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Num
28711
Date
Vendredi 15 avril 1994
Ymd
Size
2637951
Title
A l'attention des missions diplomatiques et consulaires du Rwanda (toutes). Objet : Mise au point au sujet de la tragédie rwandaise
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Public records
Type
Déclaration
Language
FR
Citation
A l'attention des missions diplomatiques et consulaires du Rwanda
(toutes)

Objet : Mise au point au sujet de la tragédie rwandaise

1. Le Rwanda traverse pour le moment une situation tragique suite à
l'attentat qui a coûté la vie au président Juvénal Habyarimana et
suite à la reprise des hostilités par le Front patriotique rwandais.

2. En date du 6 avril à 20 h 30, alors qu'il rentrait de Dar-Es-Salaam
où il venait de participer au Sommet sous-régional consacré aus
problèmes de sécurité dans la sous-région, le général-major HABYARIMANA
en compagnie de son homologue burundais Monsieur NTARYAMIRA Cyprien
ont trouvé la mort.

3. L'avion présidentiel a été touché à l'aile par un missile alors
qu'il s'apprêtait à atterrir à l'aéroport International Grégoire
Kayibanda à Kigali (Kanombe).

4. Le pilote a continué les manoeuvres d'atterrissage et l'avion a
encore été touché par deux autres obus qui ont fait exploser l'avion,
alors qu'il était juste au dessus de la piste.

5. Les occupants ont tous péri dans cet attentat et, ironie du sort,
les corps sont tombés dans les jardins de la Résidence du président
HABYARIMANA située non loin de là.

6. A la suite de cet attentat qui a coûté la vie en outre au chef
d'Etat-major de l'Armée, les combattants du F.P.R stationnés dans
l'enceinte du palais du Conseil National de Développement sous la
surveillance de la MINUAR ont trouvé une occasion propice pour attaquer
le camp militaire de la garde présidentielle sis à Kimihurura. C'était
dans la nuit du 6 avril 1994. L'armée a riposté.

7. Au courant de la journée même du 06 avril 1994, vers 14 heures, des soldats armés du FPR, s'éparpillaient en ville notamment à l'hôtel Méridien avec quelques civils rwandais.

8. Dans la même nuit du 06 avril, la population rwandaise était en
effervescence surtout dans les quartiers de la ville de Kigali où des
violences ont éclaté visant l'élimination des pions du F.P.R communément
appelés "IBYITSO".

9. Cette flambée de violences a regagné certaines régions de l'intérieur
du pays où des sympathisants du F.P.R en majorité tutsi ont été visés.

10. Au lendemain même de l'assassinat du président HABYARIMANA, le FPR déclarait ne plus être lié par les accords d'Arusha qu'il avaient d'ailleurs violé de façon flagrante en reprenant les hostilités au Nord du Pays et en attaquant la Capitale par le bataillon stationné au palais du C.N.D alors que selon le protocole de KINIHIRA, ce bataillon était destiné à protéger les officiels du F.P.R.

11. Devant cette situation de reprise de guerre, un comité de crise du haut-Commandement de l'armée s'est constitué. Pour éviter le vide du pouvoir au Rwanda, le Conseil national de développement en collaboration avec le Haut-Commandement de l'armée rwandaise ont demandé au président du Conseil national de Développement de prendre ses responsabilités en accédant à la Magistrature suprême conformément aux dispositions constitutionnelles de la Loi fondamentale du 10 juin 1991. Ainsi le Docteur SINDIKUBWABO Théodore devenait président de la République.

12. Les cinq partis politiques participant au gouvernement de transition conformément au protocole d'entente du 16 avril 1992, ont été invités à mettre en place un gouvernement chargé de poursuivre les négociations avec le FPR, en vue de la mise en place des Institutions de Transition à base élargie.

13. Le parti politique MDR a présenté au poste de Premier ministre, Monsieur
Kambanda Jean qui a été accepté par les autres formations politiques.

14, La composition de l'équipe gouvernementale a été arrêtée comme présenté en annexe de la présente.

15. Ce Gouvernement a reçu mandat de rétablir l'ordre dans le pays, de poursuivre les négociations avec le FPR, de lancer un appel international en faveur des populations rwandaises éprouvées par la faim surtout dans le Sud du Pays, la misère et les maladies de toute sorte consécutives à trois années de guerre.
Ce gouvernement poursuivra aussi l'action de rapatriement des réfugiés et la réintégration des déplacés de guerre.

16. Face à la déclaration de guerre lancée par le F.P.R, le gouvernement rwandais a quant à lui proposé une solution pacifique de dialogue. Ainsi un cessez-le-feu a été proposé au F.P.R.

17. Le F.P.R a continué sa campagne de désinformation et d'intoxication de l'opinion publique internationale se berçant d'illusions de prendre la Capitale par la force et de s'emparer ainsi de tout le pouvoir. C'est dans cet esprit que tous les supports médiatiques du F.P.R relayés par ses alliés internationaux ont répandu les mensonges les plus grossiers telle la prise de la capitale, certainement pour démoraliser toutes les velléités de soutien au Gouvernement de Monsieur Kambanda.

