
t="Un solda
t français regarde l'en
traînemen
t de recrues hu
tus de l'armée du gouvernemen
t rwandais, le 26 juin 1994 à Gisenye, à 30 km au nord de la fron
tière en
tre le Zaïre e
t le Rwanda. © AFP / PASCAL GUYO
T" />
À 84 ans, l’homme a décidé de livrer publiquemen
t sa véri
té sur le rôle joué par la France au Rwanda, dans les années 90. Jusqu’à présen
t le général Jean Varre
t avai
t uniquemen
t accep
té de
témoigner devan
t la Mission d’informa
tion parlemen
taire sur le rôle de la France au Rwanda, en 1998.
Récemmen
t, il a pris la plume pour racon
ter son parcours de mili
taire dans un livre, où il revien
t en quelques pages,
très sobres, sur le rôle qu’il a joué au Rwanda.
Aujourd’hui, 25 ans après le génocide des
Tu
tsis, il a décidé de parler devan
t micro e
t caméra.
Un général accuse le lobby militaire
D’oc
tobre 1990 à avril 1993, Jean Varre
t es
t chef de la Mission mili
taire de coopéra
tion au Rwanda. Il
ten
te de s’opposer au sou
tien appor
té par l’é
ta
t-major mili
taire français au régime du présiden
t rwandais Habyarimana, mais il es
t subi
temen
t écar
té de ses fonc
tions.
«
Certains militaires à des postes-clés sont allés trop loin, affirme aujourd’hui le général Jean Varre
t.
J’appelle ça le lobby militaire. Ce groupe, dont je connaissais certains éléments, faisait pression, y compris pour m'évincer de mes responsabilités. Ces militaires n'ont pas voulu prendre en compte les risques de cette politique de soutien à Habyarimana. La coopération avait pour mission d'aider à former, d’équiper, mais certainement pas à combattre. Je pense que ce lobby militaire a été plus enclin à aider au combat. »
Les Tutsis ne sont pas très nombreux : on va les liquider !
Pour le général Varre
t, la prise de conscience da
te de novembre 1990, lors d’une rencon
tre avec le chef d’é
ta
t-major de la gendarmerie rwandaise, le colonel Pierre-Céles
tin Rwagafili
ta.
«
Au cours de cette réunion, le chef de la gendarmerie me réclame des armes lourdes, se souvient Jean Varret. Je lui demande pourquoi et je lui explique que la gendarmerie n'est pas faite pour avoir des mitrailleuses. Devant mon refus catégorique, le chef de la gendarmerie lance à ses collaborateurs : 'Messieurs, vous pouvez partir, je reste avec le général'. Et là, il me dit : 'Nous sommes en tête à tête, entre militaires, on va parler clairement. Je vous demande ces armes car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple : les Tutsis ne sont pas très nombreux, on va les liquider.' Il me dit ça très clairement. Je suis horrifié. »
Jean Varre
t demande alors à voir le présiden
t rwandais Habyarimana. «
Je lui exprime mon indignation, poursui
t le général Varre
t.
Le président Habyarimana me dit : 'Il vous a dit ça, ce con-là ? Je vais le vider.' Habyarimana est furieux, je ne sais pas pourquoi. Est-ce parce que son chef de gendarmerie a dévoilé un secret ? Ou parce qu'il a menti ? En tout cas, je note que le chef de la gendarmerie n’a pas été vidé tout de suite. »
Ce
tte informa
tion, le général Varre
t di
t l’avoir fai
t remon
ter immédia
temen
t auprès de l’ambassadeur de France au Rwanda e
t du minis
tère de la Coopéra
tion, don
t il dépendai
t. «
Je n'ai pas gardé cette information pour moi, affirme le général Varre
t.
Le risque de génocide était réel. Cela a guidé toutes mes actions par la suite. »

to_jean_varre
t.png" al
t="Le général Jean Varre
t © Radio France / Benoî
t Collomba
t" />
Pour
tan
t, selon l’officier français,
trong>son alerte ne suscite aucune réaction, ni de l’état-major militaire, ni du pouvoir politique.trong> Jean Varre
t connaî
t pour
tan
t personnellemen
t les chefs mili
taires qui en
touren
t le présiden
t François Mi
tterrand : le général Chris
tian Quesno
t, chef d'é
ta
t-major par
ticulier du chef de l’É
ta
t, e
t son adjoin
t, le colonel Jean-Pierre Huchon, ou encore l'amiral Jacques Lanxade, chef d'é
ta
t-major des armées. "Mes aver
tissemen
ts n’on
t pas é
té pris en comp
te", regre
tte le général Jean Varre
t.
