Fiche du document numéro 26169

Num
26169
Date
Dimanche Novembre 1970
Amj
Taille
6345038
Titre
Une révolte au Burundi en 1934. Les racines traditionalistes de l'hostilité à la colonisation
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
EHESS

Une révolte au Burundi en 1934: Les racines traditionalistes de l'hostilité a la colonisation
Author(s): Jean-Pierre Chrétien
Source: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 25e Année, No. 6 (Nov. - Dec., 1970), pp. 1678-1717
Published by: EHESS
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27577796 .
Accessed: 13/07/2013 07:13
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Une révolte au Burundi en 1934

LES RACINES TRADITIONALISTES
DE L'HOSTILITE A LA COLONISATION
en milieu rural europ?en se sont
Les ?tudes portant sur les r?voltes populaires
ann?esx. La recherche historique
d?couvre
qu'elle a
depuis quelques
multipli?es
une
ont
et
les
soci?t?s
histoire.
des
villes
aussi
le
monde
que
paysannes
privil?gi?
On nous permettra de voir, dans cette tendance, un reflet de l'importance qu'a prise
?. Il est
des peuples du ? Tiers Monde
dans l'histoire de notre temps l'?volution
menaces
menta
en
de
xxe
de
de
de
r?formes
famine,
si?cle,
agraires,
plein
question,
Ces r?alit?s posent
r?volutionnaires.
lit?s villageoises
archa?ques, de paysanneries
de notre propre pass? europ?en;
stimulantes pour la compr?hension
des questions
elles peuvent aussi favoriser un ?largissement des horizons de nos enqu?tes. L'?tude
de l'Afrique ancienne, dans la
des r?voltes est aussi fructueuse pour la connaissance
?crite ou dans lam?moire
mesure o? elles ont laiss? des traces dans la documentation
de crise de ces peuples r?put?s ? sans
collective, parce qu'elles r?v?lent les moments
histoire ?2.

on peut
sur les soul?vements
citer
r?centes
les nombreuses
1. Parmi
paysans,
publications
si?cle
Les paysans
les r?voltes du XVIIe
dans
Fureurs
R. Mousnier,
(France,
Russie,
paysannes.
? Vingt
:
ans apr?s, ou une direction
de recherches
f?condes
1967 ;R. Mandrou,
Paris,
Chine),
au xvne
en France
si?cle ?, Revue
les r?voltes populaires
1969, pp. 29-40.
juillet
historique,
en Afrique
on peut penser
? : la r?volte maji-maji
2. En ce qui concerne
qui ?clata
l'Afrique
t. II, pp. 137
et E. M. Chilver,
en 1905 : cf. V. Harlow
allemande
orientale
History
of East Africa,
?
? The Role
en Rhod?sie
of Ndebele
and Shona
: cf. T. Ranger,
de 1896-1897
la r?bellion
142 ;
et R. Brown
of 1896 and 1897 ?, in E. Stokes
in the Rebellion
Authorities
ed., TheZam
Religious
?
le soul?vement
in Central
Studies
;
besian Past.
Manchester,
1965, pp. 94-136
African History,
: cf. H. Bley, Kolonialherrschaft
und Sozial
en 1904
africain
allemand
du Sud-Ouest
des Hereros
1968.
in Deutsch-S?dwest-Afrika,
struktur
1894-1914,
Hambourg,

1678

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

L'exemple que nous prendrons ici concerne une zone tr?s restreinte (trois chefferies
au nord-ouest
la r?gion du Ndora,
du Burundi), pour une dur?e tr?s limit?e
?
novembre
1934
l'essentiel
des ?v?nements), mais
cette r?volte
pour
(septembre
et les diff?rents processus dans lesquels elle se situe montrent
l'action de groupes
antagonistes
qui ont chacun leurs int?r?ts, mais aussi une vision des choses qui
semble imperm?able aux autres. Or nous avons eu la possibilit?
sur
de rassembler
ce sujet des documents d'origines vari?es : les rapports
publi?s par l'administration
2 et
belge des t?moignages de missionnaires
quelques r?cits obtenus au cours d'une
enqu?te orale r?alis?e dans cette r?gion en juillet 1968 3. L'enqu?te
pourrait ?tre
des
prolong?e et les archives coloniales belges r?v?leront sans doute ult?rieurement
mais l'analyse de sources de diff?rentes natures nous per
points compl?mentaires,
de fa?on concr?te les motifs
de la r?volte et de poser
met, d?j?, de comprendre
sur l'histoire des rapports entre colonisateurs
et colonis?s. Les
quelques questions
t?moins europ?ens des ann?es 30 y ont vu surtout un r?sidu de superstitions
vul
gaires, la ? b?tise des n?gres ? attis?e par une ? sorci?re ?. Endre Sik n'h?site pas au
? 4. Dans des registres
contraire ? y voir une ? action anti-imp?rialiste
oppos?s ce
sont l? des points de vue europ?ens,
c'est le vocabulaire
de l'histoire coloniale.
Voyons d'abord les faits.
de

La r?volte d'Inamujandi*
? 6 qui a ?t?
1934, le Burundi fait partie du Territoire du ? Ruanda-Urundi
au Congo depuis
plac? sous mandat
belge en 1923 et rattach? administrativement
1925. Le Territoire est sous la responsabilit? d'un vice-gouverneur
g?n?ral install? ?
En

1. Il
puis de
t?re des
au sujet

annuels
? l'intention
des Colonies
des Chambres,
s'agit de rapports
pr?par?s par leMinist?re
sur ? l'administration
la S.D.N.,
?. Par exemple
du Ruanda-Urundi
celui de 1934 :Minis
de la Soci?t?
des Nations,
Colonies,
Rapport
pr?sent? par le gouvernement
belge au Conseil
avons
de Vadministration
dit Ruanda-Urundi
1935. Nous
Vann?e
pendant
1934, Bruxelles,
ces Rapports
1921 ? 1935.
consult?
pour les ann?es
2. Les deux missions
de la r?volte,
les plus proches
celles de Gatara
? l'?poque)
(?crit Katara
: nous
ont ?t? envisag?es
avons
et de Musigati
le diaire
pu consulter
(ou Musikati)
(ou journal)
et nous avons pu recueillir
sur la r?gion
de Gatara
tr?s int?ressants
des renseignements
de la mission
du R?v?rend
P?re Peumans,
ancien
de cette maison.
de Musigati
gr?ce ? l'amabilit?
sup?rieur
a ?t? r?alis? ? l'issue d'enqu?tes
3. Ce sondage
consacr?es
? une recherche
plus exhaustives
en cours sur le Burundi
avons pu recueillir
de la colonisation
? l'?poque
allemande.
Nous
les t?moi
de la r?volte, de l'ancien
? la r?pression
sous-chef
gnages de l'ancien chef Bacinoni
qui avait particip?
?t? victime
de la r?pression
et du fils d'un ancien
Rusekeza
sous-chef
qui avait au contraire
qui avait
connu
sort. A ces r?cits qui ont ?t? enregistr?s
le m?me
et transcrits,
des opinions
plus
s'ajoutent
nous ont ?t? donn?s
au
la r?gion. Les renseignements
obtenues
dans
les plus
int?ressants
?parses
?
la
m?me.
Ce travail a ?t? possible
autorit?s
du
Burundi
Ndora
des
gr?ce
compr?hension
(en par
:
et gr?ce aux ?tudiants
de Bubanza,
du Burundi
celles de l'arrondissement
de l'E.N.S.
ticulier
en
Ruranyaga
et Mworoha
? sa mise
Muyombera
Nicod?me
Herman,
qui ont particip?
Emile,
uvre.
et super
de VAfrique
est souvent
4. E. Sik, Histoire
noire, t. II, p. 307. L'ouvrage
syst?matique
ficiel.
?. Les noms propres
et les termes en kirundi ont ?t? transcrits
le nom de la ? sorci?re
5. C'est
a ?t?
exactes
sans les accents
les intonations
des voyelles.
L'orthographe
qui pourraient
indiquer
indica
le d?but du xxe si?cle gr?ce aux travaux
des premiers
missionnaires.
fix?e depuis
Quelques
:
tions sur la prononciation
r et /
ou
u se prononce
j se prononce
dj
c
e ??
sont confondus
tch
au royaume
ans de colonisation
du Burundi,
Soixante
6. Sur cette p?riode
cf. J.-L. Coifard,
Rennes,
1965, pp. 62-140.
D.E.S.,
1902-1962,

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
CARTE A. ?

._.?_.
( )
^^
?

Limite de territoire

Le Burundi en 1934

!XX t + +

Zone du typhus

IMBO

R?gion traditionnelle

Chef-lieu de territoire
Mission catholique cr??e avant 1914
Mission catholique cr??e de 1920? 1934

20
10
-J_I_I?

30

40

50 km

1680

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P.

CARTE B.?

Le Nord-Ouest

CHR?TIEN

du Burundi en 1934
2?30-i

-2?30'

'3?30'

w$m
Limite de chefferie

Limite de territoire
SHINGA

Chef-lieu de territoire

?
O

Autre centre europ?en

Nom de chef
Enclos de chef

Mission catholique

Site royal

Mission protestante

Zone d'altitude
sup?rieure ? 2000 m.

Route carrossable
10

20

30

40

50 km

DE BASE : Carte du Ruanda-Urundi(l/500000e) Minist?redes Affaires Etrang?resde Belgique, 7967.
DOCUMENTATION
Rapportde 1934. Cartedes territoiresdu Ruanda-Urundi(1/200 000e? 1937.

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
Il a sous ses ordres deux
Usumbura,
petite ville situ?e au bord du lac Tanganyika.
R?sidents,
pour le Burundi et le Rwanda,
qui ont chacun la tutelle d'un roi ou
a ?t? intronis? en 1915, avant l'arriv?e des
mwami. Le roi du Burundi, Mwambutsa,
Belges. Il n'a alors que vingt-cinq ans et tout le r?seau des autorit?s indig?nes a pu
sous le contr?le d'administrateurs
territoriaux dans le sens d'une
?tre normalis?
ce
de
efficacit?.
Les
Rapports font,
point de vue, l'?loge du jeune chef
plus grande
Sa chefferie, situ?e ? l'ouest du territoire de Ngozi
Pierre Baranyanka.
(voir les
en 1927 par l'annexion
cartes A et B), a ?t? agrandie ? plusieurs reprises, notamment
Des chefferies voisines de la sienne dans le territoire
du Ndora.
des montagnes
x :
ont ?t? ?galement c?d?es ? des membres
de sa famille
d'Usumbura
par exemple,
son
est
fr?re
Bacinoni
Kaburantwa
administr?e
la
rivi?re
de
la r?gion
par
depuis 1928.
sommes au nord du Mugamba,
d'?tre ?voqu?s 2. Nous
Les paysages m?ritent
un pays de hautes montagnes
dont les sommets de plus de 2 000 m ont retenu les
derni?res bandes de l'ancienne for?t primaire (la Kibira). Celle-ci a recul?, surtout
sur ses franges orientales, devant les d?fricheurs et les troupeaux; elle reste beaucoup
vers le Ndora.
Les
de la cr?te, pr?cis?ment
plus touffue sur le versant occidental
et par des cultures
zones d?frich?es
sont occup?es par des p?turages
d'altitude
un pays d'habitat dispers? o? chaque
group?es autour des enclos. Le Burundi est
famille (au sens large) aime ? disposer d'un ?ventail de cultures vivri?res, de bananiers
et au moins de quelques vaches (pour le lait et pour l'assise sociale qu'elles conf?rent).
si florissantes dans le Buyenzi (r?gion de Ngozi),
Mais ? cette altitude les bananeraies,
se rar?fient et la bi?re de sorgho remplace souvent la bi?re de banane. Le ma?s, les
patates douces et les pois y sont plus r?pandus que les haricots. Les vall?es sont
On habite
encaiss?es et sinueuses, mais leurs fonds plats sont souvent mar?cageux.
sur les versants arrondis de ces hautes collines qui
et on circule sur les hauteurs,
le paysage le plus typique du pays et qui repr?sentent en quelque sorte
constituent
se situe par son
Chacun
les unit?s de base pour la r?partition de la population.
donne
lignage (umuryango) et par sa colline (umusozi). Mais la r?gion du Mugamba
ten
ont
aussi une empreinte particuli?re ? ses habitants, de fiers montagnards
qui
dance ? m?priser ceux qui habitent plus bas. A l'ouest, la limite est particuli?rement
nette : d?s que l'on sort de la for?t, on trouve une pente tr?s forte en direction de la
m plus bas3 : on dit que l'on p?n?tre dans PImbo.
plaine de la Rusizi situ?e 1 500
du xrxe si?cle),
issus de Ntare
famille des Batare,
Rugamba
(qui r?gna dans la 1re moiti?
? la
collat?rales
? des branches
de sang royal, mais
des princes
par rapport
appartenant
au roi Mwambutsa
ils ne descendaient
: contrairement
pas du roi Mwezi
elle-m?me
lign?e royale
de fr?res de celui-ci. C'est ainsi que s'oppos?rent
mais
Gisabo
jusqu'? une ?poque
(env. 1852-1908),
H. P. Cart,
: cf. par exemple
et les Bezi
les Batare
tr?s r?cente
(issus de Mwezi)
(issus de Ntare)
n? 2, 1966. Une
au Burundi
? Conception
des rapports
?, ?tudes
g?n?alogie
congolaises,
politiques
:
au roi Mwambutsa
de situer le chef Baranyanka
tr?s simplifi?e
par rapport
permettra
Ntare
Rugamba
Birori
Mwezi
Gisabo
Mudari
Mutaga
Mbikije
Bacinoni
Mwambutsa
Baranyanka
Bangiricenge
rois
selon des cycles de quatre
des noms de r?gne qui s'ordonnaient
Les rois du Burundi
portaient
J.
Selon
Vansina
pp.
1-10)
1961,
XXIV,
Aequatoria,
(cf.
Mwambutsa).
Mutaga,
Mwezi,
(Ntare,
de la dynastie.
le cycle des xixe et xxe si?cles serait le deuxi?me
? Le Burundi
et ?tudes
et J.-L. Coifard,
?, Notes
du pays, cf. J.-P. Chr?tien
2. Sur la g?ographie
: le Rouanda
? Un
haut pays d'Afrique
1967 ;M. Larnaude,
n? 3364, f?vrier
documentaires,
La densit?
; P. Gourou,
Ouroundi
1950, II, pp. 443-473
?, Revue de g?ographie
alpine, XXXVIII,
1953.
d'une ?tude g?ographique,
du Ruanda-Urundi.
Bruxelles,
de la population
Esquisse
la
Les escarpements
du lac Tanganyika.
du graben
qui
fait partie
de la Rusizi
3. La plaine
et l'aspect
le raideur des pentes
donc ? des lignes de faille, ce qui explique
dominent
correspondent
1. La
c'est-?-dire

1682

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

:
de la cr?te Congo-Nil
Mais cette partie septentrionale
est aussi appel?e le Nkiko
: il signifie ? ce qui est oblique, ce qui est
le terme est moins flatteur, plus inqui?tant
en travers ?, c'est-?-dire ? la fois ce qui n'est pas droit et la limite extr?me. La r?gion
est riche en l?gendes, les souvenirs les plus profonds
de l'ancien Burundi y sont
les rois y ont leur derni?re demeure1,
enracin?s puisque
face au Rwanda;
l'art de
la sorcellerie (au sens le plus large) passe pour y ?tre d?velopp?. Certes, la chefferie
de Baranyanka
s'?tend sur des secteurs d'allure diff?rente vers l'est, le sud, mais sa
r?sidence se trouve ? Rabiro, pr?s de la haute Ruvubu,
et la r?volte que
principale
nous ?tudions s'est d?velopp?e ? partir du Ndora,
aux Usieres de la grande for?t.
est r?sum? dans le Rapport du gouvernement
Voici comment lemouvement
belge
2 :
pour 1934
? Le 23 septembre
de caract?re
local s'est produite
de celle-ci
dans Pouest
1934, une r?volte
de Baranyanka],
dans le Ndora,
situ?e ? la fron
ayant pour th??tre une sous-chefferie
[la chefferie
:
reconnues
Cette
r?volte ?tait dirig?e
contre
d'Usumbura.
ti?re du territoire
les autorit?s
indig?nes
les chefs et les sous-chefs
lemwami,
de la r?gion.
du nom de Mujande.
fut provoqu?e
la venue
La r?bellion
Celle-ci
par une sorci?re,
annon?ait
la r?volte
nanti de pouvoirs
fabuleux
dans le plus grand secret,
d'un nouveau
Mwami,
[...] Pr?par?e
: en trois ou quatre
furent pill?es
?clata avec violence
jours, plus de 300 huttes et 10 chapelles-?coles
et leurs bandes. Une op?ration
le 26 septembre,
et incendi?es
militaire
fut ordonn?e,
par les meneurs
de la
du Territoire.
Le 3 octobre
le campement
par le Gouverneur
1934, les troupes
occup?rent
sans essayer
il n'y eut de r?sis
et de ses partisans,
de combattre.
Ailleurs
sorci?re
qui s'enfuirent
tance que de la part de deux meneurs
qui furent tu?s, tandis qu'? la t?te de leurs hommes
fanatiques,
les
deux fonctionnaires
D?s
l'arriv?e des troupes
la zone troubl?e,
ils attaquaient
dans
europ?ens.
et le mouvement
cess?rent
actes de brigandage
aussit?t
d?truite
la retraite de la sorci?re ?.
s'arr?ta,

D'autres
passages des Rapports de 1934 et de 1935 et les sources d'origine mis
sionnaire permettent de cerner la vision europ?enne de la r?volte. Son foyer ?tait le
chez Bikarisha,
sous-chef de Baranyanka. Mais
elle gagna les
du Ndora,
massif
et chez Muhitira
chez Bacinoni
chefferies voisines (dans le territoire d'Usumbura),
et tout sembla s'?teindre comme
(cf. carte B). La r?bellion ?clata brusquement
un feu de paille d?s l'arriv?e des troupes coloniales, dix jours plus tard. N?anmoins
1er juin 1935. Les missionnaires
de la r?gion dura jusqu'au
l'occupation militaire
et de Gatara, qui avaient des succursales dans cette r?gion, ont ?t? les
de Musigati
ce sont eux qui pr?vinrent les administrateurs
et de
d'Usumbura
premiers touch?s et
Ngozi. Ce dernier arriva sur les lieux, d?s le 27 septembre, avec des guerriers de Bara
: il y trouva la succursale catholique
intacte, mais quatre autres ? maisons
nyanka
:
? fut pris le 3 octobre
de pri?re ? br?l?es et les gens en fuite. Le ? camp de laMujande
les rebelles s'?taient enfuis, laissant un gros butin de vaches, de ch?vres, de cruches de
tous les cadeaux habituellement
bi?re et de miel, c'est-?-dire
apport?s ? des chefs.
du
de choses pour une sorci?re ?, notait un bon connaisseur
C'?tait ? beaucoup
pays 3.Un camp militaire provisoire dut ?tre ?tabli ? Rukika, au pied de la succursale,
et les ?missaires de Baranyanka
subirent encore des accrochages
mais les patrouilles
du Rapport aux ? deux meneurs fanatiques ?
au cours du mois d'octobre. L'allusion
4.
? un r?cit que l'on nous fit d'une ?quip?e en direction de Musigati
correspond

? celle des couches
la pente
l'est au contraire
torrentueux
des rivi?res. Vers
g?n?rale
correspond
du Congo
des eaux des bassins
? la ligne de partage
cr?te correspond
Cette
(lac Tan
g?ologiques.
son nom moderne.
ce qui lui a donn?
et du Nil
(Ruvubu),
ganyika)
sacr?e
Un aspect de la monarchie
des bami du Burundi.
1. Cf. notre article sur ? Les tombeaux
d'?tudes
en Afrique
orientale
X, I, 1970, pp. 40-79.
?, Cahiers
africaines,
de Ngozi,
? la ? politique
consacr?
2. Chapitre
p. 73.
indig?ne ? dans le territoire
3 octobre
1934.
diaire de Gatara,
le P?re Doumeize?,
3. Selon
? se
du fils du sous-chef
4. T?moignage
N). Les deux ? meneurs
d?j? ?voqu?
(cit? dor?navant
tir? des fl?ches sur deux Europ?ens.
et Karabasesa,
ils auraient
seraient
appel?s Kino

1683

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
La sorci?re ne fut prise que le 6 novembre par un fid?le de Baranyanka,
nomm?
Kaziri. On apprit alors le nom de cette vieille femme. Un certain nombre de notables
furent arr?t?s, jug?s et emprisonn?s pour leur complicit?.
fut envoy?e
Inamujandi
au Ndora, en compagnie du
? Ruyigi dans l'est du pays. La visite du roi Mwambutsa
le 25 mai 1935, semble avoir mis un point final ? l'affaire sur le plan judi
R?sident,
ciaire et politique. L'ordre royal et colonial ?tait r?tabli. L'impression
qui se d?gage
de ces r?cits n'est pas celle d'un complot calcul?, mais d'une ? ?motion ? populaire
? la mani?re m?di?vale,
d'une esp?ce de contagion de mutinerie
qui semble s'?va
nouir ? l'arriv?e des forces de l'ordre, mais sans que la mauvaise
humeur dispa
raisse. La r?gion garda, dans les ann?es suivantes, une r?putation d'instabilit?.
L'enqu?te men?e aupr?s des Barundi eux-m?mes nous a r?v?l? des faits, ignor?s
de la documentation
sur les prodromes
de la r?volte. Voici
le r?cit
europ?enne,
que nous a fait, non sans humour, l'ancien chef Bacinoni. On y assiste ? la premi?re
manifestation
K
d'Inamujandi

