Citation
1. Les violences dans le Kivu
Avec la loi de 1981 sur la nationalité zaïroise et l’invention du concept de
« la nationalité douteuse », la question identitaire des Banyarwanda au Kivu est devenue une source des violences morbides. Les populations qui se disent autochtones leur contestent le droit à la nationalité, ce qui va entrainer des conflits violents. Des études ont montré que la pression foncière est une des sources des violences entre éleveurs et agriculteurs
II.1.Le cas du Nord-Kivu
Nous allons résumer les faits de violences ethniques telles qu’ils se présentaient dans une région qui hébergeait une communauté issue de l’immigration rwandaise déracinée comme main d’œuvre par le colonisateur ; l’armée de Mobutu y a organisé entre 1985 et 1995 plusieurs expéditions. Le Rwanda surpeuplé et déchiré par des affrontements ethniques, a exporté depuis le début des années 60 tous ses maux au Nord-Kivu.
La politique d’immigration du pouvoir colonial et la mauvaise gouvernance postcoloniale ont entrainé des effets pervers sur l’équilibre démographique dans la province du Nord-Kivu peuplée des Nande, des Banyarwanda (Hutu et Tutsi), des Nyanga, des Hunde et Tembo ; ces populations se répartissent en deux groupes : les autochtones, d'un côté, et, de l'autre, les immigrés et les réfugiés des événements de 1959 et 1994 au Rwanda. Depuis le début des années 60, nous assistons à des violences intercommunautaires suscitées par des conflits d’intérêts politiques et fonciers sur fond de revendication identitaire d’autochtonie. Les Nande et les Banyarwanda sont les deux groupes majoritaires qui se sont toujours disputé le leadership économique et politique de la province.
Les différentes communautés se retrouvent autour de 3 zones :
la zone Goma-Masisi-Walikale, hétérogène ethniquement (Hunde, Tembo et Banyarwanda dans le Masisi, et Nyanga à Walikale), où les conflits fonciers sont vivaces, notamment dans les territoires de Masisi et deWalikale ;
la zone de Rutshuru où les Banyarwanda (Hutu-Tutsi) sont majoritaires;
la zone de Beni et Lubero, où les Nande ont l’exclusivité démographique.
II.1.a. Chronologie des violences contre les Tutsi au Nord-Kivu
En Novembre 1959 suite aux massacres contre les Tutsi du Ruanda, ceux-ci se réfugient au Congo et sont dans les camps de Bibwe / Masisi, de Kalongo/Kahele et Ihula / Walikale.
Après l’indépendance, un premier conflit ethnique armé éclate au Nord-Kivu en juillet 1963, entre les Banyarwanda (Tutsi et Hutu du Masisi et de Goma) et les autres ethnies (Nande, Hunde et Nyanga), suite au mouvement d'autonomie des provincettes. En effet, le leader Nande Denis PALUKU, ministre du gouvernement provincial du Kivu, déclare l'autonomie du Nord-Kivu ; ses collègues Tutsi s'y opposent. Denis PALUKU parvient cependant à rallier les autres groupes ethniques Hunde et Nyanga, et même les Hutu de Rutshuru, dirigés par le Mwami NDEZE. Par contre les Tutsi et les Hutu de Masisi, ceux des environs de Goma et une partie de Rutshuru maintiennent leur opposition. En représailles, Denis PALUKU envoie une expédition armée dans le Masisi où les Tutsi sont arrêtés et exécutés. Pour avoir l’appui politique et militaire du gouvernement central contre les Tutsi, Denis PALUKU les accuse d’être des partisans du mouvement muleliste (partisans de Pierre MULELE, fidèle à la mémoire et à la ligne de Patrice LUMUMBA après la mort de ce dernier). Les violences meurtrières au Nord-Kivu opposant les Banyarwanda (Hutu et Tutsi) du Masisi aux autres communautés (Nande, Hunde et Nyanga) vont perdurer plus de 2 ans.
De 1963 à 1964, tous les transplantés Banyarwanda et leurs descendants qui occupent des fonctions publiques à Masisi depuis l’époque coloniale sont déchus et remplacés par des Hunde qualifiés de « autochtones ». En octobre 1965, des massacres sont organisés contre les Banyarwanda ; de nombreux cadavres de Tutsi tués sont déversés dans le lac vert entre Goma et Sake. La « révolte kanyarwanda » va commencer. Le Général MOBUTU en prenant le pouvoir en novembre 1965, va supprimer les provincettes, dissoudre les forces de police du Nord-Kivu et muter les autorités politico-administratives impliquées dans ces conflits dont Denis PALUKU. Ces mesures ont mis fin aux violences communautaires sans pour autant apporter des solutions appropriées pour une paix durable.
Le 20 mai 1967, les camps des réfugiés administrés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés - HCR sont abolis ; tous les réfugiés sont intégrés dans la population autochtone.
Le 20 mars 1993, un marché à Walikale est attaqué par des hommes armés de fusils et machettes, tuant un grand nombre des Banyarwanda. Du 22 au 23 avril 1993, des jeunes Hunde tuent une dizaine des Banyarwanda dans le Masisi.
Du 14 au 17 juillet 1994, au moins 2 millions de Hutu rwandais se réfugient au Kivu, fouillant avec les génocidaires contre les Tutsi rwandais.
En octobre 1994, une campagne de violences meurtrières est menées contre les Tutsi du Kivu, impliquant les milices Ngilima et Maï-Maï créées par des tribus dites autochtones, des ex-soldats rwandais et des Interahamwe, avec le soutien de la MAGRIVI (Mutualité des Agriculteurs de Virunga) une organisation des extrémistes Hutu congolais créée en 1975 au Zaïre sur instigation de l’ancien régime du Rwanda pour déstabiliser les Tutsi au Zaïre. L’idéologie d’un « Bantuland » va imprégner certains acteurs en créant une coalition des tribus « Bantou-autochtones» contre les Tutsi qualifiés de « allochtones nilotiques ».
Entre la fin de 1995 et le début de 1996, de nombreux Tutsi sont massacrés, les rescapés se réfugient en Ouganda à Kisoro et au Rwanda à Gisenyi et à Ruhengeri où l’on leur rappelle leur nationalité zaïroise. Le 14 mai 1996, des Hutu massacres des centaines de réfugiés Tutsi dans un monastère à Mokoto.
(A suivre)