Fiche du document numéro 22946

Num
22946
Date
Mercredi 10 octobre 2018
Amj
Taille
6147016
Titre
Réquisitoire définitif aux fins de non-lieu
Tres
Dans l'instruction judiciaire sur l'attentat contre l'avion du Président Habyarimana, le parquet de Paris a requis un non-lieu en faveur des Rwandais inculpés par le juge Bruguière. Il ne relève pas les indices qui conduisent à établir une complicité française avec les auteurs de l'attentat : présence de militaires français sur les lieux du crash, disparition de la boîte noire de l'avion et des débris de missiles, rôle de l'ex-capitaine Barril, présence de missiles Mistral à Kigali…
Source
Type
Décision judiciaire
Langue
FR
Citation
Mois certifiés
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2

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Jean-Marc HERBAUT
;
Le
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:
Vice-président chargé de l’instruction

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Nathalie

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1° Vice-présidente chargée de l’instruction

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Viice-procureur

MINISTÈREDE LA JUSTICE

RÉQUISITOIRE DEFINITIF
AUX FINS DE NON-LIEU

COUR D'APPEL DE PARIS

PARQUET DU TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCEDEPARIS

DIVISION
SECTION C1
Lutte contre Ie terrorisme
et les atteintes à la sûreté de l'Etat.

- Procédure criminelle-

N° Parquet : P.9729523030

N° Instruction : 2113/00/13
Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de PARIS,
Vu les pièces de l'information suivie contre :
1-

Monsieur KABAREBE James
né le 23 décembre 1959 à NYARUGENGE (RWANDA),
de Anamias RWAGITARE et de Rose NGANZI,

profession : Ministre de la défense
demeurant chez Maître L.L. FORSTER, 49, rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandatd’arrêt délivré le 22 novembre 2006(fin le 6 décembre 2010)
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN

2-

Monsieur NZIZA Jack
né le 29 octobre 1960 à CYAHAFI (OUGANDA),
de Peter KAJEGWAKWA et de NYIRARUSHYA,

profession : officier Général
demeurant chez Maître L.L. FORSTER, 49 rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandatd'arrêt délivré le 22 novembre 2006(fin le 10 décembre 2010)
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN

3-

Madame KANYANGE Rose épouse KABUYE
née le 22 avril 1961 à MUVAMBA (RWANDA),

de RUKOZE Edouard et de KABATESI Cécile,
profession : Directrice générale du protocole d'Etat
demeurant4 allée des Châtaigniers 95800 COURDIMANCHE
PARQUET TG |
14, quai des Orfèvres
75059 -Paris Cédex 01

LIBRE

Placementsous contrôle judiciaire du 19 novembre 2008 au 25 septembre 2009
Mandatd'arrêt délivré le 22 novembre 2006 (fin le 19 novembre 2008)
ayant pour interprète : Monsieur Omer Férit ELABED
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN
Monsieur KANYEMERA Sam Kaka
né le 5 janvier 1960 à RUKARA (RWANDA),
de NKUNDA Zakariya et de NYIRABAYIRA Yozogina,

profession : officier militaire

demeurant chez Maître L.L FORSTER, 49, rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandat d'arrêt délivré le 22 novembre 2006 (fin le 8 décembre 2010)
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN

Monsieur NZIZA Franck
né le 15 octobre 1964 à MBARARA (OUGANDA),
de FURUMBA Thomas et de MUKARUGIRA Vérédiane,

profession : militaire

demeurant chez Maître L.L. FORSTER, 49, rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandat d'arrêt délivré le 22 novembre 2006 (fin le 13 décembre 2010)
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN

Monsieur KAYONGA Charles
né le 10 octobre 1962 à SHUNGEREZI (OUGANDA),
de KAYONGA Servilian et de NYIRASONI Languida,
profession : militaire

demeurant chez Maître L.L. FORSTER, 49, rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandat d'arrêt délivré le 22 novembre 2006 (fin le 9 décembre 2010)
ayant pour avocats : Maître Léon-Lef FORSTER et Maître Bernard MAINGAIN

Monsieur TUMWINE Jacob
né le 12 octobre 1966 à TORO (OUGANDA),
de KAGWA Joseph et de MWITAKUZE Sarah,
profession : homme d'affaires
demeurant chez Maître L.L. FORSTER, 49, rue de Châteaudun 75009 PARIS
LIBRE

Mandat d’arrêt délivré le 22 novembre 2006 (fin le 14 décembre 2010)
ayant pour avocat : Maître Léon-Lef FORSTER
’ersonnes mises en examen du chef de :
e complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste,
e

e

assassinats en relation avec une entreprise terroriste,

association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme
Monsieur NYAMWASA-KAYUMBA Faustin

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

-Mandat d’arrêt —
9-

Monsieur Eric HAKIZIMANA
-Mandat d’arrête

e
e

Assassinats en relation avec une entreprise terroriste,

complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste,
association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 221-3, 421-1-1°, 421-2-1, 421-3, 421-5, 421-6,

422-3, 422-4, 422-5, 422-6, 422-7 du code pénal et les articles 203, 706-16 et suivants du code de

procédure pénale.
Réquisitoire supplétif du 31 octobre 2006 :

e

Assassinats en relation à titre principal ou connexe avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la
terreur,

e

Complicité d'assassinats en relation à titre principal ou connexe avec une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par

l'intimidation ou la terreur,
e

Association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme,

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 421-1-1°, 421-2-1, 421-3, 421-5, 421-6, 422-3,

422-4, 422-5, 422-6, 422-7 du code pénal etles articles 203, 706-16 et suivants du code de procédure
pénale.

Parties civiles:

- Association AFVT
Ayant pour avocat : Maître Emmanuel BIDANDA

- Madame DEMENIEUXBrigitte ép. MINABERRY
- Madame AJENEZA Ange Benilde
Ayant pour avocat Maître Fabrice EPSTEIN
- Monsieur GIRAMAHORO Irénée
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE
- Monsieur HABYARIMANA Jean-Luc

Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG
- Monsieur HABYARIMANALéon Jean Baptiste Aimable

Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG

- Madame HABYARIMANA MUKAMVUYE Marie Merci
Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG
- Madame HABYARIMANA Marie-Rose

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG
- Madame HABYARIMANA NTILIVAMUNDA Jeanne Marie Aimée

Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG
- Monsieur HABYARIMANA RUGWIRO Bernard

Ayant pour avocats : Maître Jean-Yves DUPEUX et Maître Florence BOURG
- Monsieur HAKIZIMANA Janvier
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame HERAUD Françoise
Ayant pour avocat : Maître LAURENT CURT
- Mademoiselle IKUZE UWACU Delphine
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame KANZIGA Agathe ép. HABYARIMANA
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame MINABERRYSylvie
Ayant pour avocat : Maître Hélène CLAMAGIRAND

- Madame MPABWANAYO Sylvana ép. NTARYAMIRA
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame MUJAWAYEZU Marguerite ép. RENZAHO

Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame MUKAKAMANZI Alphonsine
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame MUKAMPUNGA Marie-Gloria
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame MUKANTAGARALéoncie
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame NIRAGIRE Domitille

Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Monsieur NIYIGENA Aimé
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame NSABIMANAAlice
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame NSABIMANA Denise
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Monsieur NSABIMANAFabrice
Ayant pour avocat : Me Philippe MEILHAC

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

- Madame NSABIMANA Josiane
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Monsieur NSABIMANA Maurice
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame NSABIMANA Yvonne
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame PERRINE Annick
Ayant pour avocat : Maître Emmanuel BIDANDA
- Monsieur PERRINE David
Ayant pour avocat : Maître Emmanuel BIDANDA
- Monsieur PERRINE François

Ayant pour avocat : Maître Emmanuel BIDANDA
- Madame RENZAHO Angélique
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame RENZAHO Anita
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame RENZAHO Ariette
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame RENZAHO Christine
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Monsieur RENZAHO Julien
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame RENZAHO Juliette
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Monsieur RENZAHO Justin
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Monsieur RENZAHO René
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Monsieur RUKUNDO NSHUTI Régis
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame UWANYILIGIRA Jeanne
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame UWIBAMBE Marie-Pierre
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC

Parquet du TGI de Paris — Section C1 - Procédure 9729523030

- Madame UWIMANA Athanasie
Ayant pour avocat : Maître Philippe MEILHAC
- Madame UWIMANA Marie-Goretti
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE
- Madame UWIMBABAZI Marie Claire
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

- Madame UWONKUNDAIrene
Ayant pour avocat : Maître Marie-Laure BARRE

Parquet du TG! de Paris — Section C1 -— Procédure 9729523030

Résumé — Présentation de la procédure
, le
Le 6 avril 1994 vers 20 h 30, à son retour d’un sommetorganisé à Dar-es-Salaam (Tanzanie)

Falcon 50 de la présidence de la République du Rwanda était abattu alors qu'il amorçait sa descente
de
à l'approche de l'aéroport international Grégoire KAYIBANDA situé à KANOMBE, en périphérie
Kigali (Rwanda).
Cette action, qui s’inscrivait dans un contexte particulièrement tendu entre le régime du
mort des
président HABYARIMANAetles rebelles du Front Patriotique Rwandais (FPR), entrainait la
12 passagers de l’aéronef:
-

-

-

-

Juvénal HABYARIMANA,chef d’Etat du Rwanda ;

Cyprien NTARYAMIRA,chef d'Etat du Burundi ;
Déogratias NSABIMANA,général et chef d'état-major des Forces armées rwandaises (FAR);

Elie SAGATWA,colonel et chef du cabinet militaire de la présidence rwandaise ;
e
Thaddée BAGARAGAZA, major et responsable de la maison militaire de la présidenc
rwandaise;

Juvénal RENZAHO, conseiller du Président rwandais pour les affaires étrangères ;
Emmanuel AKINGENEYE, médecin personnel du Président rwandais :
Bernard CIZA, ministre burundais du plan ;
Cyriaque SIMBIZI, ministre burundais de la communication ;

Jacky HERAUD, commandantde bord, de nationalité française;
Jean-Pierre MINABERRY, co-pilote, de nationalité française ;
Jean-Marc PERRINE, mécanicien, de nationalité française.

Elle devait également marquer le début du génocide qui toucha le Rwanda entre avril et juillet
1994.
Compte tenu de la présence de victimes françaises, la fille de Jean-Pierre MINABERRY, Sylvie
doyen des
MINABERRY, déposait plainte le 31 août 1997 avec constitution de partie civile devant le
juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris. (D1)
at en
Le 27 mars 1998, une information judiciaire était ouverte contre X du chef d’assassin
Y, information
relation avec une entreprise terroriste sur la personne de Jean-Pierre MINABERR

actes
étendue le 31 octobre 2006 aux infractions d'association de malfaiteurs en vue de préparer des

une entreprise
de terrorisme, d’assassinats et de complicité d’assassinats commis en relation avec

terroriste à l'encontre de l’ensemble des passagers et des membresde l’équipage. (D14, D6872)

Ouverte près de quatre ans après les faits et portant sur des faits commis dans un pays
était
étranger ayant connu un des pires drames du 20*"° siècle, cette information judiciaire
tion
manifesta
la
pas
évidemment amenée à se dérouler dans des conditions atypiques ne facilitant
de la vérité.
s
Les investigations étaient diligentées, sur commission rogatoire des différents magistrat
iste de la
instructeurs, par la Direction nationale anti-terroriste devenue la sous-direction anti-terror
DCPJ.
Au-delà des actes diligentés stricto sensu par le service enquêteur, l'information était par
t une
ailleurs largement irriguée par les travaux de diverses commissions d’enquête, permettan
meilleure compréhension du contexte rwandais et favorisant l’avancée des investigations.

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Ainsi, en mars 1998, une « mission d'information sur les opérations militaires menées au

Rwanda par la France, d'autres pays et l'ONU entre 1990 et 1994 » était créée par l’Assemblée
nationale et le Sénat français. Elle remettait le 15 décembre 1998 un rapport qui était exploité en
procédure et participait à l'orientation desinvestigations.

De même,à la suite de l'assassinat le 7 avril 1994 à Kigali de dix soldats belges affectés à la
Mission des Nations-Unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar) par des membres des Forces
armées rwandaises (FAR) du régime HABYARIMANA,le Sénat de Belgique créait une « commission
d'enquête parlementaire concernant les évènements du Rwanda », qui rendait son rapport le 6
décembre 1997. Parallèlement à cette mission parlementaire, une enquête judiciaire était menée en
Belgique sur ces faits, dont de nombreusespièces étaient versées à la présente instruction. (Rapport
côté en D2314, D7126-D7317)

Enfin, le 16 avril 2007, le Premier ministre rwandais décidait la création d’un « Comité
indépendant d'experts chargé de l'enquête sur le crash du 06 avril 1994 de l’avion FALCON 50
immatriculé 9XRNN », aussi appelé « Commission MUTSINZI » du nom de son président.
Créée quelques mois après l'émission de mandats d’arrêt à l'encontre de plusieurs
responsables rwandais issus du FPR, l’impartialité de cette commission était fortementcritiquée par
les partiesciviles. Il n’était d’ailleurs pas interdit de penser que ce comité avait été initié en réponse
aux développements de la présente information judiciaire, que le rapport qualifiait d’ « enquête
la
biaisée, engagée à l'initiative d'un mercenaire au service de la famille de l'ancien Président de

République du Rwanda, et conduite au mépris de toutes les règles de croisement des sources, de

vérification, d'équité et de crédibilité. » (D7088/6, D7106-D7111, D7366, D7431, D9126)

Néanmoins,le rapport de cette commission, ainsi que de nombreuses auditions réalisées lors
de ses travaux, étaient versés à la procédure à l'initiative de la défense le 07 janvier 2010.
Enfin, plusieurs ouvrages versés au dossier par la défense ou les parties civiles étaient exploités
par le service enquêteur afin d'éclairer les circonstances de commission de cette action.
Tout au long de cette procédure, des investigations exhaustives étaient menées afin d’établir
le plus précisément possible le déroulement des faits et d'explorer les différentes hypothèses
envisageables (Première partie). Elles tendaient à désigner plusieurs membres du FPR comme étant
responsables de cet attentat, entraînant l'émission de mandats d'arrêt à leur encontre le 22
novembre 2006 et leur mise en examen (Deuxièmepartie). Les évolutions de l'information judiciaire
devaient néanmoins affaiblir les éléments réunis à l’encontre de ces personnes(Troisième partie).

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Résumé - Présentation de là PrOCÉQUIE

Plan

ane ne

nets nantes 7

Prologue — Le contexte historique et politique danslequel s'inscrit l'attentat contre l’avion du
amener ee ses se Us SEA NOTES EN
sente
Président HABYARIMANA
PREMIÈREPARTIE : L'établissementdes faits et l’étude de différentes hypothèses

12
19

Section 1 : L'établissementdesfaits à traversl’exploitation des enregistrements de la tour de
19
contrôle et l’audition de nombreux témoins directs de l’attentat
19
L'absence de réelles constatations sur le lieu du crash
I.
L'exploitation des bandes magnétiques de la tour de contrôle de Kigali... 19
canette 20
re seen
Les témoins directs des

Il.
Ill.

Les témoignagesrecueillis lors de la présente information judiciaire …….……….…….….…. 20
Les témoignagesrecueillis par les autorités belges dansles semaines suivant l’attentat

A.
B.

21
22

Les témoignagesissus de la « commission Mutsinzi 2

C.

Section 2 : Les différentes hypothèses exploréespar l’information judiciaire... 25
Les hypothèses imputantla responsabilité de l’attentat à des éléments extérieurs au
|.
RWONdA is dream nina
A.

La thèse du commando Belge

B.

Lathèse de l'implication française
1)

Lalettre de « THACÉE 9

2)

Lerapport de

ts
27

Lun

enr cé

era ts ir accro ere res

La thèse de l’attentat commis par des militaires burundais opposés au Président

C.

Les hypothèsesattribuant l’attentat aux protagonistes du conflit rwandais... 30

Il.
A.

La thèse de l’attentat commis parles extrémistes hutus opposés au Président

B.

La thèse de l’attentat commis par le

32

DEUXIÈME PARTIE : La recherche des auteurset l’émission de mandats d’arrêtà l'encontre de

plusieurs responsables du FPR

nee

ace ee scene 34

Section 1 La difficile recherche d’éléments matériels
|.

Les recherchesrelatives aux missiles utilisés pour abattre l’avion présidentiel …………… 34
A. L'utilisation présuméede lance-missiles SA 16 découverts à Masaka dans les semaines
rer cest 34
ae casa
ss nes
suivantl'attentat

B.

1)

L'identification de lance-missiles susceptibles d’avoir été utilisés pour abattre l’avion
BA

2)

Les investigations relatives à la découverte de ces lance-missiles

35

3)

Les investigations relatives à l’origine des

36

4)

Les incertitudesrelatives à la découverte de ces lance-mISSIlES

37

La difficulté de déterminer quide l’APR ou des FAR disposait de missiles SA 16 ……… 37
38
1) S'agissant de

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

S'agissant de€s FAR

2)

40

L’impossible quête des « boîtes noires »

A

cts

Le message de revendication de l'attentat attribué au
A.

L'identification du message et de son auteur

42

B.

L'hypothèse d’une falsification

43

Section 2 : Le recueil de nombreux témoignages accusant plusieurs responsables du FPR ……… 44
Les témoignages accusant indirectementplusieurs responsables du FPR 44

Christophe HAKIZABERA RE OR ET PEER
nee IS
Jean-Pierre
Sixbert MUSANGAMFURA et Faustin TWAGIRAMUNGU mesrine 46
nn BB
seance
Jean BARAHINYURA
en

Les écrits du colonel

tasses ere ete eee esse 49

Emmanuel HABYARIMANA
L’enquête d’Augustin CYIZA et Noel TWAGIRAMUNGU

50

L’enquête de fonctionnaires de l'ONU etle « rapport Hourigan

52

Les témoins directs de l’attentat et de ses préparatifs

DA

Les membres présumés du « commando Network 2

54

A.

ee reserver ane

enr

DO

res

2)

Emmanuel RUZIGANA

3)

Les déclarations d'Albert MUDENGEconfirmant partiellementle scénario d’Abdul
es nanas ss sas ane nca mena are sens es

RUZIBIZA et Emmanuel RUZIGANA

58

Les membres de la garde rapprochée de Paul KAGAME

B.

57

nes encens

58

1)

Aloys

2)

Innocent MARARA

60

3)

Evariste

61

C. L'examen deces accusations : la possibilité discutée de dissimuler des missiles dansles
locaux du CND et de les acheminerdiscrètement vers la colline de MASAKA es. 62
1) Les témoignages soulignant la possibilité de faire entrer et sortir des missiles du CND62
2) Les témoignages soulignantles difficultés de faire entrer clandestinement des armes
dansles locaux du CND et de les transporter jusqu’à Masak@ …………ssnnnnnnnnnnnnnn 63
Section 3 : L'émission et l'exécution de mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs responsables

65

Rose KANYANGE épouse KABUYE

66

James
TH.

Samuel KANYEMERA dit Sam KAKA

IV.

Charles KAYONGA

V.

Jacob

VI.

Vacle

67
ss cesser 6B
retient een
at 20

encens

VII. Franck

1

10
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

nanas

VIII. Faustin NYAMWASA-KAYUMBA

caca ec caca anne enr scan cree net eee 71

TROISIÈME PARTIE : L’affaiblissement des charges réuniesà l’encontre des personnes mises en
ee nn cas ans Ne te cat 73
examen et les dernières
Section 1 : Les opérations d’expertise menées au Rwanda et l’hypothèse d’un tir émanant de
asser 13
ae ren
raser
rene
KANOMDE

Les opérations

ss

A.

Objectifs et

ses 73

B.

CONCIUSIONS

|.

etre arr re

79

Le complément d’expertise

Il.

PA

A.

Les demandesde contre-expertise

79

B.

Les conclusions du complémentd'expertise

OO

Section 2 : La remise en cause des principaux témoignages à charge

81

Les revirements d’Abdul RUZIBIZA et Emmanuel RUZIGANA

81

|.

Il.

A.

La rétractation totale d’Emmanuel

B.

La rétractation ambiguë d’Abdul RUZIBIZA

C.

L’audition de Pierre PAYEBIEN relative à ces

83

La remise en cause par la défense des témoignages d’Innocent MARARAetEvariste

np»

Section 3 : Le recueil des derniers témoignages et l'exploration d’une ultime piste………………. 84
BA
Le recueil tardif des derniers témoignages accusant le
I.

II.

Théogène RUDASINGWA
raser annees sean aps een Es 84

Jean-Marie MICOMBERO

sance encre res

Emile GARIFITA

85

senc rene esse 86

James MUNYANDIDA

La piste de l’assassinat des gendarmes DIDOT et MAIER

B7

Section 4 : Les investigations relatives au rôle joué par un interprète lié au régime Rwandais et
eee amener 88
areas cena
par Paul
L'intervention de Fabien SINGAYE,interprètelié au régime rwandais ………….….….…..….…….…….…. 88
i.

Il.

sense BD

Le rôle de Paul BARRIL
sen den

DISCUSSION

a

REQUISITIONS AUX FINS DE NON-LIEU

tn Sansa Vans en era rene OL
93

11
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Prologue — Le contexte historique et politique dans lequel s'inscrit l’attentat contre
l’avion du Président HABYARIMANA

RWANDA

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BURUNDI
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Surnomméele « Pays des Mille Collines », la République du Rwanda, est un pays d’Afrique de

l’Est enclavé entre l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et la République démocratique du Congo.

D'une superficie d’environ 26 000 km2,le Rwanda estl'un des plus petits pays d'Afrique.

ll comptait avant les évènements de 1994, 7,6 millions d'habitants, ce qui en faisait l’un des
paysles plus densément peuplés d’Afrique continentale. Sa population était composée à l’époque de
85 à 90% de Hutus, de 8 à 10% de Tutsis et de 0,4 à 1 % de Twas.
Les Rwandais parlent le kinyarwanda et vivent dans les collines qui constituent la localisation
de référence des habitats. Sa capitale, Kigali, se situe à 1400 mètres d'altitude et est elle-même
entourée de collines.
L'Histoire du peuplement au Rwanda est complexe. Les Twa seraient les premiers occupants
du territoire, et auraient été rejoints par un groupe d'agriculteurs hutus, un peuple appelé Bantou
qui aurait défriché une grande partie du pays. Des éleveurs hamites, dénommés Tutsis, seraient
arrivés dès avantle 15ème siècle et auraient occupé une grande partie du pays avec leur bétail. Cette
théorie du peuplementen plusieurs strates de populations repose toutefois sur des hypothèses.
S'il est permis de constater qu’au fur et à mesure que l’Etat gagnait en taille et complexité,
ceux qui détenaient le pouvoir et possédaient la majorité du cheptel étaient dénommés Tutsis et les
gens ordinaires Hutus, la cohabitation multiséculaire de ces populations se traduisit par l’usage d’une
même langue, d’une même culture et des mêmes activités de la terre.

12
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

L'arrivée des premiers Européens à la fin du XIXème siècle contribua à la redéfinition des
équilibres d’une population aux distinctions jusque-là fluides et peu affirmées.
Le Rwanda, dès avantla période coloniale, était une monarchie dirigée par le Mwami, toujours
Tutsi, qui régnait par l'intermédiaire de représentants officiels et de la noblesse tutsie, les Hutus ne
participant à l’administration qu’au niveau intermédiaire et inférieur.

