Fiche du document numéro 2298

Num
2298
Date
Samedi 9 avril 1994
Amj
Taille
114951
Titre
Interrogations après la mort de François de Grossouvre
Sous titre
Le parquet de Paris confirme le suicide de l'ancien conseiller personnel du président de la République. Plusieurs commentateurs font état de la dégradation progressive des relations entre les deux hommes.
Cote
no 15443
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LA mort de François de Grossouvre, ami personnel du président de la
République et ancien conseiller à l'Elysée (voir notre édition du 8
avril), a suscité de nombreuses réactions. Selon les premiers éléments
de l'enquête, il s'est suicidé d'une balle de revolver dans la tête,
jeudi, vers 19 heures, dans son bureau situé au premier étage de
l'aile ouest de l'Elysée. Inquiets de ne pas le voir, son chauffeur et
son garde du corps, un gendarme du GIGN, auraient découvert son corps,
un Magnum 357 à la main, peu avant 20 heures. Le médecin militaire de
permanence a immédiatement constaté le décès. La police judiciaire,
qui s'est rendue sur place, a indiqué n'avoir découvert aucun document
pouvant expliquer ce geste.

Vendredi matin, le parquet de Paris a déclaré que « les éléments
actuels ne font pas mettre en doute l'hypothèse d'un suicide »,
ajoutant qu'il n'y avait « pas de mystère sur l'origine de l'arme »,
cette dernière appartenant à M. de Grossouvre. Pour elle, l'ouverture
de toute enquête judiciaire semblait exclue. Durant la matinée, deux
médecins légistes ont, cependant, autopsié son corps. Parallèlement,
la police judiciaire a démarré l'audition des personnes l'ayant
approché dans la journée de jeudi. Il semble qu'il s'était rendu dans
l'après-midi à son bureau pour un rendez-vous prévu à 17 h
30. Ordinairement, François de Grossouvre travaillait dans un autre
bureau, situé quai Branly, dans une annexe de la présidence. C'est là
qu'il recevait d'ailleurs ses nombreux visiteurs.

L'Association professionnelle des magistrats - une organisation liée à
la droite - a réclamé, pour sa part, « l'ouverture d'une information
pour recherches des causes de la mort ». Dans son communiqué, elle
demande que « toute la lumière soit faite sur une affaire qui, en tout
état de cause, ne saurait être banalisée et afin que l'on ne puisse
ultérieurement jeter le doute sur les circonstances de cette mort ».
Immédiatement informé, François Mitterrand a annulé, jeudi soir,
l'interview qu'il devait donner en direct dans l'émission « Tous
contre le SIDA ». Le chef de I'Etat n'a fait aucun commentaire. Robert
Mélinette, l'armurier de François de Grossouvre depuis 35 ans, a
indiqué vendredi à l'AFP que « son ami » lui était apparu « fatigué et
inquiet » il y a une semaine, lors de leur dernière entrevue. Au
moment de partir, a-t-il ajouté, il m'a embrassé, ce qui n'était pas
son habitude. Il m'a dit « au revoir mon petit », et j'ai eu
l'impression qu'il me disait adieu ».

Arrivé en 1981 à l'Elysée, en même temps que le chef de l'Etat,
François de Grossouvre est alors désigné comme « conseiller du
président de la République ». Il conservera ce titre jusqu'en
1985. Chargé de missions confidentielles, il se rend fréquemment à
l'étranger, particulièrement en Afrique, au Proche et Moyen-Orient. Il
y aurait notamment facilité la conclusion de nombreux contrats de
vente d'armes. Ses relations l'avaient également conduit à nouer des
liens étroits avec les Gemayel au Liban, avec la famille du président
syrien Hafez el-Assad, ou encore avec le roi du Maroc. On parle aussi
de rencontres avec le colonel Kadhafi. Il avait, par ailleurs,
personnellement en charge les dossiers des services spéciaux, des
affaires diplomatiques réputées délicates et de la sécurité de
l'Elysée.

Ce conseiller particulièrement écouté, qui continuait de diriger les
chasses présidentielles, avait récemment annoncé son intention
d'écrire ses Mémoires. Il aurait d'ailleurs brutalement tout stoppé il
y a quelques mois. En 1993, il avait à plusieurs reprises été entendu
par le juge Thierry Jean-Pierre, dans le cadre de l'enquête sur les
comptes de Roger-Patrice Pelat, un autre proche du président, impliqué
dans le scandale des « initiés » de Pechiney. Depuis quelques mois, il
aurait fait part à plusieurs amis de ses inquiétudes quant à son
avenir, et de son amertume devant la dégradation de ses rapports avec
François Mitterrand.

(avec AFP).

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