Fiche du document numéro 25891

Num
25891
Date
Vendredi 17 mai 2019
Amj
Taille
302271
Titre
Diogene Bideri ecrit un livre-memoire sur le genocide des Tutsi du Rwanda de 1994
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Interview
Langue
FR
Citation
Dr. Bideri Diogène vient de publier chez L’Harmattan un livre intitulé Rwanda 1994. La Couleur d’un Génocide ; une autobiographie familiale, qui inclut d’autres témoignages et souvenirs du génocide perpétré contre les Tutsi.



Dans une interview accordée à IGIHE, le Dr. Bideri confie que son livre est une contribution à la conservation mémorielle des faits, une mise en contexte politique, et culturelle du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda de 1994. Pour lui, cette écriture est un moyen de transmission de cette mémoire aux jeunes générations.

L’histoire racontée



Dr. Bideri a eu la chance de quitter le Rwanda fin 1993, au moment où tous les signes annonçaient déjà la perspective d’un génocide qui prendrait pour cibles, les Tutsi. Des milliers de civils avaient déjà été exterminés dans le nord du Rwanda (Les Bagogwe du Kibilira) et dans le Bugesera, au sud Est du Rwanda, entre 1990 et 1993. Quelque temps après son départ, soit cinq mois jour pour jour, le génocide a emporté six membres de sa famille, dont les parents, ses soeurs et frères.

Le massacre des siens lui a été raconté par des témoins rescapés de sa famille. Ce sont eux qui parlent dans le livre.

Le titre du livre, La Couleur d’un génocide ne signifie pas couleur au premier sens du mot, mais plutôt « calamité », « malheur extrême ». En effet, dit l’auteur, le génocide n’a pas de « couleur », c’est une tragédie que l’homme inflige à l’homme. […], la somme des tragédies individuelles, celle de l’auteur, celles d’autres victimes, est la couleur du génocide.

L’auteur montre que le génocide est un crime qui ne s’arrête pas avec l’arrêt des massacres, ses séquelles continuent de hanter les survivants plusieurs années après.

Dans son livre, le Dr Bideri dit qu’il connaît jusque dans les détails le massacre des siens, comment ses parents et les membres de sa famille ont péri sous des grenades lancées à l’intérieur de la maison par des militaires : “le toit et les murs se sont écroulées, […] mes parents sont morts déchiquetés”.

Ils ont été tués le 8 avril 1994 dans la ville de Gisenyi, quelques heures seulement après le début du génocide contre les Tutsi.

Une de ses soeurs a été fusillée à Kigali dans le quartier de Kiyovu, jetée dans une poubelle aux morts. Elle s’est réveillée lorsque des chiens commençaient à dévorer les corps. Elle a pu marcher et atteindre les bureaux du CICR, à moins de 500 mètres du lieu de massacre.

Dr. Bideri est né dans l’ancienne commune de Mukingo, dans le nord du Rwanda, aujourd’hui dans le secteur de Busogo. En tant que fils aîné, son père lui a raconté l’histoire familiale, surtout la persécution et le massacre des Tutsi depuis 1959.

Son papa lui a raconté comment il avait été arrêté en 1963 et incarcéré dans la terrible prison de Ruhengeri. Il sera libéré quelques jours avant l’exécution de plusieurs Tutsi à Nyamagumba derrière la prison de Ruhengeri. Des arrestations et des exécutions sommaires de Tutsi ont eu lieu partout dans le pays, surtout au Bugesera et à Gikongoro.

Plus particulièrement, l’auteur se souvient qu’en 1973, les Tutsi ont été attaqués, les maisons incendiées, et plusieurs ont cherché refuge dans des églises. Il ne comprenait pas alors pourquoi les Tutsi étaient persécutés et chassés comme des bêtes. Le pouvoir en place s’en prenait aux Tutsi comme bon lui semblait.

L’interrogation sur le pourquoi des choses est posée tout le long de ce livre.

A partir de 1990, les choses ont pris un tournant dramatique, l’appel à l’extermination des Tutsi se faisait au grand jour. Des médias de la haine surtout la RTLM et le journal Kangura appelaient ouvertement à massacrer les Tutsi, et annonçaient même le mois d’avril 1994 comme début du génocide.

Dans ce livre on y lit la peur et l’arbitraire. Peur omniprésente chez le Tutsi qui, du seul fait d’être tutsi, est condamné à vivre dans le désespoir car il peut subir de n’importe quel autre concitoyen contrôles, arrestations, emprisonnements, tortures, viols, la mort. Arbitraire des autorités civiles responsables qui ignorent les droits élémentaires de tout citoyen rwandais.

L’auteur dit qu’il n’a jamais pensé écrire une tragédie familiale, mais que les circonstances l’ont poussé à le faire. Il a écrit par devoir de mémoire, pour faire entrer dans le corps des lecteurs l’indicible frayeur des victimes.

L’auteur montre à plusieurs endroits que les rescapés de sa famille ont été sauvés par les soldats du Front Patriotique Rwandais. Il rend hommage au courage de ces jeunes soldats qui ont versé leur sang afin de sauver des vies.

Il montre que même des Hutu qui avaient été poussés par des ex-FAR et les Interahamwe à quitter le Rwanda et à fuir, ont été sauvés par l’Armée Patriotique Rwandaise dans le fond fin des forêts zaïroises (aujourd’hui congolaises). Ils ont été nourris avec des biscuits, transportés et rapatriés au Rwanda volontairement. Les civils Hutu servaient de bouclier humain aux génocidaires en fuite.

Après le génocide, la vie a repris lentement, avec des difficultés énormes. Ses 2 jeunes soeurs ont succombé aux conséquences du génocide, le trauma et la douleur ont eu le dernier mot. Elles ont été marquées par le génocide, leur équilibre intérieur brisé.

Dans son interview, l’auteur a beaucoup insisté sur la question de garder la mémoire de ces événements pénibles : “que tout le monde sache ce qui s’est passé, ne l’oublie jamais, qu’il s’agissait de femmes, des hommes et des enfants, nous tous, dans n’importe quel coin du monde”.



Dr Bideri a déjà publié en 2008 aux éditions l’Harmattan, un autre livre, Rwanda 1990-1993, le massacre des Bagogwe, un prélude au génocide des Tutsi.

Le livre sera inauguré à Kigali, le 14 juin prochain.

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