Fiche du document numéro 29206

Num
29206
Date
Mardi 7 décembre 2021
Amj
Taille
75560
Sur titre
Oise
Titre
«Il est censé être marié avec Dieu» : privé de ses fonctions, l’ex-prêtre de Gisors aurait au moins deux enfants
Sous titre
L’évêque d’Évreux vient de priver de ses fonctions le père Wenceslas Munyeshyaka, qui a reconnu la paternité d’un fils de 11 ans. Au sein du diocèse de Gisors, ville située à la frontière entre l’Oise et l’Eure, les langues se délient et laissent apparaître l’existence de plusieurs enfants.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
À Gisors (Eure), pendant plus de vingt ans, il a été le père
Wenceslas. Mais depuis vendredi, dans cette commune à la
frontière de l’Oise, Wenceslas Munyeshyaka n’est plus un
homme d’Église. Après avoir effectué une reconnaissance
de paternité sur un fils né en juillet 2010, le prêtre de
nationalité rwandaise, nouvellement nommé à Brionne
(Eure), vient d’être suspendu par l’évêque d’Évreux.
« Conformément au Code de droit canonique, l’Évêque a
été contraint de sanctionner le père Wenceslas
Munyeshyaka de la peine de suspense a divinis, qui
l’empêche d’exercer tout ministère presbytéral et lui
interdit de célébrer tout sacrement », explique le diocèse
dans un communiqué. L’institution catholique précise que
l’enfant est né d’« une liaison qu’il a entretenue à Gisors ».
Dans le contexte de la démission de l’archevêque de Paris,
acceptée par le pape François, c’est une nouvelle affaire
qui secoue l’Église catholique.

D’autant plus que Wenceslas Munyeshyaka est un
personnage très controversé depuis un quart de siècle.
Arrivé en France en 1994, grâce au soutien de l’évêque
Jacques David, le prêtre a été au cœur d’une longue
procédure judiciaire.

« Au Rwanda, de graves accusations ont été lancées contre
lui, indique Jean-François Dupaquier, journaliste et
écrivain spécialiste du pays d’Afrique de l’Est. Comme
vicaire à la paroisse de la Sainte-Famille à Kigali, on lui
reproche d’avoir livré aux miliciens Interahamwe (une
milice rwandaise) des dizaines, voire des centaines,
d’hommes Tutsis réfugiés dans l’église, et d’avoir protégé
des femmes en échange de faveurs sexuelles. »

Un non-lieu prononcé en 2019

En 2007, le tribunal international pour le Rwanda (TPIR)
lance contre lui un mandat d’arrêt international, pour les
chefs de « génocide, viol, extermination, assassinat et
crime contre l’humanité ». La France refuse de l’extrader
mais répond favorablement à la demande du TPIR de le
juger elle-même. Ce qu’elle ne fera pas, puisque l’homme
d’Église, qui a toujours nié les faits, a vu un non-lieu être
prononcé à son encontre en 2019.

« Le dernier juge d’instruction a estimé que la passivité du
vicaire de la Sainte-Famille face aux massacres en 1994
dans son église ne pouvait suffire à ordonner son renvoi
devant la cour d’assises pour génocide, pas plus que les
allégations de viols contre des femmes Tutsies », précise
Jean-François Dupaquier. Si Wenceslas Munyeshyaka
semble aujourd’hui à l’abri de son passé rwandais — il a
obtenu le statut de réfugié politique le 31 juillet dernier —,
il est en revanche rattrapé en France par son mode de vie
et ses mœurs.

Des échanges téléphoniques accablants

Car, dans le cadre de leur enquête sur le génocide
rwandais, en septembre 2014, les gendarmes ont mis le
téléphone du prêtre sur écoute. On y entend notamment
Wenceslas Munyeshyaka échanger avec plusieurs femmes.
Et les propos retranscrits laissent apparaître que le prêtre
avait au moins deux garçons nés de deux femmes
différentes. Il promet ainsi à Claudine, qu’il surnomme
« Mimie chérie », de lui « faire un deuxième enfant ». En
précisant que, « cette fois », il veut « une fille ». Sa
partenaire lui répond qu’il ne « fait que des garçons. » À
plusieurs reprises, on note des conversations avec Vestine,
la mère, et Wilfrid qui s’avère être « le fils de l’abbé ».

« À Gisors, le comportement privé du père Wenceslas était
un secret de Polichinelle, affirme Jean-François Dupaquier.
J’ai une pensée pour le père Michel Morin, l’autre curé de
la paroisse, qui s’est comporté depuis toujours comme un
soutien aveugle et inconditionnel de son collègue rwandais
et n’a jamais voulu écouter les protestations des
paroissiens indignés ou des femmes victimes de sa drague
lourdingue. Des paroissiens m’ont dit avoir l’intention de
réclamer la démission de leur évêque. »

« Il a fait une erreur, ça arrive »

À Gisors, la paternité déclarée de Wenceslas Munyeshyaka
divise la communauté catholique locale, composée
notamment de nombreux fidèles de l’Oise. Il y a les
soutiens comme Ophélie qui appréciait qu’il sache
« mettre la religion à la portée de tous ». Ou celui de
Dominique, qui refuse « de le critiquer là-dessus ». « Mes
trois enfants ont fait leur communion avec lui, rappelle la
mère de famille. C’est un homme charmant, jovial. Il a fait
une erreur, ça arrive. Il n’a pas renié cet enfant, c’est
bien. »

D’autres paroissiens se montrent beaucoup plus sévères.
« Tout le monde savait à Gisors même si, pour certains, ça
a été un choc, assure Fanny. Le curé de la paroisse l’a
protégé et il a caché la vérité pendant dix ans. » De son
côté, Élizabeth a déploré « le manque de respect par
rapport aux offices » célébrés par le prêtre rwandais.
« Cette paternité avouée montre que les rumeurs qui
circulaient en ville étaient vraies, continue-t-elle. Ce n’est
pas un petit mensonge pieux, c’est grave. Il est censé être
marié avec Dieu… »

Le prêtre n’est « pas un homme blanchi par
la justice »

Même constat pour Lise. « Cela ne m’étonne pas de lui,
avoue-t-elle. Sa relation avec certaines femmes m’a
toujours laissé interrogative. Dans la vie civile, il n’avait
rien à voir avec un prêtre. J’avais suivi ses démêlés avec la
justice. Sur les faits de viols qui lui étaient reprochés, j’ai
toujours eu un doute sur son innocence. Coïncidence
troublante, il obtient le statut de réfugié et reconnaît un
fils né il y a dix ans et connu de tous. »

Sans la protection ecclésiastique, Wenceslas Munyeshyaka
aurait en effet pu être expulsé au Rwanda. « Ce statut de
réfugié politique lui a permis de faire une demande de titre
de séjour et d’ouvrir ainsi la voie à une demande de
naturalisation, conclut Jean-François Dupaquier. Il faut
comprendre qu’au Rwanda, le père Wenceslas n’apparaît
pas comme pas un homme blanchi par la justice. À Kigali,
il est un ecclésiastique définitivement condamné par
contumace en 2006 à une peine de détention à perpétuité
pour génocide. »

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024