À Mons, la place du Parc est un lieu de mémoire. On y trouve le monument aux morts des guerres mondiales, mais aussi l’arbre du Centenaire, planté en 2014 pour commémorer les 100 ans de la Bataille de Mons. Depuis ce vendredi, c’est aussi devenu un lieu où l’on se souvient d’une des pires horreurs de la fin du XX
e siècle: le génocide rwandais, qui fit près d’un million de victimes entre le 7 avril et le 4 juillet 1994.
27 ans plus tard, une stèle en acier Corten sur laquelle est gravée une flamme invite le passant à se souvenir de l’inimaginable où, durant quatre mois, l’humanité a abandonné le Rwanda pendant que la communauté internationale regardait ailleurs.
Inauguré en présence des autorités communales et militaires, du ministre des affaires étrangères et de l’ambassadeur du Rwanda, le mémorial a vu le jour suite à un travail commun mené depuis 2017 entre la Ville de Mons et des associations de la diaspora rwandaise.
On pourrait se demander pourquoi un tel monument à Mons et si la Ville a un lien particulier avec le Rwanda.
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La Belgique a noué des liens particuliers avec le Rwanda. Et par conséquent, Mons, une des principales villes du pays, également. Plusieurs centaines de ressortissants rwandais habitent aujourd’hui notre ville, ils font pleinement partie de notre communauté, même si leurs racines restent ancrées au pays. Cette double identité méritait d’être mise en exergue comme une source de fierté d’abriter des personnes qui apportent leur vécu, leur histoire, leur culture et leur richesse. À présent, notre devoir est d’entretenir un travail de lutte contre la négation et la banalisation de tels faits», a déclaré Nicolas Martin, bourgmestre de Mons.
Une stèle réconfortante pour les rescapés
Du côté des associations rwandaises, on ne peut que se féliciter du geste. «
C’est plus qu’important, c’est réconfortant, estime Félicité Lyamukuru, de l’association Ibuka Mémoire et Justice. C’est l’une des rares stèles, la troisième, que nous avons en Belgique et ce n’est pas rien! Ça nous fait du bien de pouvoir commémorer cet évènement.»
Le génocide, Félicité ne peut l’oublier. «
Je suis une rescapée, j’y ai perdu toute ma famille.» 27 ans plus tard, son souvenir s’est ravivé.
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On pourrait se dire qu’au fur et à mesure du temps on oublie, mais non. Pour les rescapés, au fur et à mesure que le temps passe, les souvenirs sont très vifs. J’avais 15 ans et demi à l’époque. Au lendemain du génocide, il fallait se relever, étudier, fonder une famille… Une fois qu’on est presque stable, on commence à se remémorer beaucoup de choses. Ici, je vais avoir l’âge que ma mère avait quand elle a été tuée… Donc le souvenir ne s’étiole pas.»
Perpétuer le souvenir au-delà des rescapés
Si la stèle lui offre un lieu de recueillement, elle permet surtout de transmettre la mémoire des évènements. «
C’est une reconnaissance de ce qui s’est passé au Rwanda. Un jour, les rescapés ne seront plus là, mais cette histoire continuera d’être reconnue, rappelée et transmise de générations en générations, grâce à ce symbole.»
Une flamme qui symbolise la lumière, l’espoir. «
Toute une génération est née après nous et c’est une lueur d’espoir que nous transmettons.»
C’est aussi une façon de lutter contre la désinformation et le négationnisme. «
En Belgique se trouvent plusieurs présumés génocidaires qui nient ce qu’il s’est passé. Ce qui n’a pas pu être fait hier, nous pouvons le faire aujourd’hui, en luttant contre cette haine qui peut se véhiculer sur les réseaux sociaux.»
D’autres monuments perpétuant le souvenir pourraient voir le jour dans d’autres villes, comme à Tournai, où un accord de principe a été obtenu.