Fiche du document numéro 29159

Num
29159
Date
Vendredi 19 novembre 2021
Amj
Taille
23075
Titre
Génocide rwandais : en France, des enquêtes tardives et sous tension
Sous titre
Trois condamnations et plus d’une trentaine de procédures en cours: les enquêtes sur le génocide rwandais en France ont été longues et souvent tardives, progressant au gré des embellies dans les difficiles relations entre Kigali et Paris.
Nom cité
Nom cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation

Premières condamnations



Le premier procès a eu lieu en France vingt ans après le génocide des Tutsi. Le 14 mars 2014, l’ex-officier de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa est condamné à 25 ans de prison. Une peine confirmée en appel en 2016.

L’ancien capitaine, reconverti dans la police politique, a été jugé coupable d’avoir organisé des barrages routiers où étaient filtrés et exécutés des Tutsi à Kigali, et d’avoir livré armes et instructions aux miliciens extrémistes hutu qui les tenaient.

Le 6 juillet 2016, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, deux anciens bourgmestres du village de Kabarondo, dans l’est du Rwanda, ont été condamnés à la perpétuité pour crimes contre l’humanité et génocide. Une peine là aussi confirmée en appel, en 2018.

Deux affaires et deux aspects des massacres: tandis que le procès Simbikangwa interrogeait les cercles du pouvoirs, au plus près de la matrice génocidaire, celui des bourgmestres a donné à voir un crime de proximité, un génocide entre voisins, sur les collines où les habitants participaient autrefois ensemble aux travaux communautaires.

Ces verdicts ont été accueillis avec soulagement par Kigali comme par les parties civiles, qui y ont vu un premier message de la France « contre l’impunité ».

Attentat contre Habyarimana: le cul-de-sac judiciaire



Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais, le Hutu Juvénal Habyarimana, est abattu en phase d’atterrissage à Kigali par au moins un missile. Les massacres débutent quelques heures plus tard.

L’enquête sur cet attentat a été longue et difficile et son enjeu – désigner des responsabilités dans le déclenchement du génocide – déterminant pour le nouveau pouvoir rwandais.

Deux principales thèses se sont opposées au cours des investigations, marquées par une rupture diplomatique de trois ans entre Paris et Kigali: celle d’un attentat commis par les soldats de l’ex-rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, devenu président en 2000, et celle d’un acte perpétré par la garde présidentielle hutu.

Plus de vingt ans après les faits, l’enquête a finalement abouti à une ordonnance de non-lieu, en « l’absence d’éléments matériels indiscutables » et du fait de témoignages « largement contradictoires », une décision confirmée en appel. Les parties civiles ont fait un pourvoi en cassation.

Les enquêtes toujours en cours



Vingt-neuf informations judiciaires et cinq enquêtes préliminaires, visant des personnes soupçonnées d’avoir organisé ou d’avoir été complices du génocide, sont actuellement ouvertes au pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, autorisé à poursuivre des personnes soupçonnées de ces crimes en vertu d’une compétence universelle.

Cinq Rwandais sont par ailleurs renvoyés devant les assises. Parmi eux, Claude Muhayimana, un ancien chauffeur naturalisé français, doit comparaître à partir de lundi, tandis que l’ex-préfet Laurent Bucyibaruta sera jugé du 9 mai au 1er juillet 2022.

Deux médecins, Sosthène Munyemana et Eugène Rwamucyo, qui vit désormais en Belgique, ainsi qu’un ancien gendarme, Philippe Hategekimana, naturalisé sous le nom de Philippe Manier, ont pour leur part fait appel devant la chambre de l’instruction de leur renvoi.

Une personne morale fait aussi l’objet d’investigations pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité: la banque BNP Paribas, accusée par plusieurs ONG d’avoir financé en 1994 un achat d’armes au profit de la milice hutu.

Autre dossier qui attend son épilogue: l’enquête sur de possibles responsabilités de l’armée française, accusée par des survivants d’avoir abandonné des centaines de Tutsi qui ont été massacrés sur les collines de Bisesero, fin juin 1994.

En mai, le parquet de Paris a requis un non-lieu, une position prévisible puisqu’aucun des cinq officiers généraux impliqués n’avaient été mis en examen au terme de l’enquête conclue en juillet 2018. La décision finale revient désormais aux juges d’instruction.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024