En 1894, le Mwami Yuyi Misinminga plaça son pays sous protectorat allemand, lequel favorisa
une politique s'appuyant sur l'organisation préexistante, à savoir un pouvoir fort et centralisé,
dominé par les Tutsis.
Si les Belges occupèrent le territoire à partir de 1916 dans le cadre de leur campagne contre
l’Allemagne durantle premier conflit mondial, le Rwanda ne devint officiellement un territoire belge
qu'en 1946 sous l'égide des Nations-Unies.
L’administration coloniale belge continua à s'appuyer sur les équilibres existants, en réservant
aux Tutsis les postes administratifs et l’accès à l’enseignement supérieur, ce qui contribua à rigidifier
les distinctions de groupe.
En 1933,fut instauré un registre de la population identifiant tous les Rwandais en fonction de
leur groupe ethnique. Les cartes d’identité mentionnantl’ethnie furent introduites à cette époque.
Dèslors, la distinction entre Hutus, Tutsis et Twas devint intangible et permanente.
Les Tutsis, souhaitant tirer parti de leur position privilégiée, tentèrent de s'affranchir de la
tutelle politique belge et de l'emprise de l'Eglise. Parallèlement, les contestations et exigences
politiques se cristallisèrent davantage sur le terrain ethnique que politique.
Dans les années 1950, apparurent ainsi des partis politiques tels que le Mouvement
Démocratique Républicain Parmehutu (MDR-PARMEHUTU), mouvement des masses hutues, l’Union
Nationale Rwandaise (UNAR), parti des monarchistes tutsis, le Rassemblement Démocratique
Rwandais (RADER), composé des modérés des élites tutsies et hutues, et l’Association pour la
Promotion Sociale des Masses (APROSOMA), essentiellement Hutue.
L'administration coloniale mit fin durant cette période à son soutien exclusif à l'élite tutsie et
encouragea les Hutus à jouer un plus grand rôle dans les affaires publiques, leur ouvrant plus
largementl'accès à l’enseignementet aux postes de cadres. Cette nouvelle posture devait conduire à
l'indépendance du Rwanda, que les autorités belges étaient chargées par les Nations-Unies de
préparer à travers la mise en place d’une administration autochtone et indépendante.
La crainte de la fin des privilèges des uns et l'espoir de pouvoir des autres eurent pour effet
d'exacerber les tensions ethniques, et d’aboutir à la révolution des masses hutues en 1959, laquelle
occasionna de nombreuses victimes tutsieset l’exil de 300 000 d’entre eux vers les pays limitrophes
(Burundi, Ouganda, Tanzanie, Zaïre) et l’Europe. Les troupes belges intervinrent en faveur des Hutus
pour installer une administration militaire et désigner des chefs hutus en remplacement des chefs
tutsis en exil ou tués. Le Mwami Kigeri V quitta le Rwanda et les autorités belges accordèrent
l'autonomie au gouvernement provisoire sous la direction de Grégoire KAYIBANDA, Président du
MDR-PARMEHUTU.

Le ler juillet 1962, l’indépendance était proclamée et Grégoire KAYIBANDA devenait le
Président de la première République du Rwanda.

13
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

dans
La nouvelle idéologie républicaine au pouvoir au début des années 1960 persista
tutsies en
l’exclusivisme ethnique, cette fois au détriment des Tutsis. Entre 1959 et 1967, les élites
s
incursion
plusieurs
exil organisèrent plusieurs tentatives de reprise du pouvoir et déclenchèrent

» ! et
armées sur le territoire rwandais. Ces combattants, qui se nommaient eux-mêmes « /nkotanyi

de ces
qui étaient appelés « Inyenzi »* par les autres Rwandais, furent repoussés, mais chacune
vagues
attaques entraîna des représailles sur les populations tutsies de l'intérieur et de nouvelles
de
d’exil. En 1963, ces attaques fournirent le prétexte au massacre de plusieurs dizaines de milliers
Tutsis, dont la majorité des leaders restés au pays.
période
Les deux partis tutsis, l'UNAR et le RADER, furent éradiqués et le Rwanda, après une
pouvoir
le
nt
ncentra
courte de multipartisme, devint un Etat au parti unique, le MDR-PARMEHUTUco

parti à proposer
et favorisant un autoritarisme croissant. En 1965, le MDR-PARMEHUTU fut le seul

des candidats aux élections législative et présidentielle, devenantalorsle « Parti national ».

Toutefois, des dissensions apparurent très rapidement au sein du pouvoir huty,instillant une
A, et
fracture régionale entre les Hutus originaires du centre du pays comme le Président KAYIBAND
ceux originaires du Nord.
Juvénal
C’est dans ce contexte que le ministre de la Défense nationale, le Général-Major

5
HABYARIMANA, Hutu originaire du Nord du pays, renversa le régime de Grégoire KAYIBANDA le
e.
juillet 1973 et proclama l’instauration de la deuxième Républiqu
Très rapidement, la deuxième République aboutit à la mise en place d'un régime de parti
le
unique, dominé par la formation politique créée le O5 juillet 1975 par Juvénal HABYARIMANA,
Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND).
Peu à peu, l’usure du pouvoir, les désillusions et les contestations nées des difficultés

économiques entraînèrent le régime de Juvénal HABYARIMANAvers une pente de plus en plus antiet
tutsie, mais également de plus en plus régionaliste, les Hutus des préfectures de Gisenyi
Ruhengeri, régions dontétait originaire le Président, étant alors favorisés.
À la hiérarchisation forte de la société rwandaise, qui permettait au pouvoir central d'exercer
un contrôle important sur la population, s’ajouta l’appui d’un cercle restreint de partisans, appelé
« Akazu» ou «petite maison», constitué de personnalités de sa région d'origine et plus
particulièrement de proches de l’épouse du Président. La base sociale du régime se restreignit alors
très rapidement pour se concentrer sur le clan présidentiel.

La question des tutsis réfugiés notamment en Ouganda, demeura un sujet délicat durant cette
période. Ces derniers s’organisèrent dans le but de revenir au Rwanda, créant en juin 1979 en
n
Ouganda la « Rwandese Refuge Welfare Fund » (RRWF) qui devint en 1980 la « Rwandese Associatio
e
Patriotiqu
for National Unity » (RANU) puis, lors de son 7éme congrès en décembre 1987, le Front
Rwandais (FPR).
En 1986, le gouvernementrwandais considéra le pays trop petit pour permettre le retour des
créée
quelques 600 000 exilés, même si une commission chargée d’étudier cette problématique fut

s du Front
1 Signifie littéralement « combattre ensemble » en langue kinyarwanda. Nom donné aux combattant
Patriotique Rwandais.
désignant
2 Signifie littéralement « cafards » ou « cancrelats » en langue kinyarwanda. Expression péjorative
pour le
attaques
aux
on
participati
leur
à
référence
en
les combattants tutsis et membres du FPR,
général.
en
Tutsis
aux
rétablissement de la monarchie des années 1960. Extension
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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

en 1988 et qu’un accord fut conclu entre le Rwanda et l'Ouganda sur le recensement des candidats

au retour en septembre 1990.

Préférantl’action militaire à la poursuite des négociations, le FPR et sa branche armée, l’Armée

du
patriotique rwandaise (APR), composée de 7000 combattants à l'époque, attaqua le Nord-Est
Rwanda à partir de l'Ouganda le 1er octobre 1990.
Grâce à l’appui des forces étrangères, notamment zaïroises, et de la France qui déclenchait le
04 octobre 1990 l’opération Noroit, les Forces Armées rwandaises (FAR) du Président HABYARIMANA
repoussèrentles forces du FPR avantla fin du mois d’octobre 1990.
Cette attaque suscita en retour des vagues d'arrestations massives d’opposants, notamment
Tutsis, qui aggravèrent les tensions internes et dégradèrent l'image du Rwanda à l’extérieur. Le
Président HABYARIMANA exploita cet épisode, espérant ainsi rallier les dissidents et raviver la
solidarité hutue. Les Tutsis de l’intérieur furent qualifiés de collaborateurs du FPR, de « nostalgiques
du pouvoir », désignés sousle vocable d' « Ibyitso ns.
Parallèlement, les contestations internes et les pressions internationales accélérèrent le
processus vers le multipartisme qui s'imposa au Président Juvénal HABYARIMANA.
Le 10 juin 1991, la nouvelle Constitution instaurant le multipartisme fut adoptée et la loi sur
les partis politiques promulguéele 18 juin 1991.
Plusieurs partis furent créés à côté du MRND présidentiel : le Mouvement Démocratique
Républicain (MDR) se prévalant de liens historiques avec le MDR-PARMEHUTU, le Parti Social
Démocrate (PSD),le Parti Libéral (PL) et le Parti Démocrate Chrétien (PDC).

Le MRND se reconstruisit aux côtés d’un nouveau parti, la Coalition pour la défense de la
République (CDR), parti extrémiste pro-hutu rassemblant les éléments nordistes les plus radicaux. Le
Parti Libéral, souvent assimilé par ses rivaux au parti des Tutsis, fut quant à lui accusé d’être
étroitementlié au FPR.
La fragmentation politique et l’exacerbation des rivalités s’exprimèrent bien souvent, en
l’absence de processus électoral, par des actions violentes, la prise de contrôle des administrations
locales ou le renforcement des mouvements de jeunesse des partis. Dans leur stratégie de conquête
du pouvoir, les différents partis développèrent en effet des mouvements de jeunesse dont la
fonction initiale était de sensibiliser une population démographiquementtrès jeune et d'assurer la
logistique des manifestations politiques.

Les mouvements de jeunesse les plus importants et les plus actifs à cette époque furent les
Interahamwe“, mouvement de jeunesse du MRND,etles Impuzamugambf, mouvement de jeunesse
de la CDR, au sein desquels les réservistes de l’armée prirent une place substantielle. Les partis
d'opposition ne furent pas en reste, créant eux aussi des mouvements de jeunesse, comme les
Inkuba du MDR et Abakombozi du PSD. Les rivalités entre ces différents mouvements s'exacerbèrent
progressivementet aboutirent parfois à de violents affrontements.
NA
3 Le 5 février 1988, lors d'un discours prononcé à SEMUTO (Ouganda), le Président Juvénal HABYARIMA
des
annonçait la création d'un comité ministériel conjoint rwando-ougandais chargé du règlement du problème
réfugiés.
FPR.
4 Signifie littéralement « complices ». Utilisé pour parler des « infiltrés », des complices intérieurs du
».
ensemble
tiennent
se
Qui
«
Signifie
1992.
en
créé
MRND
5 Mouvement de jeunesse du
6 Mouvementde jeunesse de la CDR. Signifie « Ceux qui ont le même but ».
15
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Aussi, malgré la tentative du Président Juvénal HABYARIMANA de former rapidement un
gouvernement essentiellement composé de membres du MRND,il fut amené à conclure en 1992 un
accord avec les partis d’opposition en vue de la formation d’un gouvernement de coalition.

L'arrivée au pouvoir des différents partis politiques contraignit le Président à engager des
négociations avec le FPR. À plusieurs reprises, des accords de cessez-le-feu furent signés et des

négociations préliminaires eurent lieu à Paris et Bruxelles entre le MDR,le PSD et le PL d’une part, et

le FPR d'autre part.
Mais, le 5 juin 1992, jour de la signature d’un cessez-le-feu entre les membres de la coalition
gouvernementale et le FPR, ce dernier attaqua une nouvelle fois le Nord-Est du Rwanda, prenant une
partie du territoire et occasionnant le déplacement de 350 000 civils. Un accord de cessez-le-feu fut
signé le 31 juillet 1992 et un protocole de paix conclu en août 1992.
Peu de tempsaprès, le gouvernement annonça toutefois qu’il n’adhérait plus à cet accord, et
les violences envers les Tutsis redoublèrent, provoquant en février 1993 une nouvelle attaque
violente du FPR. Ces affrontements provoquèrent de nouveaux déplacements de populations qui se
massèrent dans des conditions misérables dans des campsde réfugiés situés au Nord de la capitale.
Sous la pression internationale, le FPR se replia sur ses positions précédentes après un accord
de cessez-le-feu en mars 1993 et les négociations reprirent. Elles aboutirent à la signature des
accords d’Arusha en août 1993.
Ces accords prévoyaient notamment:
- la mise en place, sous la protection des Nations-Unies et pour le 10 septembre 1993, d'un
gouvernement de transition à base élargie, dans lequel le MRND présidentiel ne conserverait
que 5 postes sur 21, et ce pour une période maximale de 22 mois à l’issue de laquelle
devaient se tenir des élections nationales ;

- la mise en place d'une assemblée nationale de transition d'environ 70 membres issus des
partis politiques agréés et du FPR, 11 sièges revenant au MRND ;
- le retour des réfugiés ;

- la constitution d'une armée nationale réduite à 19 000 hommes, à raison de 60% issus des
FAR et 40% de l’APR pour la troupe, mais avec une égale répartition pour ce qui est des
officiers, le poste de chef d'état-major des armées devantêtre attribué aux FAR et celui de la
gendarmerie à l'APR.
Mettantfin à la mainmise des officiers nordistes sur l'état-major et le haut commandement,le
texte fut dénoncé par ces derniers comme une trahison nationale.
Souscrits sous la pression de la communauté internationale, ils furent d’ailleurs considérés
comme fondamentalement déséquilibrés par la mouvance présidentielle et peu appréciés des partis
d'opposition qui y virent la perte de postes ministériels.
Afin de veiller à la mise en œuvre des accords d’Arusha, le Conseil de sécurité des NationsUnies décida le 5 octobre 1993 la mise en place d’une Mission des Nations Unies pour l’Assistance au
Rwanda (Minuar) composée de plus de 2500 soldats. En décembre 1993, 1300 Casques bleus furent
ainsi déployés dans Kigali, entraînant le départ de la mission française NOROIT, présente dansle pays
depuis octobre 1990.

16
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Le 23 octobre 1993, le Président du Burundi, Melchior NDADAYE, Hutu désigné à l'issue

d'élections libres et impartiales le 1“ juin 1993, était assassiné au cours d’une tentative de coup
d'Etat par les militaires tutsis du Burundi. Cet assassinat bouleversa radicalement le climat politique,
provoquant le massacre de dizaines de milliers de Burundais, Hutus et Tutsis.

Les Hutus rwandais y virent l’absolue nécessité de se rassembler au-delà des considérations
partisanes et appelèrent en quelques jours à la coalition des Hutus du MDR, du PL, du PSD, du MRND
et de la CDR, autour du mouvement« Hutu Power »'. Les mouvementsde jeunesse de ces différents
partis se regroupèrent dans des actions conjointes pour prendre le contrôle des communes et des
quartiers.

Ouvertement assumé par les dirigeants du « Hutu Power », qui s’appuyaient notammentsur la
Radio-Télévision Libre des Milles collines“ (RTLM), station privée diffusant des messages d'opposition
aux accords de paix et attisant la haine à l’encontre des Tutsis, le clivage ethnique redevint à cette
période le déterminantde la vie politique et sociale.
En janvier 1994, un rapport intitulé « Organisation d’un programme d’auto-défense civile » fut
publié, préconisantla collaboration étroite entre le commandement militaire, la gendarmerie et les
partis politiques, contre les combattants mais aussi les membres « déguisés du FPR » et leurs
« acolytes ». Fin mars 1994, une communication officielle annonça une réunion début avril aux fins
de « planifier la défense de Kigali et voir commentidentifier et neutraliser les infiltrés dans les
différentes parties de la ville ».

Dans ces conditions, l’entrée en fonction du nouveau gouvernementde transition, prévue en
janvier 1994, fut repoussée au début du mois d'avril 1994, tandis que les assassinats et les émeutes
se multiplièrent. Faisant suite à l'assassinat de dirigeants de la CDR et du PSD en février 1994, les
Interahamwe et milices du CDR massacrèrent à Kigali de nombreux Tutsis et Hutus opposés au
Présidentà titre de représailles.
Parallèlement, et conformément aux accords d’Arusha, le FPR installa le 28 décembre 1993
dans les locaux du Centre National de Développement (CND) de Kigali un bataillon de 600 hommes
ayant pour mission d'assurer la protection des officiels de l’organisation devantparticiper à la mise
en place desinstitutions de transition.
Alors que le gouvernement de transition n’était toujours pas en place, et que la tension
politique était palpable, le Président Juvénal HABYARIMANA se rendit le 6 avril 1994 à une réunion
organisée à Dar-es-Salaam°, dont l’objectif était, selon le communiqué final de ce sommet «de
trouver des moyens d'aider le Burundi et le Rwanda à résoudre les problèmes politiques et les
problèmes de sécurité qui se posent dans ces pays ». (D6052)

7 Mouvement rassemblant les membres hutus extrémistes des différents partis, appelant au pouvoir exclusif
des Hutus, fondé en 1993. Slogan scandé par les mouvements de jeunesse des branches extrémistes des partis.
8 Radio-Télévision Libre des Mille Collines. Créée et financée par des membresde l'Akazu et d'autres proches
du président Juvénal HABYARIMANA,cette radio privée commença à émettre à compter du 8 juillet 1993, et
acquit rapidement une large audience, grâceà l'apparente liberté de ton de ses présentateurs. Créée à cette
fin, la RTLM devint très rapidement un important vecteur de propagation de la haine ethnique, et constitua dès
avril 1994 la voix du génocide. Elle cessa définitivement d'émettre le 31 juillet 1994.
9 Etaient présents le président Tanzanien Ali Hassan MWINYI, du président du Burundi Cyprien NTARYAMIRA,
du président Ougandais Yoweri Kaguta MUSEVENI, du vice-président du Kenya Georges SAITOTI et du
secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine Salim Ahmed SALIM. Etaient en revanche absents de ce
sommetle président du Zaïre Sese Seko MOBUTU,le président de Zambie Frédérik CHILUBAetle président du
Kénya Arap MOI.

17
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Le soir-même aux environs de 20 h 30, l’avion ramenantle Président Juvénal HABYARIMANA,

le Président du Burundi Cyprien NTARYAMIRAet plusieurs personnalités, dont le chef d'état-major
des FAR,était abattu au moment de son atterrissage à Kigali.

Cet acte marqua le début des massacres et du génocide contre la population tutsie.
Très rapidement, des unités militaires fidélisées dépendant de la présidence, telles que la

Garde présidentielle, la police militaire et les bataillons para-commandos s’engagèrent dans des
actions de vengeanceciblant les adversaires politiques du clan présidentiel.
Le Premier ministre du gouvernement de coalition, Agathe UWILINGIYIMANA, et son mari

étaient assassinés le 7 avril 1994, ainsi que plusieurs ministres de la coalition et le Président de la
Cour suprême.
Les premiers massacres se déroulèrent dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, d’abord dans la

capitale et dans les communes du Nord du pays.

Ils furent particulièrement intenses jusqu’à la fin du mois d'avril, pour reprendre dans la
seconde moitié du mois de mai face aux percées militaires du FPR, et ce jusqu’au juillet 1994, date
de l’entrée du FPR dans Kigali.
La chute de Gisenyi, le dernier bastion des forces gouvernementales au Rwanda le 17 juillet

1994, marquait la défaite définitive du gouvernementintérimaire etla victoire du FPR.

Le nombre total de victimes entre le 6 avril et le 18 juillet 1994 est évalué selon les sources
entre 500 000 et un million de personnes, essentiellement tutsie.

10 Ancien ministre de l'éducation, Premier ministre de juillet 1993 jusqu'à sa mort, le 7 avril 1994. Hutue
modérée, elle est considérée comme l'une des premièresvictimes du génocide.
18
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

| PREMIÈRE

PARTIE :

L'établissement des faits et l’étude de différentes

hypothèses

Section : L'établissement des faits à travers l'exploitation des enregistrements de

la tour de contrôle et l’audition de nombreux témoins directs de l'attentat

Dans le contexte de grande confusion régnant au Rwanda après l'attentat contre le Falcon
présidentiel, aucune investigation n’était immédiatement diligentée sur le lieu des faits.
L’établissement précis des faits ne pouvait donc se faire qu’à partir de l'exploitation des bandes
magnétiques de la tour de contrôle de Kigali et des témoignages directs desfaits.
|.

L'absence de réelles constatations sur le lieu du crash

Immédiatement après l'attentat contre l’avion du Président HABYARIMANA, les armées
étrangères étaient largement tenues à l’écart de la zone du crash. Roméo DALLAIRE, chef de la
Minuar expliquait notammentque ses troupes n'avaient pu accéder au site qu’au mois de mai 1994
soit plusieurs semaines aprèsl'attentat. (D4323-D4329)
Dans ces conditions, cette attaque ayant ouvert pour le Rwanda une période de chaos et de
violence, aucune opération de constatation et d'expertise n’était correctement menée sur les lieux
de l'attentat.
En l’absence de travail d’enquête sur les lieux du drame, l’armée belge analysait les seuls

élémentsdisponibles (photos, enregistrementsvidéos, procès-verbaux d’audition de témoin) dans un
rapport d'enquête établi par l’état-major de la Force aérienne belge en date du 1°" aout 1994. Cette
première analyse ne permettait pas d'établir les causes du sinistre ou d’identifier les missiles ayant
servi à abattre l'avion présidentiel.
En revanche, elle permettait d’apprendre que les débris de l’avion s'étaient éparpillés sur une
surface d'environ 150 m comprenant une bananeraie et la résidence du Président Juvenal
HABYARIMANA. De même,elle permettait d’estimer que l’angle de descente était relativementfaible
compte tenu de la faible profondeur du cratère. Enfin, cette enquête considérait et que l’avion devait
avoir de l’inclinaison à gauche, l'aile gauche et le plan horizontal gauche étant très endommagés,
contrairementà l’aile droite et au plan horizontal droit qui apparaissaient entiers. (D2972, D2991
planche photographique)
Il.

L’exploitation des bandes magnétiques de la tour de contrôle de Kigali

Trois bandes magnétiques provenant de la tour de contrôle de l'aéroport de Kigali étaient
remises le 18 avril 2001 aux enquêteurs par l’ex-capitaine Paul BARRIL, lequel précisait les avoir
obtenuespar le Président du Zaïre, Joseph-Désirée MOBUTU. (D2244, D8322/11)
Leur exploitation permettait de reconstituer, pour la période du O5 avril 1994 à 23 h 08 au 06
avril 1994 à 20 h 42, les échanges radio entre le contrôle aérien de l'aéroport de Kigali et les aéronefs
partant ou arrivant à Kigali, ainsi que les communications téléphoniques émises ou reçues à la tour
de contrôle dansla journée du 06 avril 1994.

19
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

e avait
Il était ainsi déterminé que le O6 avril 1994, le Falcon 50 de la présidence rwandais
Dar-esde
on
décollé à 06 h 07 de l'aéroport de Kigali avec à son bord 11 personnes à destinati
avait été
Salaam. Alors qu’il devait initialement revenir vers 17 h à Kigali, l'heure du retour
nts à la
participa
plusieurs
ent
progressivement reportée durant l’après-midi, ce que confirmai
que les
et
retard
conférence de Dar-Es-Salaam, qui soulignaient que le sommetavait commencé en

D905, D700, D912,
discussions s'étaient étirées sans réelle justification. (D595, D1917, D2025, D697,

D5089)

iel, parti
A 19 h 11, la tour de contrôle de Dar-es-Salaam annonçait que le Falcon président
t
annonçai
pilote
le
21,
h
depuis 5 minutes, était attendu aux environs de 20 h 26 à Kigali. De fait, à 20
se
de l’avion ne
son approche à la tour de contrôle de Kigali, avant que le signal de détresse
avec l’aéronef
attache
prendre
de
succès,
déclenche à 20h25. La tour de contrôle tentait alors, sans
présidentiel à 9 reprises. (D6030, D6367, D6369, D6554 exploitation SDAT)
Les témoins directs des faits

Il.

