
toineAnfre.jpg" al
t="" />
trong>Après 6 ans de vacance du poste d’ambassadeur à Kigali, le Président, Emmanuel Macron, a annoncé le 27 mai le retour d’un ambassadeur français au Rwanda lors d’une visite dans le pays, marquant une normalisation des relations entre les deux pays. Il a notamment reconnu les « responsabilités » de la France dans le génocide des Tutsis de 1994. Comment interprétez-vous votre nomination hautement symbolique ?trong>
Ce
tte nomina
tion s’inscri
t dans le cadre d’un processus dans la durée, qui commence avec l’élec
tion d’Emmanuel Macron en 2017. Il y avai
t déjà eu des
ten
ta
tives de rapprochemen
t lorsque Nicolas Sarkozy é
tai
t présiden
t mais elles n’avaien
t pas pu abou
tir, puis une paren
thèse sous le précéden
t quinquenna
t Hollande.
Je pense qu’il y a au moins 4 ac
tes, qui on
t é
té décisifs avan
t ma nomina
tion. La première é
tape essen
tielle c’es
t le sou
tien de la France à la candida
ture de Louise Mushikiwabo au Secré
taria
t général de l’Organisa
tion In
terna
tionale de la Francophonie (OIF). C’es
t hau
temen
t symbolique. Le Rwanda a en effe
t fai
t le choix de l’anglais, en
tan
t que langue de l’enseignemen
t. Faire en sor
te que l’ancienne minis
tre des Affaires é
trangères du Rwanda devienne secré
taire générale d’une organisa
tion francophone n’é
tai
t donc pas neu
tre. Ce sou
tien a d’ailleurs é
té reproché au Présiden
t de la République. Pour
tan
t, c’é
tai
t une décision visionnaire, qui con
tribue désormais à consolider la place du français au Rwanda.
Deuxième é
tape impor
tan
te, l’arres
ta
tion de Félicien Kabuga, qui es
t le financier du génocide, e
t que l’on peu
t qualifier de présumé génocidaire puisqu’il n’a pas encore é
té jugé. Il a é
té arrê
té par l’Office cen
tral de lu
tte con
tre les crimes con
tre l’humani
té (OCLCH). Il vivai
t sous une fausse iden
ti
té à Asnières-sur-Seine. Depuis sa cavale en 1994, il a changé d’iden
ti
té 30 fois e
t a vécu dans une ving
taine de pays avan
t de se fixer en France. Un gros
travail d’enquê
te a é
té mené par les gendarmes, les juges e
t magis
tra
ts du Parque
t na
tional an
ti
terroris
te (PNA
T), qui en son sein a un pôle Crimes con
tre l’humani
té qui enquê
te sur les présumés génocidaires rwandais. En liaison avec le mécanisme résiduel des
tribunaux pénaux in
terna
tionaux, ils on
t pu arrê
ter Félicien Kabuga en mai 2020. Au Rwanda, ce
tte arres
ta
tion a é
té
très appréciée puisque c’é
tai
t un des fugi
tifs les plus recherchés au monde.
La
troisième é
tape absolumen
t décisive es
t la remise du rappor
t Ducler
t sur le génocide des
Tu
tsis. Une commission indépendan
te composée d’une quinzaine d’his
toriens e
t d’archivis
tes a é
té mise en place par le présiden
t de la République. Pendan
t deux ans, elle a eu accès à 8 000 documen
ts déclassifiés émanan
t des archives du Quai d’Orsay, du minis
tère de la Coopéra
tion, de la DGSE, du minis
tère des Armées. Seules les archives de l’Assemblée na
tionale son
t res
tées inaccessibles. Ce
tte commission a rendu un rappor
t fin mars 2021 qui conclu
t à la responsabili
té accablan
te de la France dans le génocide des
Tu
tsis. Cela a permis d’avoir un narra
tif commun en
tre la France e
t le Rwanda sur un des évènemen
ts les plus
tragiques du XXème siècle. La remise de ce rappor
t a é
té essen
tielle pour perme
ttre la qua
trième é
tape décisive dans le rapprochemen
t en
tre les deux pays.

t="Paul Kagame e
t Emmanuel Macron à Kigali, mai 2021" />
La qua
trième é
tape es
t évidemmen
t la visi
te du Présiden
t Macron à Kigali en mai 2021 avec son discours his
torique au Mémorial de Gisozi. Les mo
ts qu’il a prononcés é
taien
t ceux que les Rwandais a
ttendaien
t. Il leur a no
tammen
t demandé de lui faire le don du pardon e
t a reconnu la responsabili
té par
tagée de la France dans ce qu’il s’es
t passé.