? Elle arriva dans un endroit,
sur la colline
de Kisombu,
le nom d'Irya
qui porte actuellement
Des
sont venus me
ce qui s'?tait pass?.
hommes
trouver et me rapporter
alors
mujandi.
J'envoyai
2
mon
avec les sous-chefs.
de ma propri?t?
de Bukinanyana,
Je lui dis :
policier
Bazimya,
responsable
? D?p?che-toi
! ? Bazimya
il trouva
d'y aller de nuit pour voir ce qui se passe
partit. Arriv?
l?-bas,
avait creus? une fosse dans
des nattes. Toutes
les vivres et les boissons
qu'on
laquelle on ?tendait
ces
dans
la for?t et on buvait
toute
?taient
la journ?e.
entass?es
que les gens apportaient
Quand
: ? Vous
hommes
vinrent me raconter
n'avez
rien pu faire vous-m?mes
? ?
cela, je leur demandai
: ? Non
Ils dirent
!? Alors
dans le pays et ? qui on apporte
je dis : ? Cette personne
qui est apparue
des pr?sents...
Vous ne pourriez
? l'Europ?en
Rishire
s.
pas r?soudre cela. ? J'allai alors tout raconter
va pas !Est-ce
Rishire
?tait un peureux.
Il me dit : ? Non
!N'y
cette vieille femme
Or, l'Europ?en
: ? C'est
! ? Je lui r?pondis
rebelle-l?
difficile. Demain
des Euro
qui te fait peur ? Cette
plut?t
? Alors
et cela me causerait
:
il me
dit
des difficult?s.
p?ens,
plus haut plac?s, m'interrogeraient
? Vas-y
nous rencontrons
! ? [...] Arriv?
? Rwambo
des gens qui venaient
demander
disant
secours,
: ? Tes hommes
et Rumata
avait attaqu?
de Bukinanyana,
que Mujandi
Bavimbere,
Ntiruyorwa
? J'arrivai
ont ?t? pill?s,
on a mis
et chez Bikarisha
le feu samedi dernier.
alors
? Bukinanyana.
Je fis venir des hommes
et ils refus?rent
de r?pondre
? mon
appel. Ceux qui m'avaient
accompagn?
all?rent
des gens, mais
? leur approche
tout le monde
all?rent
chercher
puiser de l'eau, les policiers
en dernier
un message
dans la for?t. Alors,
? l'Europ?en
Je lui
Rishire.
s'enfuyait
ressort,
j'envoyai
: ? Monte
disais
vite car ?a va mal.
Si tu ne montes
laisse-moi
vite agir, afin que je
pas vite, alors
? L'Europ?en
me r?pondit
: ? Vous
fasse ce que je pourrai.
?tes des pumbafu
4, il n'y a rien ? faire,
ce n'est pas une affaire
cette petite vieille,
: ? Des vaches
ont ?t? spoli?es,
le pays
! ? Je lui r?pondis
a ?t? incendi? et, devant
ces faits, tu agis ainsi
se d?cida ? venir
! ? L'Europ?en
; il arriva ? Bukina
nous pr?mes ensemble
nous
? Nyesunzo,
la route. Arriv?s
trouv?mes
nyana. Le lendemain
que tous
nous attendaient
: ? Ne venez pas, ne traversez
avec des arcs. Ils nous dirent
les gens des environs
nous ne voulons
pas, vous, Beyerezi6,
pas voir le nom de Mutare
que les fils
ici, nous ne voulons

? Mujande
? est l'orthographe
1. Inamujandi
la prononciation
r?elle.
des rapports
d'apr?s
On notera,
Ina est un pr?fixe
devant
des noms
de personnages
f?minins.
pour
europ?ens.
fr?quent
: r?p?
tenu ? respecter
du style oral, que nous avons
l'ensemble
de l'extrait qui suit, les caract?res
en arri?re,
a eu lieu ?
retours
floue.
titions,
style direct
L'enregistrement
fr?quent,
chronologie

Ndora

le 11 juillet 1968.

: il assimile
ainsi son r?seau d'autorit?s
?
le terme polisi,
d?riv? du fran?ais
emploie
? est en fait un de ses fid?les
ou de ses suivants
Ce ? policier
(aba
europ?enne.
sur son enclos de Bukinanyana.
r?si
Un chef avait toujours
de veiller
plusieurs
charg?s
gendanyi)
vers la plaine, alors que celle de Bukinanyana
est en haut,
en a une ? Muyange,
Bacinoni
dences.
pr?s de la for?t.
? ou ? Le Blanc
? est d?sign?
? L'Europ?en
territorial Richir.
3. L'agent
par le terme muzungu
au t?moin
de ses appr?
la responsabilit?
toute
Nous
dans
laissons
orientale.
r?pandu
l'Afrique
ciations.
? vauriens
?.
4. Terme
swahili
par les colonisateurs)
signifiant
(langue volontiers
employ?e
de Baranyanka,
les Batare
de la branche
5. ? Les gens de Bweyerezi
?, c'est-?-dire
originaires
de la r?gion de Gitega
dont un des noms ?tait aussi Bweyerezi.
2. Bacinoni
l'administration

1684

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P.

CHR?TIEN

Ils se mirent
de Kirima1.
? m'injurier
des descendants
et ils
! ? Ils parlaient
de Gihanamusango
ceux qui avaient
Ils ?taient quatre,
les miens
des fusils
de chaque
c?t? de la colline.
parmi
pass?rent
:? L?che-moi
car il y a longtemps
Je dis ? l'Europ?en
insult? [...]
?taient
qu'ils m'ont
six, plus lemien.
: ? Tu sais
! ? L'Europ?en
me d?fendre,
Laisse-moi
pas, toi, Europ?en
r?pondit
je ne te comprends
? Alors,
:? Connais-tu
les nouvelles
ce n'est pas autoris?.
??
je dis ? l'Europ?en
que c'est impossible,
?
?
? Envoie mon
? Oui
les amadouer,
et pour
sous-chef
!?
que voici nomm?
pour
Mubegera
ne pouvons
nous
la force. ? L'Eu
ce qu'ils
leur demander
pas tirer. Laissons
d?sirent,
puisque
les amadoua
; ils se firent petits et l'?cout?rent
qui partit,
rop?en dit : ? Oui. ? Je l?chai Mubegera
: ? Nous
ne voulons
sur leurs lances et leurs arcs 2. [...] Ils lui dirent alors
pas des
appuy?s
accroupis,
les descendants
de Gihana
nous ne voulons
pas un seul, nous voulons
pas de Muganwa,
Beyerezi,
ne
nous
et
voulons
eux qui donnent
lait et viande,
!?
d'autre
de Kirima,
jamais personne
musango,
: ? Rentrez
allons
cela ; nous
chez vous, nous
chasserons
les
leur r?pondit
arranger
L'Europ?en
? Us applaudirent
le sachiez.
chefs que vous ne d?sirez plus, nous vous appellerons
pour que vous
un autre groupe
de la colline
descendait
de Nyankomo
: ? Oui
et
! ? Au m?me moment
en disant
ne vous ?chappe
la peau blanche
et que m?me
!Tuez-les
: ? Pas du tout !Allez-y
un cri s'?leva
pas
le poil blanc, nous
tuer tous. Et m?me
le mangerons,
bien nous
! Ils peuvent
aussi
et l'Europ?en
me demanda
en kirundi
ce qu'ils
ne le d?fend
! ? L'Europ?en
venaient
nous
irons le griller. Rien
nomm?
3. Il y avait parmi eux un notable
il
de dire et je lui dis tout. Il claqua des mains
Rusekeza,
il a ?t? emprisonn?,
? Kigali,
affaire. Rusekeza
: il habite ? Bitare,
pour lam?me
vit encore d'ailleurs
: s'il y a mati?re
nous
le chef depuis
? forfait, nous
leur dit : ? Arr?tez-vous,
longtemps
injurions
avons
chez nous. Nous
Rentrons
avons
trahi un interdit, nous allons ?tre extermin?s.
forfait, nous
sommes
Nous
!?
de la fin, plus rien n'est possible.
extermin?s
la couleur
4, nous approchons
portons
en route et rentr?rent.
Et ils se mirent
[...]
: ? Les voici qui d?talent
vers le bas !? 6
Et les autres
descendus.
Vers deux heures, nous sommes
?
ce
:
n'est
?
Va
dis
?
?
nous
arriv?s
f?mes
pas pour rien
Bujumbura,
l'Europ?en
Gihara,
je
Quand
? Muyange
voir mon
!Entre-temps,
je vais chez moi,
vas-y en personne
?pouse,
que tu as une moto,
? L'Europ?en
la sortie de la Kibira.
surveille
?crivit ?
l?. Puis ?cris ? Matumba
qu'il
j'attendrai
mes
toutes
?
et
caisses
chez
les
rendis ? Muyange
Je me
petites
Matumba.
Rugombo,
j'exp?diai
sur mes vaches.
Les Banyamushasha
6. Je restai
de la Compagnie
[habitants
l?, veillant
Europ?ens
la garde et surveiller
les sentiers.
de la plaine] ne se sont pas r?volt?s du tout. Ils venaient monter
[...]
un nouveau
rendez-vous
? Bukinanyana].
lui fixent
J'avais
d'Usumbura
[Puis les Europ?ens
? Bukinanyana.
Us la ramen?rent
Je la gardai
[Inamujandi].
pour aller l'arr?ter
envoy? des hommes
: ? Aide-moi,
cette vieille ou bien
en disant
viens interroger
l'Europ?en,
cinq jours et j'avais pr?venu
on lui apporte
des cadeaux
Cette
vieille
la
dans
de l'amener
femme,
dis-moi
pour
interrogatoire.
ne vient me voir. Je lui donne
Plus personne
de la
s'est r?volt?e.
for?t, alors que toute la r?gion
et elle refuse. Je lui donne de la bi?re et elle refuse. Que veux-tu
que j'en fasse ? ? L'Euro
nourriture
: ? Tu es un imb?cile. Tu n'es pas un homme
!?
disant
une lettre, pleine d'injures,
p?en m'envoya
?tait chez moi,
la
je lui rendis
cinq jours qu'elle
Quand
je vis que la vieille vivait de tabac, depuis
comme
C'est
Elle passa
chez Baranyanka.
cela que
c'?tait manqu?.
libert? et elle s'en alla. Ainsi
?
tout a commenc?.

nous montre
circonstanci?
que l'action des partisans d'Inamu
t?moignage
une r?gion de fronti?re, entre la for?t et les
dans
manifest?e
s'est
d'abord
jandi
vers l'Imbo, entre deux chefferies, entre deux territoires. Il
contreforts descendant
cette situation en passant d'une zone ? l'autre et en pro
de
?tait possible de jouer
des deux centres administratifs
fitant de l'?loignement
responsables
(Ngozi et
Richir a l'int?r?t de d?voiler le scepti
territorial
de
7.
L'attitude
l'agent
Usumbura)
cisme initial des Europ?ens ? l'?gard d'un mouvement
qui leur semble plus ridicule
Ce

1. Voir plus bas sur cet ancien chef.
de la palabre.
2. Attitude
chez
les Barundi
faire un geste habituel
est suppos?
pour
exprimer
l'int?r?t,
3. L'Europ?en
un ?v?nement.
devant
l'?motion
l'?tonnement,
?.
nous
sur
?
est
:
le
malheur
4. C'est-?-dire
la pente
c'est-?-dire
de celui qui
d'une
? toute allure
colline,
de celui qui d?vale
5. L'image
en effet vers l'Imbo.
redescend
La troupe de Bacinoni
s'enfuit.
le coton
dans cette r?gion. On
cultiv?
de la Rusizi
qui exploite
6. Il s'agit de la Compagnie
avec les Europ?ens.
de ses rapports
l'importance
remarquera
en ce qui
la version
notamment
de Bacinoni,
confirma
7. Rusekeza,
interrog?
s?par?ment,
? la lisi?re de la for?t.
arrestation
la premi?re
d'Inamujandi
concerne

1685

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
que dangereux. Le geste de faiblesse qu'a d? repr?senter aux yeux des fid?les de la
de violence du
vieille femme sa remise en libert? a peut-?tre encourag?
l'explosion
du mou
Ndora. A moins que celle-ci ait ?t? une r?ponse au d?but de pers?cution
vement ?
?crits ou oraux;
Trois phases se dessinent donc ? travers ces divers t?moignages,
une p?riode d'agitation
entretenue dans la for?t autour d'une vieille femme annon
contre les autorit?s de la r?gion du
de violence
ciatrice d'un roi, une explosion
territoriaux europ?ens.
enfin la r?pression organis?e par les administrateurs
Ndora,
:
sont
cette
dans
affaire
la
forces
r?volt?e, les chefs
population
engag?es
Quatre
allons nous
coloniale. Nous
les missions
l'administration
barundi,
catholiques,
li?s ? la grande
interroger sur les causes de cette r?volte :motifs d'ordre ?conomique,
d'ordre politique
li?s ? l'histoire ancienne
d?pression des ann?es 1930, ou mobiles
la signification de pareils ?v?nements, c'est essayer de mesurer
de la r?gion ?D?gager
dans les r?actions
la part de la pression coloniale et des dynamismes
traditionnels
colonis?e.
d'une population

Une

de difficult?s

p?riode

mat?rielles

p?riode de disette ?
des pluies qui sont
La production
agricole du Burundi d?pend essentiellement
abondantes d'octobre ? mai, mais dont l'intensit? est tr?s irr?guli?re : la s?cheresse
est nor
avait provoqu? une grave famine en 1928-1929. Mais en 1934 la pluviosit?
sur la cr?te qui est toujours la r?gion la plus arros?e. Il y avait eu
male, notamment
en 1931-32 : rien de tel en 1934. Des pr?cautions
une disette dans la r?gion de Musigati
alimentaire. Tous les
ont d'ailleurs ?t? prises, depuis 1929, en mati?re de production
de ma?s, de haricots, etc. Il faut en outre
t?moins interrog?s ont parl? d'abondance
savoir que la soudure se situe plut?t entre d?cembre et f?vrier, quand on attend les
premi?res r?coltes suivant la saison des pluies. En septembre, au contraire, les greniers
sont remplis des pois et du sorgho r?colt?s depuis juillet-ao?t. C'est la grande saison
sacr?es *.
des r?unions, des festivit?s
de la bi?re de sorgho, des exc?s de boisson,
1934 un mois
ni le calendrier agricole ne firent de septembre
Ni la m?t?orologie
difficile.
particuli?rement
Une

Les maladies

:

ont-ils craint pour leur sant? en 1934 ? Il faut, certes,
Les gens du Mugamba
en 1935, de la lutte
tenir compte des end?mies. L'administration
parle beaucoup,
contre le pian. La maladie du sommeil continue ? freiner les activit?s dans la plaine
semblent privil?gi?es, ? l'oppos? des
les r?gions montagneuses
de la Rusizi. Mais
? fi?vres ? de la plaine.

on peut consulter
Le niveau de vie des populations
P. Leurqutn,
1. Sur le calendrier
agricole
est bien ?voqu?e
1960. La saison de la bi?re de sorgho
par
rurales du Ruanda-Urundi,
Bruxelles,
toutes
f?tes des Barundi,
les autres
Die Barundi,
H. Meyer,
pour
1916, p. 129 : ? Comme
Leipzig,
sur toutes choses
et que celle-ci n'est disponible
les r?coltes,
de bi?re pr?vaut
l'abondance
qu'apr?s
au cours de ces
les f?tes se d?roulent
de juillet ? la fin d'octobre,
presque
c'est-?-dire
uniquement
toutes
le
au clair de lune, retentit
alors dans
les bananeraies
surtout
les nuits, mais
Toutes
mois.
il ne s'agit que de r?unions
de buveurs
et m?me
si habituellement
et des danses,
tumulte des beuveries
reli
la nuit, beaucoup
sont aussi des assembl?es
dans
sans autre signification
qui se font entendre
ne prennent
des Ababandwa
part que les initi?s. ?
auxquelles
gieuses

1686

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

En revanche, une ?pid?mie a menac? plus directement
les populations
du nord
ouest du pays, de mars ? septembre 1934 : il s'agit du typhus. Une ordonnance
du
26 avril cr?a une zone interdite d?limit?e par un cordon sanitaire (cf. carte A), ?
travers les territoires de Ngozi,
et de Gitega. Les sous-chefs ?taient
d'Usumbura
du
des
des
furent
contr?le
chemins,
charg?s
troupes
appel?es en renfort du Congo
aussi faire transporter
Les sous-chefs devaient
les
pour assurer la quarantaine.
dans des camps sp?ciaux dot?s chacun d'un m?decin
malades
(une enqu?te sur le
pian fut interrompue pour cela) et de quelques infirmiers. Les huttes des malades
furent br?l?es, ainsi que des quantit?s de v?tements
x, dans le cadre d'une campagne
en doute par les missions,
La
de
fut
mise
d'?pouillage.
gravit?
l'?pid?mie
cependant
visites des
qui s'inqui?t?rent plut?t de voir leurs activit?s arr?t?es (?coles, messes,
le 13mai, que le camp de malades de Burarana
succursales). A Gatara, on constatait,
ne comptait que vingt patients et que la mortalit?
?tait dans l'ensemble tr?s faible.
?taient trop entich?s de leur quarantaine. Malgr?
On y estimait que les m?decins
les
le culte reprit en juillet et les classes en ao?t, puis les
r?ticences de l'administration,
le cordon sanitaire tenu
la r?gion au d?but de septembre. Mais
soldats quitt?rent
par les chefs indig?nes resta en place au nord-ouest de Gatara jusqu'au 25 septembre :
de Ngozi qui le leva, lui-m?me, en se rendant au Ndora. Une
c'est l'administrateur
de l'?pid?mie fut de cloisonner
le nord du pays et en
des principales
cons?quences
particulier d'isoler la r?gion de la cr?te par rapport aux centres de Ngozi et de Gatara.
H faut ajouter que les fronti?res du Congo
(sur la Rusizi) et du Rwanda
(sur la
furent ?galement ferm?es ? cette ?poque pour emp?cher la propagation
Kanyaru)
cern?s par
d'une peste bovine qui avait gagn? le Rwanda. Les habitants du Ndora,
les end?mies de la plaine ? l'ouest, par la peste bovine au nord et par le typhus ? l'est,
ont pu craindre des contagions, mais surtout ils ont ?t? livr?s ? eux-m?mes durant
les quatre mois qui pr?c?d?rent la r?volte.
quatre mois,
Le

commerce

?taient tr?s faibles dans l'ancien Burundi, vu
Les ?changes de type commercial
Les produits
des r?seaux de client?les et de prestations
l'importance
r?ciproques.
artisanaux
(armes, houes, poteries, peaux, ?corces de ficus battues) ?taient ?chang?s
contre des cruches de bi?re, des paniers de vivres ou des t?tes de b?tail, selon les cas.
de troc ? l'?chelon local. La r?gion de la cr?te Congo-Nil
Il s'agissait d'op?rations
s?rie de march?s de contact qui s'?taient d?velopp?s
d'une
?tait n?anmoins
proche
sous la colonisation.
sur les premiers contreforts de l'Imbo et qui continu?rent
Le
du
de
la
des
bois
des
donnait
b?tail,
cire,
odorif?rants, des v?tements
Mugamba
pois,
de ficus et il cherchait ? se procurer du sel, des poissons et aussi de la bi?re de banane
a introduit
dans les r?gions moins ?lev?es de l'ouest ou de l'est. Mais la colonisation
tonnes
les cotonnades
de nouveaux produits, notamment
(169
import?es en 1924,
les Europ?ens
cherch?rent
? valoriser
certains
565 en 1934) 2. En contrepartie,
au Congo ou ? la consommation
produits indig?nes et d'abord des vivres destin?s
: le Ruanda-Urundi
semblait destin? ?
des centres urbains et de l'appareil colonial
devenir ? le jardin et les p?turages du Congo ?3. La disette de 1928-29 entra?na

encore
?taient
1. Beaucoup
alors ?t? distribu?s.
auraient

v?tements

en ?corce

1926 des houes
Il y a aussi depuis
import?es.
les gens ? courent
apr?s les francs ? pour payer
3. COEFARD, op. cit., p. 86.

2.
que

des

de ficus

et 300 000 F

Les missionnaires
et acqu?rir

l'imp?t

de pagnes

de

coton

notent
les ann?es
dans
les ?toffes europ?ennes.