18. Vous aurez à l'esprit que les combats engagés par le FPR sont du genre de la guerilla et que par conséquent de simples tirs sporadiques orchestrés par des éléments du FPR à partir de plusieurs coins de la ville sont considérés par les propagandistes du F.P.R. comme une prise effective de la capitale.

19. L'armée rwandaise maîtrise la situation sur tous les fronts. Elle est parvenue à déloger l'ennemi des poches de la capitale et lui oppose une résistance sur les fronts du Nord.

20. De son côté, la population civile qui s'est soulevée comme un seul
homme oppose une résistance farouche au F.P.R. et a beaucoup contribué à
assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi qu'à démasquer
les combattants du FPR infiltrés dans plusieurs coins de la
ville. L'appui de la population civile est totalement acqui [sic] à
l'armée.

21. Face aux visées divisionnistes du F.P.R., l'armée rwandaise reste
solidaire et il n'y a pas eu de mutinerie de la garde présidentielle
comme semblent l'affirmer certains médias internationaux intoxiqués,
comme d'habitude, par le F.P.R.

22. S'agissant de l'implication du F.P.R. ou d'autres ennemis de la
nation dans la tragédie rwandaise, il convient de signaler que toutes
les déclarations par ailleurs contradictoires qui se sont manifestées
jusqu'à ce jour ne reposent que sur des spéculations. De la part des
uns, ces spéculations sont tout simplement destinées à masquer la
vérité.
Néanmoins le Gouvernement rwandais va bientôt lancer une
enquête pour mettre la lumière sur la responsabilité des casques bleus
belges soupçonnés par l'opinion publique rwandaise d'avoir trempé dans
le complot de l'assassinat du Chef de l'État rwandais.

23. Il est vrai que la protection de l'aéroport à proximité duquel les
missiles ont été tirés sur l'avion présidentiel incombait au
contingent belge de la MINUAR.

24. Trois suspects de ce même contingent ont été appréhendés
au même moment où un groupe de 8 casques bleus de la MINUAR tentait
de récupérer par la force la boîte noire sur l'épave de l'avion.

25. Les résultats des analyses de la boîte noire seront versés dans
l'enquête, mais en attendant cette expertise, il serait hasardeux de
tirer une conclusion définitive sur les auteurs de l'attentat qui a
coûté la vie au Président HABYARIMANA.

26. Au sujet de l'évacuation des ressortissants étrangers, il y a lieu de signaler que ls gouvernement belge, français et américain ont fait part au Gouvernement rwandais de leur intention de procéder chacun personnellement au rapatriement de ses citoyens. Le Gouvernement rwandais a donné son accord à ce sujet.

27. Le Gouvernement américain a dépêché à cet effet environ 400 marines et 8 avions qui sont restés en stand by à Bujumbura. L'évacuation des américains, canadiens et allemands s'est effectuée en deux étapes. Par route de Kigali à Bujumbura et de là par avion.
Les autres étrangers dont les belges et les français ont été évacués par l'aéroport international Grégoire Kayibanda par des avions ayant reçu en bonne et due forme les autorisations de survol et d'atterrissage.

28. Un seul point de discorde cependant a marqué ces opérations d'évacuation des ressortissants belges alors que, pour d'autres pays, il n'y a pas d'incidents à signaler.
En effet les gros porteurs belges ont débarqué à Kanombe des armements lourds tels des chars de combat. Ce matériel lourd nous semble superflu pour procéder à une simple opération d'évacuation des personnes. De plus, ces armements n'ont pas été réembarqués alors que l'opération a été clôturée. Le Gouvernement n'a donc pas respecté l'entendement qu'il a eu avec les autorités rwandaises au sujet de l'évacuation de ses ressortissants.

29. De source militaire, il est indiqué que certains éléments belges
de la MINUAR participent activement aux combats dans certains
quartiers de la ville. Ceci est évidemment en contradiction avec les
Accords d'Arusha et est contraire à la mission assignée à la MINUAR au
Rwanda. Deux Belges sont tombés sur le champ de bataille, sur le Mont
Jari, tout près de Kigali.

30. Il est également admis de penser que la MINUAR (contingent belge) n'a pas été rigoureuse dans la surveillance des éléments du FPR stationnés dans l'enceinte du palais du C.N.D. puisqu'ils ont pu accumuler des armes de guerre, et plus tard, quitter et lancer à leur aise des attaques contre la population civile de la capitale et contre des objectifs militaires.

31. Pour le moment, telles sont les informations que j'ai tenu à mettre à votre disposition.

32. Il est demandé à chaque mission diplomatique rwandaise d'en faire usage dans la défense des intérêts nationaux et dans la campagne d'information à mener pour établir la vérité.

33. Pour permettre d'ajuster nos positions, je vous prie de me faire parvenir toute information pouvant nous aider à juguler la situation.

Fait à Kigali le 15 avril 1994

Le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération

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