Emmanuel Macron a présen
té à Paul Kagame, le rappor
t Ducler
t e
t un cer
tain nombre de proposi
tions : le re
tour de l’AFD avec 500 millions d’engagemen
t sous forme de prê
ts essen
tiellemen
t, la réouver
ture du cen
tre cul
turel francophone de Kigali e
t la nomina
tion d’un ambassadeur.
trong>Après ce processus de réconciliation, quels sont les principaux objectifs dans les mois et années pour stabiliser, sur le long-terme, cette relation franco-rwandaise chargée d’histoire ?trong>
Nous sommes désormais dans une phase où la rela
tion a é
té normalisée e
t on se rend comp
te qu’elle es
t déjà in
tense dans le domaine économique, commercial, linguis
tique e
t cul
turel. Il y a une excellen
te rela
tion de
travail en
tre les deux chefs de l’É
ta
t. Le présiden
t Kagame es
t aux commandes depuis 1994 e
t chef de l’É
ta
t depuis 2001, il es
t très présen
t sur les ques
tions globales. Lorsqu’il é
tai
t présiden
t de l’Union Africaine, il a réformé l’ins
ti
tu
tion. Il a égalemen
t é
té ac
tif au niveau du NEPAD e
t es
t très impliqué en ce momen
t dans le cadre de la lu
tte con
tre le Covid-19 pour do
ter son pays d’un clus
ter vaccin. Il y a une réelle alchimie en
tre les deux chefs d’E
ta
t.
La justice a un rôle essentiel à jouer dans les mois et années à venir. Il n’y a pas d’impunité pour les présumés génocidaires en France. Antoine Anfré
La jus
tice a un rôle essen
tiel à jouer dans les mois e
t années à venir. Un cer
tain nombre de présumés génocidaires résiden
t en France. Récemmen
t, Claude Muhayimana a é
té condamné à 14 ans de prison. Dans les années à venir, il pourrai
t y avoir
tous les 6 mois environ, un procès de présumé génocidaire rwandais devan
t la Cour d’Assises de Paris. Le pôle Crimes con
tre l’humani
té du PNA
T a une
tren
taine de dossiers qui son
t ac
tifs e
t qui s’appuien
t sur les enquê
tes de l’OCLCH. C’es
t très impor
tan
t de mon
trer que la jus
tice française fai
t son
travail e
t qu’il n’y a pas d’impuni
té pour les présumés génocidaires en France.
Sur ces bases, nous pouvons bâ
tir une rela
tion s
table e
t durable sur le plan économique, cul
turel, éduca
tif.
La ques
tion désormais c’es
t commen
t faire en sor
te d’in
tensifier davan
tage les rela
tions e
t commen
t faire en sor
te que les en
treprises françaises reviennen
t au Rwanda. Cer
taines n’on
t pas a
ttendu la réconcilia
tion pour s’ins
taller dans le pays. Je pense aux en
treprises du groupe Bolloré comme Canal + Rwanda ou CanalBOX qui a une offre de fibre op
tique
tou
t à fai
t adap
tée au marché rwandais. Il y a égalemen
t CanalOlympia, avec un concep
t de salle de cinéma, égalemen
t lieu pour des concer
ts, qui a aussi le po
ten
tiel de bien fonc
tionner après la crise du Covid. Le groupe Duval es
t aussi présen
t depuis un momen
t e
t es
t ac
tif dans l’immobilier commercial.
De nombreux chefs d’en
treprises son
t in
téressés par le Rwanda mais le marché rwandais es
t un marché é
troi
t. Le PIB s’élève à plus de 10 milliards de dollars, le Rwanda res
te un pays pauvre, même s’il a gagné plus d’une
tren
taine de places à l’IDH (indice de développemen
t humain) depuis 1994, ce qui es
t une vraie performance. Kigali a é
té
to
talemen
t transformée. Il y a ce
tte volon
té de devenir un hub logis
tique. Le Rwanda e
t Qa
tar Airways on
t signé un accord pour cons
truire le nouvel aéropor
t in
terna
tional de Bugesera avec des capi
taux qa
taris. Il a voca
tion à ê
tre le hub con
tinen
tal de Qa
tar Airways e
t à pouvoir accueillir 10 millions de passagers. Le Rwanda se posi
tionne sur quelques sec
teurs avec la volon
té d’ê
tre une pla
teforme régionale e
t un pon
t en
tre l’Afrique orien
tale e
t l’Afrique cen
trale, ainsi que vers l’Afrique aus
trale.
