Fiche du document numéro 25528

Num
25528
Date
Mardi Mai 1990
Amj
Taille
317692
Titre
La politique d’équilibre ethnique et régional dans l’emploi au Rwanda
Page
17-31
Cote
no 146
Source
Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
1

LA POLITIQUE D’EQUILIBRE ETHNIQUE ET REGIONALE
DANS L’EMPLOI AU RWANDA
Laurien UWIZEYIMANA
(Texte paru dans Dialogue n°146, mai-juin 1990, pp.17-31)

Depuis un certain temps déjà, les autorités publiques ont décidé d’appliquer une politique
d’équilibre ethnique et régionale pour distribuer les quelques places disponibles dans les
principaux secteurs de l’activité nationale. Cette politique fixe des quotas proportionnels au
poids démographique des différentes régions et ethnies.
Plusieurs personnes, aussi bien tutsi que hutu mais pour des raisons différentes, s’en sont
plaints, certains arrivant même à la comparer à la politique d’apartheid pratiquée en Afrique
du Sud.
Il serait alors intéressant de voir ce qui s’est réellement fait jusqu’à présent dans le secteur de
l’emploi, à partir de statistiques établies par le Ministère de la Fonction Publique et de
l’Organisation Professionnelle et qui concernent la situation de 1989, l’année précédant
l’attaque d’octobre 1990. Malheureusement, ces statistiques ne présentent que des données
globales sans préciser les fonctions ou les grades occupés, ce qui aurait pu être un paramètre
intéressant à connaitre.

1. L’équilibre régional
L’objectif visé par cette politique est d’éviter de trop grandes disparités régionales dans la
fonction publique. Mais il faut signaler ici qu’elle n’a pas été systématiquement appliquée car
jusqu’à la crise économique de ces dernières années et compte tenu des besoins en cadres,
pratiquement tous les lauréats de l’enseignement secondaire et supérieur étaient engagés par
l’administration centrale, quelles que soient leurs régions ou leurs ethnies.
En outre, à l’heure qu’il est, le poids démographique de chaque préfecture est difficile à
connaitre avec précision car le dernier recensement de la population remonte à 1978. Nous
avons alors jugé préférable d’utiliser les résultats de ce recensement car si les chiffres absolus
ont considérablement augmenté, il est peu probable que les proportions aient changé, étant
donné l’inertie qui caractérise les phénomènes démographiques, malgré les différentes
migrations internes.
Pour mieux mettre en évidence le poids de chaque préfecture dans la fonction publique, nous
avons utilisé « l’indice de disparité » qui met en rapport le pourcentage d’agents originaires
d’une préfecture dans l’administration et le % de la même préfecture dans la population totale.
Ainsi donc l’indice peut être calculé par la relation suivante :
Indice I : % d’une préfecture dans la fonction publique / % de la population de
la même préfecture
Avec ce type de calcul, l’équilibre est réalisé quand l’indice de disparité est égal à 1, c’est-àdire quand le pourcentage d’une préfecture dans la Fonction publique est égal au pourcentage
de la population de la même préfecture.

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Tableau n°1 : Effectifs de la population rwandaise suivant la préfecture
d’origine en 1978
Préfecture
1. Kigali
2. Gitarama
3. Butare
4. Gikongoro
5. Cyangugu
6. Kibuye
7. Gisenyi
8. Ruhengeri
9. Byumba
10. Kibungo
Total

Effectif
681 598
604 481
594 294
369 288
330 476
336 236
467 533
530 820
516 766
357 077
4 788 569

%
14.23
12.62
12.41
07.71
06.90
07 .02
09.76
11.08
10.79
07.45
100

Remarquons que la population de la préfecture de Kigali a été surévaluée car elle comprend
aussi les citadins de Kigali qui proviennent de tout le pays, ce qui introduit un biais dans les
indices et les % utilisés. En effet, les statistiques de la fonction publique concernent les
préfectures d’origine mais pour Kigali, nous avons utilisé la population totale, ville de Kigali
comprise, ce qui fausse un peu les calculs.