Jean Varre
t n’es
t pas le seul à avoir aler
té d’un risque de génocide au sein des services de l’É
ta
t. Le renseignemen
t ex
térieur (DGSE) a égalemen
t fai
t remon
ter de mul
tiples informa
tions sur la radicalisa
tion du confli
t e
t le rôle ac
tif joué par les ex
trémis
tes hu
tus jusqu’à l’a
tten
ta
t con
tre l’avion du présiden
t rwandais Habyarimana, le 6 avril 1994, "é
tincelle" d’un génocide préparé de longue da
te.
Un officier désavoué
Débu
t 1993, Jean Varre
t fai
t un au
tre cons
ta
t amer.
Au Rwanda, la si
tua
tion devien
t de plus en plus cri
tique. La mécanique du génocide mon
te d’un cran. En janvier 1993, une commission d'enquê
te dirigée par la Fédéra
tion in
terna
tionale des droi
ts de l'homme (FIDH) rassemble des preuves de massacres e
thniques.
En février 1993, de nouveaux massacres son
t perpé
trés par des ex
trémis
tes du Hu
tu Power, liés au par
ti poli
tique du présiden
t Habyarimana. En réac
tion, les rebelles du FPR (le Fron
t pa
trio
tique rwandais) dirigé par Paul Kagamé, l’ac
tuel présiden
t rwandais, lancen
t plusieurs offensives. Ils enfoncen
t les lignes adverses e
t avancen
t jusqu’à 30 kilomè
tres de la capi
tale. Un million de réfugiés se massen
t alors au
tour de Kigali, coincés en
tre les deux armées. Les Français renforcen
t leur disposi
tif, puis envoien
t un nouveau dé
tachemen
t du 1er RPIMa (Régimen
t de parachu
tis
tes d’infan
terie de marine) pour épauler l'armée rwandaise. Avec succès : en quinze jours, l’uni
té d’éli
te de l’armée française s
toppe l'avancée des rebelles.
C'es
t dans ce
tte période que le général Varre
t va, à nouveau, ê
tre désavoué. «
Un jour, dans le parc de l'Akagera, j'inspecte le détachement d'assistance militaire et d'instruction (DAMI) du 1er RPIMa, qui était sous mes ordres. Et là, j'apprends qu'ils font des interventions que je n’admettais pas : ils avaient été en Ouganda, derrière les lignes ennemies, pour essayer d'avoir du renseignement sur le FPR. »
L’ac
te es
t grave car les
troupes françaises on
t officiellemen
t l'in
terdic
tion absolue de s'engager direc
temen
t dans le confli
t. Une ligne rouge à ne pas franchir. "Quand j'apprends cela, poursui
t Varre
t, je les engueule. Je ren
tre à Paris e
t trois jours après, je
trouve le message suivan
t : 'Les uni
tés DAMI ne son
t plus sous vos ordres'. J'ai pris cela comme un désaveu. On ne me faisai
t plus confiance."
Finalemen
t, en avril 1993, le général Varre
t es
t évincé de son pos
te à la Mission mili
taire de coopéra
tion. Le minis
tre de la Coopéra
tion, Michel Roussin, lui annonce qu’il ne sera pas recondui
t dans ses fonc
tions pour un an, comme il le souhai
tai
t. Jean Varre
t es
t remplacé par le général Huchon, issu de l’é
ta
t-major par
ticulier de l’Élysée.
Un an plus
tard, c’es
t le débu
t du génocide.
Une faute
de la France
Débarqué de son pos
te au prin
temps 1993, Jean Varre
t refuse la proposi
tion honorifique que lui fai
t alors l'Élysée (gouverneur mili
taire à Lille). Il décide de qui
tter l'armée.
Avec le recul, il es
time que ce dépar
t con
train
t a é
té «
une chance » pour lui. «
Sinon, j’aurais eu ma part de responsabilité, au moment du génocide, explique le général Varre
t.
Heureusement que je suis parti. »
Commen
t qualifie-
t-il l’a
tti
tude de la France, à l’époque ? «
Malheureusement, l’Histoire a prouvé que c'était une faute, plus qu'une erreur, puisque cela a débouché sur un génocide. La France était suffisamment informée sur les risques. »
À ses yeux, «
certains » responsables civils ou mili
taires on
t bien «
une responsabilité » dans l’enchaînemen
t qui a mené au génocide des
Tu
tsis : «
Il y a quand même eu un aveuglement, es
time Jean Varre
t.