30

1687

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
en ce qui concerne les pois et les haricots. N?an
l'arr?t de ce courant d'exportations
faisait cultiver du bl? sur ses terres et sur celles de ses
moins, vers 1930, Baranyanka
sous-chefs. Les cultures tropicales de rapport (caf? et coton) ne faisaient que com
mencer ? cette ?poque. Ce qui restait important, c'?tait les achats de viande, de lait,
: ces produits de l'?levage donnaient
de b?tail sur pieds et de peaux
les plus gros
volumes ? l'exportation.
se d?roulaient
sur les march?s
de chef-lieu
Les transactions
des territoires.
et ? Usumbura.
sont des
la
Les acheteurs
de
situation
?
Voyons
plus pr?s
Ngozi
ou
m?me
des
Swahilis1.
L'?tude
?trangers, qu'il s'agisse d'Europ?ens,
d'Asiatiques
les Barundi vendent
leurs produits ? ces marchands
des prix auxquels
r?v?le de
de 1918 ? 1935 (voir les courbes 1, 2, 3). Les valeurs exactes
singuli?res fluctuations
entre Barundi pouvaient
souvent ?tre
peuvent ?tre discut?es car les prix marchand?s
: il est plus ? payant ?
plus bas. On remarque aussi la diff?rence entre les deux march?s
car on prend ainsi ? sa charge le transport jusqu'au bord du lac
d'aller ? Usumbura
est le m?me. On constate d'abord une
le rythme d'?volution
Mais
Tanganyika.
hausse tr?s sensible, jusqu'en
1928-1929, suivie d'une baisse brutale et d'une sta
interf?rent dans cette ?volution des
gnation, ? partir de 1932. Plusieurs ph?nom?nes
:
la
diffusion
de
favoris?e
des
d'abord
la
monnaie
par le d?veloppement
belge
prix
exigences fiscales, qui entra?nent un accroissement
?changes et par les nouvelles
de la masse mon?taire; mais aussi la tendance inflationniste g?n?rale dans lemonde
aux ann?es euphoriques
? cette ?poque (les sommets de 1928 et 1929 correspondent
connues par les grandes puissances
? la veille de la d?pression);
enfin la crise ali
au
moment
de 1928 a
le
m?me
conna?t
disette
mentaire
Ruanda-Urundi
(la
que
favoris? la chert?). La chute des prix de 1929 ? 1932 s'explique ?galement par deux
: un retour ? la normale du point de vue agricole, mais aussi un
s?ries de causes
le cas des habitants
de ces
la
de
contrecoup
grande crise2. Si nous envisageons
r?gions allant vendre quelques ch?vres, voire une vache ou un taurillon, un ballot de
peaux ou des paniers de haricots en vue de payer l'imp?t ou d'acheter quelques
nous voyons que leur ?tonnement
et leur d?ception durent
m?tres de cotonnades,
des prix des ann?es 30. Certes, ils connaissaient
?tre grands devant l'effondrement
ne peut suffire pour com
mais le flair du maquignon
les roueries du marchandage,
et
l'on
sait
les
combien, jusque dans les
g?n?raux,
?conomiques
ph?nom?nes
prendre
la col?re est grande chez les ruraux lorsqu'ils s'aper?oivent
pays les plus modernes,
que la valeur de leurs productions diminue pour des raisons ?trang?res ? leur travail.
v?cue par les Africains
La contradiction
quand ils jouaient, si l'on peut dire, le
se lit encore mieux sur les courbes (diagramme 4) relatives au commerce
jeu mon?taire,
des revenus de 1921 ? 1928 ne
des peaux 3 : on voit que la hausse extraordinaire
?coul?e :
sommets
des
dans la production
?
absolument
pas
?quivalents
correspond
celle-ci est plut?t stagnante, m?me en baisse par rapport au d?but de la p?riode.
de 1929-1932 (plus accentu? que pour les vivres), ce sont
Et pour l'effondrement
encore les fluctuations
des cours qui jouent le r?le essentiel4. Mais apr?s 1932 la
de l'Afrique
venus de r?gions
sont des Noirs
islamis?s
1. Les Swahilis
?loign?es
plus ou moins
37
le territoire
: en 1934 il y en avait 4 757 dans
m?me
ou n?s au Burundi
orientale
d'Usumbura,
les centres
commerciaux.
Us ?taient
install?s dans
dans celui de Ngozi.
est atteinte
acheteur
2. La Belgique
par la crise surtout en 1932. Voir F. Bau
qui est le premier
de la Belgique,
Histoire
p. 186.
Bruxelles,
1946,1.1,
1914-1939,
?conomique
dhuin,
des Rapports.
annuelles
les statistiques
ont ?t? ?tablies
courbes
3. Nos
d'apr?s
La crise de 1929, Paris,
sur la place de Londres
4. Les cours des peaux
1968, p. 67)
(cf. J. Nere,
: la baisse
est moins
119 en 1927 ? 63 en 1931
de l'indice
que sur le march?
importante
pass?rent
d'Usumbura.

1688

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

croissance des revenus indig?nes (voir en 1933, en 1935) est li?e ? une augmentation
des ventes. Il semble donc qu'apr?s une p?riode sp?culative (avec sa double p?rip?tie
de hausse et de baisse), vienne une p?riode laborieuse o? les revenus ne progressent
qu'? lamesure des biens produits.
li?es ? la grande crise ont ?t? comme amplifi?es en
On sait que les fluctuations
de mati?res premi?res en g?n?ral), puisque selon
(dans les pays producteurs
Afrique
les prix y ont baiss? de 60 ? 70 %, au lieu de 50 ? 60 % pour
certaines estimations*
Le poids des frais de transport ? longue distance
l'ensemble du march? mondial2.
et le niveau primaire de l'?conomie des pays coloniaux se refl?t?rent dans ces chiffres.
sur les march?s du Burundi, c'est par des baisses de 70 ? plus de 80 % par
Mais
sommes en pr?sence d'une ?conomie
rapport ? 1928 que se traduit la crise. Nous
et ? la situa
dans l'enfance, tr?s sensible ? la conjoncture de la m?tropole
mon?taire
tion financi?re de celle-ci. C'est une de ces antennes fragiles de l'?conomie moderne
de l'?poque, une sorte de comptoir ?loign? de l'Europe, menac? de liquidation en cas
de crise. Cette fragilit? appara?t dans l'?volution du commerce ext?rieur du Ruanda
5 et 6). La balance est en d?ficit de 1927 ? 1934 pour deux
Urundi
(cf. diagrammes
raisons successives. De 1928 ? 1930 le d?ficit est d? ? la croissance des importations
et ? la baisse des exportations,
d?calage qui s'explique ? la fois par la crise agricole
de 1928-29 et par la tendance ? investir, encourag?e dans les ann?es 20 par le boom
: le d?ve
des affaires. Le m?me optimisme qu'au Congo y r?gnait ? cette ?poque
avances
vite
les
des
rembourserait
des
affaires
difficult?s
consenties,
apr?s
loppement
passag?res que le progr?s des transports et des cultures ?liminerait. On voit en effet
d?s
les exportations
augmenter en volume apr?s 1930 et d?passer les importations
:
le deuxi?me processus
l'effondrement
19323. C'est alors qu'intervient
critique
des cours qui se refl?te dans la stagnation de la valeur des exportations de 1930 ? 1933
l'avenir
alors que leur volume double 4.D?s lors le d?ficit n'est plus supportable,
ce qui explique
semble trop sombre pour que l'on continue ? investir imprudemment,
en 1932. La crise conjoncturelle
des affaires s'est donc
la chute des importations
sur
une
un
sur
et
en
ce
cas
commercial
ant?rieur
crise de subsistance.
d?ficit
greff?e
international a r?duit
o? les effets de celle-ci allaient s'effacer, lemarch?
Au moment
? n?ant tous les espoirs. A partir de 1934, la Belgique veille ? ce que la balance reste
en fonction
en limitant la croissance
des importations
de celle des
exc?dentaire
exportations. La reprise qui s'amorce alors se situe donc dans un contexte de marasme
renforc?e des possibilit?s
que par une exploitation
g?n?ral et elle n'est possible
et surtout le caf? et le coton), co?ncidant
locales (cassit?rite, or de la Kaburantwa
: la diminution
des importations
de 1931 ? 1932
avec un recul des investissements
80 % pour le ciment, 75 % pour les
les
40
de
carburants,
% pour
repr?sente pr?s
sur les ?quipements.
: on fait des ?conomies
v?hicules
africaine cette succession de difficult?s s'est
Du point de vue de la population
:peur de la famine, puis d?valorisation
des produits. Les ann?es les plus
additionn?e

coloniale.
noire. V?re
1. J. Suret-Canale,
1964, p. 361.
1900-1945,
Paris,
Afrique
45 % la baisse des prix de gros en Belgique
de 1929
t. II, p. 436, ?value ? environ
2. Baudhuin,
de la colonisation
Le Congo,
? 1934. M. Merlier,
belge ? Vind?pendance,
Paris,
1962, p. 142, ?value
les prix du coton
et du caf? ne
la baisse du cuivre ? plus de 70 % entre 1928 et 1934. En Ouganda
et Chilver,
diminuer
op. cit., p. 455).
semblent
que de 50 % entre 1929 et 1933 (cf. Harlow
ont par exemple
doubl?
de b?tail et de cire du Ruanda-Urundi
3. Les exportations
(en quantit?s)

de 1931 ? 1932.

environ
en 1931 et 1932 50 % de ces exportations
4. Et encore
aurait ?t? plus sensible.
le d?clin des exportations
sinon
du Congo,
sur eux-m?mes.
coloniaux
des empires
repliement

se firent en direction
(en valeur)
Cet exemple
illustre un certain

1689
Annales

(25? ann?e,

novembre-d?cembre

1970,

n? 6)

-?3

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La

3 . Prix

des

haricots
(oukilo)

1?

0?

4
15?

. Vente
au

des

peaux

Ruanda-Urundi

?
: 10

^

5

?o~
1918

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crise

?conomi

Ruanda-Urundi
20?
Commerce

du

ext?rieur

Ruanda-Urundi

15?
En

volume

10?
IMPORTATIONS

I

i

6.1

70?

En

valeur

50?

s
*

io?
0

i i I
1920

1918

F?nances

du Ruanda-Urundi

40?

30

?

10?
5?

5 0

I I I
1918

1920

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
sombres sont peut-?tre celles de la d?pression qui voient diminuer les sommes obte
nues pour une m?me denr?e, et les march?s
s'?tioler. La crise provoque une r?gres
et un regain
des ventes de cotonnades
sion du troc traditionnel, un ralentissement
des v?tements de ficus. La reprise qui se dessine apr?s 1933 est due ? un effort de vente
des ann?es 1923-1928. Quand
la r?volte
accru, sans la forte incitation mon?taire
au
creux
certes
l'?conomie
n'?tait
elle
de
la
connais
?clata,
vague,
plus
d'Inamujandi
sait une reprise, mais au moyen d'une ? mise au travail ? du pays. Le commerce
pou
vait ?tre jusqu'en 1928 une bonne affaire; apr?s 1930 il est devenu une n?cessit?, pour
la baisse des cours et pour payer l'imp?t. On voit que la qualification
compenser
de ? laborieuse ? que nous avons appliqu?e ? cette p?riode (d'apr?s l'?tude du com
et de la
merce des peaux) est confirm?e par l'analyse de la balance commerciale
la
mandataire.
de
puissance
politique g?n?rale
il semble que la vie
de nouveau
la r?gion du Mugamba,
Si nous consid?rons
?t?
ait
peu marqu?e par le commerce jusqu'? cette ?poque. L'essentiel
quotidienne
?tait produit par l'exploitation
familiale, compl?t?e par des ?changes de services au
la crise ?tait pr?cis?ment absurde au regard de la
niveau des collines proches. Mais
soci?t? indig?ne dans lamesure o? elle la p?nalisait par d?finition, quand elle tentait,
de gr? ou de force, de se mettre au rythme de la ? civilisation ? ?conomique. Celle-ci
les
se fit de plus en plus pesante dans les ann?es 30. Les prix propos?s baissaient,
o? les exigences de l'?tat s'aggravaient
?taient restreintes, au moment
importations
et o? des besoins nouveaux avaient ?t? cr??s. Le r?sultat le plus remarquable de la
crise sur le plan social ne fut sans doute pas le d?clin des activit?s de rapport, mais
de leur emprise sur la vie des gens.
l'accroissement
Les

imp?ts
de 1925 ? 1935 appara?t sur les courbes
La situation financi?re du Ruanda-Urundi
du diagramme 7. La tendance inflationniste des ann?es 20 se lit dans la croissance
1928.
?quilibr?es jusqu'en
rapide des budgets, d?penses et recettes ?tant d'ailleurs
Le d?ficit n'appara?t qu'en 1929 et dure jusqu'en 1932. Cette date marque une ?tape,
les d?penses, en particulier, ne variant gu?re jusqu'en 1935. Quelles sont les implica
et sociales de cette ?volution financi?re ? Le rapport avec les
tions ?conomiques
le rapport
chiffres du commerce ext?rieur est frappant (cf. courbe 6), plus pr?cis?ment
et celle des importations.
Cela traduit les
entre l'?volution des d?penses publiques
sco
la sant?, les subventions
besoins de l'administration
pour les travaux publics,
*.L'?volution
des recettes ne dessine
laires, l'entretien du personnel civil et militaire
: d?s 1928 et jusqu'en
1934 les
pas le m?me parall?lisme avec celle des exportations
ces
aux
secondes.
Pourtant
derni?res
d?ter
nettement
sont
sup?rieures
premi?res
minent
largement la richesse du Territoire, du moins dans son expression mon?taire.
sur l'origine de ces recettes en hausse. Les revenus des
On peut donc s'interroger
les imp?ts indig?nes (taxe sur le
suivent l'?volution du commerce, mais
douanes
surtout de 1929 ? 1931, comme pour
sensiblement,
b?tail et capitation) progressent
Ils repr?sentent
environ 50 %
des revenus douaniers.
l'affaiblissement
compenser
des recettes en 1931 et 1932.
africaine a-t-elle tir? cet argent ? Il ne pouvait provenir que
la population
D'o?
d'une
des r?mun?rations
re?ues pour tel ou tel travail au service d'un particulier,
ou de l'?tat, ou bien du produit des ventes sur les march?s. Or les ann?es
Mission

1. La

somme

totale

des

d?penses

publiques

est

sup?rieure

? la valeur

des

importations

? 1934.
1692

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de

1932

LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

1931 et 1932 furent tr?s mauvaises
de ce point de vue. La pression fiscale atteignit
au moment
donc son maximum
o? les revenus des indig?nes ?taient en pleine crise.
L'effort exig? explique que les Barundi se soient alors pr?occup?s de vendre davan
tage (on a vu que le volume des exportations
r?augmenta d?s 1931) et aussi qu'ils
aient r?duit leurs achats (on a remarqu? la chute des importations
et le regain des
Le gouvernement
obtint ces r?sultats
produits de l'artisanat local ? ce moment-l?).
en multipliant
le nombre des contribuables
effectifs, c'est-?-dire en for?ant les chefs
sur tous leurs ? hommes adultes valides ? : les ? H.A.V.
?
? percevoir la capitation
deviennent
les unit?s administratives
de base, ils sont 400 349 pour tout le Burundi
en 1934. L'importance
au nombre de leurs contri
des chefs est proportionnelle
: en 1934 Baranyanka
? valait ? 18 000 H.A.V. Le taux de la capitation a
buables
: il ?tait de 10 F en 1928 ; en 1932 il ?tait de 20 F ? Ngozi et de 27,5 F
aussi augment?
? Usumbura.
Il dut ?tre ramen? ? 10 F ? Ngozi en 1933 (puis relev? ? 12 F en 1934) :
ou 30 kg de haricots, ce qui ?tait
cela repr?sentait alors environ une demi-ch?vre
?lev? pour les familles les plus pauvres. Les autorit?s, comme on le voit, s'effor?aient
sans l'?corcher ?. La masse fiscale indig?ne diminua
n?anmoins de ? tondre lemouton
en 1931-1933, en fonction du d?clin prolong? des affaires, elle r?augmenta avec la
reprise d'apr?s 1933.
A cette date la politique financi?re semble bien d?finie : limitation prudente des
de la production
locale afin de faire
d?penses, budgets en exc?dent, encouragement
remonter
et de pouvoir maintenir
les revenus douaniers
la pression fiscale sur les
: l'objectif d'ensemble
est de pourvoir aux d?penses par les recettes locales
Africains
sans trop demander ? lam?tropole.
La pression fiscale est par ailleurs con?ue comme
un moyen d'inciter au travail productif1
:
?...
une influence
salutaire
les imp?ts, ? la condition
de rester mod?r?s,
ont, en Afrique
centrale,
des
soumettent
? la bienfaisance
r?sultant
de ce qu'ils
du travail
ind?niable,
automatiquement
races qui, pr?c?demment,
au point
dans
le d?s
de ne pas m?me
croupissaient
uvrement,
produire
?
les vivres n?cessaires
? leur alimentation.

Encore une fois le caract?re ? laborieux ? de
d'aust?rit? budg?taire,
des
de d?veloppement
prix. Les progr?s sont assur?s par le travail de
les r?actions de fuite devant
pulaire explique
gagner pour payer le kori (imp?t), comme on
d?parts en Ouganda. C'est dans cette ambiance
fiscale que doit ?tre situ?e la r?volte du Ndora.
Les

:p?riode
cette p?riode se manifeste
ressources malgr?
des
le marasme
la population.
Cette politique
impo
l'obsession
de l'argent ?
l'imp?t2,
et de nombreux
le notait ? Gatara,
d'autarcie financi?re et de rigueur

travaux

des champs et des enclos s'ajoutaient
Aux activit?s traditionnelles
des t?ches
? qui se pr?sentaient
? modernes
: travaux r?mun?r?s et corv?es
sous deux formes
gratuites. Le Rapport de 1932 donne les chiffres suivants pour le Burundi et pour le
:
territoire de Ngozi
SALARI?S

NON

PERMANENTS

PERMANENTS

PORTAGE ?MIGR?S

(hommes-ann?es)

Burundi
Ngozi

..

2
....

(journ?es)

849 4 369
128

1261

(East

Africa)

836
295 030
10
33

120679

1. Jugement
de 1928, cit? par J.-L. Coifard,
dans le Rapport
op. cit., p. 132.
exprim?
ne pay?rent
recens?s
dans
le territoire
14 000 environ
2. Sur quelque
80 000 H.A.V.
de Ngozi,
ou une cons?
en 1934, soit le double
: est-ce
? 1935
l'effet de n?gligences
pas l'imp?t
par rapport
de la r?volte
?
quence

1693

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
19 014 salari?s pour tout le Burundi sur
que cela repr?sente
de 1 906 sur 79 254 pour Ngozi).
(les chiffres ?tant respectivement
ni le
essentiellement
occasionnel
;malheureusement,
L'emploi
appara?t comme
nombre des journ?es de portage, ni les estimations un peu curieuses en ? hommes
sur la proportion
exacte de H.A.V.
ann?es ? ne nous renseignent
concern?s, ? un
ou ? un autre, par ces relations salariales. Les principaux
sont
moment
employeurs
et les Missions.
Les t?ches ainsi r?mun?r?es sont souvent des postes
l'administration
de responsabilit?
? l'?chelon des contrema?tres
(surveillance de chantiers, direction
de
travail) ou des travaux artisanaux plus sp?cialis?s (ma?ons par exemple).
d'?quipes
Les postes de l'?tat et les Missions
de l'int?rieur ?taient ?galement les plus gros usa
gers du portage. On retrouve ici la fragilit? d'une ?conomie qui d?pend largement des
finances publiques.
Par rapport aux ann?es 20, la tendance g?n?rale est alors ? l'insuffisance des offres
de travail, compar?es au nombre des demandes. Les missionnaires
de Gatara consta
taient en 1933 qu'ils devaient refuser du travail ? beaucoup de Noirs ? cause des diffi
cult?s financi?res de l'heure et ils rappelaient qu'un des motifs de la demande ?tait
: ? La soif des belles ?toffes fait sortir les pauvres
l'?closion de besoins nouveaux
: ch?meurs forc?s. Cependant
de chez eux. Tout le monde veut travailler
tous ont
de la nourriture ? volont? ? Il aurait fallu ajouter l'imp?t et la crise du commerce
leurs bras. Or le portage avait nette
qui pousse les gens ? essayer de louer au moins
ment recul? : 858 333 journ?es recens?es en 1930, 479 785 en 1931, 295 030 en 1932,
des besoins en porteurs s'expliquait par la crise
139 801 en 1933. Cette diminution
le
aussi
du r?seau routier ouvert aux camions,
mais
par
?conomique,
d?veloppement
en particulier du lac Tanganyika
? Gitega (depuis 1927) et vers le Rwanda
(la route
: selon le
d'Astrida achev?e en 1932). En outre les tarifs tendaient alors ? baisser
bar?me de 1932 l'?tat r?mun?rait ? l'?tape normale ? ? 1,65 F (retour ? ? vide ?
compris)2. Or en 1934 le tarif officiel fut abaiss? ? 1 F. La diminution de l'emploi
ne
d'une r?duction des salaires. Les r?gions que nous consid?rons
s'accompagna
: les relations avec le
en mati?re d'emploi
semblent pas avoir ?t? les plus d?favoris?es
de nouvelles
Rwanda
par la plaine de la Rusizi ou par l'int?rieur, l'implantation
en activit? durant plus de trois ans, la
le chantier de la route d'Astrida
Missions,
des alluvions aurif?res de la Kaburantwa
(chez
prospection mini?re et l'exploitation
de
nombreuses
de travail, ? titre momentan?,
Bacinoni)
possibilit?s
repr?sentaient
ce que recherchaient
les Barundi,
c'est-?-dire
peu d?sireux d'adopter
justement
un m?tier qui les ?loigne de leur enclos. Mais nous pouvons faire ici la
d?finitivement
?
: ce sont pr?cis?ment
les activit?s ? modernes
m?me remarque que pour le commerce
de
la
crise.
le
plus
qui souffraient
La situation de sous-emploi pouvait ?tre d'autant plus durement ressentie qu'elle
co?ncidait avec des exigences croissantes des autorit?s en mati?re de travail gratuite
Il s'agit des corv?es ? dans l'int?r?t des collectivit?s
indig?nes ? qui s'ajoutaient aux.
en 1931 ? 13 jours par an).
?t?
avaient
coutumi?res
fix?es
de
travail
(qui
prestations
en travaux routiers
de pistes,
Ces corv?es officielles
consistaient
(am?nagement
en
et
culturaux
terrassements,
(drainages,
am?nagements
r?gulier)
d?broussage
lutte contre les sauterelles).
? raison d'un hectare pour 300 contribuables,
boisements
Le Rapport
373 883 H.A.V.

estime

ne pr?tendent
1933. On remarquera
de Gatara,
28 novembre
1. Diaire
que les missionnaires
? des Noirs
leur faire n?gliger
irait jusqu'?
de l'administration)
que la ? paresse
(au contraire
!
cultures
20 km
en g?n?ral
1 F. L'?tape
normale
2. Les particuliers
donnaient
quelque
repr?sentait
une charge d'environ
25 kg.

