Citation
De notre envoyé spécial.
« LA vraie question qui se pose est de savoir comment aller en guerre
contre un ennemi qui a infiltré nos rangs à tous les
niveaux »... Pétition relevée dans une brochure, « Préavis zéro »,
actuellement distribuée gratuitement dans les rues de Kinshasa. Un
texte qui rappelle ceux diffusés avant 1994 au Rwanda par la revue
raciste « Kangura » pour préparer le terrain au génocide d'avril-juin.
L'ennemi désigné est identique: les Tutsi de l'Ouganda, du Rwanda, du
Burundi et leurs complices - les gouvernements de ces trois pays et la
diaspora tutsi au Zaïre qui noyaute tous les niveaux de l'Etat et
cherche à corrompre les officiers zaïrois par l'intermédiaire d'un
« bataillon de filles tutsi angéliques ».
Le texte se présente sous forme d'une mise en garde au maréchal
Mobutu: il est désormais le seul obstacle à l'ambition tutsi de « créer
le royaume des Grands Lacs » dominé par eux. Que le maréchal prenne
garde: « Sa tête est à couper » et on travaille dans l'ombre à sa
« disparition, soit de la scène politique, soit physique ».
Tous les « arguments », naguère développés par Kangura, sont ici repris:
« Descendus d'Abyssinie, les Tutsi ne se sont jamais intégrés aux
peuples des Grands Lacs qu'ils veulent asservir. » Ils sont « rusés et
patients », comme l'a montré une « sociologue de l'Asie du Sud-Est dont
j'ai oublié le nom » (sic). Ils sont également pleins « de duplicité,
d'hypocrisie et surtout d'ingratitude »... Au Zaïre (dont ils
exploitent sans vergogne « l'hospitalité légendaire »), « ils sont
arrivés au sommet de l'Etat », y constituant une sorte de 5e colonne
qui déroule les fils d'intrigues ourdies depuis Kampala, Kigali et
Bujumbura.
« Mon message est simple - conclut l'auteur (anonyme) de la brochure -
qui veut la paix prépare la guerre... »
Le titre choisi est en lui-même un programme, qui évoque les sinistres
« réseaux zéro », naguère mis en place au Rwanda, à l'initiative,
notamment, d'Agathe Habyarimana, l'épouse de l'ancien dictateur. De
véritables escadrons de la mort qui, au début des années
quatre-vingt-dix, multiplièrent massacres locaux de familles tutsi et
assassinats d'opposants hutu.
J. C.