Préfecture
1. Kigali
2. Gitarama
3. Butare
4. Gikongoro
5. Cyangugu
6. Kibuye
7. Gisenyi
8. Ruhengeri
9. Byumba
10. Kibungo
Total

Agents
684
1 101
990
663
495
565
830
1 007
567
388
7 280

Pourcentage
9
15
14
9
7
8
11
14
8
5

Indice de disparité
0.63
1.19
1.13
1.16
1.01
1.14
1.13
1.26
0.74
0.57

Tableau n°2 : Répartition de l’effectif des agents de l’administration centrale
suivant les préfectures en 1989
Le tableau n°2 montre que l’Administration centrale comptait 7 280 fonctionnaires et qu’à
l’exception des préfectures de Kigali (i : 0.63), Kibungo (I : 0.67) et Byumba (I : 0.74), les
disparités régionales sont faible car l’indice est proche de 1 dans l’ensemble. Il est légèrement
plus élevé dans les préfectures de Ruhengeri (I : 1.26) et Gitarama (I : 1.19).
La faible valeur de la préfecture de Kigali n’a pas à nous étonner car comme signalé plus
haut, la population de cette préfecture est très surestimée car elle comprend celle de la ville,
celle-ci étant issue de toutes les préfectures. Par contre, les préfectures de Kibungo et de
Byumba sont réellement sous-représentées.
Les nouveaux engagés
Cependant, cet équilibre régional global dans l’administration centrale disparaît quand on
considère les personnes engagées en 1989. En effet, le tableau n°3 nous montre que les

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préfectures de Kigali et de Gitarama se sont taillées la part du lion avec respectivement 24.8%
pour Gitarama, 21% pour Kigali, étant entendu que la part réelle de Kigali est certainement
plus grande encore par suite de la surestimation de la population.
De ce fait, les indices de disparité sont élevés : Gitarama : 1.96, Kigali : 1.47. A l’opposé, les
préfectures de Byumba (I : 0.44), Gikongoro (I : 0.53), Kibungo (I : 0.62) et Butare (I : 0.64)
sont manifestement sous-représentées, l’équilibre n’étant réalisé qu’au niveau de Ruhengeri
(I : 1.1), Cyangugu (I : 0.97) et un peu moins pour Kibuye (I : 0.94)

Préfecture
1. Kigali
2. Gitarama
3. Butare
4. Gikongoro
5. Cyangugu
6. Kibuye
7. Gisenyi
8. Ruhengeri
9. Byumba
10. Kibungo
Total

Effectif
490
476
186
95
156
155
186
263
111
107
2 325

Pourcentage
21
24.8
8
4.1
6.7
6.6
8
11.3
4.8
4.6
100

Indice de disparité
1.47
1.96
0.64
0.53
0.97
0.94
0.82
1.1
0.44
0.62

Tableau n°3 : Effectif des personnes engagées en 1989 par préfecture
Si on accepte l’hypothèse que la plupart des demandeurs d’emploi sont surtout des jeunes
lauréats frais émoulus de l’enseignement secondaire et supérieur et si on sait que la Fonction
Publique n’est plus capable d’honorer toutes les demandes d’emploi, ces déséquilibres dans
l’offre d’emploi sont anormaux et doivent être rapidement corrigés.
En effet, quand on compare les effectifs des demandeurs d’emploi avec ceux qui ont été
engagés, on constate que l’administration centrale recrute en moyenne 42.6% des demandeurs
d’emploi. Ainsi donc les préfectures de Gisenyi (24.53%) et de Cyangugu (34.4%) ont le plus
petit pourcentage d’engagés par rapport aux demandeurs d’emploi. Par contre, Ruhengeri
(64%) et Kibungo (61%) sont les plus favorisées. Pour Kibungo on peut comprendre, étant
donné le déséquilibre global constaté précédemment mais pour Ruhengeri, l’explication est
plus difficile à trouver.

Préfecture
1. Kigali
2. Gitarama
3. Butare
4. Gikongoro
5. Cyangugu
6. Kibuye
7. Gisenyi
8. Ruhengeri
9. Byumba
10. Kibungo
Total

Demandeurs d’emploi
1 103
1 207
389
354
453
370
758
411
235
176
5 456

Engagés
490
476
186
95
156
155
186
263
111
107
2 325

Pourcentage engagé
44.42
39.43
47.81
26.83
34.43
41.89
24.53
63.99
47.23
60.79
42.60

Tableau n°4 : Effectif des demandeurs d’emploi et des personnes engagées en 1989
par préfecture