1694

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pas
leurs
pour

LE BURUNDI EN 1934

J.-P.

CHR?TIEN

famille se voyait, en outre, imposer des obligations
:
agricoles nouvelles
vivri?res pour lutter contre les disettes, plantations
de caf?iers g?n?ralis?es
est sur pied pour faire des cultures de manioc,
de 1931. ? Tout le monde
etc.
Le
?*. Enfin l'installation
caf?,
gouvernement
pousse activement...
eucalyptus,
uvre
des nouvelles Missions
suscita des mobilisations
de main-d'
suppl?mentaires
gratuite. Le z?le des nouveaux baptis?s et des cat?chum?nes vint compenser la d?tresse
financi?re des ?glises. C'est ainsi qu'on voit dans les ann?es 30 s'?difier ? ? bon
march? ? les ?glises de Gatara et de Musigati2.
Sans vouloir a priori ranger ces contri
nos
souvent
?
celles
de
de cath?drales m?di?vales,
b?tisseurs
butions,
compar?es
sous la rubrique des corv?es impos?es, on ne peut nier qu'aux yeux de lamasse de la
l'Europ?en apparaisse de plus en plus dans ces ann?es comme celui qui
population
cette impres
fait travailler. Les enqu?tes orales confirment d'ailleurs abondamment
sion : ? Les Belges ont fait travailler ! ?, entend-on sans cesse. Ce que nous pouvons
ajouter, c'est le r?le de la grande d?pression dans ce renforcement de la mobilisation
du labeur africain.
Chaque
cultures
? partir

de la grande crise
la
situation
de
du Ruanda-Urundi
dans les ann?es 30 a montr? combien
L'analyse
les r?percussions
de la grande crise furent lourdes dans ce territoire lointain qu'on
:
aurait suppos? plus ? l'abri des p?rip?ties de l'histoire ?conomique
de l'Occident
tassement des prix sur les march?s
les plus recul?s, d?ficit commercial
prolong?
des exportations
et le retrait relatif des produits d'importation,
malgr? la progression
en
de la fiscalit? et des corv?es, cultures obligatoires
durcissement
g?n?ralis?es
en
de
l'?chec
de
la
mise
les
Toutes
valeur
compensation
compagnies,
capitaliste.
qui s'?taient en effet lanc?es dans des sp?culations agricoles au Burundi, connurent
de graves difficult?s ? partir de 1931 et durent cesser leurs activit?s ou se reconvertir en
de commerce. Par exemple la Compagnie de la Rusizi renon?a
simples compagnies
? la culture directe du coton en 1931 pour ne plus s'occuper que du traitement des
de pal
r?coltes obtenues par les planteurs
indig?nes de la plaine. Des plantations
miers ? huile et de sisal durent aussi ?tre abandonn?es.
s'?taient
Ces compagnies
implant?es dans l'Imbo, sur des terrains fertiles proches du lac. Leur faillite amena
int?resser les montagnards
les plus proches
la suppression d'emplois
qui pouvaient
de cette r?gion.
On peut voir un autre signe de la faillite ?conomique
qui gagne le Burundi dans
l'essor brusque de l'?migration vers l'Afrique orientale britannique. Ce mouvement
est d'autant plus frappant que les Barundi passaient, jusqu'alors, pour des paysans
avaient h?sit?, pour cela, ? les transporter comme
casaniers et que les Allemands
sur leurs plantations
du Ruanda
de l'est. Les bastions montagneux
travailleurs
Urundi
?taient, en effet, apparus depuis le d?but comme des r?servoirs de main
d' uvre avec leurs densit?s ?normes (environ 70 h/km2 ? l'?poque), compar?es aux
d?serts humains de l'ouest du Tanganyika Territory ou de l'est du Congo (moins de
uvre : en 1930
10 h/km2). D?s les ann?es 20 VUnion mini?re y recrutait de lamain-d'
en
au
et
1931 YUnion
de
Barundi
?taient
Mais
7000
Banyarwanda
Congo.
plus
et commen?a m?me ? rapatrier les engag?s. En 1933
mini?re cessa ses recrutements
Le Burundi

victime

de Gatara,
7 d?cembre
1931. Il signale ailleurs
1. Diaire
pour avoir
que les chefs se d?m?nent
?. Les paysans
les par
de cultures
35 ares (les bipimo,
c'est-?-dire
devaient
des ? records
pr?senter
avoir des r?serves, d?ve
vivri?res
drainer
des marais,
celles ? mesur?es
obligatoires,
?) de cultures
etc.
lopper le manioc,
? Quand
on b?tit ?, Grands
2. J. Heugens,
lacs, 1er mars
1936, pp. 437-438.

1695

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
il ne restait que 231 Barundi au Katanga. Parall?lement
? ces d?parts organis?s, un
mouvement
spontan? s'?tait amorc?, surtout depuis 1929, en direction du Tanganyika
et de l'Ouganda. Ces d?parts ?taient momentan?s
(vers Bukoba)
(quelques mois).
Ils furent d'abord provoqu?s par la menace de la famine, puis par le besoin d'argent
(pour payer l'imp?t, acheter quelques v?tements, constituer une dot) et aussi la peur
en 1932-33, c'est-?-dire ? l'apo
des corv?es1. Leur nombre augmenta brusquement
o? le Congo venait de se fermer. On passa
g?e de la crise au Burundi et au moment
de 3000 ? 4000 en 1930-31 ? 10836 en 1932 et 14042 en 1933. Le courant se ralentit
en 1934 ? cause de la disette qui r?gnait alors au Tanganyika
:nouvel obstacle pour
ceux qui cherchaient de l'argent ? ce moment-l?
! Les provinces
les plus touch?es
?taient certes celles de l'est, mais le territoire de Ngozi
fournit ses premiers contin
en 1932 (1876 sont recens?s en 1933). La d?pression n'a donc pas
gents d'?migrants
: l'aggravation des exigences, issues de la
amen? les gens ? se replier sur leurs collines
a plut?t ouvert aux paysans barundi des horizons plus loin
pr?sence europ?enne,
tains. On peut dire que la crise a comme d?rang? la fourmili?re.
Le Ruanda-Urundi
?tant alors plus ou moins
int?gr? au Congo
(m?me l?gisla
on observe avec int?r?t la politique colo
union douani?re, m?me monnaie),
tion,
niale belge ? cette ?poque. A partir de 1931 elle semble ?voluer d'un r?gime exclu
ou
sivement capitaliste
commerciales
(primaut? de grandes compagnies mini?res,
de plantations)
? un r?gime de d?veloppement
agricole par les paysans congolais eux
sous le contr?le de l'administration.
m?mes
C'est le sens du rapport ?labor? cette
ann?e-l? par une commission du S?nat et qui fut adopt? par leMinist?re des Colonies
:
en collaboration
serait d?velopp?e
avec les chefs
l'agriculture
syst?matiquement
coutumiers2.
On reconna?t, dans ces vues, la politique
de mise au travail par la
la contrainte administrative
et la pression mon?taire
fiscalit?,
que nous avons ana
: le contexte ?conomique
?tait le m?me
du
lys?e pour le Burundi
(effondrement
commerce apr?s une p?riode d'importations
r?duction
des
refou
massives,
salaires,
uvre sur les campagnes). Mais
lement de main-d'
la d?sillusion fut particuli?rement
dans la mesure o? la puissance mandataire
grande au Ruanda-Urundi,
prit alors
conscience
de la pauvret? du Territoire. Quant aux Africains,
ils vivaient dans les
: ils voyaient
situation contradictoire
leurs revenus fondre et
deux cas la m?me
se multiplier,
leurs obligations
les cultures obligatoires
devaient renflouer l'?cono
mie.
? On

utilisa

? ?ducatives
? pour ?quilibrer
les cultures
forc?es baptis?es
la balance
commerciale
m?me
de 1931 ? 1937 : ? la diff?rence
des mines,
l'effondrement
quatre milliards
et surtout
de la production
fut compens?
par l'augmentation
par la r?duction
des paysans
3. ?

qui rapporta
quand
des cours agricoles
de la r?mun?ration

int?ressante
Aux yeux des Africains
l'?conomie import?e ?tait de moins en moins
et pourtant
ils ?taient invit?s ? la renflouer et ? y participer de plus en plus par leur
travail : ce fut l'impact essentiel de la crise sur leur soci?t?. M. Merlier voit un lien
entre ce durcissement
et les mouvements
coloniale
de l'exploitation
syncr?tiques
eut
alors au Congo. La r?volte du Ndora
? tendance subversive qui se d?velopp?rent
certes une port?e infiniment plus limit?e que le kimbanguisme,
mais elle se situait
le m?me

dans

contexte.

1. Cf. Rapports
de 1929 et 1933, diaire de Gatara
recensements
sont inf?rieurs
officiels
? la r?alit?.
2. Cf. R. Anstey,
3. Cf. M. Merlier,

King
op.

Leopold's
cit.,

p.

Legacy,
143.

Londres,

et Harlow

1966,

pp.

et Chilver,
108-111.

1696

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op.

cit.,

p. 427.

Les

LE BURUNDI EN 1934

Une

histoire

J.-P. CHR?TIEN

locale mouvement?e

Si g?n?ral qu'ait ?t? l'impact de la crise, il nous faut appr?cier le plus concr?te
ses r?percussions
et plus
dans la r?gion consid?r?e. Or le Ndora,
possible
se pr?sentaient
comme une r?gion ?cart?e,
le
largement
Mugamba
septentrional,
une sorte de marche-fronti?re
entre la plaine de la Rusizi et les
face au Rwanda,
collines plus douces de la r?gion de Ngozi. L'?pret? du paysage a d?j? ?t? ?voqu?e,
ce n'est pas une zone de passage. Mais en 1934 elle ?tait cern?e par de nouveaux axes
: ? l'ouest, l'activit? europ?enne
de circulation
?tait importante
(lutte contre la
du sommeil, d?veloppement
et le Congo
maladie
du coton, trafic vers le Rwanda
du moins en saison s?che); ? l'est, une nouvelle route, parall?le ? celle de la plaine
mais praticable en toutes saisons, avait ?t? achev?e en 1932 (elle reliait Usumbura
?
et repr?sentait d?s lors l'axe essentiel vers le Rwanda).
de
Astrida
L'apparition
v?hicules automobiles
de camions, favorisait
(depuis 1926), et notamment
l'emprise
et ?conomique
? la fois administrative
des Europ?ens. Mais
la cr?te elle-m?me,
vers la haute Ruvubu
et la Kibira,
restait ? l'?cart, malgr?
les pistes motocyclables
les Missions
que s'effor?aient d'entretenir
pour la desserte de leurs succursales. Le
retard en ce domaine ? la veille de la r?volte appara?t, a contrario, dans les efforts
:une route de 60 km fut ouverte
routier qui suivirent la r?pression
d'am?nagement
en 1935 aux camions, de Musigati
? Butara (et aux mines de la Kaburantwa)
par le
une autre fut ouverte aux motocyclettes
de Kayanza
? Ndora
la m?me
Ndora,
ann?e1. Ce fut donc la r?volte qui suscita un contr?le plus ?troit de la r?gion. La
elle-m?me, en g?n?ral plus pr?coce que celle des autorit?s,
p?n?tration missionnaire
:Gatara datait de 1928, Musigati
fut tardive dans ces montagnes
de 1930. En 1934
les premi?res succursales ou simples ? maisons
de pri?re ? 2, venaient d'?tre fond?es
au nord de Musigati
Et
(Ngonye, etc) et ? l'ouest de Gatara
(Munanira, Ndora).
encore y voyait-on plus souvent des cat?chistes africains que des P?res europ?ens.
Pour les gens de la r?gion, la pr?sence des Blancs ?tait tr?s r?cente et restait ?piso
sommes l? dans une contr?e longtemps
isol?e, mais en train de subir
dique. Nous
et les d?buts de la p?n?tration de la civilisation
l'encerclement
?trang?re. Le cas est
diff?rent de celui des bords du lac Tanganyika,
plus ? civilis?s ?, mais aussi de celui
sommes dans une frange o? le
du sud du pays rest? encore plus ? primitif ?. Nous
en
est
La
de
de
la
colonisation
contrecoup
plus
plus ressenti, mais indirectement.
subit un choc plus qu'elle ne rentre dans un cadre. Elle a alors tendance
population
? se raccrocher ? un pass? qu'il faut conna?tre.
ment

Le

souvenir

de Kirima

de cette r?gion par un person
Le pass? ?tait incarn? aux yeux de la population
nage hors du commun, qui avait ?t? le chef durant les vingt premi?res ann?es du
sont obscures et notre
Les origines de ce personnage
si?cle, Kirima
(ou Kilima).
et
n'est
ici.
Il
descendre
de Ntare Rugamba
de
les
?lucider
pas
propos
pr?tendait
d'une femme que ce roi du Burundi aurait ?pous?e au Bushi, de l'autre c?t? de la
: c'?tait ?videmment une fa?on de se poser en pr?tendant au tambour royal
Rusizi
du Burundi. Mais le fait est que Kirima apparut dans la r?gion ? la fin du xixe si?cle
avec des guerriers dot?s de quelques fusils. H occupa d'abord le nord de la plaine,

comme
ces travaux
routiers
des corv?es
1. Les t?moins
barundi
impos?es
pr?sentent
en 1934-35. ? C'est gr?ce ? Inamujandi
qu'il y a une route ?, ironisa Bacinoni.
punition
un centre d'instruction
: ? lieu o? Ton prie ?, c'est-?-dire
de cat?chum?nes
2. isengero
o? l'on c?l?bre
le culte.
sition aux chapelles-succursales

? titre de
par oppo

1697

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
et mena?a
la r?sidence royale de Bukeye. Apr?s lui avoir reconnu
puis leMugamba
en 1903, les Allemands
se retourn?rent
une certaine autonomie
contre lui : ils le
au nord du
au
ils
r?install?rent
lac
?
le
du
de
1906
nord
1911,
Nyassa
puis
d?port?rent
: il mourut
? Munanira
peu apr?s l'arriv?e des Belges 1. C'est un per
Mugamba
sonnage de la trempe de ces aventuriers qui, au xixe si?cle, se taill?rent des royaumes
en Afrique en usant de moyens modernes
(commerce, armes ? feu), mais sans renier
On pense aux Banyamwezi
traditionnels.
le prestige des pouvoirs
charismatiques
au sud du lac Victoria
et Mirambo
dans les ann?es 1870-80 2.
Msiri au Katanga
ne voit pas en Kirima un rebelle disposant de fusils, ni un
La tradition du Mugamba
envahisseur
(? le Redout?
?), ou Kiri
?tranger, mais un chef terrible, Kitinywa
un
distribuer
et
chef
bienveillant
aussi
Kirima-les-fl?ches
savait
(?
?),
mamyampi
qui
de festins de viande 3. Bien plus, on
du b?tail ? ses fid?les, le grand dispensateur
voyait en lui un mwami, un roi. Kirima se faisait d'ailleurs intituler Mwezi comme son
rival. Apr?s sa mort, il fut transport? dans la zone des n?cropoles royales du Burundi,
au sud du nganzo de Mwezi Gisabo
4,
pr?s de la source de la Ruvubu, ? Kanyankuru,
et son fils prit le nom de Mutaga,
conforme au cycle royal l?gitime. Les gens du
ne voulurent
d'ailleurs pas croire ? sa mort et virent dans toutes les
Mugamba
contre
les autorit?s
calamit?s
s?cheresse) des signes de sa vengeance
(maladies,
nouvelles. Car les milieux dirigeants de la cour de Mwambutsa,
les grands chefs qui
avaient l'oreille des Belges, se plaignirent de ces ? abus ? et le R?sident Ryckmans
toute la famille de Kirima avec son b?tail. Cette d?cision
d?cida d'exiler au Congo
ne supprima pas la v?n?ration de la population
? l'?gard du grand chef disparu.
? s'est exprim?e au cours de la r?volte du
Cette fid?lit? ? l'ancien ? usurpateur
Ndora. Le r?cit de Bacinoni nous a montr? que les rebelles demandaient
le retour des
? fils de Gihanamusango
?tant
des fils de Kirima
?, c'est-?-dire
(Gihanamusango
un
oncle
de
aurait
alors
?t?
la
probablement
Kirima). Inamujandi
proph?tesse charg?e
de pr?parer ce retour. Mais deux autres t?moins, plus proches du milieu des anciens
la venue d'un
r?volt?s, ont contest? cet aspect : selon eux la vieille femme annon?ait
roi, sans pr?ciser qu'il d?t s'agir des descendants de Kirima. La version de Bacinoni
se retrouve dans les documents europ?ens 5,mais un ancien missionnaire
de Musigati
nous a affirm? que le r?le des fils de Kirima fut nul. Alors, que conclure ? Vu l'assi
entre la per
le d?but du si?cle, chez les Banyamugamba
faite depuis
milation
sonne de l'ancien chef et l'id?e monarchique,
il est possible que des rebelles aient
le chef
pens? ? ce h?ros ou ? ses fils lorsqu'ils r?vaient d'un nouveau mwami. Mais
en
de
valeur
les
mis
l'administration
n'a-t-il
Bacinoni,
pas
proche
europ?enne,
anecdotes allant en ce sens afin de pouvoir donner une explication
satisfaisante des
aux autorit?s coloniales ? Lui-m?me,
et Ndu
?v?nements
ainsi que Baranyanka
wumwe, avaient h?rit? des anciens domaines de Kirima. Il ?tait plus facile de d?crire
la r?volte comme un retour des anciens usurpateurs
que comme une contestation
des
autorit?s.
globale
1. D'apr?s
P. Ryckmans,
Une page d'histoire
1953 ;W. M. Roger
Louis,
coloniale,
Bruxelles,
; et nos propres
Oxford,
1963, pp. 114-144
1884-1919,
enqu?tes.
Ruanda-Urundi,
roi du Garenganze,
1956 et R. Fouquer,
A. Verbeken,
2. Voir
par exemple
Msiri,
Bruxelles,
1967.
Mirambo,
Paris,
comme moyen
de rallier
les popula
de viande
d?cisif
3. Bacinoni
insista sur les distributions
tions de la r?gion. Le festin de viande est une f?te par excellence.
4. Voir ? ce sujet notre article, ? Les tombeaux
?, d?j? cit?. Ces sites
royaux des bami du Burundi
sur la carte B.
ont ?t? indiqu?s
royaux
et rel?gu? au Congo
de 1934 ?voque
5. Le Rapport
le r?le d'un ? chef destitu?
belge en 1920
ses anciennes
terres ?. Le diaire de Gatara
et qui devait profiter
de la r?volte pour reconqu?rir
note,
? est l?.
le 4 octobre,
que ? le bruit court ? qu'un ? fils de Kilima

1698

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LE BURUNDI EN 1934
Les

J.-P.

CHR?TIEN

rivalit?s

ethniques
au sein de la population
L'existence
burundaise de trois groupes d'origine eth
nique diff?rente (les Batwa, les Bahutu et les Batutsi) pose des probl?mes complexes.
ne s'exprimait pas par un cloisonnement
Cette h?t?rog?n?it?
territorial
historique
(il n'y avait pas de tribus bien localis?es, malgr?
l'emploi fr?quent de l'expression
de ? tribalisme ?), ni par des divergences
culturelles
sensibles, mais
journalistique
par une hi?rarchie sociale calqu?e sur la r?partition du gros b?tail et sur l'exercice
du pouvoir1. La soci?t? du Burundi ?tait d'ailleurs moins rigide que celle du Rwanda
se distinguait des Batutsi,
dans la mesure o?, entre autres, le clan royal des Baganwa
ce qui pouvait favoriser une politique de bascule entre les deux ethnies principales
:
un certain nombre de chefs ?taient hutu. Enfin l'image ? f?odale ? que l'on a souvent
accol?e aux royaumes des grands lacs de l'Est africain semble largement inad?quate,
se
si l'on consid?re que les r?seaux de client?les fond?s sur le b?tail (ubugabire)
tissaient du haut en bas de la soci?t?, depuis le roi et les grands chefs jusqu'au Mututsi
ou au Muhutu
le plus humble. On chercherait en vain la dichotomie
de type m?di?val
et les manants
li?s par des liens vassaliques
astreints
europ?en entre les chevaliers
au servage2. Ces pr?cisions n?cessaires ?tant apport?es (de fa?on rapide), il convient
de situer notre r?gion de ce point de vue ethnique. Le peuplement
y ?tait essen
tiellement hutu jusqu'au d?but de l'?poque belge. Les familles tutsi install?es aujour
d'hui sur la cr?te sont venues dans les ann?es 1920-30 ? la suite des chefs Baranyanka
et Nduwumwe
3. Les sujets de Kirima ?taient essentiellement
des Bahutu. Enfin, les
du pays ?taient hutu, qu'il s'agisse des Biru,
du nord-ouest
autorit?s traditionnelles
sur leur domaine,
ou des chefs
royales, quasi souverains
gardiens des n?cropoles
de certaines autorit?s hutu
de l'Imbo. Nous avons un bon exemple de la permanence
: son grand-p?re aurait ?t?, dit-il,
un de nos t?moins
dans la r?gion, avec Rusekeza,
investi mutware (c'est-?-dire chef au sens large) par le roi Ntare, son p?re resta mutware
sous Kirima,
sous Mwezi Gisabo
et m?me
apr?s l'invasion de celui-ci ; lui-m?me,
avec le titre
fut plac? sous les ordres des chefs Ntunguka
Rusekeza,
puis Bacinoni,
4. Les pouvoirs inf?rieurs sont donc
de sous-chef dans la r?gion de la Kaburantwa
les mutations
stables durant trois g?n?rations malgr?
(y compris la colo
politiques
qui toucha
nisation) du niveau sup?rieur. Si bien que, lors de la r?volte d'Inamujandi,
son propre territoire, Rusekeza
devint un enjeu de la lutte. Les rebelles essay?rent
: il essaie aujour
de le gagner ? eux. Il reconna?t avoir rendu visite ? la proph?tesse
ou qu'il avait
d'hui de s'en justifier en expliquant qu'il allait surveiller ces mutins
? (kusaba) ?
?t? convoqu? par eux et qu'il refusa aussit?t de ? rendre hommage
cette vieille femme !On a vu que Bacinoni
(son ancien chef) le d?crivait aussi dans
est le type
un groupe de rebelles, mais dispensant des conseils de sagesse5. Rusekeza

connue
: la cohabitation
lacs est mal
du peuplement
de l'Afrique
des grands
de
1. L'histoire
et de groupes
est sans doute
noirs de type bantou
groupes
(les Bahutu)
nilo-?thiopides
(les Batutsi)
vu la fusion culturelle
et l'existence
de types physiques
interm?diaires.
tr?s ancienne,
de f?odalit?
de la notion
dans R. Bou
de l'emploi
les critiques
inconsid?r?
2. Voir
opportunes
t. I, Paris,
et f?odalit?,
1959.
TRUCHE, Seigneurie
oraux.
sont eux-m?mes
des Baganwa.
deux
Ces
chefs
de nombreux
3. D'apr?s
t?moignages
en annexes
aux Rapports
la chefferie
de
du gouvernement
les cartes figurant
4. D'apr?s
belge,
sur les bords
sur le cours de la Kaburantwa
cantonn?e
centr?e
1929, est ensuite
jusqu'en
Ntunguka,
Ce red?coupage
et sup?rieur
de la Kaburantwa.
Bacinoni
de la Rusizi,
re?u le cours moyen
ayant
Rusekeza
ait chang? de chef au cours de cette p?riode.
que le sous-chef
peut expliquer
et le camp euro
avait fait passer des lettres entre son enclos
5. Il raconta
aussi que Rusekeza
en sa faveur. Rusekeza
rest? 15 ans
et qu'il ?tait donc
serait n?anmoins
intervenu
p?en du Ndora
en prison
?

