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5.13. Lettre de M. Faustin Twagiramungu au Président Paul
Quilès, 25 mai 1998, Présence de M. Ferdinand Nahimana
au gouvernement transitoire à base élargie
Faustin TWAGIRAMUNGU
Kraainem, le 25 mai 1998
Monsieur Paul QUILÈS
Président de la Commission
de la Défense Nationale
et des Forces Armées
126, rue de l’Université
75355 Paris Cedex 07 SP
Monsieur le Président,
J’accuse bonne réception de votre lettre datée du 13 mai 1998 à laquelle
je n’ai pas pu répondre à temps suite au décès inopiné d’un collègue et ami, Monsieur Seth SENDASHONGA, ancien Ministre rwandais de l'Intérieur, assassiné à Nairobi le 16 courant.
Permettez-moi d’abord de vous remercier pour m'avoir domné l’occasion de dire
devant la Mission d’information ce que je crois être la vérité sur mon pays meurtri par la guerre de conquête, par le génocide, par les massacres répétitifs et par une propagande médiatique inégalée qui ne s’est jamais estompée.
S'agissant de la question soulevée devant la mission au cours de l’audition de
l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud, à savoir comment Ferdinand Nahimana
personnage contesté, responsable de la Radio Libre des Mille Collines (RTLM), a
pu figurer sur la liste du gouvernement de transition comme Ministre de l'Education et recevoir, à ce titre, l'agrément du FPR, cette question me semble pertinente. En effet, en ma capacité de Premier Ministre désigné par les Accords de Paix d’Arusha pour conduire Le Gouvernement de Transition à base élargie au FPR, j'ai rendu public la liste des Ministres qui devaient en faire partie, le 18 mars 1994 soit 19 jours avant le début du génocide.
Présenté comme candidat ministre par son parti, le Mouvement Révolutionnaire
National pour le Développement et la Démocratie (MRND), parti du Président
Habyarimana, j'avais effectivement accepté NAHIMANA comme Mimistre de
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l’Enseignement Supérieur, de la Recherche scientifique et de la Culture, aprés
consultation avec les autres partis et le FPR appelés à former le Gouvernement dit de transition à base élargie.
Personnage contesté après le génocide, Monsieur Nahimana n’avait pourtant pas fait l’objet d'aucune objection auparavant par le FPR, pour des raisons suivantes:
1. Contrairement aux affirmations souvent abusives de certains experts, le susnommé n'a jamais été Directeur de la Radio Libre des Milles Collines. Grand militant du MRND et ardent défenseur du Président Habyarimana, profitant de sa position privilégiée en tant que Directeur dé l'Office Rwandais d’lnformation (ORINFOR), dont dépendait la Radio Nationale, il sera plutôt l’un des principaux promoteurs du projet de la création et de l’installation de la RTLM, mettant aussi l’expertise de certains journalistes et techniciens au profit d’une radio privée destinée à faire la propagande de son parti. Suite à un malentendu entre lui et le Premier Ministre M. NAHIMANA sera forcé de quitter l'ORINFOR, peu après la mise en place, le 16 avril 1992, du gouvernement de transition auquel participaient les partis d'opposition intérieure qui lui reprochaient d’être au service de son parti dans un contexte de multipartisme. Cela ne pouvait pas, le moment venu, l'empêcher de devenir ministre.
2. Historien de formation, spéciälist de l’histoire du Rwanda, ambitieux,
M.NAHIMANA eu la réputation de vouloir analyser autrement l’hisioire de son
pays, ce qui a contredit beaucoup d'experts pour lui valoir sans doute à son tour la qualification redoutée d’idéologue de MRND. En toute démocratie, il n’y avait pas de raison de l’écarter pour ses options politiques surtout dans un gouvernement à plusieurs sensibilités.
3. Le FPR ayant lui-même son émetteur, «Radio Muhabura», instrument de sa propagande visant à susciter les contradictions internes dans le pays, et à fausser l’histoire, n’éprouvait aucun besoin de s'opposer à la nomination des ministres des autres partis signataires du «Code d’éthique politiques et de se lancer dans une attaque singulière contre l'intéressé.
4. Enfin, à sa création en 1993, la Radio Libre des Mille Collines n’était pas «destinée à préparer le génocide». Elle était plutôt présentée au public non averti comme une radio à vocation commerciale. Financée en grande partie par les militants du MRND, elle avait été installée à Kigali, la capitale du Rwanda, pour ia propagande de ce parti et du Président Habyarimana dont les slogans à la gloire d’un régime à parti unique sur les antennes de la Radio Rwanda, venaient d’être interdits par le gouvernement de transition.
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En réalité, dans ses émissions, la RTLM était en concurrence avec «Radio Mubabura» du FPR. Sa propagande visait surtout à anéantir politiquement tous ceux qui pouvaient, à l’intérieur de pays, constituer une alternative au Président Habyarimana.
C’est particulièrement suite aux assassinats successifs du Président du Burundi Melchior Ndadaye le 21 octobre 1993 ét de deux Présidents Juvènal Habyarimans du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, le 6 avril 1994, que la Radio des Milles Collines a été récupérée, par quatre journalistes, anciens collaborateurs de Nahimana, extrémistes et partisans du Hutu-power sous la direction d’un nommé Phocas Habimana, membre influent du MRND.
En conclusion, Monsieur. Ferdinand Nahimana n'avait jamais fait l’objet de contestation ni par les partis politiques de l’opposition intérieure, ni par le FPR au momeñt des consultations pour la publication de la liste des Ministres du gouvernement de transition à base élargie. Faut-il souligner que ce gouvernement devait être celui du consensus et du compromis politiques dictés par la situation précaire du moment.
Je reste à l'entière disposition de la Mission d’information pour répondre à d’autres questions complémentaires.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes sentiments les meilleurs.
Faustin TWAGIRAMUNGU
Ancien Premier Ministre du Rwanda
