Citation
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a entamé hier à
Arusha (Tanzanie) le procès du colonel Théoneste Bagosora, l'un des
organisateurs en chef du génocide de 1994 au Rwanda. Agé de soixante et
un an ans, cet ancien chef de cabinet du ministère de la Défense
comparaîtra aux côtés de trois autres anciens officiers supérieurs, tous
accusés de crimes contre l'humanité.
Arrêté au Cameroun en 1996, le colonel Bagosora est considéré par le
parquet comme une clé de voûte de la préparation et de l'exécution du
génocide au cours duquel un million de Tutsi et d'opposants Hutu ont été
massacrés par des miliciens extrémistes Hutu et des soldats, d'avril à
juillet 1994. Après l'attentat contre l'avion du président Juvénal
Habyarimana, le 6 avril 1994, le colonel Bagosora a de facto
pris le
contrôle des affaires politiques et militaires du Rwanda. Il a présidé,
dans la nuit du 6 au 7 avril, une réunion d'officiers dans laquelle il a
été décidé d'écarter de la gestion de la crise le premier ministre
Agathe Uwilingiyimana, favorable aux négociations avec la rébellion du
Front patriotique rwandais (FPR). Mme Uwilingiyimana était assassinée
avec son époux le 7 avril au matin par des membres de l'armée, ainsi que
dix soldats belges membres de son escorte. Le président de la Cour
suprême, Joseph Kavaruganda, lui aussi d'origine Hutu, était tué le même
jour et dans les mêmes conditions. Ces meurtres politiques ciblés
étaient aussitôt noyés dans les massacres ethniques
, ceux frappant
systématiquement les familles Tutsi.
De par sa naissance, Bagosora était membre de l'Akazu, entendez le gang
clanique organisé autour de et par la femme du président Habyarimana. Il
fut l'un des organisateurs des réseaux zéro
(1992) et autres
escadrons de la mort. Sans doute aussi du groupe Amazazu
(littéralement : balles pour armes à feu
), composé d'officiers, qui
multiplia meurtres politiques et crimes ethniques dans la période
préparant le génocide.
Cet ancien élève de l'École de guerre en France avait participé en 1993
aux pourparlers d'Arusha, qui devaient déboucher sur les accords du même
nom prévoyant le multipartisme, la reconnaissance du FPR, l'ouverture du
gouvernement à des personnalités non membres du parti présidentiel MRND.
Exaspéré par ces perspectives, il quittait Arusha le 8 janvier 1993,
déclarant publiquement rentrer à Kigali pour préparer l'apocalypse
.