1699

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
du notable local, sensible aux mouvements
de la population, mais responsable devant
le grand chef plac? par les Europ?ens. La plupart des gens arr?t?s furent comme lui
ou des sous-chefs hutu consid?r?s comme respon
des notables
(abashingantahe)
sables des troubles.
Mais
il y a un autre fait int?ressant r?v?l? par l'enqu?te, c'est l'existence de deux
entre la proph?tesse
et la population.
interm?diaires
Les sources
propagandistes,
les
Il
de
et
deux
Bahutu,
ignorent.
Rubuye
europ?ennes
s'agissait
Segitondo, pr?sent?s
comme des gens d'?ge m?r, des ? gens de la brousse ?, venus de chez Baranyanka
c'est-?-dire
des hors-la-loi
r?fugi?s dans la for?t pour ?chapper aux exactions de
retrouvons
certains sous-chefs et pour se venger. Nous
le th?me populaire
de la
et du bandit-redresseur
de torts !
for?t-refuge
? C'?tait
en h?te dans la for?t. Il y avait un Muhutu
des huttes provisoires
qu'on avait am?nag?es
:? la vue de cette vieille femme
nomm?
dans la for?t, un v?ritable
broussard
Segitondo
qui se cachait
sans abri, il lui construisit
une petite hutte. C'est
alors que, peu apr?s,
le bruit a couru qu'il y avait
une reine dans la for?t. Bacinoni
l'a arr?t?e et arrach?e
il l'eut rel?ch?e,
? sa hutte ? Nkumbiri.
Quand
en la voyant,
et Rubuye,
elle s'en alla plus loin dans la for?t. Deux
dirent qu'elle
Bahutu,
Segitondo
et construit
?tait mwami,
ils ont battu des mains
ainsi qu'ils ont fait conna?tre
dans
pour elle. C'est
le pays qu'un
roi ?tait l? 1. ?
? Segitondo
une vieille femme nomm?e
et Rubuye
se sont retir?s dans la for?t et y ont emmen?
les gens en leur disant que dans la for?t il y avait un roi. Us lui mirent
Us allaient
Inamujandi.
tromper
2
sur la t?te. Ils continu?rent
? chercher des compagnons.
A cette saison il y avait beaucoup
des cauris
de bi?re et les haricots
? se joindre aux deux premiers
?taient m?rs. D'autres
dans
gens continuaient
comme
un mwami.
et cachant
la vieille femme
la for?t, y apportant
de la bi?re et du miel
[...] Alors
:? Ici, je cache un roi : lorsque je vous
il faudra vous d?p?cher
leur disait
de le
le donnerai,
Rubuye
saisir 3. ?

Bacinoni
reconna?t, lui-m?me, que ? c'est le pays qui s'est r?volt? ?. H pr?cise
: ? La
les
si bien qu'on disait
des cadeaux sous la menace,
gens apportaient
que
for?t gronde d'hommes qui apportent des bananes et de la bi?re. ? Les deux ?missaires
des volont?s myst?rieuses
de la
jouent aupr?s de cette foule le r?le d'interpr?tes
: c'est ainsi qu'ils lancent au bout d'un certain temps le mot d'ordre
proph?tesse
? pour que le roi ?semontre?.
d'aller ? piller les vaches et incendier les maisons
Or leurs premi?res victimes sont les sous-chefs du Ndora
(Bikarisha, Mbonihankuye,
Kayumpu,
Rusembuza)
qui sont soit des Batare (du m?me lignage que Baranyanka)
soit des Batutsi. L'aspect ethnique de ces violences est ?voqu? par un t?moin 4 :
? Elle disait
comme
celui qui s'appelle
celui qui s'appelle Muzungu
Mututsi
pour
que pour
au visage
et les ferait p?rir.
le roi qui allait venir
leur cracherait
[...] Il n'y eut aucun
(Europ?en),
?
et des Batwa,
surtout beaucoup
rien que des Bahutu
de Batwa.
Mututsi
parmi eux (les rebelles),

se confond avec le probl?me du pouvoir,
On voit donc que l'aspect ethnique
et des
o? celui-ci ?tait concentr? entre les mains des Europ?ens
dans la mesure
nouveaux
dans ces condi
chefs de la suite de Baranyanka.
S'attaquer ? un Mututsi
tions signifiait une agression contre les autorit?s impos?es ? la r?gion, de l'ext?rieur.
? l'?gard du lignage des Batare (les "Beyerezi")
autour du nom de Kirima, ? l'appel des proph?ties
Le ralliement de la population
avait pour objectif
d'une vieille femme et avec la caution de notables traditionnels,
nouveau
la
d'un
mais
l'accueil
roi,
plus concr?te du
l'expression
quasi mystique

L'hostilit?

1. Rusekeza.
en kirundi.
Ces coquillages
2. Insimbi,
un r?le d'amulettes.
Burundi
N.
3. T?moin
?taient
renomm?s
4. Idem. Les Batwa
?tait hutu.
elle-m?me
qu'Inamujandi

connus

comme

dans

toute

chasseurs

l'Afrique

mais

aussi

comme

comme

1700

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monnaie

avaient

guerriers.

On

au

notera

LE BURUNDI EN 1934

J.-P.

CHR?TIEN

sous
fut l'attaque des enclos de plusieurs
mouvement,
apr?s une phase d'attente,
chefs de Baranyanka.
Cette haine semble avoir ?t? le moteur profond de la r?volte,
des rebelles fut d'abord encourag?e par une longue
du d?but ? la fin. L'audace
:
maladie de Baranyanka. On disait m?me, selon les gens du Ndora, qu'il ?tait mort
la nouvelle ?tait ? la fois pr?matur?e, puisque ce chef vit encore, et d?pass?e puisqu'il
en janvier 1934. Mais l'impact de la nouvelle s'?tait
?tait sorti de l'h?pital de Ngozi
la r?volte. D'autre parties sous
fait sentir peu ? peu dans le pays et put encourager
chefs avaient profit? de l'absence de leur ma?tre pour se livrer ? toutes sortes d'exac
tions, comme en pays conquis. Le diaire de Gatara y revient ? plusieurs reprises,
car ces dirigeants
indig?nes ?taient baptis?s et auraient d? montrer
l'exemple ? la
!
population
pa?enne*
? Dans
le Ndora,
le bon exemple

gu?re

toujours
quelques
par leur r?gularit?

: les jeunes chr?tiens,
ennuis
sous-chefs
?
envers
et leur conduite
les Noirs.

du

lieu, ne donnent

les gens en leur
Un de nos t?moins cite le cas d'un de ces batware qui brutalisait
disant :? Et alors, o? irez-vous vous plaindre ?Allez porter plainte ? Rabiro (demeure
comme d'habitude
ce mouvement
vers
!L'autre est mort
! ? D'o?
de Baranyanka)
de l'Egypte antique vers le d?sert. Malgr?
la
la for?t qui rappelle les anachor?ses
se
et
les
cacher
?
fuir
de
?
continu?rent
les
Baranyanka
agents
gens
r?pression,
pendant des semaines. A Gatara on note le 28 octobre 1934 :
? J'apprends
?a ne va pas. Les gens sont m?contents
qu'? Ndora,
sont ? la corde et surtout de ce qu'on n'enl?ve
pas les anciens
anciens)
?
ils se vengeront,
disent-ils.
? aucun prix
; une fois les Blancs
partis,

de ce qu'une
quinzaine
Oes
dont ils ne veulent
sous-chefs

? qu'elle n'en veut
La sorci?re a avou?, pr?cise encore le diaire le 6 novembre,
? Celui-ci le comprit d'ailleurs vite et, aux
pas aux Blancs, mais bien ? Baranyanka.
ses guerriers et
il rassembla
nouvelles de la fin de septembre,
premi?res mauvaises
vers
et
les
missionnaires
durent le
en
L'administrateur
le
Ndora.
campagne
partit
s'?tendit ? tous
retenir dans la voie de la r?pression. L'hostilit? port?e ? Baranyanka
se fit insulter comme ?tant un des
ses parents et alli?s : on a vu comment Bacinoni
ce
au
chef
de
?tait
Ce
lignage et ? leurs fid?les, c'?tait d'?tre
reproch?
qui
Beyerezi.
en quelque sorte des ?trangers, venus de Gitega (Bweyerezi) et surtout de commander
du Bushi, s'?tait fait accepter. Et
en ?trangers. En effet Kirima, bien qu'originaire
ou Matumba,
il y avait des chefs tutsi dans la r?gion, comme Ntunguka
qui ne
?tait m?me populaire. Longtemps
rencontr?rent pas la m?me opposition. Matumba
? : certes sa chef
?
apr?s on racontait encore que chez lui on ne payait pas d'imp?ts
l'abri
d'un
contr?le trop
?
le
?tait
ainsi
encore
accessible
moins
Ndora,
que
ferie,
les gens et garder un contact
strict des Europ?ens, mais lui-m?me savait accueillir
familier avec ses sujets. Au contraire les nouveaux chefs Batare comme Baranyanka,
?taient plus distants, plus imp?rieux. Un t?moin europ?en les
Bacinoni, Muhitira,
compare aux chefs tutsi du Rwanda,
r?put?s pour leur duret?, ? l'oppos? de la rela
tive bonhomie des chefs de l'ancien Burundi.
chefs ne s'expliquait donc pas seulement par le
de ces nouveaux
L'impopularit?
? tel
?, ni par leur appartenance
de la l?gende des ? fils de Gihanamusango
maintien
Le
retour
de
de
leur
aussi
ou
mais
?
telle
gouvernement.
par
style
ethnie,
lignage
d'ordre ethnique ne rele
flamme des traditions locales et l'expression de m?fiances
? provincial ?, ils traduisaient un m?contente
vaient pas vraiment d'un ph?nom?ne
ment populaire devant une administration
jug?e abusive. Il y avait donc un rapport
concret entre la politique coloniale, qui a ?t? d?finie plus haut, et les manifestations
archa?santes de contestation
qui viennent d'?tre d?crites.
populaire,
1. Diaire

de Gatara,

25 mai

1933.

1701

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE

Un

royaume

africain

confront?

au r?gime colonial

Deux ordres d'explications
peuvent donc ?tre invoqu?s pour interpr?ter la r?volte
comme pour tous les mouvements
:
du Ndora,
de l'Afrique colonis?e
analogues
une aggravation
ou l'action d'?l?ments
des exigences europ?ennes
traditionalistes.
Une distorsion
totale entre ces deux s?ries de facteurs dans le contexte colonial est
tr?s improbable. Il reste ? voir par quel relai concret une soci?t? traditionnelle
peut
?tre amen?e ? exprimer, dans son langage propre, une inqui?tude d?j? pr?r?volu
du Ndora
tionnaire devant l'emprise de l'imp?rialisme moderne.
est,
L'exemple
sinon simple, du moins
suffisamment r?duit dans l'espace et dans le temps pour que
l'analyse puisse ?tre pr?cise.
des pouvoirs traditionnels
d?s le d?but, un travail de r?organisation
Les autorit?s belges entreprirent,
se
voulait
allemands. Elles
m?thodique
qui
inspir? par les ?checs des pr?d?cesseurs
du
de
minorit?
dura
la
Mwambutsa,
1930,
jeune
pour remo
jusqu'en
profit?rent
qui
deler tout le r?seau des pouvoirs. A leurs yeux en effet le r?gime traditionnel du Burundi
dont la coh?rence
avait ?t?
?tait fond? sur une hi?rarchie
f?odale des pouvoirs,
: l'esprit d'ind?pendance
des grands chefs, l'insta
alt?r?e par diff?rents facteurs
inf?rieures menac?es
bilit? des autorit?s
par les caprices des grands, l'interaction
? certains individus de narguer leur chef,
d'autres liens personnels qui permettaient
enclaves. Les Euro
enfin la confusion des limites territoriales due ? de nombreuses
du pays r?v?rent d'utiliser une telle hi?rarchie, mais affranchie
p?ens responsables
de ses d?fauts, et de reconstruire en quelque sorte le royaume du Burundi tel qu'il
aurait d? ?tre. Ce qui s?parait le plus la conception europ?enne, en ce domaine, de la
c'?tait le r?le imparti ? la terre. Pour les Barundi,
pratique rundi des liens personnels,
? homme
il s'agissait essentiellement
de rapports d'homme
gag?s sur le b?tail ;
: les chefs consid?r?s
il devait s'agir de liens territoriaux
pour les colonisateurs,
comme ma?tres ?minents du sol de leur province d?l?gueraient,
? leur tour, ce droit
:une pyramide des terres devait se calquer sur celle des pouvoirs.
? leurs sous-chefs
? cet ?gard fut l'interdiction
faite en 1927
les plus caract?ristiques
Une des mesures
aux chefs d'avoir des ? prot?g?s ? en dehors de leur circonscription.
Cette d?cision,
:
prise en conseil de r?gence, est comment?e de fa?on int?ressante1
La mutation

un lien personnel,
et non plus
ainsi ? devenir
lien de droit entre chefs et sujets tendait
non
sans
loin de lui, l'autorit?
s'exer?ait
; et sur tous les gens du grand chef, habitant
ne pouvaient
ne s'exer?ait
des habitants
c'est-?-dire
plus ?tre
plus, une moiti?
interm?diaire,
qu'elle
Le Conseil
et aux travaux communs.
de l'imp?t
par le chef de la terre pour la prestation
convoqu?e
est
: le lien politique
en r?tablissant
la coutume dans sa puret? primitive
a mis fin ? cette situation
ceux
du chef du lieu o? il vit ; le chef a sous ses ordres
Tout
territorial.
redevenu
indig?ne d?pend
?
sur ses collines.
qui demeurent
? Le

territorial

La ? r?alisation ? des liens personnels
vise, comme on le voit, ? stabiliser la
? f?odalit? ? dite coutumi?re, dans l'int?r?t d'une administration
qui soit plus coh?
rente et plus efficace. Tout le corps politique rundi va ?tre ainsi fig?, au d?triment des
uvre et de marchandage
l'ancien r?gime.
de man
qu'offrait
possibilit?s
? des pouvoirs
de
furent le Conseil
Les instruments de cette ? consolidation
fonctionna
chefs
de
jus
qui
grands
(parmi lesquels Baranyanka)
r?gence compos?
qu'en 1930, puis le Roi, lui-m?me, sous le contr?le du R?sident. La carte politique

de 1927. C'est nous
1. Rapport
1921 ? 1934.
des ann?es
Rapports

qui

soulignons.

Tout

ce paragraphe

est

fond?

1702

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sur

l'analyse

des

LE BURUNDI EN 1934

J.-P.

CHR?TIEN

du pays fut redessin?e entre 1927 et 1933 : les enclaves furent supprim?es,
les chef
feries regroup?es,
les sous-chefferies
?galement. On aboutit en 1933 au chiffre de
46 chefs. Pour les territoires qui nous int?ressent, ceux de Ngozi
et d'Usumbura,
les obstacles furent lev?s peu ? peu : le premier vit s'op?rer la refonte en 1931 (on
en 1933
encadrant
passa d'une vingtaine de ? fiefs ? ? six chefferies homog?nes,
111 sous-chefferies)
la plaine de la Rusizi qui
; le deuxi?me concernait notamment
: le nombre
comprenait en 1927 douze chefferies (apr?s une premi?re simplification)
en tomba ? cinq en 1932 (cf. carte B). Cela supposa une s?rie de mutations
et de
: des remaniements,
de m?contents
destitutions
qui firent beaucoup
qui auraient
autrefois demand? des ann?es de palabres et de nombreuses
?taient
compensations,
Le d?classement
de beaucoup
de chefs est traduit par
d?cid?s autoritairement.
: il d?signait au d?part tous les ? chefs ?
l'?volution
s?mantique du terme mutware
alors qu'? partir des ann?es
de fa?on tr?s g?n?rale (du verbe gutwar a, commander),
1930 son emploi se restreignit pour qualifier les ? sous-chefs ? (appel?s autrefois vyariho,
les repr?sentants). C'est que beaucoup de petits batware se sont retrouv?s, effective
sous la coupe de chefs plus importants. Ceux-ci ?tant souvent de sang royal,
ment,
le terme de muganwa (prince du sang) finit par les d?signer tous. Cette rationalisation
finit par estomper les liens ? vassaliques ? au profit d'une hi?rarchie r?guli?re de type
en quelque sorte les pr?fets et les
o? baganwa et batware devenaient
napol?onien,
du
roi.
sous-pr?fets
se fit ?galement
sentir dans le cadre de chaque chefferie, en ce
Le changement
:
concerne
m?me
du
l'exercice
pouvoir
qui
? Les fonctions
d?sormais
l'exercice
devoirs.
de chef et de sous-chef,
d'importants
impliquent
: autorit?
? leur titre
attach?s
tr?s int?ress?s
?taient
les chefs
par les avantages
Jadis,
indig?nes
au service des projets
influence mise
rendant
leur existence
redevances
flattant
leur orgueil,
enviable,
: ils doivent
leurs soucis sont nombreux
de leur famille. Mais
des membres
de mariage
actuellement,
au dess?chement
au reboisement,
? la lutte contre
les sauterelles,
veiller ? l'extension
des cultures,
au recensement,
? la collecte
des mesures
des pistes, ? l'ex?cution
? l'entretien
des marais,
sanitaires,
1. ?
au fonctionnement
des tribunaux
? la recherche
des infractions
des imp?ts,
indig?nes,

On voit qu'il s'agit plus d'un changement de r?le que d'un simple accroissement
Le chef doit cesser d'?tre un protecteur et un arbitre pour devenir
de responsabilit?s.
Le Rapport de 1934 a beau r?p?ter qu'il faut utiliser le ? r?gime
un administrateur.
f?odal ?, ces ? vassaux ? ont de moins en moins (s'ils l'ont jamais eue) une allure de
? des r?unions
Ils sont invit?s ? s'informer de leur r?le en participant
ch?telains.
ils sont mis en p?riodes d'observa
autour de Monsieur
mensuelles
l'Administrateur,
en cas d'? incapacit? ?. Leur recrutement est con?u
de destitution
tion et menac?s
? : en 1934, 49 % des chefs et 20 % des sous-chefs
selon des crit?res ? modernes
d?s 1923 pour
savaient d?j? lire et ?crire2. Une ?cole fut cr??e par l'?tat ? Muramvya
8 : la formation
les enfants des milieux
accueillir
dirigeants
th?orique ?tait suivie
d'un stage chez des parents avant l'investiture d?finitive.
au d?sir de fabriquer des ?lites ? p?n?tr?es de nos
Ces exigences r?pondaient
?
le prix du progr?s ?tait la coupure croissante entre
mais
civilisatrices
4,
conceptions
les chefs ainsi int?gr?s au cadre europ?en et la population
spectatrice de ces change
des
de ? lettr?s ? ?tait en train de se d?tacher radicalement
ments. Une minorit?

de 1933, p. 75.
1. Rapport
consid?r?
2. Ce qui ?tait d'ailleurs

comme

insuffisant

et en retard

par

rapport

au Rwanda.

3. Elle fut d?plac?e ? Gitega en 1928.
4. Rapport

de

1927,

pp.

37-41.