L’information judiciaire s’attachait à rassembler le maximum de témoignagesdirects desfaits.
enquêteur
Dans cette perspective, quelques auditions étaient directement recueillies par le service
et du
saisi par les magistrats instructeurs. Néanmoins, compte tenu de l’éloignementdu lieu desfaits
e étaient
caractère tardif de l’ouverture d’enquête, la plupart des témoignages versés en procédur
que de
ainsi
Belges,
militaires
issus de la procédure instruite en Belgique relative à l'assassinat de 10
la « Commission MUTSINZI ».

A. Les témoignages recueillis lors de la présente information judiciaire
octobre
Jean-Luc HABYARIMANA,fils du Président rwandais assassiné, était entendu le 08

il avait constaté un
1998. Séjournant dans la résidence présidentielle de Kanombe le 6 avril 1994,

suivi d’une
trait lumineux « un peu en biais », lors de l’approche du Falcon 50, immédiatement
réacteurs s'était
violente déflagration. L'avion s'était alors incliné sur la gauche et le bruit des
enflammé
s'était
qui
l’avion
de
approché
amplifié. Rapidement, un second trait lumineux s'était
résidence.
la
de
avant d’exploser. Des débris de l’avion étaient alors tombés dans l’enceinte même
(D6, D45)

chef de
Egalement présente dans la résidence familiale, Jeanne HABYARIMANA, la sœur du
avait également
l’État rwandais, était auditionnée le 24 août 1998 et le 28 septembre 2000. Elle
des réacteurs
bruit
le
entendu une première explosion à l’arrivée du Falcon 50,à la suite de laquelle
Une seconde
de l’avion s'était amplifié, comme si le pilote avait voulu précipiter son atterrissage.
des débris
constaté
avait
elle
et
e
intervenu
détonation, plus forte que la précédente était ensuite
enflammésde l’avion descendre du ciel dans la cour de la résidence. (D6, D41, D893)
e 2000. Elle
Agathe HABYARIMANA,veuve du Président défunt, était entendue le 12 septembr

détonations
expliquait avoir été présente le 6 avril 1994 à la résidence familiale et avoir entendu trois
avant de voir des débris de l’avion tomber dans la cour. (D6, D599)
ion
Le commandant Grégoire DE SAINT-QUENTIN, affecté à la mission militaire de coopérat
e 2011.
française au Rwanda au momentdesfaits, était entendu le 08 juin 2000 puis le 07 décembr

e de Juvénal
Le 6 avril 1994, il était à son domicile situé à environ 500 mètres de la résidenc
simultanés,
non
mais
és,
rapproch
très
bruits
HABYARIMANA,lorsqu'’il avait entendu vers 20h30 deux
te et
importan
plus
n
qu’il assimilait à des départs de roquettes.Il entendait rapidement une explosio
20
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

constatait une boule de feu, qu’il situait lors de sa première audition dans le ciel à l’Est avant
d'évoquer dans un second temps un halo de feu provenant du sol.

Quelques secondes après l’explosion, des tirs d'armes automatiques s'étaient fait entendre
durant 30 secondes ou une minute.
Après avoir compris que l’avion du président HABYARIMANA avaît été abattu, il s'était rendu
sur le lieu du crash où il avait été autorisé à entrer pour y récupérer les corps des victimes françaises.
Il constatait que les débris de l’avion étaient éparpillés à l’intérieur et à l'extérieur du bâtiment et
que les corps desvictimes étaient disloqués. Il était retourné sur le lieu du crash le 7 avril au matin.
(D137, D353, D7998, D7999, D8000)

B.

Les témoignagesrecueillis par les autorités belges dans les semaines suivant l’attentat

Mathieu GERLACHE, caporal belge affecté à la Minuar, avait assisté à l'attentat depuis le
sommet de l’ancienne tour de contrôle de l’aéroport international où il assurait la permanenceradio
de sa compagnie.
Aux alentours de 20h30, il relatait avoir constaté que l’éclairage de la piste d'atterrissage
s'était illuminé. Comprenant qu’un atterrissage était imminent, il était sorti s'appuyer contre une
rambarde et avait effectivement constaté, 5 à 10 minutes plustard, l’arrivée d’un avion sans pouvoir
l’identifier. Soudain, il avait aperçu un point lumineux partir du sol depuis la droite de l'avion, soit
depuis le camp des FAR de Kanombe. Il considérait qu’un impact était intervenu entre ce point
[lumineux et l’avion car, au moment de la collision, les feux de signalisation de l’avion s'étaient

éteints. Une dizaine de secondes plus tard, un deuxième point lumineux, pouvantêtre parti du même
endroit que le précédent, s’était dirigé vers l’avion qui avait alors explosé. (D2575, D2709, D3976,
planche photographique en D7921)
Pascal VOITURON, militaire belge affecté à la Minuar, indiquait le 30 mai 1994 avoir constaté
deux « points rouges » se diriger vers l’avion, en provenance d’un lieu qu’il estimait situé à une
distance d’environ 5km. Il précisait que seul le deuxième projectile avait atteint son but et fait
exploser l’avion.

A la suite de l’explosion, il avait vu des tirs de mitrailleuse qu'il qualifiait de « désordonnés »
provenant du camp de Kanombe. (D4967, D5213)
Présent à son domicile situé dans le camp de KANOMBE le soir des faits, Massimo PASUCH
était entendu par l’auditorat militaire belge le 09 mai 1994, puis par les autorités belges dans le cadre
d’une CRI le 20 novembre 2000.
Il expliquait avoir entendu un bruit de souffle accompagné d'un éclairage filant « orangé »suivi
de deux détonations. Il était alors sorti de chez lui et avait constaté qu’une boule de feu s'écrasait sur
la résidence présidentielle. Le tir lui semblait provenir d’une zone comprenant la rivière Nyabarongo,
direction Masaka, sans qu’il puisse apprécier la distance par rapport à sa maison. [| reportait sur un
plan ce qu’il estimait être la zone probable de tir. (D2577-D2579, D2948-D2950, D7983)
Médecin militaire belge, Daniel DAUBRESSEétait au domicile de M. PASUCH le 06 avril 1994.
Lors de ses deux dépositions des 13 avril 1994 et 26 octobre 2011,il expliquait avoir entendu un bruit
évoquant le départ d’un missile léger et avoir vu une ou deux trainées lumineuses. Il était alors sorti
de la maison et avait entendu le moteur d’un avion à réaction s'arrêter après une explosion de faible

avait
intensité. Une à deux secondes plus tard, le ciel s'était violemment éclairé au Nord-Est et il
21
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

compris que l’avion venait d’être abattu. || estimait que les missiles avaient été tirés à une distance
d'environ 1 km, depuis la direction de la colline de Masaka, c’est-à-dire soit directement depuis cette
colline, soit depuis la zone comprise entre lui-même etla colline. (D2569, D7968)
Egalement présente chez Massimo PASUCH, Denise VAN DEENEN avait entendu 2 voire 3

bruits dans un laps de temps d’environ 10 secondes accompagnés d'une lueur dansle ciel. Dans la
foulée, elle avait constaté un nouveau bruit et une lueur plus puissante, comme une explosion.

(D7988)

Militaire belge présent à proximité de l’ancienne tour de contrôle de l'aéroport lors de
l’attaque, Philippe LEIDING avait entendu deux déflagrations à très courte distance l’une de l’autre et
avait aperçu dansle ciel deux points lumineux de couleur blanc/rouge qui se suivaient. L'avion avait
ensuite explosé. Réentendu le 11 novembre 2011, il ne se souvenait que du bruit de l'explosion.

(D2715, D7991)

Le militaire belge Stéphane MEUNIER avait aperçu depuis Gitarama deux traces rouges qui se
Il
dirigeaient vers des lumières clignotantes dans le ciel, puis une énorme explosion et un flash.
précisait n’avoir pas entendu le bruit de l'explosion. (D2740)
Nicolas MOREAU, militaire belge, déclarait le 03 juin 1994 avoir d’abord vu une flamme de

couleur orange faire une cloche puis redescendre. Au même moment, une seconde flamme,

provenant du même endroit, partait dans le ciel et provoquait une « cascade de flammes ». Lorsque

en
ces flammes arrivaient au sol, il constatait une grosse boule de feu suivi d’une détonation et

déduisait qu’un avion avait été abattu. (D2780)

Jacques GASHOKE indiquait avoir vu depuis la maison communale de Kanombe un point

lumineux rougeâtre frôler la queue de l’avion, rapidement suivi par un deuxième point similaire qui

de la
touchait le flanc de l’avion, entraînant son explosion. Selon lui, les points lumineux venaient

direction de Masaka. (D7156, D7929 photos, D8049/10 modélisation)
C.

Les témoignagesissus de la « commission Mutsinzi »

Ancien caporal des FAR, Tharcisse NSENGIYUMVAétait entendu le 04 juin 2008 à Kigali. Le 06
avril 1994, il se trouvait dans le camp militaire de Kanombe. Alors que l’avion était en phase
d'approche, il déclarait avoir vu une fusée éclairante monter dansle ciel, puis un missile frapper le
moteur et disloquer l’avion, avant qu’un autre missile ne vienne « achever » l’aéronef. Il se disait
capable de faire la différence entre une fusée éclairante et un missile en raison de son affectation

que les
antérieure dans le bataillon de lutte anti-aérienne des FAR. S'agissant du lieu de tir, il estimait

missiles étaient partis d’une porcherie située au pied de la résidence du Président HABYARIMANA.
(D7693, D8145, D7922 positionnement du témoin)

Ancien caporal des FAR, Silas SIBORUREMAétait auditionné le 18 avril 2008. Le 6 avril 1994,

de
alors que le Falcon présidentiel réduisait sa vitesse pour atterrir, il avait constaté, depuis le camp

avait fait
Kanombe où il se trouvait, trois tirs de missile. Le premier avait raté sa cible, le second

nt
basculer l’aéronefet le troisième avait touché l’avion par le côté gauche. Il se montrait relativeme
imprécis pour estimer le lieu de tir mais désignait la vallée de Nyarugunga, située à proximité
immédiate du camp de Kanombe. (D8425, D7691, planche photographique en D7923)
Il devait être souligné que ce témoin était entendu

par le magistrat instructeur le 14

septembre 2010 depuis le lieu d’où il avait observé l’attentat. À cette occasion, il évoquait seulement

deux tirs de missiles séparés de trois secondes, le troisième bruit correspondant selon lui à

22
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

l'explosion de l’avion. || précisait que si le premier tir avait raté l'avion, le second l’avait atteint.
(D7977, D7923)

Entendu le 15/10/2008 puis sur place en présence du magistrat instructeur le 14/09/2010,
Pascal NGIRUMPATSE, ex-caporal des FAR, se trouvait au nord du camp militaire de Kanombelors de
l’attentat. Il avait vu deux tirs d’obus matérialisés par une « traînée de feu » et espacés d'une
seconde environ. Contrairement au premier tir, qui avait manqué sa cible, le second avait atteint
l’aéronef qui était tombé après une forte explosion. |! se montrait très imprécis sur le lieu de tir,
évoquant un tir provenant d’une usine de fabrication de tôle nommé GUTANITE, puis une zone

comprenant la résidence du Président HABYARIMANA. (D8105, D7739, D7970, D7924 planche

photo, D8049/5 modélisation)

Jean-Bosco MUTWARANGABO était entendu le 10 octobre 2008, puis sur place en présence
du magistrat instructeur le 14 septembre 2010. Présent au camp de Kanombele soir de l'attentat, il
évoquait deux tirs de missile, le premier ayant manqué sa cible. (D7694, D7971, D7925 photos,
D8049/6 modélisation)
Théogène NSENGIYUMVAétait entendu le 08 octobre 20008 puis sur place en présence du

magistrat instructeur le 14 septembre 2010. Présent à l'entrée de l’aéroport le soir des faits, il
indiquait initialement avoir entendu 3 coups successifs. Lors de sa seconde audition, il faisait état de

deux coups successifs, précisant avoir vu deux trainées de feu sans constater d'explosion dans le ciel.
(D8146, D7738, D7972, D7927 photos, D8049/8 modélisation)

Anastase NTWARANE était auditionné le 13 novembre 2008 puis sur place en présence du
magistrat instructeur le 14 septembre 2010. Membre de la garde présidentielle, il attendait le
Présidentà l’aéroport le 06 avril 1994.Il indiquait qu’à l’approche de l'avion, 2 boules rouges étaient
montées dansle ciel espacées de 5 secondes et chacune suivie d’un grand bruit. Après la seconde
boule rouge,il expliquait qu’une boule de feu était tombée, correspondant manifestement à l’avion
qui venait d’être abattu. (D8327, D7696, D7973, D7928 photos, D8049/9 modélisation)
Entendu le 21 novembre 2008, Elias NDARAHUTSE, sergent-major du bataillon paracommando,disait avoir vu une première flamme de couleur rouge monter et manquer sa cible, suivie
immédiatement d’une deuxième qui touchait l’avion. (D7740/2)
Samson TURATSINZE était entendu le 13 août 2008 puis sur place en présence du magistrat
instructeur le 14 septembre 2010. Présent au camp de Kanombele soir de l'attentat, il avait vu deux
obus monter vers l’avion, le premier manquait sa cible tandis que le second atteignait l’aéronef qui
prenait feu instantanément. Les deuxtirs provenaient de la même zone maisil lui était difficile de la
déterminer précisément. (D7695, D8430, D7969, D7930 photos, D8049/11 modélisation)
Jean-Marie Vianney GASANA disait avoir entendu à deux reprises un fort bruit d'arme lourde,
précisant qu’il pensait que les missiles étaient partis « non loin de MASAKA ». (D7876/5)

Venuste SENGENDOdéclarait avoir entendu deux tirs, précisant que le premier projectile avait
raté sa cible tandis que le second avait touché l’avion. Il estimait queles tirs provenaient de Masaka.

(D8263/14)

Cyprien SINDANO, opérateur radio en poste à l’aéroport la nuit du 06 au 07 avril 1994,
confirmait qu’un premier missile avait raté sa cible et que l’avion avait finalement été abattu par un
second tir. Selon lui, les tirs étaient partis des « environs de l’aéroport de Kanombeousi ce n’est pas
dans le camp militaire » et avaient touché l’avion par la face avantlatérale. (D8426/32/40)

23
Parquetdu TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Membrede la garde présidentielle présentà l’aéroport, Elizaphan KAMALI disait avoir vu trois
obus se diriger vers l’avion, qui avait été touché par le deuxième et le troisième tir. (D7935, D7737)
Faustin RWAMAKUBA, membre de la garde présidentielle, déclarait quant à lui avoir vu deux
missiles dansle ciel et précisait n’avoir entendu aucun bruit spécifique relatif aux tirs de ces obus.

(D7690, D8257)

Paul NSABIMANA, membre de la garde présidentielle affecté à la sécurité de l'aéroportle soir
du 06 avril 1994, affirmait que le premier tir avait raté sa cible tandis qu’un deuxième missile avait
frappél'aile de l’avion, causant sa chute. Il évoquait également un troisième missile. (D8140)
Innocent TWAGIRAVEZU, autre membre de la garde présidentielle, expliquait qu’une fusée
éclairante était tout d’abord passée devantl’avion présidentiel qui avait alors éteint ses phares avant
de les rallumer et d’être atteint par deux nouveaux missiles. (D8433)
Le caporal Innocent MUTIGANDAfaisait état de 2 tirs d'obus en provenance de la gauche de
l’avion depuis la zone de Masaka, précisant que seul le deuxième tir avait touchéla cible. Il n'avait
pas entendu le bruit des missiles. (D8069/3)

Le sergent-Major Prosper NGENDAHIMANA avait aperçu un premier missile se diriger vers

l’avion sans succès, avant qu’un deuxième missile n’atteigne sa cible. Il estimait que ces deux missiles
provenaient de la direction de Masaka. (D8104/7-17)
Crescent DUSABIMANA, employé de l’aéroport de Kigali, avait vu deux flashs monter vers
l’avion, précisant que les lumières de celui-ci s'étaient éteintes après la seconde lumière. Compte
tenu de la trajectoire des missiles, il estimait « peu probable » qu'ils aient été tirés depuisle site de
Kanombe. (D7875)
Jean-Marie HAGENIMANA, commerçantinstallé en face de la piste d'atterrissage, avait vu un
premier missile exploser dans le ciel, qu’il pensait être une « bombed'éclairage », puis un second qui
venait percuter l’avion. (D7878)
Naason SGWEGWE et Grégoire ZIGIRUMUGABE relataient que deux missiles avaient été tirés
et que seul le second avait atteint sa cible. (D8262, D8436)
Leonard NTIBATEGERA, présent à proximité de la maison présidentielle, évoquait également 2
missiles tirés depuis la colline de Masaka. (D8325)
Jean-Bosco MUGANDA,disait quant à lui avoir aperçu trois obus dont deux avaient atteint
l'avion. (D7954/2)

L’exploitation des éléments rappelés ci-dessus établissaient donc que l’avion du Président
HABYARIMANA avait été abattu à 20h25 alors qu’il s’apprétait à atterrir à l'aéroport de Kigali.

Si les témoignages oculaires s’avéraient parfois contradictoires ou imprécis, il pouvait
néanmoins être retenu quel’aéronef avait été abattu parle tir de deux missiles, le premier ratant sa
cible tandis que le second atteignait le Falcon 50 présidentiel.
En revanche, la zone de tir des missiles ne pouvait être précisément définie sur la base de ces
témoignages. Plusieurs lieux étaient ainsi évoqués, notamment le site de Kanombe ou la colline de

24
Parquet du TGi de Paris - Section C1 — Procédure 9729523030

Masaka.

Cette question devait s'avérer importante dans la mesure où le site de Kanombeétait largement
occupé par les militaires des FAR.

Section 2 : Les différentes hypothèses explorées par l’information judiciaire
Compte tenu de la complexité de la situation politique et sécuritaire régnant au Rwanda en
1994, ainsi que de la multiplication de rumeurs ou de pistes fondées sur des faits plus ou moins
avérés, voire de véritables manipulations, l’enquête devait envisager différentes hypothèses de
travail.
I.

Les hypothèses imputant la responsabilité de l’attentat à des éléments extérieurs au
Rwanda

A. La thèse du commando Belge

Dès le 6 avril 1994 au soir, des rumeurs attribuant l’attentat à des ressortissants belges se
répandaient, relayées par la RTLM qui diffusait depuis plusieurs mois et de manière habituelle des

contenus hostiles aux autorités belges. (D7133, D7137, D2637, D2650, D2741, D7504, D6535/13)

Plusieurs facteurs contribuaient à ce que la Belgique, et plus particulièrement le contingent
belge de ta Minuar, soit rapidement accusée d’être impliquée dansl'attentat commis contre l'avion
présidentiel.
25
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

De manière générale, le professeur Filip REYNTJENSfaisait ainsi état d’un sentiment anti-Belge
très répandu dans une frange de la population rwandaise. Ce sentiment était nourri par le
comportementde l’armée belge lors du conflit de 1990, qui avait refusé d’apporter son soutien au
gouvernement rwandais alors que le FPR venait d’envahir une large partie du territoire. Le professeur
REYNTIENS ajoutait, pour expliquer cette méfiance, que le siège du FPR était implanté à Bruxelles et
que des militaires belges avaient escorté les troupes du FPR lors de leur installation à Kigali fin 1993.

(D6309)

Autant d'éléments qui nourrissaient, pour certains,l’idée que les autorités belges n’étaient pas
neutres dans ce conflit, ce que confirmait Joseph NZIRORERA, ancien secrétaire général du MRND,
lorsqu'il évoquait la « partialité » présumée de la Belgique dans le traitement du conflit et son
orientation favorable au FPR. (D3811, D3865)
Dans ce contexte, la rumeur attribuant l’attentat aux forces belges était accréditée par un
documentayant circulé dès le 7 avril 1994 en Belgique et rapportant, sous la signature d’un certain
« Papias S », que « selon des sources militaires des casques bleus non belges de la Minuar, il est
confirmé que les obus qui ont abattu l’avion présidentiel provenaient du site occupé par les militaires
belges de la Minuar»
L'auteur de ce document, cité dansle rapport de l’enquête parlementaire belge, devait être
identifié comme étant Papias NGABOYAMAHINA, ex-président de la section locale du MRNDBelgique et coordinateur local de la RTLM, qui diffusait donc déjà depuis plusieurs mois des propos
hostiles aux Belges. (D2314 p416, D6997)
En outre, la diffusion d’un message supposémentcapté le 7 avril 1994 à 8h45, dans lequel le
FPR se félicitait de l’attentat commis avec l’aide «de la communauté Belge » renforçait
incontestablementl’hypothèse d’un attentat commis avec le concours de ressortissants belges. (cf.
infra)
Par ailleurs, parmi les «éléments» ayant accrédité l'hypothèse de l’implication de
ressortissants belges, figurait la mission d’escorte effectuée le 6 avril 1994 par une unité de militaires
belges de la Minuar au profit de plusieurs officiels du FPR. À son retour, cette unité s’était rendue à
l’aéroport de Kigali pour se ravitailler en carburant, avant d’être appelée le 7 avril 1994 au matin à
escorter le Premier ministre faire une déclaration radiodiffusée. Les militaires composantcette unité
étaient arrêtés le 7 avril 1994 au matin puis assassinés.
Dans le contexte rwandais, la mission d’escorte réalisée par cette unité, sa présence à
l’aéroport de Kigali en fin de journéele 6 avril 1994 ainsi que son intervention le lendemain au côté
du Premier ministre, soupçonnée de penchant pro-FPR, s'étaient avérés suffisants pour désigner ces
soldats comme les auteurs du tir de missile contre le Président HABYARIMANA.
Néanmoins, si l’identité des membres du FPR escortésle 6 avril 1994 ne pouvait être établie,
l’objet de cette mission et son absence de caractère suspect étaient attestés par l’examen du rapport
parlementaire belge, l’exploitation du journal de campagne du bataillon KIBAT‘*, ainsi que par
l’audition de plusieurs anciens membres de la Minuar, dont Didier LEFEBVRE, seul survivant du
peloton ayant effectué cette mission. (D5192-D5212, D6270-D6273, D6364, D6522, D6564, D7309,
D7281, D7129-D7317)

11 Bataillon belge de la MINUAR
26
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Enfin, dernier indice ayant pu alimenter l’idée d’une responsabilité belge, les investigations
réalisées démontraient qu’un avion C130 belge équipé de contre-mesures électroniques devait
atterrir à l’aéroport de Kigali le 6 avril 1994 quelques minutes après le Falcon présidentiel. La
présence de cet avion, équipé pour déjouer une attaque anti-aérienne, laissait penser que certaines
autorités belges auraient pu être informées d’un risque spécifique d'attaque ce soir-là, suscitant à ce

titre de nombreuses rumeurs.

