Fiche du document numéro 28050

Num
28050
Date
Vendredi 26 mars 2021
Amj
Taille
30795
Titre
Génocide rwandais : la France aveugle mais pas complice selon un rapport
Sous titre
Explication Le rapport de la commission d’historien chargée de faire la lumière sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 conclut à une faillite intellectuelle de l’appareil d’État dans son analyse de la situation au Rwanda. En revanche, il écarte l’accusation de complicité de génocide.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Ce vendredi 26 mars à 16 h 30, le rapport des historiens sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide des Tutsis au Rwanda a été remis au président de la République Emmanuel Macron. Un texte volumineux de 1 200 pages avec les annexes, fruit d’un travail de deux ans de consultation de l’ensemble des archives françaises sur le sujet, dont certaines n’avaient pas été ouvertes à la consultation.

C’est un « prisme chronologique » qui a été choisi dans cette étude, organisée autour de trois phases. La première, de 1990 à 1993 : la montée en puissance de l’engagement militaire français, l’opération Noroît. La seconde, de 1993 à 1994 : celle du désengagement militaire au profit de l’action diplomatique. Et, pendant le génocide : le réengagement de l’armée française.

Quelle conclusion ?



Le rapport « conclut clairement à une responsabilité de la France que le travail de la commission qualifie de politique, d’institutionnelle, d’intellectuelle, d’éthique, de morale, et de cognitive, explique-t-on aujourd’hui à l’Élysée. Cette responsabilité traduit une incapacité à penser le crime du génocide qui se profilait. » Et d’ajouter : « pour objectiver cette responsabilité, le rapport décrit de profonds dysfonctionnements, notamment dans le processus d’appréciation de la situation et dans celui de la décision. »

Interrogée sur cette responsabilité établie par la commission d’historiens, une autre source à l’Élysée précise : « La principale responsabilité que l’on peut relever : une sorte d’obstination française à suivre une ligne politique unique et à faire abstraction de tout type de signal qui pouvait remettre en cause cette politique. La commission parle d’aveuglement intellectuel, voire, à un certain moment, de faillite intellectuelle dans la compréhension du contexte. Et elle en conclut à une forme de faillite collective, qui dépasse le cas de certains individus à appréhender une réalité rwandaise qui ne pouvait se résumer à des tensions soi-disant ethniques ou communautaires. »

Autrement dit, précise-t-elle : « Cette responsabilité est essentiellement déclinée sous l’angle de l’incapacité à comprendre une situation, et en en tirant les conséquences en termes de décision politique. »

Quels sont les principaux responsables de la politique française et de son exécution pendant cette période ?



La France, de 1990 à 1994, était présidée par François Mitterrand. Le secrétaire général de l’Élysée était Hubert Védrine. Jusqu’en 1992, son conseiller Afrique était son propre fils, Jean-Christophe Mitterrand. Puis, de 1992 1995, Bruno Delaye. Enfin, François Mitterrand avait comme chef d’état-major particulier le général Christian Quesnot, et le chef d’état-major des armées était l’amiral Lanxade.

À partir de 1993, la droite entre au gouvernement après sa victoire aux élections législatives de mars 1993. Le gouvernement est alors dirigé par Édouard Balladur, le ministère des affaires étrangères est Alain Juppé, le ministre de la défense, François Léotard.

La France est-elle complice de génocide ?



« Le rapport écarte la notion de complicité de génocide. Il souligne que nulle part, il ne trouve d’intention de permettre, de contribuer ou de participer aux actions constituant ce génocide », répond une source à l’Élysée.

De même, poursuit-elle, il écarte « les accusations qui ont pu être formulées à l’encontre de l’opération Turquoise, même s’il souligne que cette opération a eu un déclenchement tardif et qu’elle a pu avoir initialement une certaine ambiguïté dans les directives politiques reçues, le rapport souligne que cette mission a permis le sauvetage de milliers de Tutsis ».

Le rapport analyse aussi les questions qui « ont cristallisé toutes les interrogations au sujet de l’engagement de la France au Rwanda dans ces années : les livraisons d’armes au régime rwandais, l’engagement opérationnel auprès des forces armées rwandaises, différents épisodes de 1994 comme le massacre de Bisesero ou la non-arrestation du gouvernement intérimaire rwandais dans la zone humanitaire sûre. »

Sur la délicate question des livraisons d’armes de la France au régime rwandais pendant le génocide, « le rapport n’a trouvé dans les archives aucune trace attestant de livraison d’armes après le déclenchement du génocide », répond l’Élysée.

Les suites ?



Selon nos informations, ce rapport a déjà été communiqué au président Rwandais Paul Kagame. Le président français en aurait discuté avec lui au téléphone, ils se seraient mis d’accord sur la conclusion. De sorte que cette page sombre de l’histoire des relations entre la France et le Rwanda serait considérée comme définitivement tournée.

Emmanuel Macron devrait se rendre à Kigali au début du mois de mai. Et le poste d’ambassadeur de France au Rwanda, inoccupé depuis 2015, devrait à nouveau être occupé prochainement.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024