Fiche du document numéro 2711

Num
2711
Date
Mercredi 24 septembre 2008
Amj
Taille
142003
Titre
L'écrivain Pierre Péan jugé pour racisme anti-Tutsi
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« La culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis, et dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutus. » Il suffit de remplacer Tutsi par Juif pour imaginer le tollé qu'aurait provoqué à sa sortie, en novembre 2005, le livre de Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs (Fayard), consacré au génocide de 1994 au Rwanda. Mais à l'époque, le volumineux pavé n'avait suscité que quelques comptes-rendus, globalement défavorables, de journalistes spécialisés dans les affaires africaines. Un silence expliqué par la réputation et l'entregent de Péan, enquêteur de renom, mais aussi par l'omerta des dirigeants français sur le génocide de 800 000 Tutsis et opposants hutus au Rwanda. La France, gauche et droite confondues, a en effet soutenu jusqu'au bout le régime hutu raciste qui a commis le génocide.

Lobbying. Un an plus tard, une plainte était déposée par SOS Racisme et Ibuka, une association de rescapés du génocide. Au final, l'écrivain enquêteur et son éditeur, Claude Durand, sont poursuivis pour « complicité de diffamation raciale » et « complicité de provocation à la discrimination, à la violence et à la haine raciale » envers les Tutsis. Vingt-cinq passages du livre sont incriminés.

Le procès s'est ouvert hier, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Pour SOS Racisme, son président, Dominique Sopo, a accusé Péan de « reprendre, de fait, des présupposés de l'idéologie génocidaire qui a conduit au drame [...] au Rwanda ». Dans son ouvrage, Péan cite notamment, à l'appui de sa théorie sur le mensonge « congénital » des Tutsis, la « petite étude historique » d'un certain Paul Dresse, dans les années 1940. Ce dernier, proche de l'extrême droite belge, reprenait tous les clichés sur les Tutsis, race soi-disant sémitique. Or, avant et pendant le génocide, les médias de la haine, aux mains du lobby hutu extrémiste, comme Radio Mille Collines et le magazine Kangura, diffusaient les mêmes clichés. Même proximité douteuse lorsque Péan explique que la diaspora tutsie a effectué un lobbying « très efficace » en guidant « de très belles femmes tutsies vers des lits appropriés », ceux des responsables des « principales organisations internationales », des « milieux intellectuels » et des « acteurs politiques du monde entier », pour les gagner à leur cause, c'est-à-dire celle des rebelles du Front patriotique rwandais, alors en guerre contre le régime raciste de Kigali.

Pugnace. Pierre Péan voit dans cette plainte une « flétrissure » : il a rendu sa mise en examen responsable d'une « crise cardiaque ». Mais à 70 ans, l'auteur d'Une jeunesse française reste toujours aussi pugnace. Il a fait citer pour sa défense deux personnalités de renom. Bernard Debré, ministre de la Coopération en 1994 et adepte de la thèse du « double génocide », qui veut que les Hutus aient subi eux aussi un génocide, réduisant le génocide tutsi à un massacre interethnique. L'autre est Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l'Elysée sous Mitterrand, meilleur soutien international du régime rwandais, qui a fini par commettre le génocide. Claude Durand, lui, a argué d'« un demi-siècle de combat contre la discrimination et pour les droits de l'homme ». Cela suffit-il à lui garantir une immunité antiraciste ?

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