Cette question faisait donc l’objet de vérifications, notamment dans le cadre de l’enquête

parlementaire belge, desquelles il ressortait que le C130 de l’armée belge était ainsi équipé en raison
de risques d'attaques anti-aériennes en Afrique, et non spécifiquement à Kigali ou au Rwanda.
Aucune menace spécifique, liée notamment à la présence d'armes anti-aériennes à Kigali n’était
d’ailleurs mentionnée par les nombreux documents étudiés. (D3981, D5226-D5231)

En définitive, à l’exception d’un climat très hostile aux autorités belges au moment de

l’attentat, rien ne permettait d’accorder du crédit à l'hypothèse d’un attentat commis par des
ressortissants belges.
B.

La thèse de l'implication française

L'hypothèse de l’implication française dans l'assassinat du Président HABYARIMANAétait
soutenue par deux documents qui donnaient lieu à plusieurs investigations, la lettre d’un certain
« Thadée », et le rapport d’une organisation nommée ISTO.
1)

La lettre de « Thadée »

Dès le 17 juin 1994, le quotidien belge Le Soir publiait sous la plume de Colette BRACKMANN
un article faisant état d’un « témoignage venant de Kigali », accusant deux militaires français d’avoir
commisl’attentat après avoir revêtu des uniformes belges. (D4250-D4255)
L'exploitation de la procédure belge démontrait que cette thèse provenait en réalité d’un
courrier daté du 29 mai 2004 et signé d’un certain « Thadée, chef de milice à Kigali » déposé au
bureau de Colette BRACKMANN. Dans cette correspondance, l’auteur désignait comme auteur de
l’attaque « deux militaires français du DAMI (Détachementd'assistance militaire et d’instruction) au
service de la CDR », dont un répondait au pseudonyme d’Etienne. (D2881-D2884)
Le contenu de ce courrier était néanmoins rapidement apparu peu crédible dans la mesure où
les membres du DAMI avaient quitté le Rwanda au mois de décembre 1993 et n'étaient donc plus
présents à Kigali au jour de l'attentat. (D4277)
En outre, le militaire répondant au pseudonyme d’Etienne était identifié en la personne de
Pascal ESTEVADA. Entendu le 21 mars 2002,il réfutait totalement les accusations portées contre lui
dans la lettre de Thadée, confirmantavoir quitté le Rwanda en décembre 1993 et n'avoir jamais été
formé au maniement des missiles sol-air. (D3959, D5166-D5168, D6044-D6048, D6049-D6051)
Beaucoup plus tard dans l’information judiciaire, le 23 janvier 2015, un individu nommé
François GRANIER était entendu par le magistrat instructeur à la demande des parties civiles. Il
déclarait avoir été destinataire en 1994 d’une note désignant un certain Claude RAY alias « Régis »
comme étant le deuxième militaire français visé dans la lettre de « Thadée ». Il ignorait si la personne
lui ayant remis la note accepterait de témoigner. (D8794)

27
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

L’intéressé fournissait également des documents tendant à attester qu’un certain « Régis »
était effectivementaffecté à l’état-major des FAR au débutde l’année 1994. (D8837)
Interrogé, le ministère de la Défense confirmait que Claude RAY, affecté au 1” régiment de
parachutistes d'infanterie de marine, avait effectué deux missions au Rwanda du 16 mars 1993 au 18
juillet 1993 puis du 07 décembre 1993 au 12 avril 1994. (D8838)
Rien ne venait néanmoins accréditer l’implication de ce dénommé Claude RAY.
2) Le rapport de l'ISTO

Le 03 mars 2003, parvenait au service enquêteur un document dactylographié intitulé
« Résultats de l’enquête sur l'assassinat des Présidents Cyprien NTARYAMIRA du Burundi et Juvénal

HABYARIMANA du Rwanda, le 6 avril 1994 ». (D6654)

Tout au long de cette note, qui semblait provenir d’une organisation se désignant ISTO, était
développée une thèse selon laquelle l'assassinat du Président HABYARIMANA aurait été conçu et
élaboré par deux agents de la DGSE nommés Cyrille LAFORTUNE et Michel BILLET, en concertation
avec le FPR de Paul KAGAME. L'auteur du tir de missile était désigné comme étant Edmond

MEGUIRA, mercenaire français d’origine marocaine. Selon les auteurs de cette note, les autorités

françaises souhaitaient, à travers cet assassinat, provoquer une grave crise interne au Rwanda ayant
pour conséquence d’écarter le Président HABYARIMANA mais également de neutraliser Paul
KAGAME. (D6654)

Cité par ce document pour avoir mandaté une « organisation similaire »à l’ISTO afin de mettre

en relation Paul KAGAME et les autorités françaises, Faustin TWAGIRAMUNGU, Premier ministre

rwandais du 18 juillet 1994 au 31 août 1995, qualifiait ces allégations de « diversion ou roman ».
(D6655)
Selon les services spécialisés sur ministère de la défense, le sigle ISTO pouvait désigner
l’ « International Strategic and Tactical Organization », organisation canadienne présente au Rwanda
de 1994 à 1996 et ayant agi dans le but de « contrecarrer la présence de la France au Rwanda ». Une
demande d'identification de cette organisation adressée à Interpol OTTAWA se révélait infructueuse.

(D6676)

De nombreuses investigations étaient menéessur l’ISTO et son intervention dans ce dossier à
travers les auditions de Maximin SEGASAYO (D6699), ancien ambassadeur du Rwanda à Ottawa,
Calixte

MBARUSHIMANA

(D6702),

Damien

MAMBAZA

MUHAMYANKAKA

(D6736)

et

Jean

KAMBANDA (D6693, D6707), Premier ministre du gouvernementrwandais en exil, qui remettaient de
nombreuses pièces relativesà l’ISTO. (D6688-D6690, D6704, D6706, D6728, D6730, D6734, D6742)

Il en ressortait que l'ISTO, se présentant comme un bureau d'étude, avait proposé au
gouvernement rwandais en exil de Jean KAMBANDA de faire du lobbying en sa faveur auprès des
autorités américaines. Afin de montrer sa compétence, le représentant de l’ISTO, Victor MERHERRA,
avait transmis le rapport en question, censé contenir des informations relatives à l’assassinat du
Président HABYARIMANA.

Au-delà de cette proposition de lobbying, Jean KAMBANDAindiquait que l'ISTO avait fini par
proposer un plan intitulé « Nascimiento » destiné à renverser le régime du FPR installé au Rwanda, ce
qui était attesté par les documents remis (D6707). Si ce projet n’avait pas été mené à bien, le

28
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

gouvernement des FAR en exil avait tout de même versé à l’ISTO la somme de 135 000 dollars afin
d’acheminer des armes au Zaïre. (D6800)
Outre qu’il paraissait relativement invraisemblable d'imaginer que le FPR ait pu faire appel aux
services français, qu’il considérait comme acquis au régime rwandais, pour abattre l’avion du
Président HABYARIMANA,il devait être constaté que les investigations diligentées ne confirmaient
aucunement les assertions contenues dans le « rapport » de l’ISTO. (D6662)

Ainsi, la DGSE indiquait que les nommésCyrille LAFORTUNE et Michel BILLET étaient inconnus
de leur service. (D6740)
De même,alors que le rapport évoquait une visite de François HAKUZIMANA avec le ministre

de la Défense le 24 octobre 1993, aucune trace de cette rencontre n’était retrouvée. (D6741)

En outre, l’existence d’un certain Edmond MEGUIRAn’était pas établie. (D6663)
Enfin, parmi les documents fournis par l’ISTO à ses interlocuteurs, figurait le rapport d’une
« commission pour la vérité sur la tragédie rwandaise » à laquelle aurait appartenu M. DUPAQUIER.
Entendu à ce sujet, l'intéressé réfutait totalementavoir participé à une telle commission. (D6747)
C.

La thèse de l’attentat commis par des militaires burundais opposés au Président
NTARVAMIRA

L'hypothèse d’un attentat prioritairement dirigé contre le Président Burundais NTARYAMIRA
était également évoquée lors de l'enquête.
Cette piste ressortait notamment du témoignage d’Henri CREPIN-LEBLOND, ancien
ambassadeur de France au Burundi, qui estimait que le prédécesseur de M. NTARYAMIRA, Melchior
NDADAYE, avait été assassiné le 21 octobre 1993 en raison de sa volonté de réformer l’armée. Or,

Henri CREPIN-LEBLOND précisait qu’au momentde son assassinat, le Président NTARYAMIRA avait lui
aussi entamé une réforme de l’institution militaire. (D6552)
Sylvana MPABWANO épouse NTARYAMIRA, veuve du Président du Burundi, précisait quant à
elle qu’un parti royaliste Tutsi, le PRP, avait émis un communiqué le 05 avril 1994 interdisant au
Président de se rendre à Dar-es-Salaam s’il voulait « vivre un jour de plus ». Elle ajoutait que son mari
redoutait d’être arrêté par l’armée à son retour en raison de l'hostilité des militaires tutsis, qui
craignaient que les discussions en cours n’aboutissent à un affaiblissement de leur position dans
l’institution militaire. (D924)

Par ailleurs, les investigations réalisées sur les indications de Paul BARRIL établissaient qu’un
certain Arthémon RWAMIGABO,lieutenant-colonel de l’armée de l'air burundaise, avait été contrôlé
le O5 avril 1994 par les fonctionnaires de la police aux frontières et de la douane de l'aéroport de
Genève-Cointreau. À cette occasion,il avait justifié sa présence à Genève par une mission de révision
de l’avion du Président du Burundi dontil était le pilote. (D85-D86)
Lors de ce contrôle, il était porteur de documentsrelatifs à des mouvements d’opposition au

Burundi, de documents faisant état d’un plan d’extermination des Tutsis, de plusieurs cartes

représentant l’Est du Burundi et l’Ouest de la Tanzanie ainsi que de croquis griffonnés susceptibles de
représenter un trajet d’approche d’aéronef.

29
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

L'examen de ces cartes et de ces croquis ne permettait néanmoins pas de faire un lien avec
l’attentat ayantvisé le Président HABYARIMANA.(D87-127, D186-D188, D532, D735-D884)
Bien que présent à plusieurs reprises sur le territoire national, Arthémon RWAMIGABO ne
pouvait être entendu en raison de son immunité diplomatique. (D886-D890, D6997/51)

Burundi
Toutefois, l’hypothèse d’un attentat prioritairement dirigé contre le Président du
de son
disposait
qui
IRA,
n'apparaissait pas vraisemblable dans la mesure où le Président NTARYAM
propre aéronef, avait manifestement décidé à la dernière minute de rentrer avec l’avion du Président
HABYARIMANA. (D1917, D2025, D595)

du
Cette information ressortait notamment du témoignage d’Anasthase SIVAPATA, médecin
n
américai
d'Etat
at
secrétari
du
me
Président Burundais (D5141-D5143), confirmée par un télégram
(D6133)
.
adressé le 07 avril 1994 à Georges MOOSE, sous-secrétaire d'Etat aux affaires africaines
Les hypothèses attribuant l’attentat aux protagonistes du conflit rwandais

It.

A.

La

thèse

de l'attentat commis par les

extrémistes hutus opposés

au

Président

HABYARIMANA

Plusieurs personnes entendues en procédure et présentes au Rwanda en 1994 confirmaient
qu’au moment de l'attentat, l'hypothèse d’un acte commis par des opposants hutus au Président
HABYARIMANA était largementprivilégiée. (D2579, D7133, D7134, D7138, D7161)

Cette croyance trouvait son origine dans l’opposition véhémente que suscitait la mise en
œuvre des accords d’Arusha, à laquelle le Président HABYARIMANA semblait s'être résolue. (D6102D6124, D4291-D4308)
la
Une partie de l’élite hutue, notamment militaire, se montrait en effet pour le moins hostile à
laquelle
hommes,
000
19
nt
comprena
fusion des FAR et de l’APR au sein d’une seule force armée
des
devait entraîner la démobilisation de dizaines de milliers de soldats parmi les 35 000 militaires
FAR. (D7088/14, D8263/24, D7955/13, D7940)

défendue
Cette thèse, peu étayée dans les premières années de l’information judiciaire, était

par le rapport de la Commission MUTSINZI, remis par la défense en janvier 2010.

Celui-ci rappelait que dans le contexte d'opposition à la mise en application des accords

signalées à
d’Arusha, plusieurs menaces de mort émanant des extrémistes Hutus avaient été

l'encontre du Président HABYARIMANA.

Hassan
Ainsi, en mars 1994, le journal extrémiste Kangura, dont le rédacteur en chef était
se d’un
NGEZE, publiait un article titré « Habyarimana mourra en mars 1994 », soutenant l’hypothè

nale.
assassinat exécuté en marge d'une cérémonie religieuse ou d'une grande conférence internatio
cette
publié
avoir
Entendu depuis son lieu de détention à Arusha, Hassan NGEZE confirmait
information, qu’il disait tenir de Théoneste LIZINDE. (D1470-D1605)
En outre, Bernard NDAYISABA, major affecté à la protection du Premier ministre
UWILINGYIMA, soutenait qu’un groupe d'officiers extrémistes s'était formé au camp de Kanombe
de la
autour de personnes proches de Théoneste BAGOSORA, directeur du cabinet du ministre

30
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Défense. Ce groupe, dénommé AMASASU, reprochait au Président HABYARIMANAde « vendre » le

pays. (D7742, D7456, D7514)

Venuste SENGENDO, confirmait que des militaires originaires du nord du Rwanda etissus de la
CDR reprochaient au Président HABYARIMANA de vouloir « vendre » le pays aux tutsis, certains
évoquant même, 3 mois avant son décès, la possibilité de voir son avion abattu. (D8263/22-25)
De la même façon, Jean-Paul FURAYIDE, sergent des FAR affecté à Kigali, faisait état de
plusieurs menaces de mort émanant de militaires des FAR à l’encontre du Président HABYARIMANA.

(D7566/4/5°)

Le rapport MUTSINZI s’'appuyait également sur plusieurs témoignages affirmant que les
le
membres de la garde présidentielle s'étaient mis en action très rapidement après l’attentat contre
Président HABYARIMANA. (D7500/3, D2680, D2581)

Ils en concluaient que ces derniers étaient à tout le moins prêts à intervenir, voir qu’ils
s’étaient déployés dans Kigali avant même la survenue de l'attentat, dans le but de mettre en
sécurité des ministres du MRND ou au contraire d’attaquer des membres de l’opposition.
Le lieutenant-Colonel Rene CHANTRAINE, militaire belge, expliquait de son côté que « La
rapidité de réaction de la garde présidentielle et la rapidité de mise en place d'un nouveau
gouvernement avec une majorité d'extrémistes m'ont fait penser que c'était de ce côté-là qu'il fallait
chercherles auteurs del'attentat ». (D7504)

L'adjudant-chef Christian DEFRAIGNE abondait également dans le même sens devant
l’auditorat militaire Belge : « En moins de 20 minutes après l'attentat toute la ville était quadrillée et
bloquée. I! m'a semblé que tous ces militaires étaient au courant avant l'attentat de ce qui allait se
passer et de ce qui devait se faire ». (D7506)
Par ailleurs, la commission MUTSINZI soulignait que le déroulement des faits postérieurs à
l’attentat démontrait que cet acte avait commeobjectif prioritaire la réalisation d’un coup d'Etat et
la mise en place d’un régime militaire faisant obstacle aux institutions d’Arusha.
Cela ressortait notamment du refus de laisser le pouvoir au Premier ministre, qui devait être
assassiné dès le 07 avril 1994, de la mise en place d’un comité de crise composé de plusieurs officiers
supérieurs, ainsi que de l’assassinat de plusieurs personnalités importantes de l’Etat rwandais ou de
l’opposition tels que le président de la Cour constitutionnelle, Joseph Kavaruganda, le président du
PSD et ministre de l'agriculture, Frédéric Nzamurambaho,le vice-président du Parti libéral et ministre
du travail et des affaires sociales, Landoald Ndasingwa, ainsi que le ministre de l'information issu du
MDR modéré, Faustin Rucogoza. (D7088/142)
La thèse attribuantl’attentat aux extrémistes Hutus opposés au Président HABYARIMANA était
évidemment totalement réfutée par tous les dignitaires du régime rwandais, dont plusieurs étaient
entendus dans les locaux du TPIR d’Arusha où ils étaient détenus. (D6731)

Leurs arguments étaient résumés par Joseph NZIRORERA, secrétaire général du MRND lors de
l’attentat, dans une note remise au juge d’instruction lors de son audition.
Selon lui, l’attentat ne pouvait pas provenir des extrémistes hutus car :
- Les principaux responsables militaires, dont le chef d'état-major des armées, étaient
absents du Rwanda lors de l’attaque et ne se trouvaient donc pas en mesure de prendre le
pouvoir après l’assassinat;
31
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

-

L'armée rwandaise ne disposait pas de missiles sol-air ;

-

L'arméerégulière rwandaise était totalement désorganisée aprèsl'attentat. (D3858)

Il pouvait d’ailleurs être relevé que dans un note du ministère des affaires étrangères français
du
du 25 avril 1994, bien qu'aucune piste ne soit écartée, la thèse de la responsabilité des proches
du
part
d’une
Président HABYARIMANA était qualifiée d’une « très grande fragilité » au regard
de
« désarroi » des autorités rwandaises constaté au lendemain de l'attentat et d’autre part du décès
plusieurs responsables militaires importants lors de cette action. (D169)
Le colonel Bernard CUSSAC, chef de la mission militaire de coopération française au Rwanda
qui
en 1994, affirmait également que la désorganisation des FAR après l’attentat était totale, ce
l’amenait à récuser l’hypothèse d’un attentat commis par ces derniers. (D369)
nt
Luc MARCHAL, militaire belge ayant exercé au sein de la Minuar la fonction de commanda

du secteur de Kigali, considérait également, dans un courrier adressé en 2018 au juge d’instruction,
que le comportementdeshauts dignitaires des FAR aprèsl'attentat démontrait beaucoup de fébrilité
et de désorganisation. (D9125, D6283)

Enfin, entendu le 15 novembre 2002, André GUICHAOQUA, expert près le TPIR, soulignait
« l’incohérence des comportements de la majeure partie des dignitaires du régime », ce qui ne militait
pas pour leur implication dans l'attentat. (D6544)
B.

La thèse de l’attentat commis par le FPR

A côté de l’hypothèse retenant la responsabilité des extrémistes hutus, l’autre thèse la plus
répandue imputait l’attentat au FPR.
Pour les tenants de cette thèse, le FPR avait réalisé que compte tenu des équilibres
démographiques du Rwanda,il lui serait impossible de prendre le pouvoir démocratiquement dans le
cadre institutionnel prévu par les accords d’Arusha. Il avait donc manifesté une adhésion de façade
du
au processus de mise en œuvre des accords, profitant de celui-ci pour préparer l’invasion militaire
Rwanda dontl’assassinat du Président HABYARIMANAconstituait le premier acte.

Au soutien de cette thèse, il pouvait être relevé qu’une note du ministère des affaires
étrangères français du 25 avril 1994 considérait que le FPR avait pris conscience, au cours des mois
une
précédents, que la transition prévue par les accords d’Arusha ne déboucherait pas pour lui sur
prise de pouvoir. (D170)
Bernard DEBRE, ministre de la coopération de novembre 1994 à mai 1995, déclarait également
devant la commission parlementaire française, que plusieurs représentants du FPR lui avaient confié
en janvier 1994 qu'ils ne pourraient pas gagner les élections et qu’ils avaient l’intention de prendrele
pouvoir avantcelles-ci, le cas échéantpar la force. (D211)
La possibilité pour le FPR de prendre le pouvoir par la force semblait renforcée par un
de
document transmis par les autorités belges et intitulé « L'environnement actuel et à venir
l’organisation — 1 Situation actuelle et perspective à court terme ». (D4548-D4558)
Non daté, ce document de travail annoté semblait émaner du FPR et élaborait plusieurs

En
scénarios possibles à court terme, envisageant le maintien des accords d’Arusha et leurs ruptures.

32
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

cas d'abandon de ces accords, « la recomposition d’un gouvernement en écartant par la force
militaire et populaire HABYARIMANA »était évoquée.

Ce document avait manifestement circulé au Rwanda à la fin de l’année 1993 puisque Justin
MUGENZI et Matthieu NGIRUMPATSE, détenus à Arusha, en détenaient toujours une copie. Enoch
RUHIGIRA confirmait l’existence de ce documentet expliquait que le FPR n’en avait jamais reconnu la
paternité. Jean-Pierre MUGABE et Christophe HAKIZABERA, dissidents du FPR, attribuaient
néanmoins cet écrit à cette organisation. (D5214-D5216)

Pour certains, cette analyse était également étayée par le fait que l’offensive du FPR aurait en
réalité démarré avant mêmel'attentat.
En effet, selon une note de renseignement partiellement déclassifiée, deux éléments du FPR

avaient été arrêtés en zone démilitarisée dansles secteurs de BYUMBAet de MUTARAle 6 avril 1994.
Le déplacement de ces unités, loin des positions habituelles du FPR,faisait craindre le jour même à la
Direction du renseignement militaire (DRM) une attaque dans ces secteurs à court terme. (D199,

D2132, D3155)

Luc MARCHAL soutenait égalementle 09 juillet 2002 que la rapidité avec laquelle le FPR avait
enclenché ses opérations militaires après l'assassinat du Président HABYARIMANA démontrait que
celles-ci avaient été préparées. (D6284)
Toutefois, il devait être relevé que le Colonel BALIS, militaire Belge de la Minuar, indiquait

devant la commission d’enquête parlementaire belge que le FPR, bien que convaincu qu'il pouvait
gagner la guerre, ne la souhaitait pas et s’inscrivait réellement dans la mise en œuvre des accords
d’Arusha. (D6535/10)
De même, devantle TPIR où il déposait en tant qu’expert, André GUICHAOUAaffirmait que nul
n’ignorait en 1993 et 1994 que les FAR n'étaient pas en mesure de contenir une offensive de l’APR.
Toutefois, il ajoutait qu’à la fin du mois de mars 1994, on assistait à une véritable radicalisation de
chaque camp, qui se préparait à la reprise des hostilités. Selon lui, « tous les ingrédients étaient
réunis pour qu’une reprise des combats fut envisagée ». (D6536, D6544)

33
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

DEUXIÈME PARTIE : La recherche des auteurs et l’émission de mandats d'arrêt

à l’encontre de plusieurs responsables du FPR

Les investigations s’attachaient à identifier les auteurs de cet attentat à travers la recherche
d'éléments matériels, laquelle s’avérait difficile, et de témoignages.

d'arrêt
Elles tendaient à impliquer plusieurs membres du FPR à l’encontre desquels des mandats
étaient émis.
Section 1 : La difficile recherche d'éléments matériels

I.

Les recherches relatives aux missiles utilisés pour abattre l'avion présidentiel

A. L’utilisation présumée de lance-missiles SA 16 découverts à Masaka dans les semaines
suivantl'attentat

1)

l’avion
L'identification de lance-missiles susceptibles d'avoir été utilisés pour abattre
présidentiel

L'examen des documents rassemblés dans le « tome || parlementaire française permettait de mettre en exergue,
Photographie de missiles prises au Rwanda les 06 et 07 avril
DRM », des documents relatifs aux lance-missiles susceptibles
l’attentat contre l’avion du Président HABYARIMANA.

annexes » du rapport de la mission
dans une partie intitulée « 6.D.8.
1994 et transmis de la MMC* à la
d'avoir été utilisés pour commettre

Figurait ainsi la photocopie d'un document manuscrit daté du 25 avril 1994 et intitulé
« identification de l'arme (lance-missile) type russe, utilisation dans l'assassinat du chef de l'Etat le
6/4/94 », supportant la signature « It In MUNYANEZA».