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Le tableau n°5 montre qu’en 1989, il y avait 5 456 demandeurs d’emploi au Rwanda. On
pourrait alors se demander ce que traduit le déséquilibre constaté au niveau des demandeurs
d’emploi. En effet, ce tableau montre que les préfectures de Gitarama (I : 1.75), Kigali (I :
1.42) et de Gisenyi (I : 1.42) sont surreprésentées par rapport à leur poids démographique
alors que Byumba (I : 0.40), Kibungo (I : 0.44), Butare (I : 0.57) et Ruhengeri (I : 0.68) sont
moins bien représentées.
Cette disparité traduit-elle un déséquilibre identique au niveau des lauréats de l’enseignement
et partant au niveau des admissions à l’école secondaire ? Il serait intéressant de répondre à
cette question. En tout cas, les préfectures de Ruhengeri et de Kibungo récupèrent au moins
au niveau des engagements avec plus de 60% des demandeurs d’emploi engagés en 1989
comme le montre le tableau n°4.

Préfecture
1. Kigali
2. Gitarama
3. Butare
4. Gikongoro
5. Cyangugu
6. Kibuye
7. Gisenyi
8. Ruhengeri
9. Byumba
10. Kibungo
Total

Demandeurs d’emploi
1 103
1 207
389
354
453
370
758
411
235
176
5 456

Pourcentage
20.2
22.1
7.1
6.5
8.3
6.8
13.9
7.5
4.3
3.3

Indice de disparité
1.42
1.75
0.57
0.84
1.20
0.97
1.42
0.68
0.40
0.44

Tableau n°5 : Effectif des demandeurs d’emploi en 1989
En conclusion, on peut dire que l’équilibre régional semble globalement réalisé au niveau des
effectifs totaux à l’exception de quelques préfectures manifestement sous-représentées
(Kibungo, Byumba) et la préfecture de Ruhengeri surreprésentée. Par contre, des disparités
réelles apparaissent au niveau des engagements mais il faut reconnaitre que les chiffres d’une
seule année (1989) ne permettent pas des conclusions solides.

2. L’équilibre ethnique
Il n’est pas facile de connaitre les proportions ethniques exactes au Rwanda. Les agresseurs
ont présenté des chiffres fantaisistes allant jusqu’à 35% de Batutsi, parfois même plus. Que
pourrait-on dire honnêtement à ce sujet ?
Quand le Dr Richard Kandt, le premier résident allemand au Rwanda, sillonnait le pays à la
recherche de la source du Nil, il avait été frappé par le fait que, dit-il, 3% de la population
avait pu dominer le pays pendant plusieurs siècles. Le Dr Kandt parlait en fait non pas de tous
les Batutsi du Rwanda mais d’une petite minorité de cette ethnie qui était alors au pouvoir.
Plus tard, les Belges qui succédèrent aux Allemands estimèrent les effectifs des Batutsi à
environ 14 ou 15% de la population totale. Mais les événements de 1959 provoquèrent le
départ en exil de certains Batutsi qui refusèrent de reconnaitre l’ordre nouveau dans lequel le
pouvoir était passé à la majorité Hutu. On pense que près de 4% de la population tutsi s’exila
de cette façon.
C’est pour cela que le recensement général de la population effectué en 1978 sous l’égide du
F.N.U.A.P. (Fonds des Nations Unis pour les Problèmes de Population) montra que la

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proportion des Batutsi était de 9.8%, contre 89.8% de Bahutu et 0.4% de Batwa. C’est cette
valeur arrondie à 10% que nous avons utilisée dans nos calculs sur l’équilibre ethnique dans
l’emploi, sachant que beaucoup de Tutsi se déclarent hutu pour bénéficier des avantages liés à
l’appartenance à cette ethnie. Dans ces conditions, on peut supposer qu’ils peuvent se
retrouver dans la catégorie « hutu ».

