rebelles qui vous demandent de rester neutres. Est-ce que vous allez le rester ? Est-ce que [inaudible] de la France est [inaudible] ?

Michel Roussin : Alors…, la France, euh, a…, a toujours été très neutre dans cette histoire qui oppose, euh…, les Hutu et les Tutsi depuis des années. C'est grâce à nous que ces, euh…, deux ethnies ont pu se retrouver autour d'une table de négociation à Arusha en Tanzanie en août dernier. Nous avons toujours œuvré pour que le calme, euh, revienne au Rwanda. Là, les choses éclatent. C'est un problème que les Rwandais devront traiter ensemble, que les massacres s'arrêtent, que la paix revienne, qu'un cessez-le-feu soit signé. La France sera toujours présente pour, euh, répondre si on l'a sollicite. Mais, en l'occurrence, notre action n'est qu'une action de sécurité et d'évacuation de nos compatriotes.

Paul Amar : Donc, quelle que soit l'évolution de la situation. Imaginons que les rebelles entrent dans Kigali, quoi qu'il arrive, les Français resteront neutres et…, et resteront en…, dans cette mission humanitaire ?

Michel Roussin : Tout à fait, avec la seule mission qui est la leur, euh…, la sauvegarde et l'évacuation de nos compatriotes.

Paul Amar : Vous avez dit, euh…, massacres. Y a vraiment eu des massacres ? Y a vraiment eu des dizaines de milliers de morts comme on l'a…, comme on l'a cru ?

Michel Roussin : Alors, il y a eu des massacres. Les informations que nous avons, qui nous viennent du terrain, euh, de…, de témoins français, de témoins belges, de religieux qui, euh, euh…, étaient très nombreux au Rwanda laissent à penser qu'effectivement, il y a eu, euh…, il y a eu des massacres.

Paul Amar : Merci, euh, Michel Roussin pour, euh, ces premières précisions. Une…, une dernière question, euh, très brève : est-ce que vous n'avez pas le sentiment -- bon, vous êtes ministre de la Coopération, la France est présente en Afrique -- que, aujourd'hui, le monde a oublié l'Afrique ?

Michel Roussin : On peut penser que le monde a oublié l'Afrique mais l'Afrique se rappelle malheureusement souvent au monde. En tout cas, euh…, je crois que la communauté internationale, depuis, euh, le mois de janvier dernier, fait un effort particulier pour aider de nouveau l'Afrique. Je fais allusion là à un autre problème qui est celui de la dévaluation. L'aide internationale arrive : 39 milliards de dollars donnés à l'Afrique et 50 milliards de francs français. Donc, on vit encore, euh, très proche des Africains. On ne lâche pas l'Afrique.

Paul Amar : Merci Michel Roussin. Si vous avez de la famille, euh, au Rwanda, n'hésitez pas à appeler le ministère, euh, des Affaires étrangères. Vous voyez les numéros qui apparaissent sur votre écran [une incrustation "16.1 / 45. 50. 34. 60., 40. 63. 31. 31., 40. 63. 31. 57., 40. 63. 31. 64." s'affiche à l'écran]. Je vous laisse quelques secondes pour pouvoir les noter. Évidemment 16.1 si vous appelez de la province. Merci [Paul Amar regarde en direction de Michel Roussin].

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