5 clichés photographiques représentant le lance-missile 04-87/04814 étaient également joints
150,
à ce rapport. (D158-D161 ; D196-D198, album photographique en D2223-D2235 et D3146-D3

D2210)

la
Si l’origine de cette pièce n’était pas précisée, les nombreuses investigations réalisées par
de
suite établissaient que celle-ci avait été remise au général HUCHON, chef de la mission militaire
de
coopération, par Ephrem RWABALINDA, lieutenant-colonel des FAR, au cours d’un déplacement
autorités
des
soutien
le
ce dernier intervenu à Paris du 9 au 13 mai 1994 dans le but d'obtenir
l'avait
françaises. Le général HUCHON avait par la suite transmis ce document à la DRM, qui
enregistré le 24 mai 1994. (D341-D343, D344-D348, D2237, D2241, D1288-D1468, D398)

Aux termes de ce document, les deux tubes lance-missiles susceptibles d’avoir été utilisés
et
portaient les inscriptions « 04-87 » (signifiant avril 1987, date de fabrication des deux lanceurs)
« 04835 »ainsi que « 04814 » désignant les numéros de série des deux lanceurs.

12 Mission militaire de coopération
34
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Des investigations étaient entreprises sur cette base pour établir l’origine de ces éléments,
étant précisé que l’état-major disait ne pas disposer « d’éléments spécifiques sur l’auteur et sur la

date des prises de vue ni sur les circonstances dans lesquelles les photos [avaient] été faites ». L’état-

major des armées confirmait en revanche qu’il s'agissait de tubes servantà lancer des missiles SA 16,
sans pouvoir préciser si un missile se trouvait dans le tube au moment de la prise du cliché ou si un
missile avait été tiré depuis ce tube. (D7474/2, D8902, D8903)
2) Les investigations relatives à la découverte de ces lance-missiles

Le lieutenant-ingénieur Augustin MUNYANEZA, ex-officier des FAR, était identifié comme
étantl’auteur du document manuscrit en date du 25 avril 1994. Réfugié en Belgique,il était entendu
à Paris le 20 mars 2000.
Présent au camp des FAR de KANOMBE le 06 avril 1994, il avait entendu deux détonations se
succéder à 2 ou 3 secondesd'intervalle avant de constater que l’avion présidentiel avait été abattu.
Quelques jours plus tard, à une période qu’il estimait comprise entre le 22 et le 24 avril 1994,
des paysans ayant fui les zones de combats avaient découvert deux tubes lance-missiles, qu'ils

avaient remis à une unité des FAR effectuant la navette entre une source d’eau désignée « le point

19 » et le camp de Kanombe.

Le 24 ou le 25 avril 1994, il avait été amené à procéder à l’examen de ces tubes, non en raison
de ses connaissances techniques, mais simplement car il parlait Russe et que des inscriptions en
cyrillique figuraient sur les tubes. Il les décrivait ainsi : « deux tubes ressemblant à des lance-

roquettes, d'environ 120 mm de diamètre, de couleur vert kaki mais clair, d'une longueur supérieure à
un lance-roquette anti-char classique, d'un poids léger, car la carcasse ne me paraissait pas être en

métal. Les deux tubes étaient vides lors de mon examen, donc dépourvus d'une charge l'intérieur. Le
systèmede visée et de mise à feu me paraissait situé pratiquementà l'extrémité du tube et non pas
au centre ».

Faisant suite à cet examen qui ne s’était pas accompagné de la prise de photos en sa présence,
il avait rédigé un rapport manuscrit qu’il avait remis à l'état-major de l’armée Rwandaise par
l'intermédiaire du capitaine SEBAGANWA.
À l’examen du documentissu du rapport de la mission parlementaire française, il authentifiait
son écriture et sa signature.
S'agissant du devenir de ces tubes,il précisait que selon le chef des services de renseignement
de l’armée, Aloys NTIWIRAGABAO, ceux-ci avaient été remis aux services du Président Zaïrois
MOBUTU. (D233-D234 ; D299-D301)

Plusieurs auditions confirmaient en partie les explications données par Augustin MUNYANEZA
quantà la découverte des lance-missiles.
Ainsi, lors de son audition du 16 mai 2000 au TPIR d’Arusha, Aloys NTABAKUZE confirmait que
des personnes déplacées avaient découvert le 25 avril 1994 des lance-missiles cachés dans un talus
dans la zone de la ferme de Masaka. Ces tubes avaient été remis aux FARinstallés dans le camp de
Kanombe avant d’être transférés à l’état-major de l’armée et in fine acheminés chez le Président
MOBUTU. Il disait avoir vu personnellement ces tubes dont il donnait une description et remettait
même une copie du rapport MUNYANEZA, qu'il disait avoir obtenu lorsqu’il était réfugié dans un
camp situé à Goma (Zaïre). (D333, D398)

35
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Lors de son audition du 18 mai 2000 au TPIR, l’ancien directeur du cabinet du ministre de la

Défense, Théoneste BAGOSORA, confirmait avoir vu les tubes au ministère de la Défense, sans
pouvoir préciser commentils avaient été retrouvés. || précisait qu'ils avaient été transférés à Gisenyi
puis à Goma, avant d’être remis au Président MOBUTU par le général TEMBELE. Il produisait
également une copie du rapport MUNYANEZA,qu'il disait avoir obtenu dansles archives emmenées
à Goma, mais ne disposait pas de l’original qui avait été selon lui détruit. (D1288-D1468)
Chef d'état-major de janvier 1992 à juin 1992, Laurent SERUBUGA disait avoir vu les deux
lance-missiles en juillet 1994 à Goma, ce que confirmait Joseph MURASAMPONGO. (D259, D2250,
D5116-D5120, exploitation en D6137-D6139)

Entendu le 11 juillet 2001, l’ancien général Zaïrois Tangandawelé TEMBELE confirmait avoir
récupéré en 1994 deux lance-missiles alors qu’il commandait la 4°"° région militaire de Goma. Ces
deux missiles étaient destinés au maréchal MOBUTU mais il s'était contenté d’en remettre un au
général BARAMOTOet disait ignorer ce qu’ils étaient devenuspar la suite. (D3259-D3260)
l’ancien chef des services de renseignement militaire rwandais, Aloys NTIWIRAGABO,

expliquait quantà lui le 09 juillet 2001 qu’un lance-missile utilisé pour commettre l'attentat avait été
entreposé à l’état-Major des FAR fin avril 1994 et qu’un second tube existait, placé en sécurité à la
discrétion du ministre de la Défense. Ces deux tubes avaient été pris en photo par un de ses agents, Il
ajoutait qu’un tube avait été remis au général TEMBELE tandis que le second tube avait été remis
dans un deuxième temps, en avril 1995, à ce même général. |! avait appris plus tard que les deux
tubes avaientfinalement été remis, comme prévu, au Président MOBUTU. (D3246-D3252)
Colette NYIRARWIMO,ex-capitaine à l’état-Major des FAR, confirmait lors de son audition du
21 mars 2001 que deux lance-missiles découverts par des personnes déplacées avaient été remis aux
militaires du camp de Kanombe avant d’être entreposés à l’état-Major des FAR. Elle avait
personnellementconstaté la prise de clichés photographiques à cette occasion. (D2058-D2060)
Gratien KABILIGI confirmait également avoir constaté, dansla salle des opérations de l'étatmajor, la présence de deux tubes qui avaient été découverts par des paysans et rapportés par les
militaires du camp de Kanombe. Selon lui, un premier lanceur avait été transmis au maréchal
Mobutu par l’intermédiaire d’Aloys NTIWIRAGABO, tandis que le second était resté à l’état-Major
avant d’être emmené à Goma lors de l’évacuation. Il avait alors été remis au général TEMBELE dont
la mission était de le confier au Maréchal MOBUTU. (D3539)
Le service enquêteur établissait une synthèse des renseignementsrelatifs à la découverte de
ces lance-missiles. (D4116-D4118)
I| pouvait néanmoins être relevé qu’Honore NGBANDA et Albert BUISINE, respectivement
ancien conseiller spécial et ex-intendant du Président MOBUTU, disaient n'avoir jamais entendu
parler de ces lance-missiles. (D591, D6550)
3) Les investigations relatives à l’origine des lance-missiles

Le magistrat instructeur adressait le 19 juin 2000 aux autorités russes une CRI destinée à
établir l’origine des lance-missiles décrits dans le document du lieutenant-ingénieur MUNYANEZA.

(D6650)

36
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

En exécution de cette CRI, le magistrat instructeur assistait le 20 juin 2002 à une réunion de
travail à Moscou en présence d’un représentant du parquet militaire de Moscou. Ce dernier
confirmait que les lance-missiles portant les numéros de série 04814 et 04835 avaient bien été
fabriqués en ex-URSS en 1987 et qu’ils avaient fait partie d’un lot de 40 unités vendues au
gouvernement ougandais dans le cadre d’un marché«d'Etat à Etat ».
Lors de cet entretien, le représentant de l’autorité judiciaire russe indiquait qu’une réponse

officielle contenant notammentles renseignementsrelatifs à ce marché serait communiquéelors de
la transmission des pièces d'exécution de la CRI.
En dépit de cet engagement, aucune réponseécrite officielle n’était jamais transmise. (D6649)
De manière évidente,l’origine ougandaise de ces lance-missiles, pays dans lequel le FPR avait
été fondé en 1987 et où tous ses cadres avaient été formés, renforçait l'hypothèse d'un attentat
commis par cette organisation. Plusieurs témoignages indiquaient d’ailleurs que l’'Ouganda était le
principal fournisseur d’armes du FPR. (D351, D5070, D4085, D4097, D1044, D1660)

4)

Les incertitudes relatives à la découverte de ces lance-missiles

Le rapport de la commission MUTSINZI remettait en cause la découverte des lance-missiles
dans la zone de Masaka, comme les investigations rappelées ci-dessus le laissaient pourtant
entendre.
Il soulignait tout d’abord que plusieurs personnes confirmaient que des tubes lance-missiles
avaient bien été retrouvés puis déposés au camp de Kanombe.
Néanmoins, le rapport ajoutait qu’aucun témoin ne disait avoir personnellement constaté
l’opération de tir la découverte de ces armes. De même,la date de découverte des lance-missiles
apparaissait imprécise, variant de 2 jours à trois semaines après l'attentat. Enfin, si de nombreuses
déclarations soulignaient que les tubes avaient été découverts à Masaka, les témoignages n'étaient
pas unanimes en ce sens, une usine de café près de NDERA étant également évoquée. (D8256/3-7,
D8004, D7955/12, 8264/8-9, D7903, D8006, D8326)

Ainsi, à titre d'exemple, Agnes UZAMUKUNDAévoquait 2 tubes découverts avec un trépied
entre le 10 et le 15 avril 1994 (D8434/15-32), ce qui correspondait aux déclarations d’Augustin
RWAJEKAR qui faisait état de tubes découverts dans la zone de Masaka (D8256). En revanche,
Gonzague HABIMANA (D7902/4-5), Appolinaire BIMENYIMANA (D7872/3), ou Théodore
NGENDAHAYO (D8117) indiquaient queles tubes avaient été retrouvés dès le 07 ou le 08 avril 1994.
Sébastien MUGANZA (D7956) évoquait de son côté des tubes découverts à NDERA et Thacienne
MUKANGAIIE des armes découvertes « sur sa propriété » (D8004). Jean-Bosco MUGANDAévoquait
quant à lui des armes découvertes au lieu-dit Secor deux jours après le décès du Président
HABYARIMANA. (D7594/3)

En conséquence, la commission MUTSINZI remettait en doute la découverte de ces lancemissiles à Masaka.
B.

La difficulté de déterminer qui de l’APR ou des FAR disposait de missiles SA 16

37
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Compte tenu de la découverte de lance-missiles sol-air SA 16 susceptibles d’avoir été utilisés
pour abattre l’avion présidentiel, les investigations tentaient de déterminer, qui des FAR ou de l’APR,
branche armée du FPR, disposait de telles armes.
1) S'agissant de l'APR

Plusieurs éléments rassemblés en procédure laissaient penser que l’APR avait pu détenir, dans
les années précédantl’attentat, des missiles sol-air.
| pouvait tout d’abord être relevé que dans 2 courriers des 27 et 28 février 1994 adressés à

Bruno DUCOIN, Jean-Pierre MINABERRY, le co-pilote du Falcon 50, se disait quasimentcertain que le

FPR détenait des missiles SA 7 au CND de Kigali, évoquant même l’adoption de manœuvres de
décollage et d’atterrissage destinées à les éviter. Bruno DUCOIN confirmait avoir reçu cette lettre et
transmis quelques conseils à Jean-Pierre MINABERRY, lequel avait également partagé ses craintes
avec son épouse. (D182, D365, D1901, D4241)
En outre, l’examen d’un message de l’ambassade de Belgique à Kigali en date du 7 juillet 1992
révélait qu’aux yeux de cette dernière, le FPR détenait des missiles SA 16 et SA 7 fournis par l’armée
ougandaise. Aucun élément de preuve ne venait néanmoins étayer cette affirmation. (D5262-D5263)
Par ailleurs, plusieurs télégrammes militaires français faisaient état de la récupération par les

FAR, le 17 ou le 18 mai 1991, d’un missile SA 16 et de son lanceur dans le parc de l’Akagera, zone

dans laquelle des affrontements devaient intervenir le lendemain entre les FAR et l’APR. Il en était
déduit que ces armes appartenaient à l’APR. Ce lanceur, proposé à la France qui avait refusé de le
récupérer, présentait les références 04-87/04924 et provenait, selon les autorités Russes, du même
lot que les lance-missiles découverts après l’attentat contre l'avion présidentiel. (D1966, D1967,
D1968-D1972, D2199, D2200, D6649)

Le colonel Robert GALINIE, commandant de l’opération NOROIT d'octobre 1990 à juillet 1991,
confirmait le contenu de ces télégrammes, précisant avoir constaté de visu que le missile était neuf.
En revanche,il ne savait pas ce qu’il en était advenu. (D349)

S'agissant de la découverte de ce missile, les auteurs du rapport MUTSINZI soulignaient
qu'aucune offensive de l’APR n’avait eu lieu en 1991 dans le parc de l’Akagera et que rien ne
démontrait que le missile SA 16 retrouvé ait appartenu à l’APR. (D7088/155-158)
D’autres témoignages évoquaient la détention par le FPR de missiles sol-air, tout en se
montrant souvent imprécis sur les circonstances d'utilisation de ces missiles.
Ainsi, Bernard CUSSAC, chef de la mission militaire de coopération française au Rwanda en

1994, affirmait que les archives et les documents officiels de la mission militaire de coopération à
Kigali démontraient que le FPR avait abattu en octobre 1990 un hélicoptère « Gazelle » et un avion
militaire modèle « Islander » à l’aide de missiles sol-air. Il ajoutait qu’un missile SA 16 complet avait
été récupéré en décembre 1990 à Ruhengeri dans le nord du Rwanda. Ce missile, qui devait
initialement être transféré en France, avait finalement été remis aux FAR qui l'avaient stocké dans le
camp de Kanombe. Il semblait ici faire une confusion avec le missile saisi dans le parc de l’Akagera le
17 ou 18 mai 1991 et évoquéci-dessus. (D366)

De même, dans un courrier adressé le 12 octobre 1998 au député Paul QUILES, Sébastien
NTAHOBARI, commandantde l’aviation militaire rwandaise jusqu’en septembre 1992, soutenait que

38
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

le FPR avait abattu, à l’aide de missiles SA 7 et SA 14, un avion d'observation le 7 octobre 1990 à
Matimba, ainsi qu’un hélicoptère Gazelle le 23 octobre 1990 à Nyakayaga. (D146)
Deus KAGIRANEZA confirmait que le FPR avait « descendu» en 1990 un avion de
reconnaissance. || ignorait en revanche si le FPR détenait toujours de tels missiles en 1994 et précisait
n’avoir jamais vu de missiles au CND. (D5064-D5072)
Le pilote de l’hélicoptère Gazelle abattu le 23 octobre 1990, Jacques KANYAMIBWA, indiquait
que des tubes lance-missiles SA 7 avaient été retrouvés à Matimba et Nyakayaga, lieux où
l’hélicoptère et l’avion de reconnaissance avaient été abattus. (D328)

Il devait néanmoins être précisé qu’un certain flou subsistait autour de ces évènements. En
effet, lors de son audition à Arusha, Augustin NDINDILIYIMANA, chef d’état-major de la gendarmerie
rwandaise au jour de l'attentat, précisait que l’avion abattu à Matimbal'avait été par balle et non par
missile. (D1768)
De la même façon, selon Robert GALINIE, l’avion d'observation Islander et l'hélicoptère
« Gazelle » avaient été abattus en octobre 1990 par destirs d’armes automatiques classiques et non
destirs de missiles. (D349)
2) S'agissant des FAR

Sans surprise, tous les anciens dignitaires du régime HABYARIMANA soulignaient que l’armée
régulière rwandaise n’avait jamais détenu de missiles sol-air. La plupart expliquait que c'était inutile

dans la mesure où l’APR ne faisait peser aucune menace aérienne. (D1255, D3514-D3516, D6731,
D6732/4)

Jean-Jacques MAURIN, colonel en retraite et conseiller du chef d’état-major de l’armée
rwandaise de 1992 à 1994, tout comme Bruno DUCOIN,assistant militaire technique à la mission
militaire de coopération au Rwanda, soutenaient également que les FAR n’avaient jamais détenu de
missiles sol-air. (D3155, D362)
S'agissant des services français, l'état-major des armées relevait néanmoins que « les forces
armées rwandaises (FAR) disposaient, au titre des prises de guerre, d'au moins un SA 16 et très
vraisemblablementde plusieurs missiles », précisant qu’un exemplaire avait été proposé à la France
de
en 1991, faisantici référence au lance-missile récupéré entre le 17 et le 18 mai 1991 dans le parc

l’Akagera. Toutefois, au-delà de cet élément relativement ancien, les services du ministère de la
Défense soulignaient qu’aucune information n’attestait de la présence de lanceurs sol-air dans
l'équipement des FAR entre 1991 et 1994. (D8898, D7474/3, D8897)

Au-delà des informations détenues par les services français, le professeur Filip REYNTJENS
adressait le 09 avril 2003 à la DNAT la copie d’un courrier en date du 17 janvier 1992 dans lequel
Laurent SERUBUGA,chef d’état-major de l’armée rwandaise de janvier à juin 1592, se plaignait de la
faible portée du matériel anti-aérien dont disposaient les FAR etsollicitait l’acquisition d’une batterie
SA 16 comprenant 12 lanceurs et 120 missiles. Ce courrier faisait également référence à un projet
antérieur d'acquisition de missiles similaires et se trouvait complété par une proposition de vente de
la société TRIVOLI concernant divers missiles sol-air en date du 02 septembre 1991. (D6664, D7542)
Entendu le 23 avril 2003, Laurent SERUBUGA confirmait l’authenticité de ce document,

admettant avoir demandé l’acquisition de missiles sol-air au ministre de la Défense. Selon lui, aucune

39
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

suite n’avait été donnée à sa demande jusqu’à son départ etil n'avait jamais appris par la suite que
de tels missiles aient été acquis par les FAR. (D6665)
soutenait
Cyprien KAYUMBA, responsable des services financiers du ministère de la Défense,

n’avoir jamais entendu parler de ce document. Selon lui, aucune commande n'avait été faite à la
société TRIVOLI. (D6671)

Par ailleurs, s'intéressant aux capacités anti-aériennes des FAR, la commission MUTSINZI
(LAA)
affirmait tout d’abord que l’armée rwandaise disposait d’un bataillon de lutte anti-aérienne
)
(D8145/15
sol-air.
missiles
de
n
composé de spécialistes formés dansdifférents pays à l’utilisatio
Elle produisait le compte-rendu d’une réunion tenue le 18 septembre 1991 en présence
d'officiers supérieurs de l’état-Major des FAR, aux termes duquel il apparaissait que les FAR ne
disposaient pas d’armes anti-aériennes susceptibles d’abattre un avion de reconnaissance mais
envisageaient d’en acheter. (D7544/9)
Les auteurs du rapport affirmaient en outre qu'entre novembre 1990 et février 1992, « des
lance-missiles et des missiles [avaient] été respectivement commandés par les FAR à cinq Etats
différents, soit sous forme de crédit militaire remboursable, soit grâce à l'aide militaire directe ».

(D7088/148)

à
Plusieurs courriers portant commande ou sollicitant des missiles sol-air, notamment SA 16,

l’URSS, la République Populaire Démocratique de Corée, la Chine, l'Egypte et le Brésil étaient ainsi

produits. (D7546, D7548, D7550, D7552, D7554, D7556, D7558)

La défense remettait également un documentdaté du 1°" septembre 1994 censé émaner de la

que les FAR
Minuar et retrouvé dans les archives de la journaliste Linda MELVERN, faisant état de ce

;
détenaient un nombre indéterminé de missiles sol-air portables de type SA 7. (D8160, D8182/5
D8418)

De manière classique dans ce dossier, les parties civiles contestaient la véracité des
informations contenues dans ce rapport et soulignaient que le général DALLAIRE, chef militaire de la
Minuar, son chef d’état-Major le major Brent BEARDSLEY, ainsi que le colonel Luc MARCHALavaient
affirmé lors du procès du colonel BAGOSORA au TPIR que les FAR ne disposaient pas de missiles solair. (D8320/67-68D8267, D8270, D8419/29, D8420, D8421)

Dans un souci d’exhaustivité, il pouvait être également relevé que Salathiel MAKUZA, ancien
membre du LAA, indiquait devant la commission MUTSINZI que son unité ne disposait pas de
missiles, ni de personnes qualifiées pour utiliser de telles armes. (D7941/5)

Il.

L’impossible quête des « boites noires »

À titre liminaire, il peut être rappelé que le terme de « boite noire » désigne d’une part le
des
« cockpit voice recorder » (CVR), qui a pour fonction d'enregistrer les 30 dernières minutes
de
échanges radio entre l'équipage et le contrôle aérien ainsi que l'ambiance sonore du poste
(D6678)
vol.
donnéesde
les
t
enregistran
(FDR)
»
pilotage, et d’autre part le « Flight Data Recorder
Dèslors, le devenir des « boites noires » ayant pu équiper le Falcon 50 présidentiel constituait
un enjeu primordial de l’enquête, donnant lieu à d'importantes investigations nourries par de
nombreuses rumeurs.

40
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Ainsi, il était tout d’abord évoqué dans les rapports parlementaires français et belge qu’une
« boîte noire » avait été récupérée par des militaires français en poste à Kigali. Cette rumeur était

également reprise au Rwanda, Edward NTAWISHUNGA soutenant par exemple avoir vu le colonel

Grégoire de Saint-Quentin prendre un enregistreur. (D8148)

Interrogé en ce sens par la commission des droits de l'Homme des Nations-Unies, le
gouvernementfrançais répondait le 17 juin 1994 qu’il n’était pas en possession des « boites noires ».