La ques
tion de la langue française es
t aussi essen
tielle pour la rela
tion bila
térale. Les Rwandais on
t réalisé que le mul
tilinguisme pouvai
t ê
tre un a
tou
t. Ils son
t rwandophones e
t parlen
t avan
t tou
t le kinyarwanda. Une par
tie de l’éli
te qui a é
té formée à l’é
tranger es
t francophone ou anglophone. Le gouvernemen
t rwandais a compris que le français es
t aussi une langue des affaires, no
tammen
t pour commercer avec le Congo. Parler uniquemen
t anglais ne suffirai
t pas pour a
tteindre leurs ambi
tions régionales. Le français es
t aujourd’hui réin
trodui
t dans l’enseignemen
t comme langue é
trangère, e
t es
t res
té présen
t dans les écoles confessionnelles.
trong>Franck Riester, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, s’est rendu en octobre dernier à Kigali avec une délégation d’entreprises françaises. Quels sont, selon vous, les principaux enjeux économiques d’un partenariat « gagnant-gagnant » renouvelé franco-rwandais ?trong>
Le Rwanda susci
te l’in
térê
t de nombreux pays, e
t no
tammen
t la France, dans le domaine de la san
té. C’es
t un pays pauvre mais c’es
t un pays
très bien organisé, qui es
t pe
ti
t ce qui es
t parfois un avan
tage. Des ins
ti
tu
tions françaises comme l’APHP, l’Hôpi
tal Sain
t-Joseph, la Fonda
tion Ro
thschild, ou encore l’IRCAD, son
t venues à Kigali. Il y a un véri
table po
ten
tiel pour cons
ti
tuer un hub san
té avec des liens for
ts en
tre nos deux pays.
Le marché rwandais es
t é
troi
t mais le po
ten
tiel pour les en
treprises es
t réel. Les infras
truc
tures rou
tières e
t le réseau élec
trique son
t très bons, la sécuri
té es
t excellen
te con
trairemen
t à d’au
tres pays africains. La corrup
tion es
t égalemen
t très faible, ce qui es
t en fai
t une quasi-excep
tion sur le con
tinen
t ! Le Rwanda es
t aussi précurseur dans cer
tains domaines. Le Gouvernemen
t a banni le plas
tique, c’es
t un des rares pays africains où il n’y a aucun sac plas
tique ! Cer
taines en
treprises pourron
t ê
tre in
téressées pour avoir leur siège social à Kigali, même si pour le momen
t Nairobi fai
t la course en
tê
te. Mais Nairobi cumule des ex
ternali
tés néga
tives comme la pollu
tion, les embou
teillages, ce qui n’es
t pas le cas de Kigali.
Le Rwanda a véri
tablemen
t les moyens d’ê
tre en quelque sor
te un labora
toire de la bonne gouvernance. Les en
treprises peuven
t se servir du Rwanda comme d’un
tremplin ou comme d’un lieu de proof of concep
t : elles peuven
t tes
ter leur proje
t e
t si ça fonc
tionne expor
ter leur business au Kenya, au Nigéria, en Cô
te d’Ivoire.

tClubDaffairesFranceRwanda27oc
tobre2021.jpg" al
t="Lancemen
t du Club d’affaires français au Rwanda, lors de la visi
te de Franck Ries
ter, en présence d’An
toine Anfré, oc
tobre 2021" />
trong>Dans certains pays d’Afrique francophone, la France est de plus en plus concurrencée par des puissances étrangères. En Afrique de l’Est (Ouganda, Rwanda, Kenya), une nouvelle dynamique diplomatique semble se mettre en marche pour se tourner vers ces pays. Comment la France peut-elle trouver sa place, face au Qatar par exemple, que vous avez mentionné précédemment et nouer des partenariats dans cette zone dont le potentiel a été sous-estimé durant de nombreuses années ? trong>
Je crois que la France a
tou
t de même une bonne image e
t les grands groupes français son
t connus. Le Rwanda es
t soucieux de ne pas me
ttre
tous ses œufs dans le même panier. Il ne va pas devenir une succursale du Qa
tar ou de la Chine, ni de la France d’ailleurs parce qu’il y a chez lui une for
te volon
té d’indépendance e
t d’équilibre.