Ethnie ou nationalité
1. Bahutu
2. Batutsi
3. Batwa
4. Naturalisés
Sous total
Etrangers
Total

Effectif total
4 295 275
467 587
22 140
3 567
4 788 569
41 911
4 830 480

Pourcentage
89.7
9.77
0.46
0.07
0.8

Tableau n°6 : Effectifs de la population selon la nationalité et l’ethnie d’après
le recensement de 1978
2.1.L’administration centrale
Dans les statistiques, il s’agit d’agents sous-statut dans la Fonction publique, ce qui exclut les
étrangers qui, eux, sont sous-contrat. Nous n’avons pas pu, ici non plus, connaitre
l’appartenance ethnique des cadres de direction et nous nous sommes contentés des effectifs
globaux.
D’après le Rapport annuel 1989 du Ministère de la Fonction Publique et de la Formation
Professionnelle, l’effectif total des agents de l’administration centrale était de 7 280 personnes
à la fin de 1989. On dénombrait alors 6 182 Bahutu, 1 100 Batutsi et 3 Batwa. Cela fait une
proportion de 85 % de Bahutu et 15% de Batutsi, les Batwa étant manifestement très peu
représentés. L’indice de disparité est de 0.94% pour les Bahutu et de 1.5% pour les Batutsi, ce
qui veut dire que cette ethnie est surreprésentée par rapport à son poids démographique.
Dans certains ministères, cette proportion est beaucoup plus élevée comme le montre le
tableau suivant qui reprend les données de quelques ministères cibles, l’indice de disparité
correspondant , on s’en souvient, au pourcentage qu’il suffit de diviser par 10.

Ministères
1. MINISANTE
2. MINIFIN
3. MINICOM
4. MINITRANSCO
5. MINAGRI
6. MINIJUST
7. MINIFOP
8. MININTER
9. MINITRAPE
10. MINIPLAN
Total

Effectif total
2 091
462
102
520
1 265
172
216
712
360
149
6 049

Bahutu
1 690
374
84
430
1 074
143
187
633
315
116
83.41

Batutsi
400
88
18
90
190
29
29
78
44
29
16.44

Pourcentage
19.1
19
17.6
17.3
15
16.8
13.4
10.9
12.2
19.4

Tableau n°7 : Répartition de l’effectif des agents de l’administration centrale
suivant l’ethnie dans quelques ministères
Nous avons en outre examiné l’effectif des demandeurs d’emploi en 1989 et les emplois
effectivement offerts cette année-là. Le tableau n°8 montre que les Batutsi représentent 19.3%

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des demandeurs d’emploi. Cette surreprésentation découle sans doute d’un phénomène
identique au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur. Pourrait-on peut-être aussi
faire intervenir le principe de reproduction cher à Bourdieu et qui affirme que les enfants des
notables ont plus de chances d’accéder aux différents niveaux de l’enseignement que les
autres ? Les Batutsi ayant été plus nombreux à fréquenter l’école dans le passé, le principe de
reproduction expliquerait alors en partie la surreprésentation de cette ethnie. Le moins qu’on
puisse dire est que cette ethnie n’est pas sous-représentée comme l’ont assuré les Inkotanyi.

Ethnie
1.
2.
3.
4.

Bahutu
Batutsi
Batwa
Naturalisés
Total

Effectif
4 240
1 022
13
4
5 279

Pourcentage
80.3
19.3
0.3
0.1

Tableau n°8 : Demandeurs d’emploi par ethnie en 1989
Ethnie
1.
2.
3.
4.