(D6997/210)

En outre, Paul BARRIL remettait le 29 septembre 1999 un boitier de couleur noire qu’il disait
issu des débris du Falcon 50 et présentait comme étantla « boite noire » de l’appareil. Après analyse,
la société DASSAULT identifiait cet élément comme étant, non pas une « boite noire », mais une
« antenne du système de navigation ». (D58-D60, D72, D373, D917)

Par ailleurs, dans un article de presse paru en avril 2001, le journaliste Wayne MADSEN faisait
état d'informations recueillies auprès de « fonctionnaires responsables du trafic aérien de l'ONU dans
la région », selon lesquelles la « boite noire » de l’aéronef avait été « secrètement rapatriée au
quartier général des Nations-Unies à New-York ». Entendu par le magistrat instructeur le 30 avril
2002,il confirmait ses déclarations sans pouvoir en dire davantage, présentant désormais ses sources
comme des « enquêteurs du TPIR ». (D2188-D2195).
En outre, le 05 juillet 2001, le service enquêteur était informé qu’un certain Roger LAMBO,
fonctionnaire de l’ONU affecté à Kigali en 1994, avait acheminé à Nairobi la « boite noire » de l’avion.
Responsable des opérations aériennes pour la Minuar d'avril 1994 à décembre 19594,
l’intéressé était identifié et contacté par les enquêteurs. Par courrier électronique en date du 1”
mars 2002, il leur indiquait avoir transporté à l’unité de l'aviation civile des Nations-Unies à New-

York, une « boîte noire » déposée au bureau de sa mission 2 ou 3 mois après l’attentat contre le
Falcon 50. Il précisait que celle-ci était intacte mais que rien n’indiquait d’où elle provenait ni
commentelle était arrivée à son bureau. Il ajoutait avoir été avisé, plus tard, qu'après analyse, la
« boîte noire » n’appartenait pas au Falcon présidentiel. (D5251-D5256, analyse en D6153-D6154)

Le 12 mars 2004, soit deux jours après la publication d’un premier article évoquant les
recherches en cours de la « boîte noire », le journal Le Monde révélait que l'ONU avait retrouvé
« dans un placard », un CVR susceptible d’avoir appartenu au Falcon présidentiel. L'ONU confirmait
cette information dans un courrier adressé le 08 avril 2004 au magistrat instructeur, précisant qu‘il
s'agissait d’un CVR de marque Fairchild, modèle A-100 dont le numéro de série était le 6285,
ajoutant diligenter une enquête interne à ce sujet. (D6792, D6795)
Le rapport du bureau des services internes de l'ONU relatif à cette découverte était publié le
07 juin 1994. Il relatait tout d’abord que ce CVR avait été découvert dans des circonstances
inconnueset transmis à New-York par une valise diplomatique. À son arrivée,il avait été jugé en trop
bon état pour avoir subi un crash aérien et n'avait doncfait l’objet d'aucune investigation, remisé
dans un bureau jusqu’à la publication de l’article du journal Le Monde le 10 mars 2004. De fait,
l'examen à l’œil nu révélait que l’enregistreur n’avait pas été soumis à un incendie ou à une
immersion et que la bande d’enregistrement n’avait subi aucune manipulation. En outre, l'analyse
des conversations établissait qu'il ne s'agissait pas de l'enregistrement d’un vol mais d'opérations de
maintenance effectuées au sol. En conclusion, le rapport indiquait que s’il ne pouvait pas être exclu
que ce CVRait pu être installé sur le Falcon présidentiel à un momentdonné,il était en revanche
établi qu’il n’équipait pas cet appareil au momentde l'attentat. (D6804, D6806, D6807)

41
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Une copie des enregistrements sonores détenus par l'ONU était transmise aux magistrats
instructeurs le 30 mars 2004. L'expertise ordonnée le 29 mars 2010 sur ces enregistrements concluait
qu’il s'agissait vraisemblablement d’enregistrements d'opérations de maintenance dans un avion de
type Falcon se trouvant à proximité de l'aéroport de Kigali. Néanmoins, aucun élémenttechnique ne
permettait de montrer que ces enregistrements provenaient du CVR ayant équipé le Falcon
présidentiel avant ou pendantle crash du 06 avril 1994. (D7441)

Parallèlement, des investigations étaient menées pour déterminer si l'avion du Président
HABYARIMANA était effectivement équipé d’un CVR.
Jean-Pierre BASSECOURT, vice-président du centre de maintenance de Dassault Falcon
Services expliquait que l’avion avait été construit et livré en 1979 démuni d’une « boîte noire » de
type FDR ou CVR. Néanmoins, il ressortait de diverses opérations de maintenance réalisées sur
l’aéronef qu’un dispositif CVR de marque Fairchild et de modèle 93-A100 avait bien été installé entre
décembre 1991 et janvier 1993. Dassault Aviation précisait ne pas être à l’origine de cette installation
qui pouvait avoir été réalisée par de nombreux prestataires. En revanche, aucun FDR n'avait jamais
été installé. (D917-D920 ; D3977-D3980 ; D6149-D6152, D6796, D67988, D6799)

Les recherches réalisées pour identifier la société ayant procédé à l'installation du CVR

D6818,
s’avéraient vaines. (D6803, D6808, D6810, D6811, D6812, D6813, D6814, D6815, D6816,
D6819, D6820, D6821 D6824, D6848, D6851)

IH.

Le message de revendication de l’attentat attribué au FPR

A. L'identification du message et de son auteur

Entendu le 19 mai 2000 dans les locaux du TPIR d’Arusha, l’ancien-chef d’Etat-major de la
gendarmerie rwandaise, Augustin NDINDILIYIMANA, remettait la copie d’un message manuscrit
capté le 07 avril 1994 à 08h45 par un centre d'écoute des FAR implanté à Gisenyi.
Attribué au FPR, ce message faisait état de la « réussite » de « la mission de notre escadron
renforcé » contre le «MRND-CDR et le FRODEBU-Palipehutu””». Ce document évoquait
également « l’aide de la communauté belge » et se concluait par la formule suivante : « on pourra
nous donner rendez-vous tous dansla ville principale d’ici peu ». M. NDINDILIYIMANAexpliquait avoir
eu connaissance de ce message dès le 08 avril au matin mais précisait que la copie dontil disposait
lui avait été remise plus tard, à Paris, par Sébastien NTAHOBARI.
Interrogé sur l’authenticité de ce télégramme,il expliquait que le FPR avait déjà produit de
faux messages destinés à tromper les FAR et à déclencher des opérations inutiles, notamment en
leur communiquant de fausses informations relatives à des caches d’armes. Tout en se disant
persuadé de l'authenticité du message, il ne pouvait donc pas écarter que celui-ci ait eu pour objet
de « créer des problèmes avec des belges ». Selon lui, les personnes ayant analysé ce document
émettaient un avis partagé sur sa crédibilité. (D1689-D1792 ; D1741 ; message en D515-D520)
L'ancien major des FAR, Aloys NTABAKUZE, confirmait lui aussi que le 07 avril 1994, Félicien
MUBERUKA, commandant du camp de Kanombe, lui avait donné connaissance d’un message capté
13 Le Front pour la démocratie du Burundi (FRODEBU) désignait le parti politique dontétait issu le président
Burundais NTARYAMIRA
42
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

par la station d'écoute de Gisenyi. Il précisait avoir ultérieurement récupéré une photocopie de ce
message qu'il avait dactylographié et conservé. (D398, D951)
Il remettait un exemplaire de ce document qui, quoique proche, n'était pas strictement
identique au message manuscrit produit par Augustin NDINDILIYIMANA. (D339-D340)
Anatole NSENGIYUMVA,ex lieutenant-colonel des FAR, confirmait lors de son audition au TPIR
du 06 juin 2001 qu’un centre d'écoute était installé dans le camp militaire de Gisenyi, dontil était le
commandant.Il identifiait le document communiqué par Aloys NTABAKUZE, et désignait un certain
Richard MUGENZI comme étantl’opérateur ayant capté ce message.

En complémentde son audition,il fournissait quelques copies de communications interceptées
par la station de Gisenyi qu’il disait avoir trouvées dans le document intitulé « Contribution des FAR à
la recherche de la vérité sur le drame rwandais » et rédigé par des membres des FAR en exil. Ces
messages faisaient état de divers préparatifs militaires de la part du FPR. (D3645-D3752 ; D3747D3749)

Il pouvait être relevé que l'existence d’un centre d’écoute des FAR à Gisenyi était notamment
confirmée durant l’information judiciaire par les témoignages de Jean-Jacques MAURIN (D3155)et
Gratien KABILIGI. (D3539)
De même,d’autres témoins évoquaient également avoir consulté un message faisant état de la
réussite d’un « escadron renforcé ». || s'agissait notamment de Grégoire de SAINT-QUENTIN (D353)
et de Félix NZUNGIZE (D6666).
Désigné par Anatole NSENGYIUMVA comme étantl'opérateur ayant retranscrit le message des
FAR, Richard MUGENZIétait entendu au TPIR le 07 juin 2001, où il bénéficiait d’une protection en
tant que témoin de l’accusation dans plusieurs procédurestraitées par cette juridiction. Après avoir
indiqué que les messages interceptés les 06 et 07 avril étaient cryptés et qu’il n'avait donc pas eu
connaissance de leur contenu,il se ravisait lorsque le message manuscrit intercepté le 07 avril 1994 à
08h45 lui était présenté. Il authentifiait ce document et son écriture, admettant également avoir
capté des messages faisant état de mouvements du FPR. (D3868-D3912)
B.

L'hypothèse d'unefalsification

Le 08 septembre 2009,le journaliste Jean-François DUPAQUIER était entendu par le magistrat
instructeur et remettait l’enregistrementd’uneinterview de Richard MUGENZI réalisée selon lui le 31
mai 2009. Au cours de cet entretien, Richard MUGENZI expliquait notamment qu’au moins 4
messages significatifs retranscrits entre le 06 et le 08 avril 1994 avaient en réalité été préparés par
Aloys NSENGIYUMVAdans le but de persuader les militaires des FAR que le FPR était à l’origine de
l’attentat.

S'agissant des circonstances de cette rencontre, Jean-François DUPAQUIER avait trouvé

Richard MUGENZI très crédible sur la question des messages, un peu moins sur d'autres sujets

abordés en fin de rencontre. En tout état de cause, même s’il ne pouvait pas totalementl’écarter,il

n'avait pas le sentiment d’avoir été manipulé car il lui avait été très difficile de retrouver Richard
MUGENZI, entreprise dans laquelle il disait n’avoir reçu aucune aide de la part des autorités actuelles
du Rwanda. Il précisait que Richard MUGENZI ne lui avait rien demandé pour ce témoignage mais
qu’il lui avait spontanément donné 200 euros et une montre. (D7044, D7414)

43
Parquet du TGI de Paris — Section C1 - Procédure 9729523030

e 2010 par les
Richard MUGENZI était finalement entendu au Rwanda le 12 septembr

dans le
magistrats instructeurs et confirmait avoir opéré dans un centre d’interception implanté
et
1994
avril
O7
du
datés
messages
camp de Butorori, à 3km de Gisenyi. Selon lui, tous les
ce
par
préparés
communiqués par Anatole NSENGIYUMINAlors de son audition étaient des faux
de troupes du FPR. Il
dernier, tout comme un message du 06 avril 1994 annonçant des mouvements

à la procédure suivie
admettait néanmoins les avoir personnellement retranscrits conformément
ions était
pour les interceptions. || maintenait que cette pratique de diffuser de fausses intercept
aux troupes ou de
fréquente depuis la mi-1993 et qu’elle avait pour objet de donner confiance
un ennemi et de
maintenir leur vigilance. En l’espèce, accuser le FPR permettait de désigner
maintenir la cohésion de l’armée.

juin 2001, il
Confronté aux réponses qu'il avait lui-même faites lors de son audition du 07
e d’interception de
expliquait avoir « fait des réponses générales dans le cadre de son activité habituell
de se rappeler
permis
pas
avaient
messages » et soutenait que les conditions de son audition ne lui
urs de retenir le
de détails sur l’origine de chaque message. || demandait aux magistrats instructe
dernier état de ses déclarations. (D7685)
e 2008 à
Il devait être relevé que Richard MUGENZI avait égalementété entendu le 29 décembr
ions que lors
Kigali par la commission MUTSINZI et qu'il avait à cette occasion fait les mêmes déclarat
de son audition du 12 septembre 2010. (D7434, D7957)
que lors
Entendu sur ce revirement, le fonctionnaire de la DNAT, Pierre PAYEBIEN, soulignait
t
retranscri un faux
de son audition devant le TPIR, Richard MUGENZI n’avait jamais indiqué avoir

on aurait été
message, alors même qu’il était un témoin de l'accusation et qu’une telle informati
importante à l’encontre de MM. BAGOSORA et NSENGIYUMVA. (D7106)

du
Section 2 : Le recueil de nombreux témoignages accusant plusieurs responsables

FPR

étaient
Jusqu’à la délivrance de mandats d’arrêt internationaux, de nombreux témoignages
l'avion du
recueillis mettant en cause le FPR dansla préparation et l’exécution de l'attentat contre
Président HABYARIMANA.

s.
Ces témoignages décrivaient desfaits directement constatés ou indirectement rapporté
|.

Les témoignages accusant indirectement plusieurs responsables du FPR

A. Christophe HAKIZABERA

du FPR
Le 13 mars 2000, le quotidien Libération publiait un article relatant qu’un dissident
à
relatif
courrier
nommé Christophe HAKIZABERA avait adressé le 10 août 1999 au TPIR un
l’assassinat du Président HABYARIMANA. (D287)
t
Dans cette missive, que les enquêteurs se procuraient, Christophe HAKIZABERA expliquai
souhaiter livrer
avoir rejoint le FPR en Ouganda en 1990 avant de fuir le régime en 1995. Il indiquait
e et M.
Théonest
LIZINDE
M.
ses mémoires, avant d’être tué par « /e commando du FPR comme[...]

44
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Sendashonga Seth ». Il détaillait ce qu’il considérait être la stratégie militaire, politique, diplomatique
et médiatique développée par le FPR et accusait cette organisation d'avoir planifié la mort du
Président HABYARIMANA. Selon lui, la décision formelle d’assassiner M.HABYARIMANAavait été
prise en mars 1994 à Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), en présence de Paul KAGAME. (D318)

Il confirmait ses accusations dans un second témoignage écrit adressé par fax à la DNATle 26
juin 2000, exposant que le FPR avait décidé l’assassinat du Président HABYARIMANA dans le but de
déclencher des massacres qu'il pourrait exploiter pour reprendrele pouvoir. (D526)
Christophe HAKIZABERAétait finalement entendu le 06 septembre 2000 à Milan. Il confirmait
être l’auteur de ces deux témoignages écrits et sollicitait dès le début de l'audition des mesures de
protection pour lui-même ainsi que sa famille restée en Afrique.

Il expliquait avoir côtoyé de nombreux membres du FPR dont le but avait toujours été selon
lui, et en dépit des accords d’Arusha, de conquérir le pouvoir par la force et non les élections.
S'agissant des préparatifs de l'assassinat du Président HABYARIMANA, il maintenait que ce
projet avait été évoqué à de nombreusesreprises et que la dernière réunion relative à cet assassinat
s’était tenue en mars 1994 à Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), en présence de Paul KAGAME et de
Bakuramutsa MANZI. |! précisait néanmoins ne pas avoir personnellement assisté à cette réunion
mais tenir ces informations du beau-père de Paul KAGAME,Léonard MUREFU.

De la même manière,s’il n'avait pas été témoin direct de la commission de l’attentat, il disait

tenir de Théoneste LIZINDE que l’opération avait été dirigée par Charles KAYONGA et Rose KABUYE.

| ajoutait que Léonard MUREFU lui avait montré en février 1994 un document daté du 14
janvier 1994 et signé du secrétaire général du FPR, Alexis KANYARENGWE,faisant spécifiquement
état d’un plan destiné à détruire l’avion présidentiel en ces termes : « Avec nos conseillers, nous
examinons ce qu'il faut faire pour détruire son avion ». (D484, D487)
Christophe HAKIZABERA remettait une copie de ce communiqué qu’il disait avoir reçu par la
poste après l'attentat. Il devait être relevé que l’authenticité de ce document était remise en cause

par un autre dissident du FPR, Jean-Pierre MUGABE,lequel considérait que des instructions secrètes

du FPR n’auraient jamais fait l’objet d’un écrit. (D2044)

En outre,la signature d’Alexis KANYARENGWE figurant sur ce documentne correspondait pas
à la signature de l'intéressé retrouvée sur un autre écrit. (D7008) ({D653-D672)
B.

Jean-Pierre MUGABE

Le 21 avril 2000, l’ancien directeur du journal Le tribun du peuple, Jean-Pierre MUGABE,
publiait sur internet un documentdans lequel il désignait Paul KAGAME, James KABAREBE et Charles
KAYONGA comme étantlesplanificateurs de l'attentat.
Entendu les 12 et 13 mars 2001, Jean-Pierre MUGABE déclarait avoir rejoint le FPR en 1593 et
avoir intégré le service de renseignement de cette organisation (le DMI) en février 1994. Craignant
pour sa vie en raison de son action contre la corruption ainsi que des informations qu’il détenait sur
l’assassinat du Président HABYARIMANA,il fuyait le Rwanda en 1999 et obtenait le statut de réfugié
politique aux Etats-Unis d'Amérique.

45
Parquet du TGI de Paris -- Section C1 — Procédure 9729523030

Il expliquait s'être désormais décidé à parler pour que sa version soit diffusée dans l'hypothèse
où il serait attenté à sa vie.
Selon lui, le FPR s’était détourné de la mise en œuvre des accords d’Arusha lorsqu'il avait

compris qu’en tant que parti minoritaire, il ne lui serait pas possible de gagner les élections prévues
dans un délai de 22 mois. Dans ce contexte,l'assassinat du Président HABYARIMANAavait été décidé
dans le cadre d’une stratégie globale destinée à prendre le pouvoir.
Entendu précisément sur l’action menée contre l’avion présidentiel, il expliquait que peu de
temps après les accords d’Arusha, le haut-commandement militaire de l’'APR avait envoyé quatre
soldats suivre un entraînement à l’utilisation de missiles sol-air en Ouganda. Début février 1994, le
chef de la section missile de l’APR, Joseph KAYUMBA,avait transféré ces quatre soldats depuis le
quartier général du FPR situé à Mulindi (Rwanda) vers le bataillon de l'APR installé au CND de Kigali. Il
tenait ces informations de Joseph KAYUMBAlui-même ainsi que de son adjoint, le sous-lieutenant
DJUKO.

De même,en août 1994, le colonel ThéonesteLIZINDE, qu’il présentait comme un ami, lui avait
exposé que les 4 militaires en question avaient été accueillis au CND par Rose KABUYE. Celui-ci lui
avait également appris que les missiles utilisés pour l'attentat provenaient des stocks de l’armée
ougandaise et qu’ils avaient été convoyés depuis Mulindi par le colonel James KABAREBE, lequel
avait personnellement ordonné le passage à l’acte. Théoneste LIZINDE s'était également vanté
d’avoir participé au choix du site de Masaka comme lieu de tir.
Il exposait en outre avoir personnellement constaté que le FPR se servait des convois de
ravitaillement provenant de Mulindi pour infiltrer des soldats et de l’armement au CND, estimant
même que près de 3000 hommes étaient ainsi venus s'ajouter aux 600 hommes composant
normalementle bataillon du FPR au CND.
Jean-Pierre MUGABE attestait par ailleurs qu’il était présent le soir de l’attentat au quartier
général de Mulindi et que les unités de l’APR avaient été immédiatement mobilisées pour le combat.
ll soutenait également que le FPR procédait à l'élimination de tout élément détenteur
d'informations pouvantlui nuire ou ayant participé à des actionsterroristes, mettant notamment en
avantl’assassinat de Théoneste LIZINDE pour étayer son propos.

Enfin,il concluait que la décision d’assassiner Juvénal HABYARIMANAn'avait pu être prise que

par Paul KAGAME lui-même. (D330-D332, D1940, D2041-D2048)

C.

Sixbert MUSANGAMFURA et Faustin TWAGIRAMUNGU
Entendu une première fois par le juge d'instruction

le 26 octobre 1998, Faustin

TWAGIRAMUNGU, Premier ministre du Rwanda du 19 juillet 1994 au 31 aout 1995, indiquait

considérer que le FPR était à l’origine de l’attentat contre l'avion présidentiel sans disposer
d’information spécifique à cet égard. (D21-D22, D48-D49)
Toutefois, auditionné en Belgique le 21 décembre 2000 dans le cadre de l'enquête relative à
l’assassinat de 10 militaires belges, il exposait désormais avoir été destinataire d’une note manuscrite
émanantde Sixbert MUSANGAMFURAetaccusant le FPR d’être responsable de l'attentat.
Faustin TWAGIRAMUNGU était donc de nouveau entendu et confirmait que Sixbert
MUSANGAMEURAlui avait remis début 1995 une courte note désignant des officiers du FPR, dont le
46
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

colonel Jackson RWAHAMA, comme étant responsables de l'attentat. Compte tenu de ces éléments,

il avait sollicité l’ouverture d’une enquête mais s'était heurtée à une fin de non-recevoir de Paul
KAGAME. Quelques semaines plus tard, Sixbert MUSANGAMFURAlui avait remis une seconde note

sur le même thème. (D4848-D4852, D6265-D6268, D6527, D5286-D5287)

L’inventaire des documents transmis à la commission d'enquête parlementaire Belge par M.

TWAGIRAMUNGU confirmait que l'intéressé avait bien été destinataire d’une note et qu'il l'avait

communiquée aux autorités belges. (tome 1-611/7 pages 48 et 49)

Compte tenu de ces éléments, Sixbert MUSANGAMFURA était entendu par les autorités
finlandaises sur CRI le 12 avril 2002, puis par les enquêteurs etle juge d’instruction français le 14 juin
2002.

Sur son parcours, il expliquait avoir été membre du MDR, dont Faustin TWAGIRAMUNGU était
le président jusqu’en juillet 1993. Nommé secrétaire général du gouvernement après la chute de
Kigali, il devenait chef du service central des Renseignements (SCR) le 19 juillet 1994, poste qu'il
devait occuper jusqu’au 30 août 1995. Il précisait toutefois que ce poste ne lui conférait aucun
pouvoir sur le renseignement militaire rwandais, dont les informations ne lui parvenaient que
rarement. Se sentant menacé,il quittait le Rwanda en août 1995 à la suite des révocations du
Premier Ministre Faustin TWAGIRAMUNGU et du ministre Seth SENDASHONGA,
S'agissant de l’assassinat des passagers et des membres d’équipage du Falcon 50, le colonel
Jackson RWAHAMA MUTABAZI avait reconnu auprès de lui la responsabilité du FPR dans cet acte,
précisant que le commando avait été hébergé et accueilli par Rose KABUYE dans ses appartements
du CND.