Les en
treprises françaises, qu’ils s’agissen
t de PME, d’E
TI ou de grands groupes, seron
t les bienvenues au Rwanda. Le Rwanda Developmen
t Board (RDB) es
t un guiche
t unique
très pra
tique pour
tou
te en
treprise désireuse de s’ins
taller au Rwanda. Une conven
tion de non-double imposi
tion es
t prévue. J’espère qu’elle sera signée d’ici la fin 2022. Elle sera impor
tan
te pour les en
treprises françaises qui souhai
ten
t s’implan
ter au Rwanda.
Le Rwanda souhai
te égalemen
t devenir un cen
tre financier avec le Kigali In
terna
tional Financial Cen
ter. C’es
t un pe
ti
t pays qui a de grandes ambi
tions. Cer
taines peuven
t faire sourire mais quand on voi
t ce qui a é
té accompli depuis 20 ans,
tou
t es
t possible. Il y a des choses auxquelles les observa
teurs ne croyaien
t pas il y a 25 ans e
t qui on
t é
té fai
tes depuis. Il ne fau
t pas prendre à la légère les ambi
tions rwandaises.
trong>Les 17 et 18 février aura lieu le Sommet UE-UA, Paul Kagame s’est récemment entretenu avec Emmanuel Macron pour préparer cet évènement important. Le dirigeant rwandais est un des seuls à avoir marqué les douze mois de présidence de l’Union africaine ces dix dernières années. Le Rwanda devrait donc jouer un rôle moteur dans ce sommet. Quelles sont, selon vous, les orientations stratégiques, politiques et économiques à impulser lors de ce grand moment pour les deux continents ? trong>
J’imagine qu’il y a des annonces qui von
t ê
tre fai
tes duran
t ce Somme
t par le Présiden
t de la République en liaison avec Charles Michels sans dou
te. Ce sera un des
temps for
ts de la PFUE. Malheureusemen
t, je crains que la conjonc
ture sani
taire nous oblige à avoir un Somme
t hybride ou peu
t-ê
tre
to
talemen
t en visio-conférence, ce qui serai
t vraimen
t regre
ttable. L’idée à l’origine é
tai
t évidemmen
t de faire un Somme
t en présen
tiel, qui a objec
tivemen
t plus d’impac
t.
Je pense que le Présiden
t de la République a é
té marqué par le Somme
t d’Abidjan, qui n’a pas é
té un échec, mais qui n’a pas é
té non plus un franc succès. Une des difficul
tés de ce
type de somme
t UE-UA, il fau
t quand même le rappeler, c’es
t le nombre. L’UE comp
te 27 E
ta
ts-membres e
t du cô
té de l’UA il y en a 55.
Tous les chefs d’E
ta
t e
t de gouvernemen
t veulen
t s’exprimer, vous pouvez imaginer les difficul
tés que cela représen
te. A la fin plus personne n’es
t audible.
Il y a la volon
té d’avoir un somme
t plus ramassé
tou
t en ménagean
t les suscep
tibili
tés. A Rome e
t en marge du dernier G20, le Présiden
t a reçu Paul Kagame, Macky Sall e
t Félix
Tshisekedi no
tammen
t, pour préparer le Somme
t des 17 e
t du 18 février.
Un des suje
ts phares sera la lu
tte con
tre le Covid, c’es
t-à-dire voir commen
t l’UE peu
t aider l’Afrique à se do
ter d’une capaci
té vaccinale. Le Rwanda es
t en poin
te sur ce suje
t. Le Gouvernemen
t a la volon
té de fabriquer des vaccins. Un accord s
tra
tégique a d’ailleurs é
té passé en
tre le Rwanda e
t BioN
Tech. BioN
Tech devrai
t mon
ter une usine sous forme de con
tainer à Kigali pour fabriquer les vaccins à ARN messager, pour le Covid évidemmen
t mais aussi pour lu
tter con
tre d’au
tres épidémies. En ma
tière de forma
tion, Campus Bio
tech Digi
tal, es
t une en
treprise française impliquée dans le proje
t égalemen
t. A
terme, on devrai
t avoir
trois pôles capables de produire de l’ARN messager sur le con
tinen
t africain : le Sénégal, l’Afrique du Sud e
t le Rwanda.
Renforcer l’a
ttrac
tivi
té de l’Afrique es
t aussi une nécessi
té. Paul Kagame sou
tien
t le proje
t de zone de libre-échange sur le con
tinen
t africain, qui in
téresse aussi la France. Il fau
t main
tenan
t que la ZLECAF soi
t opéra
tionnelle e
t devienne une réali
té.