Bahutu
Batutsi
Batwa
Naturalisés
Total

Effectif
1 985
332
6
2
2 325

Pourcentage
85.4
14.3
0.2
0.1

Tableau n°8 : Personnes engagées en 1989 par ethnie
On constate à partir de ces données que sur 5 279 demandeurs d’emploi, 2 325 personnes ont
été engagées, soit 44% et 332 Batutsi sur 1 022 (32.5%) l’ont été contre 1 985 Bahutu sur
4 240 (46.8%). En outre, à l’échelle nationale, il a fallu 2.27 demandes d’emploi pour avoir un
placement mais il en a fallu 2.13 pour les Bahutu, 3.07 pour les Batutsi, 2.16 pour les Batwa
et 2 pour les Naturalisés. Le taux plus élevé pour les Batutsi s’explique sans doute par la
proportion plus grande de demandeurs d’emploi provenant de cette ethnie.
En conclusion, on peut affirmer que l’équilibre ethnique dans l’administration centrale n’a pas
été fait aux dépens des Batutsi comme l’ont affirmé les détracteurs du Rwanda car cette ethnie
reste globalement bien représentée par rapport à son poids démographique. Quelle pourrait
être alors la situation dans les autres secteurs de l’économie nationale ?
2.2.L’emploi dans les petites et moyennes entreprises
Les données qui vont être présentées concernent 463 entreprises parastatales ou privées qui
ont fait leurs rapports au Ministère de la Fonction Publique sur leur situation au 30/06/1990.
L’analyse montre que ces 463 entreprises employaient 23 819 travailleurs rwandais dont
20 513 Bahutu et 3 299 Batutsi, la part de ceux-ci étant 13.85%. Cela représente un indice de
disparité I : 1.4, c’est-à-dire un déséquilibre en faveur des Batutsi. Ce déséquilibre demeure
également quand on considère uniquement les quatre plus gros employeurs du Rwanda, en
dehors de l’administration centrale. En effet, Electogaz, l’entreprise publique de distribution
d’eau et d’électricité totalisait en 1990 1 065 employés nationaux dont 815 Bahutu et 249
Batutsi (23.38%) avec un indice de disparité de 2.3. Il y a ensuite Utexrwa, une entreprise de
textile appartenant à des indopakistanais qui emploie 800 personnes avec 613 Bahutu et 167
Batutsi, soit 20.8% (I : 2). A la Banque Commerciale du Rwanda, sur 583 travailleurs
rwandais, on trouve 518 Bahutu et 63 Batutsi (10.8%) tandis qu’à la Banque Nationale du

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Rwanda, on pourrait parler d’équilibre car sur 551 salariés rwandais, 496 sont des Bahutu et
54 des Batutsi (9.8%), soit I : 1.
Les entreprises parastatales pour leur part totalisent 9 234 employés rwandais dont 1 061
Batutsi, ce qui fait 11.49% (I : 1.1) : l’équilibre a été pratiquement réalisé. Mais il est moins
bien réalisé quand on ne tient en compte que les douze entreprises parastatales les plus
importantes, celles qui emploient plus de 200 travailleurs. En effet, sur 5 396 travailleurs, on
compte 740 Batutsi, soit un indice de disparité de 1.3 en faveur des Batutsi.

Entreprises parastatales
1. B.G.M.
2. OPROVIA
3. MAGERWA
4. B.N.R.
5. D.R.B.
6. OCIR Thé Shagasha
7. ONATRACOM
8. Projet Crête Zaïre Nil
9. OCIR Café
10. SONARWA
11. ELECTROGAZ
12. ONAPO
Total

Effectif total
209
357
478
551
278
341
641
258
662
302
1 065
254
5 396

Bahutu
156
313
433
496
264
244
566
216
627
272
815
245
4 647

Batutsi
53
41
38
54
14
97
79
42
35
31
249
7
740

% de Batutsi
25.3
11.48
7.9
9.8
5
28.4
12.3
16.3
5.2
10.2
23.38
2.7
13.7

Tableau n°9 : Répartition des travailleurs des douze entreprises parastatales les plus
importantes
Dans le détail, l’indice de disparité est très faible à l’ONAPO (I : 0.27), à l’OCIR Café (I :
0.52) et au DRB (I : 0.50). Il est par contre très élevé à l’OCIR thé Shagasha (I : 2.8), au
BGM (I : 2.5) et à l’Electrogaz (I : 2.3).
On peut également s’intéresser aux banques et assurances, même si les données de la Banque
de Kigali et de la Société Rwandaise d’Assurance (SORAS) n’ont pu être trouvées. Les
Banques et Assurances, exception faite des deux entreprises signalées plus haut, emploient
1 861 travailleurs rwandais dont 1 652 Bahutu et 206 Batutsi. L’indice de disparité est de 1.1,
ce qui veut dire que l’équilibre est presque réalisé à ce niveau. Seule la Caisse Hypothécaire
présente un grand déséquilibre à l’avantage des Batutsi (I : 2.4) mais son importance relative
est trop faible pour influencer l’ensemble. Notons que le nombre des Batwa est insignifiant et
on ne l’a pas repris dans les tableaux.