A la suite de ces premières informations, il confirmait avoir rédigé en février 1995 une
première note remise à Faustin TWAGIRAMUNGU.
Plus tard, le capitaine Jimmy MWESIGYE, membre du DMI et ancien membre des services de
renseignements ougandais, lui avait confié que les missiles utilisés pour commettre l'attentat
provenaient d’Ouganda et avaient été acheminés au CND de Kigali depuis le quartier général de
Mulindi. Il ignorait les modalités pratiques de ce transport.
Son adjoint au SCR, le lieutenant KAPAYA RUTAGWERA, lui avait également appris que le
commando était notamment composé du capitaine HABATI, du sergent TWAGIRA et de l'adjudant
MUNYANEZA, militaires ayant bénéficié en Ouganda d’un entraînement à l'utilisation de tous les
moyens antiaériens. Ces derniers avaient été transférés au CND de Kigali où ils avaient été accueillis
par le capitaine Charles KARAMBA,le lieutenant-colonel Charles KAYONGAetle lieutenant-colonel
Karake KARENZI. Enfin, toujoursselon le lieutenant KAPAYA RUTAGWERA,le responsable du transfert
du matériel ayant servià l'attentat était le capitaine Charles KARAMBA.
Ces informations complémentaires l'avaient amené à rédiger une seconde note à l'attention
du Premier ministre.
En outre, il expliquait que le site de Masaka, proche du camp de Kanombe tenu par les FAR,
avait été choisi comme lieu de tir pour faire accroire que l’attentat était l’œuvre de membres de
l’armée régulière rwandaise souhaitant réaliser un coup d’État contre le Président HABYARIMANA.
Pour sa part, il soutenait d’ailleurs que les FAR n'avaient ni les moyens humains, ni les moyens
militaires pour mettre en œuvre une telle action.

47
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

En définitive, et sans pouvoir se montrer précis sur le rôle précisément joué par les différents
protagonistes, il disait tenir de différentes sources que les personnes suivantes étaient impliquées
dans l’attentat: Paul KAGAME, James KABAREBE, Faustin KAYUMBA NWYANMWASA, Charles

KAYONGA, Karenzi KARAKE, Jackson RWAHAMA, Rose KABUYE, Charles KARAMBO, Wyclif KWIKIRIZA

et le capitaine HABATI.

S'agissant des motifs ayant présidé à la commission d’un tel attentat après les accords
d’Arusha, Sixbert MUSANGAMFURA exposait que Paul KAGAME avait toujours privilégié l’option
militaire pour arriver au pouvoir, ne participant au processus d’Arusha que pour « crédibiliser » son
image internationale. (D5710, D5374-D5378, D6025-D6029, D6329, D6520, exploitation en D6521)
Il devait par ailleurs être précisé que dès le 3 novembre 1995, Sixbert MUSANGAMFURAavait
adressé au professeur Filip REYNTIENS une correspondance danslaquelle il désignait le FPR comme
responsable de l’attentat et faisait notamment déjà référence aux déclarations de Jackson
RWAHAMA MUTABAZI et de Jimmy MWESIGYE. (D6325 à D6332)

D. Jean BARAHINYURA

Informé des investigations en cours en France, Jean BARAHINYURAprenait lui-même contact
avecle service enquêteur et était entendu le 30 octobre 2002.
Installé en Allemagne depuis 1976 en raison de son opposition au régime du Président
HABYARIMANA,il expliquait avoir rejoint presque par hasard en septembre 1990 le comité exécutif
du FPR en tant que « commissaire pour l’information et la recherche » chargé d'organiser la
représentation du mouvementen Europe.
À cetitre, il avait eu connaissance de divers secrets dont «le plus important qui consistait déjà
à cette époque à envisager l'élimination du Président HABYARIMANA » si ce dernier parvenait à
maintenir sa popularité au sein de la population rwandaise. Cette éventualité avait été évoquée « à
mots couverts » par Protais MUSONI lors d'une réunion du comité central tenue en novembre 1990 à
KAMPALA.
En outre, dans le cadre de ses fonctions au FPR,il avait rencontré en Allemagne en mars ou

avril 1991 un certain « Jean-Louis » par l'intermédiaire de Christian BAVASTRO, ressortissant belge
décédé le 27 mai 1999. Lors de cet entretien il avait compris que « Jean-Louis » avait été en contactà
Kampala avec d'autres membres du FPR, dont Paul KAGAME, au sujet de l'assassinat du Président
rwandais. Le mode opératoire de l'opération n'avait cependant pas été porté à sa connaissance lors
de cet entretien. L'enquête ne permettait pas d'identifier le prénommé « Jean-Louis ».
En désaccord avec le FPR qu'il soupçonnait de plus en plus clairement de vouloir simplement
s'approprier le pouvoir au Rwanda,et craignant pour sa vie, il démissionnait le 17 mai 1991, exposant
certains motifs de cette décision lors d’une conférence de presse. Il n'avait bénéficié d'aucune
information provenant du FPR après sa démission.
Lors de son audition, il remettait également son ouvrage intitulé Rwanda trente-deux ans
après la révolution sociale de 1955, très critique du FPR. (D6537, D6539, D6540, D6571)
E.

Les écrits du colonel LIZINDE

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Ex-officier de l’armée rwandaise ayant participé à la prise de pouvoir de Juvénal
HABYARIMANAen 1973, Théoneste LIZINDE était arrêté et emprisonné en 1980 après une tentative
de coup d'Etat. Libéré en 1991, il intégrait le FPR et rejoignait le CND de Kigali au début de l’année
1994. En décembre 1995, craignant pour sa vie, il quittait le FPR et se réfugiait au Zaïre avant de
gagner le Kenya où il était assassiné en 1996. (D4217, D5060)
Lors de l'enquête, plusieurs personnes évoquaient Théoneste LIZINDE comme détenant des
informationsrelatives à l'assassinat du Président HABYARIMANA.
Ainsi, lors de son audition au TPIR d’Arusha le 07 juin 2001, Joseph NZIRORERA, secrétaire

général du MRND au jour de l’attentat, déclarait que Théoneste LIZINDE lui avait confié en 1996 que
le FPR avait pris l'initiative de tuer le Président HABYARIMANAetqu'il avait l'intention de publier un
livre à ce sujet. (D3841)
Sixbert MUSANGAMFURAet Christophe HAKIZABERA relataient égalementtenir de Théoneste
LIZINDE que le FPR était responsable de l’attentat, évoquant des documents écrits rédigés par ce
dernier. (D662, D6520/8)
Selon Jean-Pierre MUGABE,l'intéressé avait même participé au choix du lieu de tir. (cf. supra)
Desrecherches étaient donc entamées pour retrouver les écrits susceptibles d’avoir été laissés
par Théoneste LIZINDE, à traversl'audition de ses fils.

Philibert LIZINDE indiquait que son père ne lui avait jamais parlé de l'assassinat et qu'il ne
voyait d’ailleurs pas pourquoi il aurait été mis dansle secret d’un tel évènement compte tenu de ses
prises de position « dérangeantes » pour le FPR.
Il ajoutait que si son père avait été informé de l'attentat avant sa commission, il aurait
évidemment mis ses proches à l’abri ce qui n’avait pas été le cas puisque plusieurs membres de sa
famille avaient été tués en avril-mai 1994.
Interrogé sur les déclarations de Jean-Pierre MUGABE,il exposait que ce dernier n’était pas un
ami de son père et qu’il était « archi-faux » qu'il ait pu lui faire des confidences relatives à l’assassinat
du Président HABYARIMANA.Il ignorait par ailleurs la nature des relations qu’entretenaient son père
et Christophe HAKIZABERA. (D5128-D5133)

Félix-Flavien LIZINDE contestait que son père ait pu participer à l'attentat et affirmait que ce
dernier n’aurait jamais partagé une telle information avec Jean-Pierre MUGABE.
En revanche, il indiquait qu’avant de quitter le Rwanda, son père avait mené sa propre
enquête sur l’attentat ayant visé le Président HABYARIMANA etavait souhaité partager avec d’exmembres du gouvernement rwandais en exil les conclusions auxquelles il était parvenu. Il se disait
persuadé que son père avait été assassiné car il détenait des informations relatives à cet attentat.
(D5056-D5060, D5134-D5139)

Philibert et Félix-Flavien remettaient aux enquêteurs plusieurs documentsrelatifs à la situation
au Rwanda rédigés par leur père. Dans une note en date du 1° mai 1996, il mentionnait « le FPR a
joué un rôle déterminant dans l'assassinat des présidents HABYARIMANA et NTARYAMIRA » sans en
dire davantage. (D5040 ; D4979-D5061, D5294-D5296)
F.

Emmanuel HABYARIMANA
49
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Réfugié politique en Suisse depuis juin 2003, Emmanuel HABYARIMANA était entendu le 18
décembre 2003.
Il expliquait être entré dans les FAR en août 1974 et en avoir été révoqué en juillet 1994 après
avoir rédigé une déclaration appelant à la fin des tueries. Il rejoignait alors l’APR et entamait une
carrière qui devait l'emmener jusqu’au poste de ministre de la Défense qu’il occupait du 28 mars
2000 au 15 novembre 2002. Disposant d’éléments lui faisant craindre pour son intégrité physique,il
fuyait le Rwanda le 30 mars 2003.
Il indiquait qu’à son arrivée au FPR, plusieurs officiers du DMI avaient ouvertement manifesté
leur fierté « d'avoir abattu l'avion du Président HABYARIMANA », ajoutant « si on ne l'avait pas
abattu, on ne l'aurait jamais vaincu et on n'aurait pas pris le pouvoir car nous aurions perdu les
élections prévues, la population aurait été contre nous et aurait soutenu HABYARIMANA pendant la
guerre, il nous fallait donc l'abattre ».
Il s'agissait du colonel Faustin NYAMWASA KAYUMBA, du lieutenant-colonel Jackson
RWAHAMA et du capitaine Charles KARAMBA. Ces officiers lui avaient également rapporté que
durantles pourparlers d'Arusha, le FPR s'était préparé à reprendreles hostilités, utilisant des convois
de ravitaillement pour acheminer des armes au CND de Kigali. À titre personnel, il avait d’ailleurs
constaté « des indices de préparation de reprise des combats » peu avant le 06 avril 1994. (D6731)
G. L'enquête d’Augustin CYIZA et Noel TWAGIRAMUNGU

André GUICHAOUA,expert près le TPIR, était entendu à sa demande par le juge d'instruction
le 10 février 2010. (D7105)
Il expliquait qu’Augustin CYIZA, président de la Cour de cassation et vice-président de la cour
suprême du Rwanda de 1995 à 1999, avait entamé cette année-là avec Noël TWAGIRAMUNGU et
Balthazar NDENGEYINKA une enquêterelative à l’assassinat du Président HABYARIMANA.
A titre personnel, Augustin CYIZAl'avait informé de cette enquête uniquement en 2002.
Il ajoutait qu’Augustin CYIZA avait disparu le 23 avril 2003, probablement assassiné par des
agents de la DMI et de la police nationale.
A l’appui de ses dires, André GUICHAOUA fournissait un mail qui lui avait été adressé le 16
août 2002 par un individu dont l’identité n'apparaissait pas. Dans ce message, l’auteur indiquait que
des recherches étaient en cours depuis 3 ans et qu’il avait identifié l’auteur des deuxtirs de missiles
contre l’avion du Président HABYARIMANA en la personne du lieutenant NZIZA. (D7105/7)
En outre, André GUICHAOUA communiquait un document de deux pages synthétisant les

investigations effectuées.

Aux termes de cette note, il ressortait que les missiles utilisés pour l’attentat avaient été
transférés du quartier général du FPR situé Mulindi vers le CND de Kigali, dissimulés dans une
camionnette transportant du bois de chauffage. Trois personnes étaient impliquées dans la
commission directe de l’attentat: le lieutenant KAREGEYA, un certain sergent Didier, et le lieutenant
Jack NZIZA qui était désigné comme l’auteur des deux tirs de missiles. Les témoins principaux de
cette enquête étaient désignés comme le Sergent MUGABO, membre de la garde rapprochée de Paul

50
Parquet du TG! de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

du
KAGAME et présent au quartier général le 06 avril 1994, ainsi que le caporal BUGINGO, membre
missiles.
les
é
bataillon du CND et responsable de la sécurité de la camionnette ayant transport

(D7105/24-25)

Noel TWAGIRAMUNGU était entendu en Francele 18 février 2014.

de la
Sur son parcours, il avait occupé le poste de secrétaire exécutif de la ligue des droits
été
personne dans la région des grands lacs de janvier 1999 à janvier 2004, date à laquelle il avait
Rwanda.
le
averti d’un assassinat imminentqui l’avait poussé à quitter
| expliquait qu’en mai 1999, Augustin CYIZA lui avait demandé de l’aider dans une enquête
relative à différents aspects du drame Rwandais, dont faisait partie l’assassinat du Président
HABYARIMANA.

Il confirmait être entré en contact avec le TPIR via André GUICHAOUA et authentifiait la note
de deux pages remise par ce dernier aux enquêteurs, laquelle constituait une synthèse de leurs
investigations.

Selon lui, cette enquête avait permis de déterminer, grâce à 8 informateurs, que les missiles
et du
avaient été tirés depuis Masaka par le Lieutenant NZIZA, assisté du lieutenant KAREGEYA
sources
sergent Didier. Ces missiles avaient été gardés au CND par le caporal BUGINGO. Plusieurs
le
affirmaient également que l’opération avait été supervisée par Charles KAYONGA et que
l'attentat.
même
mouvementdes troupes de l’APR vers Kigali avait commencé avant
Sur interrogation, il apparaissait toutefois que les principales informations recueillies
à un autre
provenaient d’une seule source, un certain sergent MUGABO, qui s’était lui-même confié
informateur nommé Joseph RWASIBO et non directement à Noel TWAGIRAMUNGU ou à Augustin
CYIZA.
Noël TWAGIRAMUNGU ne possédait personnellement plus aucun document relatif à cette
enquête. (D8661)
Cité par André GUICHAOUA comme ayant participé à l'enquête d’Augustin CYIZA, Balthazar
NDENGEYINKAétait entendu le 12 avril 2013.
Sur son parcours,il indiquait avoir rejoint l'APR en août 1995 avec le grade de colonel, après
critiques
une carrière dans les rangs des FAR. Se sentant menacé en raison de prises de positions
le 30
pour le régime,il décidait de fuir le Rwanda en même temps qu’Emmanuel HABYARIMANA
mars 2003 et obtenait le statut de réfugié en Suisse.
Il expliquait que peu avant son départ, Augustin CYIZA lui avait remis un document de deux
pages constituant la synthèse de son enquête réalisée sur l’assassinat du Président HABYARIMANA.Il
car
indiquait avoir lu trois fois le rapport mais avoir refusé de quitter le Rwanda en sa possession
c’était trop dangereux.

Beaucoup plus tard, André GUICHAOUAlui avait adressé une copie de ce rapport afin qu'il
.
puisse attester de son authenticité dansla perspective d’un versement à la présente procédure
Il transmettait aux enquêteurs ce document qui était effectivement le même que celui
D8578,
communiqué par André GUICHAOU et authentifié par Noel TWAGIRAMUNGU. (D7416,
D8579)

51
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

I| pouvait être relevé que préalablement à cette audition, Balthazar NDENGEYINKA avait déjà
été entendu le 18 décembre 2003.
A l’époque,il n’avait pas évoqué l'enquête d’Augustin CYIZA, précisant au contraire ne pas
avoir de détail précis sur l'attentat.

Il s'était alors contenté d’exposer que certains militaires de l’'APR ne cachaient pas être à
l’origine de l'attentat contre l’avion présidentiel, ce que le colonel Charles MUHIRE, responsable du
bureau des opérations (G3), lui avait confirmé. Il avait également ajouté que selon plusieurs sources,
la réunion à laquelle le Président s'était rendu à Dar-es-Salaam n'était en réalité qu'un prétexte pour
le faire sortir du pays. (D6732)

H. L'enquête de fonctionnaires de l'ONUetle « rapport Hourigan »
Le 1“ mars 2000, le quotidien canadien anglophone National Post publiaït un article intitulé
Fuite explosive sur le génocide au Rwanda. Aux termes de cet article, il apparaissait que lors des
investigations menées sur le génocide commis au Rwanda, des enquêteurs de l'ONU avaient
rencontré trois informateurstutsis issus du FPR reconnaissant avoir fait partie de l'unité ayant abattu
l'avion du Président du Rwanda. Ces informationsfiguraient dans un rapport confidentiel remis à 3
hauts fonctionnaires de l'ONU ainsi que dans un « mémorandum interne » communiqué à Louise
ARBOUR, procureur près le TPIR. (D236-D250, D264)
Une demande d'entraide judiciaire était en conséquence adressée le 23 mai 2000 au TPIR afin
d'obtenir communication de ce rapport et du « mémorandum interne ». En réponse à cette
demande, la présidente du TPIR reconnaissait la détention de ces documents mais indiquait
qu’« aucunerègle de procédure administrative » ne lui permettait de répondre positivementà cette
requête. (D312, D313)

Le 31 août 2000, le procureur général près la cour d'appel de Paris transmettait néanmoins au
magistrat instructeur une copie du rapport obtenu « de la chancellerie », sans autre précision. (D415-

D419)

Signé le 1aout 1997 par Michael HOURIGAN, ce rapport se montrait de manière générale très
critique vis à vis du fonctionnement du TPIR. Il confirmait par ailleurs que les enquêteurs de l'ONU
étaient en contact avec 3 sources admettant avoir fait partie d’une équipe secrète d'intervention
baptisée « network » qui, avec l’aide d’un gouvernement étranger, avait abattu l’avion présidentiel.
Ces sources, qui désignaient Paul KAGAME comme le commandant en chef des opérations, se
disaient en mesure de fournir des indications précises sur les noms, gradeset rôles de chaque soldat
impliqué.

La crédibilité de ces informations était classifiée au niveau 2, c’est-à-dire « possiblement vrai
mais non vérifié ». (D420-D431)
et
Le 29 décembre 2000, Michael HOURIGAN, était entendu par le magistrat Instructeur

confirmait être l’auteur du rapport versé en procédure le 31 août 2000.

Entre les mois d'avril 1996 et mai 1997,il avait été responsable au sein du TPIR d'un groupe
d’une vingtaine d’enquêteurs appelé « équipe nationale ».
Sa Mission consistait à réunir des éléments de preuve contre les responsables politiques et
militaires rwandais pouvant être impliqués dans le génocide. Selon lui, il avait toujours été convenu
52
Parquet du TG1 de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

avec le chef des enquêteurs, Alphonse BREAU, ainsi qu'avec le procureur que les investigations
concernantl’attentat commis contre l’avion présidentiel entraient dans son champ de compétence.
Il expliquait qu’au cours de l’enquête, ils avaient travaillé sans idée préconçue sur les deux
hypothèses prioritaires, la piste des « extrémistes » hutus ainsi que la piste du FPR. Si la première
hypothèse n’avait pas été confirmée, son équipe avait en revanche recueilli des informations
accréditant l’hypothèse de l'implication du FPR.
Ainsi, en février 1997, un enquêteur de son groupe lui avait indiqué tenir d'un officier
supérieur du FPR que Paul KAGAME était impliqué dans l'attentat, information susceptible d’être
confirmée par une seconde source.
Michael HOURIGAN précisait n’avoir jamais rencontré ces informateurs, mais avoir été
contacté à la même période par un ancien gendarme rwandais prétendant avoir appartenu à une
cellule dénommée « Network» qui avait pour objet, sous la direction de Paul KAGAME, de
commettre diverses exactions pour le compte du FPR. Cet informateur, qui ne faisait pas état
d'évènements qu’il avait personnellement constatés, avait en outre apporté une boite métallique
qu’il prétendait provenir de l’avion présidentiel, ce qui s'était révélé faux.
Il précisait n'avoir jamais vu aucun documentécrit émanant de ces informateurs susceptibles
de crédibiliser leurs accusations.
Au regard de ces informations,il s’était entretenu à deux reprises avec le procureur Louise
ARBOUR au mois de mars 1997 et indiquait que si le premier entretien s'était bien passé, le second
s’était révélé plus hostile, Louise ARBOUR arguant pour la première fois que l'assassinat du Président
HABYARIMANA n’était pas inclus dans le mandat du TPIR. Considérant que son action était
délibérémententravée, il avait alors décidé de quitter le TPIR.

Il confirmait avoir rédigé à la même époque un « memorandum interne »relatif à l'attentat du
Président HABYARIMANA qu'il communiquait au magistrat instructeur. (D1873-D1881)
L'exploitation de ce document faisait effectivement référence à 3 sources gérées par les
enquêteurs Amadou DEME et Peter NDISTRIANSKYJ.

Ces informateurs se disaient directement issus des rangs d’un commando baptisé « Network », qu’ils présentaient comme une unité de soldats d'élite ponctuellement activée pour mener des opérations spéciales et notamment composée des personnalités suivantes : Charles KARAMBA, Deo SEKAMANA, John KAMBANDA, Roger KAROMBA, Kitako KADIDA, Francis MUHETO, Francis MUGABO, Claude RAFIFI, Faida JEAN DAMASCNENE, Sam MWESIGYE.

Selon ces sources, ce commando avait été chargé le 15 mars 1994 d’éliminer le Président

HABYARIMANA compte tenu de l’enlisement des pourparlers d’Arusha. Sur un plan opérationnel, les
missiles avaient été tirés par deux soldats du FPR depuis les collines de Masaka et Gasogi. Cette
mission n’avait pu se faire qu'avec l’aval de Paul KAGAME, Alexis KANYARENGWE et Steven
NDUGUTE. (D1886-D1890, D1891-D1896 traduction, D2055 exploitation)

Enquêteur au sein du groupe de Michael HOURIGAN entre 1996 et 1997, Amadou DEME était
entendu le 27 septembre 2008.
Sur la situation générale au Rwanda antérieurementà l'attentat, il expliquait tout d’abord que
le FPR parvenait à faire entrer clandestinement des armes dans Kigali alors que dans le même temps,
les accords d’Arusha avaient eu pour effet de désarmer les forces gouvernementales.
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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

»
S'agissant de son travail pour le TPIR,il affirmait que le contenu du « memorandum interne
un
provenait d’informations qu'il avait personnellement recueillies de deux sources. La première,
où ils
officier d’origine ougandaise, indiquait que les missiles avaient été tirés depuis Masaka, lieu
et
manqué
été
avait
tir
premier
avaient été acheminés dissimulés dans un camion. Il ajoutait que le
avait
que le second avait atteint sa cible. La deuxième source, un officier du FPR d’origine zaïroise,
que le
confirmé ces éléments une semaine plus tard. Amadou DEME précisait simplement
seul
un
réalité
en
mémorandum contenait une erreur en ce que la source 2 et la source 3 étaient
informateur qu’il traitait conjointement avec un autre enquêteur nommé Peter
Selon lui, ces deux sources apparaissaient parfaitementcrédibles et ne faisaient que confirmer
ce que beaucoup de personnes disaient officieusement. (D6938, D6999)
Peter NDISTRIANSKYJ, autre enquêteur cité par le « memorandum interne » et Amadou
ies.
DEME, ne souhaitait pas être entendu en raison des règlements en vigueur aux Nations-Un
(D6684, D6997/170)

tion un
Le 7 juin 2018, le conseil de certaines parties civiles transmettait au juge d'instruc
sur les
portant
rapport adressé au procureur près le TPIR le 1°’ octobre 2003 et relatif aux enquêtes
« crimes commis par l’APR pendant 1994 ». Sur cette base, il sollicitait la réouverture de
rapport
l’information. Cette demande était rejetée par le juge d’instruction, considérant que ce
ies.
n’apportait pas d’éléments nouveaux n'ayant pas déjà fait l’objet d’investigations approfond
(D9171, D9176, D9177)

Il.