1703

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
masses qu'elle allait administrer
selon la ligne fix?e par les colonisateurs. Ce reclasse
ment se lisait ?galement dans le mode de vie, dans l'allure ext?rieure : les nouveaux
notables
(d'ailleurs recrut?s parmi les fils des anciens) allaient s'habiller ? l'euro
en briques, voire acheter une automobile
p?enne, se faire construire des maisons
Tout cela ne relevait pas d'un progr?s du confort, mais d'une politique de prestige:
du pouvoir
des Blancs. Les fili?res
c'est-?-dire
c'?tait des symboles du pouvoir,
? verticales
? (relations de parent?, de voisinage,
de client?le, etc.) qui venaient
corriger les hi?rarchies anciennes, eurent tendance d?s lors ? se d?t?riorer au profit
? horizontales
un d?classement
de stratifications
?, ce qui signifiait, notamment,
une
minorit?
de
la
?
de
chefs
par rapport
presque g?n?ral
int?gr?s au
population
circuit europ?en. La structure politique ancienne reposait, en effet, ? la fois sur les
notions d'autorit? sacr?e et d'?change, et, bien que cela puisse sembler contradictoire
et volontaire
? des esprits occidentaux,
?tre associ? ?
l'?change mutuel
pouvait
le montre dans un article ?clai
l'in?galit? des situations. Comme A. A. Trouwborst
rant 2, ? cette in?galit? n'emp?che
nullement
la possibilit?
v?ritables. ?
d'?changes
de ces ?changes dans le cadre belge, d?finissant les droits et les
Or la normalisation
devoirs de chacun, mena?ait
leur contenu m?me, en transformant ces rapports humains
en
en obligations
et
laissant se creuser le foss? entre la masse ? rustique?
abstraites,
et l'?lite ? civilis?e ?. Les nouvelles autorit?s exploitaient
d'ailleurs ce rel?chement
: si le Rapport de 1928 rappelle que les chefs ne doivent ni
des rapports coutumiers
requ?rir de corv?es pour leurs propres cultures de rapport ni exiger de taxes en
du pouvoir
argent, c'est que ces deux pratiques ?taient fr?quentes. La rationalisation
aux yeux des Barundi
: l'expression
?tait un facteur de d?shumanisation
la plus
? l'envers ?
caract?ristique pour d?signer ces chefs abusifs ?tait qu'ils ? gouvernaient
(gutwara acuritse), c'est-?-dire de fa?on arbitraire, ill?gitime. Cela rappelle un peu
s'?tonner d?s lors que les populations
la notion grecque de ? d?mesure ?. Comment
rest?es les plus proches de la tradition aient trouv? dans ce ? d?sordre ? fondamental
un motif de col?re et de r?volte.
Le plus grave fut l'orientation
ethnique du recrutement de ces ? e?tes ?clair?es ?,
dans la mesure o? l'on privil?gia la lign?e royale des Baganwa et les Batutsi consid?r?s
comme des ? nobles ? ayant vocation pour le pouvoir. Parmi les six chefs du terri
toire de Ngozi r?organis? en 1931, il y avait trois Baganwa (Baranyanka,Nduwumwe
et Bishinga) et trois Batutsi d?finis ainsi :
?
nisme

? la caste noble,
bien qu'appartenant
...de souche
plus modeste,
3. ?
des Blancs
et tr?s port?s ? suivre les vues civilisatrices

lettr?s,

convertis

au christia

Les Batutsi ?taient donc consid?r?s comme une ? caste ? sup?rieure destin?e ?
avons ici un exemple tr?s significatif d'un
transmettre
le message
europ?en. Nous
de l'Afrique : le durcissement
des ph?nom?nes
essentiels de l'histoire contemporaine
la cr?ation d'une stratification
des hi?rarchies
traditionnelles
par la colonisation,
en
sur les diff?renciations
sociales ant?rieures,
sociale rigide, en partie enracin?e
4.
Le
foss?
creus?
coloniaux
les
m?canismes
l'instruction,
par
par
partie fabriqu?e

son rival Nduwumwe
l'ann?e
suivante.
avait une automobile,
1929 Baranyanka
1. D?s
? L'organisation
en tant que syst?me
au Burundi
2. A. A. Trouwborst,
?,
d'?change
politique
II, n? 1, 1961, p. 16.
Anthropologica,
de 1931, p. 61.
3. Rapport
de la soci?t?
locale entre les ann?es
des descriptions
l'?volution
de constater
4. Il est frappant
se d?veloppent
avec la politique
les st?r?otypes
sont nuanc?es,
1930. Les premi?res
1920 et les ann?es
des races publi? dans GrandsLacs
de cette psychologie
Un exemple
des pouvoirs.
de rationalisation
un auteur
sommaires
en 1936 (pp. 279-280)
par
par P. Ryckmans,
qui ?crivit des choses moins

1704

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J.-P. CHR?TIEN

LE BURUNDI EN 1934

l'exercice du pouvoir ? l'europ?enne et l'acc?s au mode de vie des Blancs ?tait sans
commune mesure avec la distance qui s?parait jadis un possesseur de 100 vaches de
celui qui n'en avait que 5, car l'un et l'autre vivaient dans lem?me cadre rustique et
au m?me univers mental. La sup?riorit? pr?t?e ? l'ethnie tutsi se voyait
participaient
confirm?e par la supr?matie accord?e dans le cadre colonial ? l'?lite tir?e de son sein.
d?s lors,
la soci?t? rundi se combin?rent
Les clivages historiques
qui divisaient
avec une s?gr?gation sociale.
dangereusement,
Le mwami source de toute
Le principe m?me du pouvoir connaissait une mutation.
et
?tre
le
cens?
?tait
supr?me des d?ci
pays
l'inspirateur
diriger
toujours
l?gitimit?
sions. En fait son autorit? ?tait neutralis?e par celle du R?sident
qui avait guid?
l'hostilit? de la
ses
du
l'exercice
dans
pouvoir. Malgr?
premiers pas
paternellement
Il alla ? l'?cole de Muramvya,
fut en effet ?lev? ? l'europ?enne.
cour, Mwambutsa
?. Et en 1930 quand, apr?s avoir
?
administratives
apprit le fran?ais et les m?thodes
du
nord-est
ancien
chef
d'un
fille
la
!), il fut d?clar?
(qui ?tait baptis?e
grand
?pous?
en compagnie
?
:
il
circule
ne
?
il
vit
tutelle
la
?,
l'europ?enne
pas
disparut
majeur,
uvre
?
l'
il
s'int?resse
coloniale
?
il
des
rend
visite
du R?sident,
missions,
(cultures
de la justice...). Une vingtaine d'ann?es plus t?t, en 1908,
de rapport, am?lioration
personnage myst?rieux,
quasi l?gendaire,
s'?teignait son grand-p?re Mwezi Gisabo,
qui circulait, v?tu de ficus, d'un enclos ? l'autre, entour? de vieux conseillers, de
devins, de pr?tresses, vivant dans cette sorte de sanctuaire du Tambour royal qu'?tait
du mwami v?n?r? dans ce jeune
la Cour. On a peine ? reconna?tre le descendant
en automobile
de territoire
les
Blancs
?
v?tu
prom?nent
homme,
l'europ?enne, que
en territoire !Cette situation nouvelle devait ? la longue r?v?ler aux populations
que
: les apparences ext?rieures n'?taient
la r?alit? du pouvoir ?tait aux mains des Blancs
pas

trompeuses1.

n'?tait manifestement
Le r?gime du Mandat
pas un protectorat, mais un syst?me
les chefs ?tant soumis et le pouvoir
d'administration
indirecte,
royal contr?l?.
?tait mis au service de l'administration
de la hi?rarchie
L'ensemble
europ?enne,
le prestige des autorit?s coutumi?res ?tant utilis? pour l?gitimer la loi nouvelle d?finie
encore aveugle sur les valeurs de la
aux yeux d'une population
par les colonisateurs,
d?crite dans le Rapport de 1925
?. La m?thode
est magnifiquement
? civilisation

(pp. 62 ? 64) :

la mentalit?
des
n'aura
?ducation
? Tant
pas modifi?
profond?ment
longue et patiente
qu'une
circonstances.
seuls
certaines
dans
sera aux Blancs
[...] Les
force
par eux-m?mes
d'agir
chefs,
et la masse
des indig?nes,
sans grincer entre l'autorit?
fonctionner
europ?enne
rouages
qui puissent
se faire ob?ir sans avoir besoin
sauront
Eux seuls, parce que l?gitimes,
ce sont les chefs
l?gitimes.
n?ces
des innovations
sauront
faire accepter
la terreur. Eux
que l?gitimes,
seuls, parce
d'inspirer

leur assure d?j?, sur les races
? r?gner. Leur seule prestance
: ? Les Batutsi
?taient destin?s
ailleurs
?
?
et m?me
leurs d?fauts
un prestige
consid?rable
; leurs qualit?s
inf?rieures
qui les entourent,
avec
une
infaillible
les
hommes
extr?me
encore.
s?ret?,
Ils sont d'une
finesse,
jugeant
le rehaussent
avec cela, distants,
ma?tres
Fiers
naturel.
comme
dans
leur ?l?ment
dans
se mouvant
l'intrigue
? la
toute
insensibles
?cartant
se laissant rarement
familiarit?,
par la col?re,
aveugler
d'eux-m?mes,
: rien d'?tonnant
ne tourmentent
que les braves
conscience
jamais
que les scrupules
piti? et d'une
se soient
sans
laiss?s asservir
et plus confiants,
moins malins,
plus spontan?s
plus simples,
Bahutu,
:
de la race bantoue
les caract?ristiques
Ils ont, eux, toutes
jamais un geste de r?volte.
exprimer
nez largement
?pat? et l?vres classiques
t?te, face joviale aux rides profondes,
trapus, grosse
petits,
comme
se reconnaissent
au premier
compa
des Batutsi
regard, bien qu'ils
du n?gre. On les distingue
triotes. ?
Et ne chantait-on
du Rwanda
le mwami
avait d?pos?
pas
Musinga.
1. En 1931 l'administration
? (Grands Lacs,
:Salvumfac
1936, p. 323).
dans les ?glises
regem nostrum Leopoldum

1705
Annales

(25* ann?e,

novembre-d?cembre

1970,

n? 6)

14

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
ne r?ussiraient
de force. La pr?sence
des rois dans te
saires que d'autres
pas ? imposer
peut-?tre
est ? cet ?gard, d'une
car ils disposent
du Ruanda-Urundi
de la
territoire
importance
capitale,
l'investiture.
ils conf?rent
dont
[...]
l?gitimit?
et de l'autorit?
du roi indig?ne
sans soubresauts,
L'accord
? ce r?sultat
europ?enne
conduira,
ou r?sign?s,
vers le progr?s ?
? marcher
final que le pays n'aura
plus que des chefs dispos?s,
par
?
?
tout en ?tant l?gitimes
par le pouvoir
acceptables
occupant
par cons?quent
cons?quent
accep
tables par les indig?nes.
[...]
c'est l'occupation
r?elle et g?n?rale
du pays
Le grand rem?de,
intime et permanent
; le contact
avec les chefs, et avec tous ? la fois.
de l'administration
europ?enne
[...] Le protectorat
proprement
de l' uvre civilisatrice
confi?e ? la Belgique
sous les auspices
dit sera le couronnement
de la Soci?t?
des Nations
; il ne peut en ?tre le point de d?part. ?

et d'habilet?
On retiendra de ces extraits que le dosage envisag? d'autoritarisme
a pour objectif ultime la ? civilisation ? du pays : le remodelage politique doit aboutir
culturelle.
? une assimilation
se situait ? un tournant. Certains dirigeants compre
Le soul?vement du Ndora
nant l'int?r?t de l'?volution en cours s'y ralliaient consciemment.
Bacinoni
semble
id?al : il r?sidait de pr?f?rence pr?s de la plaine, c'est-?-dire
r?pondre au mod?le
il participait ? l'effort de d?veloppement
du coton (comme son
pr?s des Europ?ens,
fr?re pour le caf?), au premier incident il pr?vient l'agent territorial et ne fait rien
sans son autorisation
(quelle que soit l'attitude de cehii-ci). Mais d'autres se sen
et refusaient de jouer le jeu :
taient d?pass?s ou restaient hostiles aux changements
sur la ? mauvaise
volont? ? de tel ou tel chef.
les Rapports sont remplis de notations
se traduisait aussi par des rapports
Cette esp?ce de choix entre deux politiques
: il y a l'attitude d'un Baranyanka,
? chef remarquable ?
diff?rents avec la population
et d?test? par les gens du Ndora,
et il y a celle d'un
aux yeux de l'administration
moins efficace, mais plus populaire. La nostalgie du pass? qui s'exprima
Matumba,
au Ndora dans la r?volte contre ? les Beyerezi ? s'explique par une hostilit? aux nou
c'est-?-dire
indirectement
? la politique coloniale
velles m?thodes
d'administration,
cette
rest?e
Dans
les
?tait
isol?e, l'action coloniale
r?gion
longtemps
inspirait.
qui
mais comme une d?t?rioration
de l'ordre
ressentie non comme une modernisation,
traditionnel.
L'emprise

europ?enne

sur la vie quotidienne

des Barundi

avec les m?thodes
euro
Le contact de la r?gion du Mugamba
septentrional
au moment m?me
p?ennes s'est r?alis? surtout ? partir des ann?es 1930, c'est-?-dire
ren
o? le processus colonial qui vient d'?tre d?crit se doublait d'une exploitation
? peu pr?s
forc?e ? la suite de la d?pression ?conomique. La crise atteignit Kayanza
se trouva donc
administrative
au m?me moment
que les camions. La modernisation
incarn?e aux yeux des gens par une fiscalit? plus pesante et des corv?es plus nom
breuses. Ce qui ?tait de la rationalisation
pour les Europ?ens prenait figure d'exac
Il faut rappeler ici la nouveaut? que repr?sentait alors
tions aux yeux des Africains.
le syst?me des cultures de rapport obligatoires. Depuis
1931, environ 10000 culti
de coton de la plaine de la Rusizi
vateurs ?taient concern?s par les plantations
C'est ?galement en 1931 que le caf? commen?a
(notamment autour de Nyakagunda).
? ?tre diffus? largement dans le pays, en commen?ant
par les chefs et les ? Batutsi
chez les Bahutu
furent cr??es dans
; des p?pini?res
lettr?s ? pour se poursuivre
durent
r?server
des
cette
?
les
culture
territoire
;
paysans
lopins
industrielle,
chaque
furent
tout en intensifiant la culture en marais des plantes vivri?res, des moniteurs
charg?s d'aller apprendre ? entretenir les plants. Ces travaux devinrent une des t?ches
et de ses coll?gues fait de Ngozi
essentielles des chefs : le dynamisme de Baranyanka
nouveaux
6 000 planteurs
un territoire de pointe.
y sont recens?s en 1933 ; en
1706

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J.-P. CHR?TIEN

LE BURUNDI EN 1934

1934 on y compte 1 600 000 arbustes. On a l'impression que le caf? est la
qui va r??quilibrer la balance des comptes et renflouer les caisses de
plante-miracle
l'?tat. La mission de Gatara notait cette fi?vre du caf? :
d?cembre

? La
bananeraies,

: on
du caf? bat son plein
campagne
et on en pr?che
la culture du haut

fait des p?pini?res
?1
de la chaire...

dans

tous

les bas-fonds

et dans

le

On voit que toutes les autorit?s ?taient mobilis?es
pour cette bonne cause. Ici
encore il convient de relever le d?calage existant entre les calculs des autorit?s et les
: ce qui ?tait pour les uns une fa?on de rentabiliser
r?flexions des paysans burundais
la colonie, c'est-?-dire une sp?culation rationnelle, ?tait pour les autres une activit?
les cultures ont
absurde. En effet dans une ?conomie de subsistance traditionnelle,
un but bien pr?cis et que l'on conna?t, alors que ces milliers d'arbres qu'il fallait
pour les
ignor?e repr?sentaient
planter et dont l'utilit? finale ?tait pratiquement
sup
paysans des terrains perdus pour les haricots ou les bananiers, des contraintes
et rien de plus 2.
pl?mentaires
avait certes des cons?quences
L'action colonisatrice
positives sur le sort mat?riel
a vu, par exemple,
le nombre des consul
Le territoire de Ngozi
des populations.
officielles passer de 0 en 1929 ? plus de 300 000 en 1933. Mais
tations m?dicales
cette action se porta aussi sur des domaines moins
techniques et plus li?s ? la vie
: il s'agit de la codification
de leur droit coutumier effectu?e
sociale des Barundi
r?formes port?rent sur la proc?dure,
entre 1927 et 1933. Les principales
notamment
sur
les contrats de b?tail. L'interven
sur les peines, sur les prestations
coutumi?res,
sur ce dernier point visait ? favoriser les d?tenteurs du b?tail face
tion europ?enne
aux propri?taires
g?n?ral ?tait
qui l'avaient plac? chez leurs prot?g?s. L'objectif
et les privil?ges
d'?viter le favoritisme
;mais en s'effor?ant de mieux
garantir les
droits des individus, l'administration
portait atteinte ? des liens sociaux traditionnels.
Les Rapports affirment que la masse populaire
appr?ciait ces r?formes. Cela est
l'intrusion
ou
mais
sur
tel
tel
?trang?re ? ce niveau pr?sentait
point pr?cis,
probable
de conflits ?taient
doivent ?tre prudents. Beaucoup
des risques, et les commentaires
des collines, qui
en effet r?gl?s habituellement
par des arbitres (abashingantahe)
en
tout
de
cherchant
les solutions
tous,
tenaient compte de la coutume,
respect?e
les arbitrages des chefs. La
et dont l'esprit influen?ait ?galement
de compromis,
de la proc?dure et des contrats risquait de donner au fonctionnement
normalisation
et d'?quit? qui
de la justice une plus grande rigueur, malgr? le souci de mod?ration
nouvelles
infractions
de
Enfin
furent d?finies
les
r?formateurs
europ?ens.
inspirait
dans les cultures
ivresse publique,
des r?gles sanitaires,
n?gligence
(non-respect
et aussi de nouvelles peines comme la prison3.
obligatoires...)
?tait la r?gularit?.
Le th?me g?n?ral de la politique men?e par les Europ?ens
de l'adminis
Qu'il s'agisse de l'?conomie, des rapports sociaux, du fonctionnement
tration et de la justice, on assistait ? la mise en place de r?glements uniformes dont
au nivellement,
? la
puisse ?tre ais?ment contr?l?e. La tendance ?tait
l'application
nous
ce
auteur
fournit
?
Un
burundais
en
du
mise
pays.
contemporain
?quations
:
un
significatif4
t?moignage
sujet

1. Diaire,

20 ao?t

1933.

On peut
4,40 F par kg de caf? en 1933 dans la r?gion de Kayanza.
pour recevoir
o? on voulait
des
avait aussi ?clat? au moment
maji-maji
r?pandre
que le soul?vement
remarquer
de coton dans le sud-est de rOstafrika.
cultures
obligatoires
en 1927, 3 800 en 1934.
au Burundi
: 1 700 prisonniers
? aussi dans ce domaine
3. ? Progr?s
2. Tout

4. M.

cela

Kayoya,

Sur

les traces de mon p?re,

Bujumbura,

1968, p.

19.

1707

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
? L'homme
se laisse voir homme
blanc
chez
sort de chez lui, c'est affreux.
D?s
qu'il
Il analyse,
et d?finit.
classe
?pie, regarde,
?
Il s'approprie,
et domine.
conquiert

lui.