Banques et Assurances
1. BCR
2. BRD
3. BACAR
4. BNR
5. Caisse
Hypothécaire
6. Banques
Populaires
7. SONARWA
Total

Effectif total
583
107
105
551
45

Bahutu
518
93
93
496
34

Batutsi
63
14
11
54
11

Pourcentage
10.8
13.1
10.5
9.8
24.4

Indice de disparité
1.1
1.3
1
0.98
2.4

168

146

22

13.1

1.3

302
1 861

272
1 652

31
206

10.2
11

1
1.1

Tableau n°10 : Effectif des travailleurs dans les Banques et les Assurances suivant les
ethnies

8

Le même équilibre global est réalisé dans les entreprises privées employant plus de 80
travailleurs. En effet, 15 entreprises privées totalisaient 3 966 salariés, dont 3 459 Bahutu et
385 Batutsi, soit un indice de disparité de 0.97 Cette disparité est très forte chez Colas (I :
0.073), déséquilibre sans doute en rapport avec les zones où opérait à ce moment cette
entreprise de construction (Préfecture de Ruhengeli).
On peut relever ensuite Rwantexco (I : 0.7%), Sulfo Rwanda (I : 0.78) et UTEXRWA (I :
0.83) dont le déséquilibre est moins remarquable. A l’opposé, la Deutsche Welle (I : 2.6),
Murri Frères (I : 2.6) et Astaldi (I : 1.9) se caractérisent par une surreprésentation des Batutsi.
Dans les autres entreprises, la disparité oscille autour de l’équilibre comme le montre le
tableau n°11.
Entreprises
1. Sulfo Rwanda
2. Colas
3. BCR
4. UTEXRWA
5. SORWAL
6. Hôtel Umubano
7. NAHV
8. Murri Frères
9. ABAY
10. EKAGLAHYCO
11. ASTALDI
12. Deutsche Welle
13. RWANTEXCO
14. Briqueterie Ruliba
15. Rwandex Chilington
Total

Effectif
447
821
583
800
100
93
134
103
114
105
142
89
171
148
116
3 966

Bahutu
412
815
518
631
85
82
116
76
70
89
114
64
159
128
100
3 459

Batutsi
35
6
63
67
15
11
18
27
30
15
28
25
12
18
15
385

% de Batutsi
7.8
0.73
10.8
8.3
15
11.8
13.4
26.2
26.3
14.3
19.7
28
7
12.1
12.9
9.7

Indice de disparité
0.78
0.073
1.1
0.83
1.5
1.2
1.3
2.6
2.6
1.4
1.9
2.8
0.7
1.2
1.3
0.97

Tableau n°11 : Répartition des salariés du secteur privé par ethnie

CONCLUSION
Les considérations qui précèdent prouvent en suffisance qu’il n’est pas facile d’effectuer une
politique d’équilibre tant ethnique que régional, l’opération étant surtout compliquée, comme
dans toutes les opérations de ce type, par la situation de déséquilibre de départ. En tout cas, le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’aucune région, aucune ethnie ne sont systématiquement
exclues de la vie nationale, du moins au niveau de l’emploi, comme l’ont affirmé les
Inkotanyi. Le Rwanda ne pratique aucune forme de ségrégation pouvant justifier une
agression, si on accepte le fait que le pays doit partager équitablement le peu dont il dispose.
Nous pensons l’avoir montré.
Il est vrai que cette politique d’équilibre ethnique et régionale découle de la situation de sousdéveloppement dans laquelle se débat le Rwanda. Elle serait à priori négative et condamnable
mais elle constitue la moins mauvaise solution pour :
« partager le peu de privilèges convoités par tous mais accessibles à une infime
minorité. Elle peut se justifier pour une période donnée, mais elle ne saurait être érigée
à perpétuité. Avec la démocratie et le développement, elle disparaît inévitablement.
Dans des pays à sous-groupes disproportionnés comme le Rwanda, les dosages
devraient protéger les minorités » (Emmanuel Ntezimana, 1990)

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Bibliographie sommaire
Bourdieu,P. et al.- (1964).- Les Héritiers.- Paris, Minuit
Idem, (1970).- La reproduction, éléments pour une théorie du système d’enseignement.- Paris,
Minuit, 279 p.
Kandt, R. (1921).- Caput Nili. Un voyage sentimental jusqu’aux sources du Nil.- Berlin,
D.Reimer, XXIV, 513 p.
MINIFOPE (1990).- Rapport annuel 1989.- Kigali, 284 p.
MINIFOPE (1990).- Situation de 463 entreprises au 30/6/1990, Kigali, (liste manuscrite)
Ntezimana, E. (1990).- Rapport de mission (texte dactylographié)

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