Fiche du document numéro 27411

Num
27411
Date
Mardi 24 novembre 2020
Amj
Taille
130357
Titre
Archives sensibles – Motion de l’AFHMT
Sous titre
Le CA de l’AFHMT a adopté le texte suivant, concernant « l’affaire d’Andurain », la commission Rwanda et plus largement l’accès aux archives dites « sensibles ».
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Depuis quelques semaines, plusieurs médias ont dénoncé des propos relevant du négationnisme, écrits par une des membres de la commission « sur le rôle de la France au Rwanda » dans une notice sur l’opération Turquoise [1], Mme d’Andurain s’est depuis « mise en retrait » de la commission.

Au-delà des affirmations graves de Mme d’Andurain, tant dans sa notice que lors de ses déclarations ultérieures, l’AFHMT tient à dénoncer les éléments suivants :

1) Il est regrettable que plusieurs sociétés savantes se soient empressées de défendre l’une de leurs membres, sans vérifier la pertinence des critiques qui lui avaient été adressées. Plusieurs de ces sociétés ont corrigé depuis leur attitude initiale et condamné les propos en question.

2) La notice rédigée par cette historienne ne remplit pas les conditions de la rigueur scientifique, citant deux sources controversées sans distance critique (Pierre Péan et Hubert Védrine) et ne tient pas compte des travaux importants publiés depuis plusieurs années sur le génocide des Tutsis au Rwanda et l’implication française [2].

3) Cette « affaire » soulève de nouveau le problème de légitimité de la commission « sur le rôle de la France au Rwanda » annoncée par Emmanuel Macron le 5 avril 2019. Présidée par l’historien Vincent Duclert, cette commission a, dès le début, écarté les spécialistes du génocide des Tutsis au Rwanda, suscitant aussitôt de vives réactions critiques de la part d’associations de rescapés, de spécialistes de l’Afrique des grands lacs et de nombreux historien·ne·s [3].

4) De plus, au lieu de rendre les archives liées au génocide accessibles au public, cette commission a décidé de les déclassifier pour son seul usage [4]. Cela est doublement problématique : et pour l’accès aux informations et pour la reconstruction d’une mémoire déjà controversée.

5) L’accès aux archives coloniales et post-coloniales s’est fait très tardivement en France, au tournant du millénaire. On rappellera en particulier le cas de l’Algérie. Le Rwanda marque un pas en arrière vers un contrôle secret-défense que de nombreuses associations ont dénoncé.

6) Cette orientation entre dans une double mouvance générale ces dernières années : d’une part, l’accès aux archives « sensibles » a été limité[5], notamment par la possibilité de reclassifier des archives jadis ouvertes. La responsabilité du ministère de la Culture est directement engagée dans cette régression. D’autre part, l’histoire coloniale et post-coloniale fait désormais l’objet de réticences majeures de la part du ministère de l’éducation nationale et des plus hautes autorités de l’État [6].

L’AFHMT rappelle la nécessité de rigueur scientifique que tout·e historien·ne·s se doit d’avoir, surtout sur des sujets aussi sensibles, au-delà de réactions de soutien corporatistes.

Plus largement, l’AFHMT conteste les restrictions d’accès aux archives sur le Rwanda et demande l’accès de tous les chercheurs aux archives en question.

[1] Le Canard enchainé exhume le 28 octobre 2020, une notice écrite par Julie d’Andurain dans l’édition 2018 du Dictionnaire des opérations extérieures de l’armée française (sous la direction de Philippe Chapleau et Jean-Marc Marill) au sujet de l’opération Turquoise.

[2] Les faits sont têtus : vingt ans de déni sur le rôle de la France au Rwanda (1994-2014)

Première partie : des faits qui accablent https://journals.openedition.org/chrhc/4673

« Les faits sont têtus » : vingt ans de déni sur le rôle de la France au Rwanda (1994-2014)

Deuxième partie : lâchetés politiques et complicités médiatiques https://journals.openedition.org/chrhc/4882

Alain Gabet, Sébastien Jahan,

Quand la boussole perd le nord

« Que sais-je ? » sur le génocide des Tutsi du Rwanda1 https://journals.openedition.org/chrhc/7463

Le chemin de Kigali

Stéphane Audoin-Rouzeau et le génocide tutsi au Rwanda https://journals.openedition.org/chrhc/14217

[3] https://medium.com/@christianingrao/le-courage-de-la-vérité-a50534b3d3bb.

[4] Mis à part le chercheur François Graner soutenu par le Conseil d’Etat dans sa demande consultation des archives. Voir à ce titre un article parmi d’autre de François Robinet : https://aoc.media/analyse/2020/07/22/france-rwanda-le-temps-des-archives-le-temps-de-lhistoire/

[5] https://www.cada.fr/administration/archives-publiques

[6] https://histoirecoloniale.net/Des-accusations-inadmissibles-contre-l-universite-francaise.html

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