Aucun [responsable]
civil ou militaire n'aurait souhaité le génocide. Aucun. Par contre, certains n'ont pas pris le risque au sérieux. »
E
t il conclu
t : «
Je n’ai pas su convaincre du risque d’un génocide. Je voudrais que la France et l’Occident sachent se prémunir contre ce risque. La France a une responsabilité dans cette affaire. »
L’amiral Lanxade : On craignait une guerre civile. Pas un génocide
trong>Les accusations de Jean Varret sont totalement réfutées par l'amiral Jacques Lanxadetrong> que la cellule inves
tiga
tion de Radio France e
t Mediapar
t on
t longuemen
t in
terrogé.
Ce proche de François Mi
tterrand a é
té chef d'é
ta
t-major par
ticulier du chef de l’É
ta
t (1989-1991), puis chef d'é
ta
t-major des armées (1991-1995). «
Il n'y a pas eu d'aveuglement, ré
torque l’amiral Lanxade.
Je pense qu'on a été tout le temps conscient de ce qui pouvait se passer. C'est pour cela qu'on était là. Jean Varret a eu raison de dire ce qu'il a dit, mais on ne peut pas en tirer la conclusion que nous avons été imprudents. »
L’amiral Lanxade n’en démord pas : pour l’ancien chef d’é
ta
t-major des armées, la ligne suivie à l’époque par le présiden
t Mi
tterrand é
tai
t la bonne. E
t le
témoignage de Jean Varre
t «
justifie » à ses yeux l’ac
tion de la France au Rwanda. «
Ce que Jean Varret ne voit pas – ce n'était pas dans sa mission à la Coopération – c'est que nous étions justement là pour empêcher que ceci [le génocide] n'arrive. Et ça n'a pas marché. Nous ne voulions pas la déstabilisation du Rwanda. Nous avons donc fait trois choses : une action politique sur Habyarimana pour qu'il accepte de démocratiser son pays, ce qu'il a commencé à faire. Ensuite, une négociation. Nous sommes très impliqués dans les accords de paix d’Arusha. Et enfin, un soutien à l'armée régulière de ce pays pour que le FPR n'entre pas et que la déstabilisation n’intervienne pas. »
«
Nous n’allions pas nous retirer, poursuit l’amiral Lanxade. On était là justement pour empêcher ce que Varret pensait comme une éventualité possible [le génocide] par une coopération technique avec la gendarmerie, avec les FAR (Forces armées rwandaises). Notre intervention visait à éviter que le gouvernement ne s’effondre et ne tombe dans la guerre civile. Qu'aurions-nous dû faire ? Partir ? Mais alors c'était la guerre civile tout de suite. »

to_lanxade.png" al
t="L'amiral Jacques Lanxade © Radio France / Benoî
t Collomba
t" />
À no
ter que, dans la bouche de l’amiral Lanxade, il es
t toujours ques
tion d’un risque de «
guerre civile ». Jamais de
génocide
. Cela-veu
t-il dire qu’un risque de génocide des
Tu
tsis n’es
t jamais remon
té jusqu’à lui ? «
Il n’y avait pas d’information disant clairement ça, soutient l’amiral Lanxade. L’information qui remontait de toute part, c’est que si Habyarimana n’était plus en mesure de contrôler le pays, alors nous entrerions dans une guerre civile qui serait atroce. C’est le point fondamental et la raison pour laquelle nous sommes intervenus. Il y avait des signaux de guerre civile avec les massacres qui l’accompagnent. C’est pour empêcher cela que nous sommes intervenus. La seule personne qui pouvait empêcher le drame d’arriver, c’était Habyarimana. »
A-
t-il pour au
tan
t pensé qu'un génocide é
tai
t possible ? Ne l'a-
t-il pas vu dans
ses radars
? «
Non, ce qu'on a vu dans nos radars, c'est le fait que si nous n'étions pas intervenus et si notre intervention ne suffisait pas à contenir les actions du FPR, à ce moment-là, nous entrions dans la guerre civile, poursui
t l’amiral Lanxade.