? * :
Les Europ?ens ont souvent ?t? qualifi?s ? cette ?poque de ? gens qui mesurent
mesures pour tracer les routes, pour d?limiter des plantations,
pour recenser des
ou du b?tail, pour compter des jours de corv?e, etc. Le plan de la colonisa
H.A.V.
tion ?tait de mettre le pays au travail, mais aussi, pour ? y voir clair ?, de le mettre
le R?sident
en fiches. P. Ryckmans,
la premi?re route carrossable
qui construisit
avec
son
uvre (et l'image est significative)
au Burundi
enthousiasme
compare
? ? l'immense damier correct d'une plantation
rempla?ant la brousse ? 2. R?gularit?,
sont alors des mots-clefs.
Ce fut le cas de toute colonisation,
propret?, exactitude
dans un pays comme le Burundi des ann?es 30, o? le
mais plus particuli?rement
encore une place si modeste
commerce et la scolarisation occupaient
que la marque
la plus nette de la pr?sence europ?enne ?tait l'ordre administratif
qu'elle imposait.
se caract?risait plus par le r?glement que par l'argent ou par
Cette colonisation
l'?cole, consid?r?s souvent comme les voies royales de l'acculturation.
Tout cet ordre avait quelque chose d'artificiel et d'inhumain
pour les Barundi
le d?sarroi d'un vieux
des collines et l'on pense aux pages o? Colin Turnbull montre
3
chef congolais
oblig? de faire planter du coton et finalement remplac? par un jeune
? coquille vide, remplie de mots et de
?
?
lettr?
chef
qui ?tait selon lui une
pens?es
?.
retrouve
des
du
?chos
m?me d?sarroi dans les notes des mission
On
d'?trangers
naires de Gatara expliquant les d?parts vers l'Ouganda par les contraintes nouvelles.
4 :
Le trouble des esprits face au ? progr?s ? est ?voqu? d?s 1931
? Les gens se demandent
cette grande
anxieusement
route qu'on
fait. Les mauvaises
pourquoi
les enfants
trouverait
dans les maisons
de
lancent dans le pays que c'est pour emporter
qu'on
A cause de tous ces travaux
sont peu fr?quent?es.
celles-ci
de route, de pr?parations
pri?re. Aussi
du caf?, de remise des mbuto
la plantation
dans des hangars,
de terrains pour
(semences)
etc., les
?
au cat?chisme.
et on manque
d'assiduit?
sont un peu d?sorient?s
esprits
gens

colonial ?tait alors ressenti comme un choc plus que comme une
L'encadrement
uvre, comme un d?sordre plut?t qu'un ordre nouveau. La r?volte du Ndora prend
un sens dans ce contexte social.
L'emprise morale des Europ?ens
?tait ?galement porteuse d'un message
La civilisation
europ?enne
religieux et
cela joua un r?le non n?gligeable dans le trouble des esprits qui semble avoir marqu?
?taient pr?sents dans le pays
les ann?es 1930. Certes les missionnaires
catholiques
le nombre des conversions
mais
?tait rest? tr?s faible avant
au
moins
1896,
depuis
que nous ?tudions repr?sente aussi un tournant de ce
l'arriv?e des Belges. L'?poque
environ en 1920, le nombre des baptis?s est
? 45 000
point de vue : de 10 000
pass?
en 1930, ? pr?s de 80000 en 1932, ? 140 000 en 1934. En 1936 l'Eglise touchait
environ 10% de la population. La ? chr?tient? ? avait ?t? multipli?e par 10 en dix ans.
co?ncide avec celui des ?lites traditionnelles
tr?s
Ce ralliement massif
jusqu'alors
: 40 batware (au sens large) ?taient chr?tiens en 1925, 29 grands chefs et
r?serv?es
533 sous-chefs l'?taient en 1933. Il est difficile de ne pas voir de mobiles politiques

1.
2.
3.
4.

tels que Pima-pima.
a donn? des surnoms
Mesurer,
gupima,
1947, p. 135.
P. Ryckmans,
Bruxelles,
Barabara,
C. Turnbull,
1965, p. 56.
d?sempar?,
Paris,
L'Africain
1931.
1er octobre
de Gatara,
Diaire

1708

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

et l'?glise. Les chefs
dans ces conversions, vu les bons rapports entre l'administration
? et cela
?
chr?tiens ?taient consid?r?s comme de meilleurs
de
civilisation
agents
!La r?gion de Gatara
de la refonte des chefferies
illustre bien
comptait au moment
: Pierre Baranyanka,
ce ph?nom?ne
d?j? baptis? quand la mission fut cr??e en 1928,
lors de sa
y fait de fr?quentes visites et lui apporte son aide pour les constructions;
sur ses terres en l'honneur
il fait v u de construire une nouvelle mission
maladie
des martyrs de l'Ouganda. On a vu que ses sous-chefs du Ndora
?taient chr?tiens.
Par ailleurs, l'?mulation jouant, le chef Nduwumwe
qui, en 1928, pr?f?rait encore
de la mission de
assister ? la f?te pa?enne du Muganuro
plut?t qu'? l'inauguration
Gatara (situ?e chez lui !), finit par se faire baptiser en mai 1935 :Pierre Baranyanka
fut le parrain de Louis Nduwumwe.
La mission patronnait
ainsi une r?conciliation
des deux rivaux et contribuait ? renforcer hi pax b?lgica. C'est aussi la conclusion que
aux autorit?s,
l'administration
tira en constatant
la fid?lit? des chr?tiens du Ndora
* :
si l'on en croit cette remarque ironique du diaire de Gatara
? Chr?tiens
ont ?t? les seuls ? peu pr?s ? faire bloc pour
et cat?chum?nes
la r?sistance
[contre
ces Messieurs
en t?te ; ils ont demand?
la r?bellion].
le r?sident
Tous
s'en sont rendu compte,
au cat?chisme,
tous les matins
et voudraient
!La religion
que le P?re reste l?. Tiens
qu'ils viennent
?
est bonne
? quelque
chose...

se manifeste
dans le
d'une conversion
L'avantage
que les chefs attendaient
ou
caract?re ostentatoire
de la
le
certains
alors
dans
ralliement
massif
que
adoptent
nouvelle
fa?on g?n?rale la nouvelle
g?n?ration 2. D'une
religion appara?t comme
une hi?rarchie parall?le
dot?e d'une puissance
les missions
repr?sentant
propre,
non d?pourvue
sur le r?sident et ses administrateurs.
Les Europ?ens
d'influence
l'influence exerc?e par l'?glise sur une part croissante de la population,
appr?ciaient
mais celle-ci avait au pr?alable appr?ci? l'autorit? des ? P?res ? dans le nouveau cadre
politique, et les jeunes chefs furent les premiers ? le comprendre.
La conversion
davantage
qu'un simple ralliement poli
impliquait n?anmoins
li?es ? la vie quotidienne
tique. Elle entra?nait diff?rentes exigences profond?ment
un
: le d?veloppement
ici
des
les
visibles
de chacun. Nous
aspects
plus
?voquerons
en effet
d'une instruction de type europ?en. Les candidats au bapt?me devaient
: ils devaient en principe suivre
de pr?paration
recevoir un minimum
intellectuelle
quatre ans de formation. Ils ?taient d'abord ? postulants ? durant deux ans au cours
cens?s apprendre ? lire, puis ils devenaient ? m?dail
desquels ils ?taient notamment
l?s ?, c'est-?-dire
cat?chum?nes
(astreints ? deux s?ances hebdoma
authentiques
daires d'instruction
? la succursale
la plus proche et ? des examens terminaux).
aux esprits non ? d?grossis ? sont mis en
Les m?rites des ? lecteurs ? par opposition
:
valeur par un ancien religieux de Musigati8
? La jeunesse
les
des vaches,
o? les r?coltes,
ici dans un milieu
la f?condit?
ignorant
grandit
la bi?re et les perles
sont les principaux
le passage
des sauterelles,
sujets de conversation.
mariages,
et filles, ?tre d'excellents
et d?grossi,
Tant que leur esprit n'a pas ?t? assoupli
ils peuvent,
gar?ons
toile cir?e
et des mots, mais
ils seront aussi imperm?ables
des phrases
qu'une
perroquets,
ingurgiter
au contraire,
sont plus atten
Les lecteurs,
du plus ?loquent
des cat?chistes.
? nombre
d'explications
?
au plus vite la religion
et font la consolation
de ceux qui les instruisent.
tifs en classe, s'assimilent

autant des fils de
Cette exigence
intellectuelle
r?v?le chez les missionnaires
l'Europe des lumi?res que les ap?tres du Christ des ? pauvres en esprit ?. La mission
?
?tait dans l'int?rieur le pilier de la ? civilisation.
1. Ibidem,
5 octobre
1934.
2. Les ?l?ves de l'?cole de Muramvya
de la mission
de Bukeye.
cr?ation
? ?coles
de Bouchout,
3. A. Morbtus

auraient

eux-m?mes

de brousse

?, Grands

demand?
Lacs,

? ?tre
1er mars

cat?chis?s,
1936,

pp.

la

d'o?
353-354

1709

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
Les colonisateurs
s'en ?taient convaincus tr?s t?t. D?s 1925 le syst?me des ?coles
? l'exemple du
catholiques subventionn?es par l'?tat fut introduit au Ruanda-Urundi,
Congo. Des ?coles primaires rurales de trois ans furent cr??es pr?s des succursales,
et des ?coles ? centrales ? de cinq ans pr?s de chaque mission. L'enseignement
pri
maire ajoutait ? l'apprentissage
de l'?criture des rudiments de calcul et de sciences et
beaucoup d'hygi?ne et de morale. Certes les instructions officielles du Congo belge,
? plus que sur l'instruction
sur 1'? ?ducation
introduites au Burundi,
insistaient
pour autant l'impact que repr?
proprement dite, mais il ne faudrait pas m?sestimer
sentaient ce remodelage ? ?ducatif ? et cette transmission d'un savoir ?tranger sur la
mentalit?
des ?l?ves : que l'on songe simplement ? la nouveaut? de l'apprentissage
de la lecture dans un pays de culture orale. Le d?veloppement
scolaire connut un
: le nombre
ralentissement apparent dans les ann?es 1930 pour des raisons financi?res
des ?coliers ? subsidies ? passa de 15 000 en 1930 ? environ 4 000 en 1933, mais sur
un total qui finit par atteindre en fait 80 000 enfants scolaris?s en 1935x. Cette
le v?ritable d?but du rayonnement
culturel europ?en dans la
p?riode marquait
: cet aspect pionnier est frappant dans le ressort des jeunes missions
de
population
Gatara et de Musigati.
La premi?re passa de 230 chr?tiens en 1929 ? plus de 8 000
en 1934 (et presque autant de cat?chum?nes),
son dispensaire ouvert en 1931 soigna
en 1935, elle encadrait plus de 14 000 ?l?ves en 1934. A
plus de 200 000 malades
l'ouest de la cr?te, l'activit? de Musigati
?tait plus r?cente : 223 chr?tiens en 1931,
moins de 1 900 en 1935 (et un millier de cat?chum?nes),
2 338 ?l?ves (il n'y avait
aucune ?cole dans la r?gion en 1931) 2. Les centres missionnaires,
avec leurs ateliers,
leurs plantations
de caf?iers, leur dispensaire,
leurs ?coles, leurs r?unions domi
sur le paysage environnant un peu ? la mani?re des monas
nicales, se d?tachaient
t?res m?di?vaux.
de l'?poque est la suc
Mais
la structure la plus caract?ristique
est alors la premi?re t?che
cursale ou la ? maison de pri?re ? : leur multiplication
en r?gion
car elles repr?sentent
des missionnaires,
les points d'appui n?cessaires
pa?enne (surtout dans ce pays d'habitat dispers?) 8. Elles sont sous la responsabilit?
de cat?chistes (abarimu), form?s ? la mission puis install?s pr?s de la succursale, qui
doivent encadrer les r?unions, instruire les cat?chum?nes,
tenir une ?cole de brousse,
visiter les malades, baptiser les mourants...
Vu le nombre infime de pr?tres indig?nes
les relais essentiels (ils sont 585 en 1935) entre les pr?tres
(11 en 1934), ils constituent
et
Ils jouent de ce point de vue un r?le d'informateurs
la
population.
europ?ens
dans les deux sens, dont certains peuvent d'ailleurs abuser. Leur fonction prend par
sur la conduite
exemple un tour politique au Ndora quand ils renseignent la mission
? r?sister aux rebelles. Ils
de sous-chefs chr?tiens ou qu'ils incitent la population
dans le pays (plus
l'?chelon
subalterne de la pr?sence
europ?enne
repr?sentent
eux qui l'incarnent pour nos gens du
encore que les batware) : ce sont essentiellement
Mugamba.

se heurtait dans les r?gions isol?es comme celle que nous ?tudions
Ce pros?lytisme
:hostilit? des anciens et des devins-gu?risseurs
? de nombreux freinages
(abafumu),
accus? d'avoir jet? un
r?ticences de certains sous-chefs (un cat?chiste de Musigati,
mauvais
sort, fut br?l? dans sa hutte avec sa famille). Le caract?re radicalement
aux yeux des gens se traduit par des pr?jug?s virulents ?
du
christianisme
?tranger
1. D'apr?s
le R.P. Delacauw,
2. Ibidem, pp. 390-391. N.B.
de celle de Buhonga.
ont cr??
3. Les deux missions
les protestants
tiques ?, c'est-?-dire
et aussi les adventistes
de Buganda

alors
dioc?sain,
inspecteur
:Gatara
avait ?t? d?tach?e

ibidem, pp. 411-416.
de Busiga
de la mission

et Musigati

les ? h?r?
un r?seau de succursales
f?brilement
pour y devancer
et Musema
? Rubura
des Allemands
danois h?ritiers
(depuis
1932)
chez Matumba).
(influents

1710

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

l'?gard des s?minaristes qui devraient, dit-on, changer de peau pour devenir pr?tres
En revanche l'?glise ne m?nage
les ? superstitions
?, les
pas les anciens usages,
? m urs barbares ?. Elle s'attaque notamment
aux ? sorciers ? (abafumu),
aux
faiseurs de pluie, aux amulettes (on voit un faiseur de pluie de la r?gion de Gatara
aux
1933 de remettre ses objets cultuels ? un missionnaire),
oblig? en octobre
initi?s du culte de Kiranga. L'affrontement
des croyances prend en outre une signi
fication politique
dans ce pays o? la monarchie
?tait un fait religieux essentiel.
aux efforts du R?sident pour occidentaliser
Parall?lement
le jeune roi Mwambutsa,
le vicaire apostolique, Monseigneur
s'efforce de le d?tacher des rites de ses
Gorju,
en 1915, c?l?brait chaque
anc?tres. Le mwami, intronis? selon les rites traditionnels
ann?e en d?cembre la f?te des semailles du sorgho, leMuganuro,
qui ouvrait l'ann?e
et
de
la
f?condit?
des
de la mission
r?coltes.
La
fondation
agricole
garantissait
:
?tait symbolique
Bukeye en 1927, ? proximit? d'un ancien enclos de Mutaga,
c'?tait l'occupation
d'un v?ritable
sanctuaire royal. La m?me ann?e il fallut que
encore pa?en, intervint personnellement
la c?l?bration
Nduwumwe,
pour obtenir
du Muganuro
que les gens attendaient pour entamer leurs semailles2. Puis la vestale
un personnage-clef
du tambour royal Karyenda,
de cette liturgie, fut baptis?e ?
Le dernier Muganuro
fut
l'occasion
d'une maladie.
traditionnel
(mais edulcor?)
c?l?br? en 1929 3. Et ? No?l
les missionnaires
b?nirent des semences de sorgho,
reprenant la vieille politique de purification des rites animistes. Cependant Mwam
butsa ne re?ut jamais le bapt?me, malgr? un d?but d'instruction
religieuse ? Muram
vya. Faut-il voir dans ce refus de la part d'un personnage
plut?t influen?able une
r?sistance de type traditionaliste
? En tout cas le royaume du Burundi fut soumis de
1925 ? 1934 ? une entreprise de restructuration
sociale et cul
? la fois politique,
de susciter un malaise
dans les r?gions les plus
turelle, qui ne pouvait manquer
accroch?es au pass?.
Un messianisme

subversif

La r?volte du Ndora ne se r?duit donc pas ? des donn?es locales. Elle exprime
du nouvel ordre politico-social.
Cet aspect sub
plus largement une contestation
versif est confirm? par le style m?me du mouvement
tel qu'il est pr?sent? par les
dans la s?rie
Europ?ens ou par nos t?moins barundi. H entre, ? une ?chelle modeste,
ont
des proph?tismes
dans
les
soumis
?
la
colonisation
qui
surgi
pays
europ?enne
a le visage habituel de
depuis le xvne si?cle jusqu'en plein xxe si?cle 4. Inamujandi
? avant la lettre. Le portrait que nous en brossa
ces proph?tes du ? tiers monde
Bacinoni est typique : c'?tait une ? petite vieille ? d'allure vulgaire, elle avait perdu
deux orteils, elle allait, v?tue de ficus, hirsute, comme une folle, elle parlait de fa?on

1. Les premi?res
la scolarisation
religieuses
(? partir de 1933) sont aussi tr?s mal vues et m?me
source de scandale.
des filles est pour certains
2. Sur la fin du Muganuro,
cf. J. Gorju,
Face au royaume
hamite du Ruanda.
Le royaume fr?re
de rUrundi,
1938, pp. 42-50.
Bruxelles,
une photographie
3. Grands Lacs
des tambours
abandonn?s
(d?j? cit?, p. 273) publie
royaux
eux qui ? pour
dans la brousse,
la derni?re
fois en 1929 annonc?rent
dans toute
les f?tes du sorgho
?
leur abomination
pa?enne.
(sic)
:W. E. Muhlmann,
4. Sur ce th?me voir notamment
du Tiers
Messianismes
r?volutionnaires
de Queiroz,
1968 ;M. I. Pereira
et r?volution dans les soci?t?s
traditionnelles.
Monde,
Paris,
R?forme
et ethnologie
des mouvements
Histoire
1968 ;G. Balandier,
actuelle
messianiques,
Paris,
Sociologie
de V Afrique
au royaume de Kongo
au XVIIP
1963 et La vie quotidienne
du XVIe
noire, Paris,
si?cle,
1965.
Paris,

1711

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
les gens en se grattant la t?te (sic). Le vieux chef la d?crit ? la
?trange et observait
? et comme un ? petit animal sauvage ? : lors de
fois comme un ?tre ? extraordinaire
sa premi?re arrestation,
et de boire durant cinq jours,
elle refusa, dit-il, de manger
se contentant de priser du tabac. Quand elle fut arr?t?e d?finitivement
le 6 novembre,
elle se montra bavarde et arrogante, elle cherchait ? terroriser les autres prisonniers
:
et ses gardiens*
ment.
flant

? Elle pr?tend
se faire serpent pour se cacher dans un trou qui ?tait l? dans Papparte
pouvoir
se gon
de grands yeux,
Pendant
la nuit elle cherche
? faire peur aussi aux soldats en roulant
?
va s'envoler
et leur ?chapper...
la poitrine,
disant qu'elle

: Rubuye
Son apparition m?me
(sa disparition
aussi) semble tenir du myst?re
et Segitondo
l'ont trouv?e dans la for?t o? elle s'enfon?a encore davantage quand
Bacinoni
l'eut rel?ch?e. A Gatara on disait qu'elle venait de Musigati,
? Musigati
on pensait qu'elle venait du Kumoso
2. La brume qui entoure son origine fait partie
: Inamujandi ? est apparue ? (yaserutse)
nous dit un
du personnage
? Nkumbiri,
t?moin. Elle ne rentre pas exactement dans la cat?gorie des bafumu, c'est-?-dire des
: sa vocation
medicine-men
relevait plut?t d'une sorte de chama
professionnels
nisme. Elle avait une r?v?lation divine ? transmettre. Et ? la mani?re des ? fous de
en quelque
Dieu ? ou des ? innocents ? du moyen
?ge europ?en, elle se dissimulait
sorte sous une apparence vulgaire, m?prisable,
sa laideur fournissant un contrepoint
C'est ce que W. M?hlmann
?trange ? la gravit? de son message.
appelle l'art de
? scandaliser les
?
un
une
8.
sorte
d?fi
na?f
Par
de
par
logique invers?e, la
puissants
fascination
exerc?e est d'autant plus grande que l'inspir?e des dieux est plus mis?
rable. On assiste alors ? une contagion de l'irrationnel
: la proph?tesse ne se montre
: les gens affluent alors dans la
pas, elle s'exprime par le biais de deux ?missaires
for?t, avec des cruches et des victuailles, on boit et on danse pour pr?parer la venue
:des huttes sont br?l?es et des vaches
du roi promis. Puis l'attente se mue en violence
abattues. A l'arriv?e des troupes les gens se terrent, puis, comme tir?s d'une sorte
semblent ?bahis de ce qu'ils ont fait et en veulent parfois ? cette vieille
d'ivresse,
a
les
qui
tromp?s4. Rusekeza par exemple, qui nous affirma avoir protest? contre le
ridicule de l'affaire et avoir ult?rieurement
b?n?fici? d'une remise de peine pour
une aide apport?e ? Bacinoni, n'a-t-il pas lui-m?me ?t?
emport? par le mouvement
une
?
La
?motion
collective, a d'une
pendant quelques jours
population,
prise par
certaine fa?on jou? ses espoirs et ses regrets, sa col?re et sa suj?tion. On retrouve
d'un dionysisme
Fambiance
?l?mentaire.
Les r?v?lations de la vieille femme ont d?s le d?but une valeur agressive. L'an
nonce d'un nouveau roi, qu'il s'agisse d'un fils de Kirima ou d'un autre, fait d'elle
et de ses fid?les des rebelles contre Mwambutsa.
En outre la plupart de ses pr?dic
tions se situent dans une perspective de lutte :
? Elle encourageait
se changeraient

arbres

1. Diaire
2. Kumoso
que le Nkiko

en leur disant que
les gens ? la r?volte,
en lions qui les [les soldats]
d?voreraient

de Gatara,

6 novembre

signifie ? ce qui
pour la sorcellerie.

3. Op. cit., p. 189.
6 novembre
4. Gatara,
en pi?ces ?.
5. Bacinoni.

1934

que

rien,

les

1934.

est ? gauche

: ? Les

les soldats ne peuvent
?
s'ils venaient6.

?,

prisonniers

litt?ralement

voulaient

le ? pays

l'avoir

sinistre

entre

?, encore

leurs mains

1712

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plus

pour

r?put

la mettre

?

LE BURUNDI EN 1934
?

[Kino

et Karabasesa]

J.-P. CHR?TIEN
crurent

les coups de fusil, il suffirait de dire
(plantes

m?dicinales)

la vieille

femme

: ? Pu-pupu

qui

leur avait

dit

que

entendraient

lorsqu'ils

! Ibitikatika (feuilles de colocase),

ibifurifuri

K ?

Les balles devaient en effet se transformer en eau ou en grains de ma?s et les arbres
en lions. La proph?tesse
et l'invincibilit?
garantissait ainsi ? la fois l'invuln?rabilit?
se retrouve dans de nombreux
autres mouvements
? ses fid?les. Cette promesse
: la r?volte Maji-maji
subversifs africains
par exemple, qui ?clata en 1905 dans le
sud-est de l'Afrique orientale
avait aussi d?but? par les r?v?lations
allemande,
le retour des anc?tres, la domestication
des lions et
d'un proph?te qui annon?ait
d'un breuvage ? base d'eau (ma?), de
l'invuln?rabilit?
obtenue par l'absorption
au m?contentement
sorgho et de ma?s2. Ces ? superstitions ? permettaient
profond
contre les abus des militaires
et de leurs auxiliaires de
allemands
des populations
s'exprimer. Le th?me de l'eau salvatrice r?apparut encore au Congo dans les ann?es
1960 chez les simba mul?listes.
contre le signe le plus
? l'?gard des Europ?ens
L'hostilit?
s'exprima au Ndora
:
visible de leur pr?sence dans la r?gion : les succursales des missions
catholiques
tiens

? Elle ne
?. 3

voulait

pas

elle ne

d'Europ?ens,

voulait

pas

de

P?res,

elle

ne

voulait

pas

de

chr?