On n'a jamais parlé de génocide, jamais. Le génocide, c'est une notion qui est apparue après. À cette époque-là, on ne parlait absolument pas de génocide. On craignait une guerre civile, avec les massacres d'une guerre civile. Et c'est cela qu'on a voulu éviter. Et c'est ce qu'on a évité au départ. On a commencé à parler d’un génocide trois semaines ou un mois après l'attentat [contre l’avion du président Habyarimana]. Si nous n'étions pas intervenus, le génocide serait intervenu beaucoup plus tôt. C'est tout. »
Livrer des armes pendant le génocide : C'est un business. Si ce n'est pas nous, d'autres le feront à notre place.
Les armes.
Depuis l’embargo des Na
tions unies, en mai 1994, soi
t un mois après le débu
t du génocide, leurs livraisons son
t in
terdi
tes au Rwanda.
trong>Malgré cette interdiction, des armes sont quand même acheminées vers les extrémistes hutustrong>. La jus
tice française enquê
te ac
tuellemen
t sur l’une de ces livraisons, depuis Les Seychelles jusqu’à l’aéropor
t de Goma, au Zaïre, en juin 1994.
La cellule inves
tiga
tion de Radio France e
t Mediapar
t révèlen
t un nouveau
témoignage.
Celui de Walfroy Dauchy, un bénévole de la Croix-Rouge, présen
t à Goma de fin juille
t à fin oc
tobre 1994, au momen
t de l’opéra
tion
Turquoise, une opéra
tion mili
taro-humani
taire,
très ambigüe, menée par la France. Si
Turquoise a permis de sauver des vies, elle a égalemen
t facili
té la fui
te de génocidaires, voire l’acheminemen
t d’armes.
En juille
t 1994, Walfroy Dauchy a 30 ans. Il es
t logis
ticien pour la Croix-Rouge, à Goma, chargé d’un disposi
tif de purifica
tion d’eau. Il arrive sur place quelques jours après un afflux massif de réfugiés, don
t beaucoup d’ex-génocidaires, depuis le Rwanda. La si
tua
tion es
t cri
tique, à Goma. Le choléra ravage les camps de réfugiés. Il n’y a pas de nourri
ture, plus d’essence. Dans les camps, les gens son
t armés. Il y a des règlemen
ts de comp
te, des assassina
ts.
L'équipe de la Croix-Rouge es
t composée d'une ving
taine de personnes. Walfroy Dauchy s'occupe égalemen
t du budge
t : 300 000?$ en cash à gérer, déposés dans une banque de Nairobi. Le logis
ticien bénévole fai
t des allers-re
tours réguliers au Kenya pour aller chercher de l’argen
t.
Walfroy Dauchy es
t donc présen
t régulièremen
t sur l’aéropor
t de Goma, con
trôlé par l’armée française, dans le cadre du disposi
tif
Turquoise.
C’es
t là que, débu
t aoû
t 1994, il rencon
tre le fils d’un
transpor
teur aérien bien connu de l’armée française, don
t la socié
té es
t basée dans le sud-es
t de la France. «
Je suis à l'aéroport et je vois arriver un type habillé en surfeur, blond, l'air détendu, se souvien
t Walfroy Dauchy.
Un civil avec une arme, c'était bizarre. De fil en aiguille, il m'explique qu'il travaille pour la société de son père. C'est un Français, assez jeune, 23-25 ans. Pas déconcerté par la tragédie en cours. L’entreprise de son père est située près d’Istres, une grosse base militaire française, et ils livrent des armes. Il me dit ça, comme ça, direct. Je lui demande si c'est la meilleure idée du monde de livrer des armes en plein milieu d'un génocide. Et le gars me dit : 'Oh, tu sais, c'est un business. Si ce n'est pas nous, d'autres le feront à notre place.' »
En
tre débu
t aoû
t e
t la mi-sep
tembre, Walfroy Dauchy di
t avoir assis
té à «
deux ou trois » livraisons d'armes. «
À chaque fois, le gars arrive tranquille, avec son pistolet Glock à la ceinture, en nous expliquant qu'ils livrent des armes au pouvoir hutu, au gouvernement [rwandais]
en exil. »
Des armes des
tinées, donc, aux ac
teurs du génocide.