Les maisons
de pri?res furent en effet attaqu?es, des cat?chistes battus, les chr?
des objets du culte (des chapelets par exemple) bris?s4. Le mouvement
tiens menac?s,
: ? Elle disait qu'elle ressusciterait
pr?sente m?me de l?g?res traces de syncr?tisme
et les montrerait
t?moin. Cette id?e semble ?trang?re
les morts
?, selon le m?me
aux croyances rundi, ? moins qu'il ne s'agisse d'un contact revigor? avec les esprits
et aussi l'influence
(imizimu) des anc?tres. Le ralliement d'un cat?chiste du Ndora
reli
dans la r?gion voisine auraient pu favoriser une acculturation
des adventistes
resta
mouvement
domin?
la
fait
le
En
de
par
pens?e tra
gieuse
type kimbanguiste.
ditionnelle.
paganisme militant
semblent
Les auxiliaires
cat?chistes)
(sous-chefs,
indig?nes de la colonisation
avoir ?t? les plus d?test?s dans la r?gion, dans lamesure o? c'?tait eux qui incarnaient
la pr?sence ?trang?re, jouant ainsi le r?le de tra?tres ? l'?gard de la tradition. Or
Le projet des rebelles
c'est la tradition qui est remise en valeur avec Imamujandi.
:
roi ?tait annonc?
Un nouveau
mais
traditionaliste.
n'?tait pas r?volutionnaire,
se pr?sentait en ? pr?curseur ? (umutasi) de ce mwami dont elle
notre proph?tesse
:
devait pr?parer la venue

Un

de

? Elle disait que le roi viendrait
la nuit et qu'elle
appellerait
apr?s avoir ?t? saisis 4. ?
lui, car les rois sont intronis?s

les gens

pour

qu'ils

se saisissent

: le pouvoir royal y appara?t dans toute sa dimension
La notation est int?ressante
? la fois terrible et b?n?fique, comme une force de la nature. L'autorit?

religieuse,

1. T?moin

N.

et J. Iliffe,
Records
2. Cf. G.C.K.
Gwassa
Tanzania
1967, pp. 9-10.
Paper n? 4, Nairobi,
N.
3. T?moin
4. Selon
chr?tiennes
5. T?moin

N
les rebelles
violaient
ou m?pris
les filles
pour

les jeunes
allaient

qui

of

the Maji-maji

chr?tiennes
fr?quenter

Rising,

Historical

of

Association

: r?action
contre
les exigences
les salles de cat?chisme
?

morales

N.

1713

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
en effet les r?coltes, les troupeaux,
la prosp?rit? de
sacr?e du mwami garantissait
chacun et l'ordre social. La l?gitimit? du roi attendu est affirm?e de ce point de vue
contre le faible Mwambutsa,
tomb? aux mains
des Europ?ens et d?consid?r? par
toutes les calamit?s de l'?poque (disettes, imp?ts, chefs d?voy?s, m?me
le typhus
: il ?tait n?
selon Monseigneur
Gorju). Le nouveau mwami ?tait le vrai, disait-on
avec les semences traditionnelles
dans la main et il allait enfin sortir de sa retraite.
Autrefois
les h?ritiers du tr?ne vivaient en effet en dehors de la Cour tant que le roi
?tait vivant. Cette coutume permit ? beaucoup de faux rois de se manifester
? chaque
tournant difficile de l'histoire du Burundi
guerres,
pestes
(s?cheresses,
?pid?mies,
ce qui ?tait une fa?on d'inviter
le souverain r?gnant au suicide rituel.
bovines),
avons analys? ailleurs un exemple de cette soif de protection
Nous
royale dans
l'ancien Burundi ' : ? la fin de la saison s?che de 1892 l'explorateur Oscar Baumann
fut accueilli comme s'il ?tait le roi Mwezi par les populations
du nord-est et du nord
du pays. Son r?cit livre une v?ritable exp?rimentation
de la religion monarchique
dans ce pays : les foules affluent et dansent devant lui, mais vont aussi piller des enclos
et abattre des vaches en son honneur dans une ambiance d'ivresse folle : c'est l'exer
cice du droit de prise (Kunyaga) dont disposait un cort?ge royal. L'attitude des rebelles
: ils pillent au nom du mwami cach? et avec l'intention de
est identique
du Ndora
: ? Allez piller des vaches, leur faisait dire Inamujandi,
favoriser ainsi sa venue
et
incendier les maisons
!Alors
le roi se montrera
! ?. En 1892 les gens du Mugamba
en 1934 cette m?me popula
avaient tent? de repousser le pseudo-rawami
Baumann,
car celui-ci a perdu le contact avec son pays
tion se dresse contre le roi Mwambutsa,
et avec ses traditions vitales. Ce n'est plus P?loignement
g?ographique
qui favorise
cette fois les succ?s d'un usurpateur, mais une distance d'ordre social et spirituel.
: l'enjeu de l'affaire
Le changement esp?r? d?passait la personne de Mwambutsa
?tait le renouveau de la monarchie
les cycles royaux du Burundi
elle-m?me. Dans
le nom de Mwambutsa
venait en effet ? la fin d'une s?rie de quatre rois : apr?s sa
mort un nouveau cycle ?tait entam? avec un nouveau Ntare, et les anciens baganwa
?taient d?class?s pour laisser place ? une nouvelle
lign?e princi?re. Tout se passe
comme si le pouvoir royal s'usait au cours des quatre r?gnes : les Mwambutsa
sont
souvent pr?sent?s comme incapables d'achever
le leur. Leur nom signifie d'ailleurs
? le passeur ?. Les gens, marqu?s par ces traditions, voyaient a priori dans l'av?ne
ment d'un Ntare ( ? le lion ? ) un fait exaltant, comme s'il s'agissait d'un nouveau
:
et glorieux d?part du Burundi
? Ce Mwami
dess?cheraient,
ravageraient

amener
devait
ni ne pourriraient.
plus que la brousse

de graines
dont
l'abondance
les produits
par la distribution
seraient
? l'abri des sauterelles
Gr?ce
? lui, les plantations
2. ?

ne se
qui ne

sa venue dans les ann?es pr?c?
Plusieurs mouvements
avaient d?j? annonc?
on pouvait rappeler que le
dentes. A ceux qui raillaient la vulgarit? des proph?tes,
du
?tait
aussi
fondateur
Ntare,
royaume,
premier
appel? ? le chevelu ? (Rushatsi)
? (Cambarantama)
ou ? l'homme ? la peau de mouton
et que les l?gendes le pr?sen
taient comme petit, sans allure, hirsute et mis?rable, mais s'imposant par la gr?ce
des forces sacr?es et les conseils de ses sorciers. Inamujandi ne faisait pas mauvaise

au Burundi
1. ? Le passage
de l'exp?dition
d'Oscar
Baumann
d'?tudes
?, Cahiers
africaines,
concernant
de Baumann
orale r?v?la l'erreur d'interpr?tation
la
I, 1968, pp. 48-95. L'enqu?te
VIII,
r?sistance
des gens du Mugamba
contre
lui. Il y vit une expression
? l'?gard de la monar
d'hostilit?
en personne
cette r?sistance.
chie, alors qu'un
gendre du roi Mwezi
dirigeait
2. Rapport
de 1934, p. 73. M?me
id?e chez Gorju,
op. cit., p. 30.

1714

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

!N'oublions
figure dans ce contexte
pas enfin que la r?gion baignait dans lamystique
royale : le territoire des inganzo o? s'?taient ? retir?s ? les rois d?funts ?tait tout
proche.

La tradition appara?t aussi dans l'importance
du culte de Kiranga
chez les
rebelles. Ceux-ci aUaient dans la for?t rendre hommage
? cette divinit? (d'apr?s les
sources ?crites et orales). Kiranga
une sorte de h?ros,
?tait plut?t un demi-dieu,
fils d'un roi, tu? par un buffle au cours d'une chasse* et devenu le grand m?diateur
entre les hommes et la divinit? supr?me (Imana) : c'est ? lui qu'on s'adressait pour
c?l?brer les d?funts comme pour favoriser les r?coltes, pour obtenir une gu?rison ou
d'une naissance g?mellaire. Le culte (kubandwa)
?tait organis?
parer au mal?fice
des
initi?s
lui-m?me
par
(ibishegu) qui, poss?d?s par leur dieu, devenaient Kiranga
au cours des c?r?monies. Une femme pouvait
incarner Kiranga.
La f?te consistait
en une alternance de danses et d'hymnes
et supposait une forte consommation
de
bi?re de sorgho. Son r?le dans l'id?ologie royale ?tait capital :Kiranga, fils d'un roi,
petit fr?re des rois, ?tait comme un autre mwami du Burundi, ? ma?tre des vaches ?
et protecteur de tous les Barundi. Le roi ne pouvait pas ?tre initi?, mais il y avait ? la
Cour une pr?tresse de Kiranga,
Dans
le kubandwa
d'origine hutu, Mukakiranga.
se pr?sentait avec une lance particuli?re, symbole de son pouvoir d'essence
lemedium
royale. Parmi les surnoms flatteurs qu'il recevait, certains ?taient aussi appliqu?s
au roi, par exemple Biheko bizima (? amulettes
sources de vie ?). H n'est donc pas
?tonnant qu'Inamujandi,
annonciatrice
d'un nouveau Ntare, ait invit? ses disciples
? adorer Kiranga. Les circonstances
de son arrestation en novembre
1934 r?v?l?rent
son activit? religieuse
: elle ?tait en train d'?tendre des bitabu (jonch?es d'herbe)
au pied d'un grand ficus, d'un arbre sacr? nomm? Rwahirirwa
(? Celui pour qui on
?tend de l'herbe ?), situ? ? un carrefour proche de l'enclos du sous-chef Bikarisha.
C'?tait un arbre ? pour lequel on battait des mains autrefois, un arbre sauvage o?
on allait invoquer les esprits2. ? Les carrefours ?taient en effet des lieux saints o?
on allait notamment
enterrer les foudroy?s,
comme frapp?s
que l'on consid?rait
et transform?s en rois. Des arbres sacr?s y ?taient souvent plant?s et
par Kiranga
de l'herbe ?tal?e par les passants. Il est clair que dans le contexte colonial de la?ci
sation du pouvoir
devenait une force d'opposition
virtuelle3. Le
royal, Kiranga
nord du Rwanda et le Kigezi (au sud-ouest de l'Ouganda actuel) offrirent au d?but
du xxe si?cle un exemple analogue avec l'agitation men?e par les fid?les de Nyabingi.
de l'ancien Ndorwa
Cette reine mythique
inspirait aussi des prophetesses,
qui annon
rois et protestaient
ainsi contre les abus des autorit?s
?aient la venue de nouveaux
et les nouveaux
cautionn?es
par les Europ?ens
(les auxiliaires baganda au Kigezi
4.
chefs batutsi au nord du Rwanda
?tant les ?quivalents
des Beyerezi du Ndora)
sur la tradition d'un royaume disparu, mais
il
Le culte de Nyabingi
s'appuyait
contre la domination
de
le
culte
s'?tait en fait d?velopp?
Au
Burundi
?trang?re.
et vivace pour fournir un point d'appui
?tait rest? suffisamment autonome
Kiranga
? la r?volte.

au Burundi,
et pratiques
des Barundi,
1. Sur le culte de Kiranga
cf. B. Zuure,
Croyances
religieuses
Die Barundi,
;H. Meyer,
1929, pp. 36-98
Bruxelles,
Leipzig,
1916, pp. 127-129.
2. T?moin
N.
contre
de mal?dictions
3. Selon H. Meyer,
le kubandwa
les Blancs.
pouvait
s'accompagner
? The
at Nyakishenyi,
Incident
1917 ?, Uganda
4. Voir F. S. Brazier,
Journal,
32, I, 1968,
? Anthropologie
: le cas du Ruanda
internationaux
et histoire
de
pp. 17-27 ; C. Vidal,
?, Cahiers
sociologie,

XLIII,

1967,

pp.

143-157.

1715

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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
en r?v?lent
Les composantes
de ce mouvement
traditionalistes
l'aspiration
: les rebelles ne veulent pas r?volutionner
le pays, mais lui redonner
fondamentale
son ?quilibre ancien. Inamujandi disait qu'elle venait ? gu?rir ? (gukiza)
le pays.
Elle se disait annonciatrice
Ce
d'un roi, mais aussi arbitre supr?me (umucacuzi).
sur les deux sens du verbe gucacura
dernier qualificatif
joue de fa?on int?ressante
le chemin ?, et ? trancher d?finitive
qui en est la racine : ? d?fricher, d?broussailler
ment une palabre, juger en appel ?. La vieille femme signifiait ainsi qu'elle ouvrait
la voie au nouveau roi, tout en r?tablissant l'?quilibre n?cessaire ? l'accueil de ce roi.
Si l'on veut elle se pr?sente ? la fois comme ? pr?curseur ? et ? ma?tre de justice ?.
On ne saurait trop insister sur la vision propre des rebelles qui n'est pas celle d'un
chambardement
g?n?ral, mais d'une ?piphanie de l'ordre ancestral troubl? par les
et
leurs
?trangers
acolytes. Le terme de ? sorci?re ? appliqu? ? Inamujandi par les
entre le paga
est radicalement
faux. Il convient en effet de distinguer
Europ?ens
et des devins-gu?risseurs,
et le paga
nisme b?n?fique, celui des initi?s de Kiranga
nisme mal?fique,
celui des jeteurs de sort, des sorciers au sens propre (abarozi).
les contr?les
C'?tait au contraire les nouveaut?s de l'?re coloniale qui, en affaiblissant
?taient interpr?t?es par les
celui du mwami),
traditionnels
magiques
(notamment
ses exorcismes
comme une forme de sorcellerie. Le christianisme, malgr?
Africains
contre les sauterelles et toutes ses b?n?dictions,
semblait encore inefficace aux gens
et Inamujandi,
du Ndora,
loin d'?tre une sorci?re, faisait alors figure de protectrice
en face des forces du mal d?cha?n?es Cette anxi?t? se retrouve ? l'origine de beau
cite le cas
africains. Vittorio Lanternari2
coup d'autres mouvements
proph?tiques
?
a
bonheur
il
de
d'un chef du Ghana
les
chr?tiens, car, disait-il,
n'y
suspectant
plus
dans notre village ?, ? tout cela ne peut qu'?tre le fait de la sorcellerie ?.
Ce genre de r?actions na?t surtout dans des r?gions ?cart?es, ?branl?es indirecte
ment par la colonisation
des ressources morales
et encore capables de mobiliser
des rites
des convictions
des souvenirs historiques,
traditionnelles,
religieuses,
rentrait manifeste
des solidarit?s lignag?res ou ethniques 3. Le Ndora
ancestraux,
de
ment dans cette cat?gorie et on peut comparer la r?volte de 1934 au mouvement
vers ? la terre sans mal ?, tel que le d?crit et l'interpr?te
l'exode des Guarani
: les Indiens qui ?taient emport?s par ce mouvement
M. I. P?reira de Queiroz4
n'?taient pas les plus ? accultur?s ?, mais ceux qui se sentaient menac?s par l'impact
europ?en et ? guett?s par l'anomie ?. Le rythme propre de l'activit? indig?ne est
bien soulign? :
au probl?me
? L'exode
une solution
des
n'a pas pour fonction
d'apporter
guarani
une solution
les Blancs
n'est m?me
pas pos?. Son but est d'apporter
; ce probl?me
?
de d?sorganisation
interne de la tribu ou du groupe
indig?ne.

devant
bl?me

indig?nes
au pro

n'?tait pas celle d'une
De m?me
l'histoire v?cue par les fid?les d'Inamujandi
r?volte contre l'ordre colonial en tant que tel. La mutation
politique, sociale, ?cono
et mentale
que nous avons analys?e ?tait ressentie comme une d?gradation
mique

? les
accusent
les gens du Ndora
en 1935, la foudre
tu? plusieurs
1. Encore
personnes,
ayant
1935.
2 mars
de Gatara,
venus ? d'avoir
la pays. Diaire
nouveaux
ensorcel?
(kuroga)
des mouvements
? une
?tude
Postface
n?otraditionalisme.
2. ? Syncr?tismes,
messianismes,
10e ann?e,
des religions,
de sociologie
de l'Afrique
noire ?, Archives
19, 1965, pp. 99-116
religieux
Du m?me
Paris,
1962, cf. p. 69.
auteur, Les mouvements
opprim?s,
religieux des peuples
non sur
aux ?les Fidji se manifeste
3. Muhlmann
que le culte du Cargo
(d?j? cit?, p. 122) montre
n'?tait
o? l' uvre des Blancs
dans
la c?te mais
qu'entrevue.
l'int?rieur,
4. Op.

cit., pp.

197-206

et p. 275.

1716

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LE BURUNDI EN 1934

J.-P. CHR?TIEN

interne. Leur id?al relevait d'une histoire cyclique et ce que leur proposait
la pro
: elle leur annon?ait
le retour
ph?tesse ?tait une qu?te exalt?e de l'?quilibre ant?rieur
d'un roi fondateur. La domination
?trang?re n'?tait pas contest?e en elle-m?me,
mais ? travers le trouble d'ordre social, politique et mental dont l'univers rundi se
sentait atteint. Ce messianisme
?tait en fait un retour aux sources.
:
conclusions
g?n?rales ressortent de ces analyses
Quelques
?
il y a la domination
A l'origine du mouvement
coloniale et la disqualification
sociale qu'elle entra?ne pour la masse des Barundi. Mais ces ph?nom?nes
sont v?cus
et contest?s au niveau de la conscience politique et religieuse. La r?volte n'exprime
pas des revendications, mais un refus global du nouveau pouvoir et de son id?ologie.
?
: la fin d'une organisation
est celui d'une mutation
Le contexte d'ensemble
au
animiste
d'un
et stratifi?, le
ordre
bureaucratis?
la?cis?,
profit
politico-sociale
reclassement global d'une soci?t? africaine selon de nouveaux crit?res historiques
et,
il faut le rappeler, l'acc?l?ration de ce mouvement
dans les ann?es 1930 en fonction
de la grande crise. La contestation
?clate dans une r?gion ?cart?e et se r?f?re ? la
tradition.
?
? aberrants ? du
Ce genre de ? r?volte primitive ? ?voque des mouvements
ou moderne
: les soul?vements populaires
m?me type de l'Europe m?di?vale
et les
en particulier ne traduisaient-elles
pas dans cer
?pid?mies de sorcellerie. Celles-ci
tains cas un refus de l'ordre venu de la ville par des populations
?
campagnardes
:
le sugg?rex
P. Chaunu
? La
combattu.

sorcellerie
?

Et comment
languedociens

fleurit

sur les marges.

Elle

semble

porter

ne pas songer aux observations
du xvic si?cle 2 :

autre monde

d'un

t?moignage

d'E. Le Roy Ladurie

refoul?,

sur les paysans

? Dans
on retrouve
et sorcellerie,
en effet, de temps ? autre,
insurrection
les deux ph?nom?nes,
si cette
du r?ve. [...] Rien
de l'inversion,
d'?tonnant
est li?e ?
inversion
le sch?ma
prolongement
ou effectives,
et souvent
le monde,
certains
; car inverser
chim?riques
d?sesp?r?es
types de r?voltes,
ce n'est pas le r?volutionner,
sens dessus
ni m?me
le transformer
le retourner
vraiment
dessous,
;
un d?saccord
le contester,
avec lui. ?
le nier, proclamer
de fa?on ?l?mentaire,
c'est n?anmoins,

tournant ? la
De telles ?motions populaires
peuvent
r?pondre ? un d?sarroi,
sociales ou religieuses, elles sont li?es ? l'impression
panique, devant des nouveaut?s
s'effondrer. Le vocabulaire
de voir l'ordre du monde
(f?odahsme, absolutisme,
etc.)
pas de restituer ? de l'int?rieur ? les
risque de nous tromper si nous n'essayons
De ce point de vue l'humiliation
fut sans
inqui?tudes concr?tes de ces populations.
doute souvent plus durement ressentie que la mis?re elle-m?me.
?
une r?volte) peut ?tre v?cue
Une m?me s?rie de faits (la crise, la colonisation,
Rien n'illustre
diff?rente par des soci?t?s contemporaines.
de fa?on radicalement
et les peuples
africains
le foss? existant entre les conqu?rants
mieux
europ?ens
: il s'agit de deux
des ?v?nements
colonis?s que ces deux s?ries d'interpr?tations
diff?rents.
histoires diff?rentes et m?me en l'occurrence de deux rythmes historiques
Le temps lin?aire des Europ?ens
s'oppose au temps cyclique des Africains. La r?volte
est ressentie par les uns comme une r?action attard?e et par les autres comme un
effort de renouveau dans la fid?lit? au pass?. Il resterait ? s'interroger sur la filiation
et la d?finition des nationa
traditionnelles
?ventuelle entre ces structures mentales
lismes de la seconde moiti? du xxe si?cle.
Jean-Pierre

Universit?
1. P. Chaunu,
2. Les paysans

? Sur la fin des sorciers au xvne
si?cle
de Languedoc,
Paris,
1969, p. 244.

?, Annales

E.S.C.,

Chr?tien,

de Lille.

1969, 4, p. 903.

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