Des avions français en première ligne
«
Je n’ai pas vu les armes, mais j'ai vu les caisses, poursuit l’ancien bénévole de la Croix-Rouge, qui connait bien le monde militaire pour avoir été élève à Polytechnique et effectué un service militaire de 30 mois dans les commandos de l’air. Je vois les avions et je vois les caisses. Les avions sont français, des avions militaires français. Il y a des caisses avec un jeune gars français qui dit : 'Moi, je livre des armes'. Je suppose qu’il s’agissait d’armes légères. Il s’agissait de caisses de taille moyenne, dans lesquelles on ne mettait pas plus qu'un bazooka. Pas d'armement lourd. Je suis très surpris, car cela résume tout : des armes au milieu d'un génocide. Avec une situation humanitaire très compliquée : beaucoup de problèmes viennent du fait que des gens sont armés dans les camps du Haut-commissariat aux réfugiés. C'est très instable. Donc, rajouter de l'instabilité là-dedans... Je ne sais pas s'il suffit de leur livrer 20 000 kalachnikovs pour qu'ils soient capables de renverser une déroute militaire comme ça. C'est assez curieux d'imaginer que cette armée [des Forces armées rwandaises] totalement en déroute, par la magie de quelques livraisons, va se réorganiser. Mais visiblement, il y a des gens qui le pensent. »
Des armes aux génocidaires : Ce n’était pas un secret.
«
Certains militaires français étaient au courant, assure Walfroy Dauchy.
Parce que notre ami, le jeune livreur d’armes, ne s'en cachait pas. Il connaissait beaucoup de monde. Comme moi, il avait fait son service militaire dans les commandos de l'air. Il avait été à N’Djaména, au Tchad. Il était très à l'aise dans ce milieu, il parlait à tout le monde. Le commandement militaire ne pouvait pas l'ignorer. Pour autant, cela ne veut pas dire que les officiers français organisaient ces livraisons, mais ils étaient obligés d'être informés et de laisser passer. [Les militaires] étaient obligés d'être au courant. Rien ne rentre ou ne sort sans que cela ne soit visé par la hiérarchie de Turquoise. Nos avions n'étaient pas fouillés, mais tout ce qui arrivait avait la bénédiction du commandement français. Les avions militaires français sont forcément déchargés par des militaires français. Il n'y a pas de civils. Ils savaient que ce n'était pas du matériel Turquoise. L'idée qu'on livrait des armes aux Hutus, était connue et pas discutée. Sur la base, ce n'était pas un secret… »
«
Que l'amiral Lanxade [chef d’é
ta
t-major des armées]
ne soit pas personnellement informé de ces livraisons d'armes, c'est tout à fait possible, poursuit Walfroy Dauchy. Mais que l'armée française, que des officiers aient donné leur feu vert à ces livraisons, c'est obligatoire. Si Turquoise avait voulu empêcher ça, cela leur aurait pris cinq minutes. C'était simple, il suffisait de le décider. »
Une question un peu délicate
À l’époque, Walfroy Dauchy n’a pas osé aborder direc
temen
t ce suje
t sensible avec la hiérarchie mili
taire, de peur de ne plus bénéficier de l’aide logis
tique, indispensable, de l’armée française.

to_dauchy.png" al
t="Walfroy Dauchy © Radio France / Benoî
t Collomba
t" />
«
J'avais beaucoup de conversations avec des officiers de Turquoise, confie encore Walfroy Dauchy.
On parlait beaucoup de la situation dans les camps et des problèmes d'insécurité. J'avais demandé pourquoi on avait laissé passer ces populations avec leurs armes. La réponse était : 'Vous savez, le Zaïre est un pays souverain. Si les Zaïrois avaient voulu les désarmer, ils l'auraient fait. Mais nous, on ne va pas se mêler de ça...' Je n'ai pas parlé des armes avec mes contacts [militaires], parce que je dépendais beaucoup d'eux. Je n’avais pas envie de me faire engueuler, pas envie de me fâcher. Personne n'avait sa propre mobilité. Pour entrer et sortir de Goma, on dépendait de l'armée française. C'était une question un peu délicate. »
In
terrogé sur d’éven
tuelles livraisons d’armes aux ex
trémis
tes hu
tus, à Goma, pendan
t l’opéra
tion
Turquoise, l’ancien chef d’é
ta
t-major des armées, l’amiral Jacques Lanxade assure qu’il ne «
sait rien » d’un
tel «
sujet qui n’est jamais venu jusqu’à l’état-major des armées », à l’époque,
tou
t en es
timan
t «
pas matériellement impossible » que de
telles livraisons aien
t pu avoir lieu.
«
Il n’y a aucune preuve là-dessus, es
time l’amiral Lanxade.
Il y a peut-être des armes qui sont passées, mais je peux vous dire que les forces armées françaises n’ont rien à voir avec ça. »