Les témoins directs de l’attentat et de ses préparatifs

de Paul
Plusieurs individus se disant issus du commando « Network » ou de la garde rapprochée
KAGAME venaient accuser directement le FPR.

A. Les membres présumés du « commando Network »

1) Abdul RUZIBIZA
Vénuste Josué dit « Abdul » RUZIBIZA était entendu en Francele 03 juillet et le 04 juillet 2003
par le service enquêteur puis le magistrat instructeur. (D6674, D6617)
Sur son parcours

commando »,
Entré à l’APR en 1990, il avait été affecté en février 1993 au sein du « Network

mission
unité spéciale placée sous l’autorité de James KABAREBE et de Paul KAGAME, dont la
afin
Tutsis
de
t
première était l’assassinat de personnalités hutues opposées au FPR mais égalemen
ses
de jeter le discrédit sur le gouvernement rwandais du Président HABYARIMANAet faire accuser
milices.
Parmi les victimes du commando, il citait Félicien GATABAZI, membre du PSD, Alphonse

membre du MDR
INGABIRE, responsable de la milice de la CDR à KIGALI, ainsi qu’Emmanuel GAPYISI,

et du Forum paix et démocratie.

54
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Selon lui, le « Network commando » avait également préparé l'attentat contre l'avion
présidentiel.
Après la guerre, il avait été affecté au DMI puis à l'état-major. En 2001, il avait quitté le
Rwanda pour l’Ouganda, se sentantsurveillé et menacé par les services rwandais.
L'organisation du commando Network

Il précisait que cette unité était divisée en trois groupes, lui-même ayant appartenu au groupe
n°1 placé sous l’autorité d’Hubert KAMUGISHA.
Ce groupe était également composé du lieutenant NTUKAYAJEMO,du lieutenant GATASHYA,

des sergents Jean Bosco NDAYISABA, Amani MAHORO, Sam KIBANDA,

RUZIGANA,

MUGISHA et du sous-lieutenant NGOMANZIZA.

Placé sous le commandement du capitaine Charles KARAMBA et de son adjoint Déo SEKAMANA, le groupe n°2 comprenait également le colonel Théoneste LIZINDE et le lieutenant Patrick KAREGEYA, tous deux chargés de l'aspectlogistique ainsi que du recrutementd'agents au sein des administrations locales afin d'obtenir de faux documentsd'identité.

Abdul RUZIBIZA précisait que le colonel Théoneste LIZINDE avait proposé le site de Masaka
pour le tir de missiles contre l’avion présidentiel, lequel avait été finalement retenu alors que
d’autres membres du commando préféraientle site de NDERA.
Le groupe n° 3 était placé sousl'autorité directe du lieutenant-colonel James KABAREBE. Parmi
ses membres se trouvaient le capitaine John BIRASA, le capitaine Geoffrey ou Godfrey BUTARE,
officier de liaison entre la Minuar et l’APR, le sergent Aloys RUYENZI et le soldat Joseph
NZABAMITWA.

Interrogé sur la liste des membres du commandofigurant au « mémorandum interne » de
Michael HOURIGAN, Abdul RUZIBIZA confirmait que Charles KARAMBA, Déo SEKAMANA, Roger
KAROMBA s’occupaient des opérations d’assassinats au sein du commando, tandis que Kitoko

KADIDA et Francis MUHETO y jouaient le rôle d’officiers de renseignement. S'agissant des autres
personnescitées, qui n’opéraient pas à Kigali, il n’excluait pas leur appartenance à cette unité.
La préparation de l'attentat

Abdul RUZIBIZA expliquait que le groupe n°1 avait été chargé de réaliser des repérages
destinés à préparer l’attentat.
A titre personnel,il avait été infiltré clandestinementdans Kigali le 26 février 1994 et logé chez
un vétérinaire nommé Samuel Masabo KAYUMBA, afin de procéder aux repérages des secteurs

suivants : Masaka, Kanombe, Busanza, Gihanga et Ndera.

Il relatait également avoir été informé le 2 avril 1994 par Aloys RUYENZI que la décision
d’abattre l’avion présidentiel avait été prise lors d’une réunion tenue le 30 ou le 31 mars 1994 à
Mulindi en présence de Paul KAGAME, du colonel KAYUMBA NYAMWASA, du colonel Théoneste
LIZINDE, du lieutenant-colonel James KABAREBE, du major Jacob TUMWINE et du capitaine Charles
KARAMBA.La sécurité de cette réunion était assurée par Paul KARABAYINGA, Peter SEMPAainsi que
par le sergent Aloys RUYENZI qui était lui placé à l'extérieur du bâtiment. Abdul RUZIBIZA ajoutait
que le même jour, Hubert KAMUGISHA lui avait confirmé que la décision d’abattre le Président
HABYARIMANA avait été prise.

55
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Aloys RUYENZI, le caporal Moses NSENGAet le bureau de coordination du Network, l’avaient
égalementinformé dès février 1994 que des missiles SA 16 avaient été introduits dans les locaux du

CND qui abritaientle bataillon de l’APR à Kigali. Ces missiles, qui provenaientinitialement du quartier

général de la National Resistance Army (NRA ougandaise), avaient été acheminés depuis Mulindi vers
le CND après avoir été dissimulés dans un camion Mercedes transportant du bois de chauffage par
les caporaux John TUMUSHUKURU, Moses NSENGA, Stanley RWAMAPASI ainsi que par le sergent
SEROMBA.Le camion était conduit par Eugene SAFALI dit Karakonje, lequel avait confirmé son rôle à
Abdul RUZIBIZA. Une fois au CND,les missiles avaient été conservés dans la chambre du major Jacob
TUMWINE.

Abdul RUZIBIZA ajoutait que les tireurs, Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA avaient également
été acheminés vers le CND au cours du mois de mars 1994.
L’exécution de l’attentat

Le jour des faits, Abdul RUZIBIZA avait pour mission, en compagnie de Jean-Bosco NDAYISABA,
Emmanuel RUZIGANA et Charles NGOMANZIZA, de sécuriser le lieu de tir en se positionnant à
proximité de celui-ci. Pour ce faire,il s'était rendu dans une maison située à NDERA appartenantà la

famille d’un certain Jean-Marie MUNYANKINDI, où il avait retrouvé ses complices et récupérer des

munitions. Ils s'étaient ensuite tous rendus à l’emplacement qui leur avait été assigné pour
l’opération. À titre personnel, Abdul RUZIBIZA s'était trouvé à seulement 25 mètres du lieu de tir.

S'agissant de l’équipe de tir, il précisait qu’elle était arrivée de son côté et qu’elle était
composée de 4 personnes : Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA,les deux tireurs, Patiano NTAMBARA
qui assurait leur garde rapprochée, et Didier MAZIMPAKA, le chauffeur. Il précisait que ce dernier
avait sorti les missiles du CND et les avait convoyés sur le lieu de tir à l’aide d’un camion Toyota Stout
2200 blanche faussement plaqué et habituellement utilisé pour sortir les poubelles. Franck NZIZA,
Eric HAKIZIMANA et Patiano NTAMBARAétaient quant à eux sortis à pied du CND, ne montant dans
le véhicule conduit par Didier MAZIMPAKAque plus tard.
Abdul RUZIBIZA ajoutait que la cible avait été repérée vers 20h30 en raison de son bruit
caractéristique et abattue par Franck NZIZA après un premier tir infructueux d'Eric HAKIZIMANA.
Les deuxtireurs avaient immédiatement abandonné leurs lance-missiles sur place, rejoignant
Didier MAZIMPAKA qui les raccompagnait au CND.
Abdul RUZIBIZA relatait par ailleurs que cet attentat faisait suite à plusieurs tentatives
manquées, précisant que l’avion présidentiel aurait dû être abattu le 05 avril à son retour du Zaïre
mais quele projet avait été interrompu en raison d’une erreur d'interprétation de l’horaire.
Il expliquait finalement que dès 1h du matin le 7 avril 1994, les unités de l’'APR avaient fait
mouvement pour passer à l’offensive, conformément aux plans de reprise des hostilités qui avaient
été arrêtés à l’avance.
En 2004, Abdul RUZIBIZA publiait sur internet un témoignage de 34 pages reprenant les
accusations formulées devant le magistrat instructeur. (D7420)
2) Emmanuel RUZIGANA

Emmanuel RUZIGANA était auditionné le 29 mars 2004 par le magistrat instructeur.

56
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Sur son parcours

Entré à l’APR en 1990,il obtenait le grade de lieutenant dontil était dégradé en 1997 en raison
selon lui d’un conflit avec son commandant. Démobilisé en 2001,il quittait le Rwanda en 2003 pour
des raisons de sécurité etrejoignait l’Ouganda.
Sur le commando Network

Il précisait être entré en mars 1994 dans le commando Network, unité créée en 1993 par
James KABAREBE, qui avait selon lui pour mission d’effectuer des reconnaissances opérationnelles au
Rwanda ainsi que de créer un climat d’insécurité en participant à des embuscades ou à des attentats.
Au sein de cette unité, il dirigeait un groupe de 6 militaires comprenantle sergent Claver GATASHYA,
les caporaux Marc KARISA et Jean KARANGWA,le soldat Jules KARAMBIZIet le sergent KIBANDA.
A titre personnel, il était infiltré à Kigali sous la couverture d’un chauffeur de taxi.
Sur l’attentat commis contre l’avion du Président HABYARIMANA
S'agissant de l’attentat contre l’avion du Président HABYARIMANA,il disait avoir été informé
de ce projet fin mars 1994 par son supérieur direct, le capitaine Hubert KAMUGISHA. Le 2 avril, il
avait réalisé des repérages sur le site du tir au lieu-dit « la ferme » à Masaka, en compagnie de
Charles KAYONGA et de Hubert KAMUGISHA.
Le jour des faits, il s’était rendu dans une maison située à Ndera à la demande d’Hubert

KAMUGISHA, où il avait retrouvé d’autres membres du commando, dont Abdul RUZIBIZA. Il avait

ensuite rejoint le poste de surveillance que lui avait attribué Abdul RUZIBIZA, où son rôle consistait à
patrouiller afin de signaler tout mouvementaux alentours du lieu detir.

Aprèsle tir, et sur instruction de Charles KAYONGA, son groupe était reparti avec le taxi qu'il
avait laissé sur la route entre Ndera et Masaka.
L'équipe de tir, composée de Franck NZIZA, Eric HAKIZIMANA et d’un soldat prénommé
Patiano, était repartie avec la camionnette utilisée par Didier MAZIMPAKA.
Il n’avait pas vu qui étaient les tireurs au momentdes faits, mais disait avoir appris plus tard
qu’il s'agissait d'Eric HAKIZIMANAet de Franck NZIZA.
Enfin, il disait n’avoir pas entendu parler d’un projet d’assassinat du Président HABYARIMANA
le 5 avril 1994 évoqué par Abdul RUZIBIZA. (D6748)
3)

Les déclarations d'Albert MUDENGEconfirmant partiellement le scénario d'Abdul RUZIBIZA et
Emmanuel RUZIGANA

Albert MUDENGE, membre fondateur du PSD, était entendu au Canada le 27 septembre 2008,
pays où il s’était réfugié après avoir quitté le Rwanda en 2003.

Il déclarait avoir entendu Jean-Pierre MUDAHERANWA et Jean-Marie MUNYAYANKINDI parler
du commando « Network » en juillet 1994. De ce qu’il en avait compris, il s'agissait d’une unité
spéciale du DMI chargée du « nettoyage ».

57
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Il ajoutait que le 06 avril 1994, sa sœur Claudine l'avait appelé à 5h30 du matin pour lui
demander de ne pasvenir à Kigali car « quelque chose de graveallait se produire ». Elle ne lui en avait
pas dit davantage, précisant seulement tenir cette information de Jean-Bosco NDAYISABA.

Quelques mois plus tard, en septembre 1994, sa sœur lui avait confié que Jean-Bosco
NDAYISABA l’avait averti que l’avion présidentiel devait être abattu le 06 avril 1994 au matin mais

l'avion. Sa
qu’en raison du brouillard, il avait été décidé de procéder au tir de missiles au retour de

la
sœur lui avait précisé que le commando chargé de l'attentat s'était installé dans la maison de
l'identité
précisé
pas
avait
lui
ne
Elle
famille MUNYANKINDI, située à Ndera et surplombant Masaka.
destireurs. (D6937)
B. Les membres de la garde rapprochée de Paul KAGAME
1) Aloys RUYENZI

Aloys RUYENZI était initialement entendu le 25 et le 26 mai 2004, puis de nouveau par le
magistrat instructeur le 4 avril 2011. (D6749, D6801, D7789)
Il confirmait par ailleurs largement ses accusations dans un écrit daté du O5 juillet 2004 versé à
la procédure d’instruction belge. (D7286)
Sur son parcours

Après avoir passé 18 mois dans l’armée ougandaise,il intégrait l’APR en 1991 et se trouvait
affecté à la sécurité rapprochée de Paul KAGAME à compter de 1992. Prévenu de menaces de mort
d’abord
pesant sur sa personne,il désertait l’armée rwandaise le 18 novembre 2001, se rendant tout
en Ouganda jusqu’en mars 2004, puis en Tanzanie et en France en mai 2004.

Il pouvait être noté qu’en novembre 2004, Aloys RUYENZIsollicitait du magistrat instructeur un
soutien dans une demande d'aide adressée à l’administration. Il était d’ailleurs admis au bénéfice de
l’asile par décision de l’OFPRA du 14 avril 2006. (D6989, D6931/5)
Sur le commando Network

Il expliquait initialement avoir fait partie d'une unité spéciale baptisée « Network
James
commando », créée fin décembre 1993 ou début 1994 par Paul KAGAME et dirigée par
La
sections.
deux
en
divisée
était
personnes,
KABAREBE. Cette unité, composée d’environ 30
d'envoyer
mission
première, purement technique et logistique, avait notamment pour
et le
clandestinementà Kigali des armes dissimulées dans des camionsfaisant la liaison entre Mulindi
transféré
titre
ce
à
avoir
et
section
cette
CND de Kigali. Aloys RUYENZI disait avoir appartenu à
environ 10 personnespar jour, toutes habillées en civil et équipées de grenades. La seconde section,
opérationnelle, était chargée de commettre des assassinats.

Selon lui, il existait également à Kigali un troisième groupe chargé de recueillir des
renseignements et d’assassiner les opposants au FPR.
S'agissant d’Abdul RUZIBIZA, il savait que ce dernier avait été membre du commando mais
précisait qu’ils n'avaient pas été affectés dans la même unité.

58
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Il pouvait être relevé que lors de son interrogatoire du 4 avril 2011 et contrairement à ce qu'il

avait déclaré jusque-là, Aloys RUYENZI prétendait désormais ne pas avoir fait partie du « Network »,

tout en confirmant avoir participé à leur activité de transfert d'armes en tant qu’agent de
renseignement.
Sur l’attentat commis contre l’avion du Président HABYARIMANA

Aloys RUYENZI exposait que dans sa mission de protection de Paul KAGAME, il avait assisté à
une réunion qui s'était tenue le 30 ou le 31 mars 1994 au quartier général du FPR à Mulindi en
présence de Paul KAGAME, de Théoneste LIZINDE, de Jacob TUMWINE, du capitaine Charles
KARAMBA, de James KABAREBE et du colonel KAYUMBA NYAMWASA. Au cours de cette réunion,

Théoneste LIZINDE avait présenté un rapport relatif à la détermination du meilleur emplacement
pour installer des missiles destinés à abattre l’avion présidentiel. Aloys RUYENZI relatait avoir
personnellement entendu Paul KAGAME indiquer : « Dès que le président HABYARIMANA quitte la
réunion d'Arusha et que son avion est en approche voustirez dessus, la guerre ne se terminera pas si
le président HABYARIMANA n'est pas mort »

Il ajoutait qu’il était le seul membre du service de protection à assister à la réunion, mais que
deux autres étaient à l’extérieur d’où ils pouvaient entendre les échanges par la fenêtre. Interrogé
sur les motifs pour lesquels Paul KAGAME aurait autorisé sa présence à une réunion d’une telle
importance, il répondait laconiquement que celui-ci lui faisait confiance et qu’il était d'usage qu’un
officier de renseignement soit présent dans la salle.
Conformément aux déclarations d’Abdul RUZIBIZA, il confirmait avoir évoqué le 2 avril 1994
avec ce dernier le contenu de cette réunion.

S'agissant des missiles utilisés, il expliquait qu’ils étaient d’origine ougandaise et qu’il avait
personnellement supervisé leur transfert vers Kigali dans le cadre de son activité au sein du
« Network ». Les missiles avaient ainsi été chargés et dissimulés dans un camion transportant du bois
de chauffage par quatre militaires du FPR : Moses NSENGA, John TUMUSHUKURU, John SEROMBAet
Stanley RWAMAPASI. Dans le camion, se trouvaient égalementles deux militaires chargés de tirer sur
l’avion du Président HABYARIMANA : Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA.Il ajoutait que ces derniers
lui avaient ultérieurement relaté le déroulement de l’attentat au cours duquel Eric HAKIZIMANA
aurait tiré le premier en manquant sa cible, Franck NZIZA atteignant l'avion présidentiel lors du
secondtir.

Lors de son interrogatoire du 4 avril 2011 et contrairement à ses précédentes déclarations, il
affirmait que seul Franck NZIZA lui avait communiqué, en mai 1994, des informations relatives au
déroulement de l'attentat et qu'il ne connaissait pas Eric HAKIZIMANA. Franck NZIZA lui avait
notamment précisé que deux personnes, un chauffeur, le Sergent Didier MZIMPAKA, et un militaire
d’escorte nommé Potiano NTAMBARA, avaient accompagné les tireurs le jour des faits et qu'ils
étaient sortis du CND dans un camion transportant habituellement les poubelles.
Il pouvait être noté qu’après avoir daté le transfert des missiles du mois de février 1994 devant
le juge d’instruction, Aloys RUYENZI le datait du 22 mars 1994 devant les enquêteurs.
Sur son apparition dans le dossier d'instruction

Il expliquait que le major Gérard NTASHAMAJE, ancien membre du FPR, avait « arrangé un
rendez-vous avecle juge Bruguière », probablement à l’instigation de M. RUZIBIZA qu'il connaissait.
Il ajoutait avoir également témoigné devantle TPIR en avril 2007 et le 05 novembre 09.
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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

S'agissant d’Eugène SAFALI alias Karakonje, désigné par Aloys RUYENZI et Abul RUZIBIZA
commeayant conduit le camion transportantles missiles de Mulindi à Kigali, il pouvait d’ores et déjà
être indiqué que ce dernier devait être entendu le 1°" décembre 2008 au Rwanda par la commission
MUTSINZI.

A cette occasion,il reconnaissait avoir occupé en 1994 un rôle de chauffeur entre Mulindi et le CND

de Kigali mais réfutait totalement avoir transporté des missiles. (D8260/6)
2) Innocent MARARA

2001.

Tutsi né et éduqué en Ouganda, Innocent MARARAétait entendu le 29 août et le 03 septembre

Sur son parcours

Il avait rejoint les rangs de l’APR en Ouganda en 1991 et s’était trouvé affecté dès 1992 au sein
d’une section assurant la garde rapprochée de Paul KAGAME. Fin 1995, il intégrait l'équipe des
chauffeurs de Paul KAGAME, composée d’une douzaine de personnes, dont il devenait le chef en
1997. Inquiet de plusieurs assassinats commis au sein de l’APR courant 2000,il décidait de déserter
et quittait le Rwanda pour l’Ouganda en février 2001, d’où il prenait contact avec le TPIR afin
d'obtenir de l’aide.
Surl'attentat commis contre l’avion du Président HABYARIMANA

Innocent MARARAindiquait que ses fonctions au sein de l’APR lui avaient permis d’être témoin
de trois réunions préparatoires à l’assassinat du Président HABYARIMANA, qui s'étaient tenues au
quartier général du FPR à Mulindi.
La première réunion, qu’il situait dans le mois ayant suivi les accords d’Arusha, avait pour
thème principal la mise en œuvre de ces accords. Elle avait rassemblé une douzaine d'officiers du
haut commandement de l’APR dont Paul KAGAME,le colonel Steven NDUGUTE,le colonel William
BAGIRE, le colonel Sam KAKA, le colonel NYAMWASA KAYUMBA, le lieutenant-colonel James

KABAREBE, le major Jack NZIZA, le colonel MUSITU, le colonel Dodo TWAHIRWA, le lieutenantcolonel Charles KAYONGA et le colonel NGOGA. Au cours des discussions, le colonel Steven
NDUGUTE émettait le premier l’idée d’assassiner le Président HABYARIMANA, suggestion qui devait
recevoir immédiatement l’assentiment des personnes présentes, y compris de Paul KAGAME. Aucun
scénario n’avait alors été échafaudé, Paul KAGAME chargeant James KABAREBE d’envisager un plan
d’action. Innocent MARARA indiquait avoir eu l’occasion d’entrer et de sortir de la salle de réunion à
plusieurs reprises et soutenait qu’il avait personnellement entendu Paul KAGAME demander
d'étudier les moyens d’assassiner le Président HABYARIMANA. !| avait obtenu le reste des
informations des autres membres de l’équipe de sécurité qui s'étaient succédé dansla salle.
La seconde réunion s’était tenue avantla fin de l’année 1993 au même endroit et en présence
des mêmes protagonistes. Innocent MARARA, qui en assurait la sécurité depuis l'extérieur mais
pouvait entendre les échangesà travers les fenêtres, indiquait que James KABAREBE avait présenté le
plan retenu pour assassiner Juvénal HABYARIMANA.Sans avoir clairement entendu le plan proposé,
Innocent MARARA avait néanmoins saisi le mot « missile » ainsi que le nom des personnes choisies
pour mener cette mission : le sous-lieutenant Franck NZIZA, le caporal Bosco NDAYISABA,ainsi que le

sergent « Didier » dontil ignorait le nom de famille.

60
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

La troisième réunion s'était déroulée au même endroit au début de l’année 1994, mais avec un
nombre de participants plus réduit. Il se souvenait uniquement de la présence de Paul KAGAME,
Nyamwasa KAYUMBA, Sam KAKA, James KABAREBE, Jack NZIZA et Steven NDUGUTE. Situé à

l'extérieur du local abritant la réunion, il n’avait rien entendu personnellement mais les autres
membres du groupe de sécurité lui avaient dit que la décision de procéder à l'assassinat avait été
prise. Aucune précision opérationnelle n’avait néanmoins été fournie.

| ajoutait également avoir recueilli les confidences de Franck NZIZA fin décembre 1994 ou
début janvier 1995. Ce dernier avait reconnu sa participation à l’attentat, précisant que le premier tir
avait raté sa cible et qu’il avait personnellementréussi à toucher l’avion avec un second missile, tiré
depuis une colline située sur la gauche par rapport à l’axe Masaka-Camp de Kanombe. Innocent
MARARA avait « compris » de ce récit que Franck NZIZA avait tiré les deux missiles mais il n’en était
pas certain.
Selon lui, les personnalités du FPR telles Alexis KANYARENGWE, le colonel LIZINDE ou Seth
SENDASHONG n’étaient pas au courant de la préparation de l’attentat. (D3272-D3277, D4083-

D4093)

La sœur d’Innocent MARARA, Brenda TWINOMUJUNI ASIIMWE, expliquait lors de ses
déclarations du 24 août et du 09 septembre 2001 qu’elle avait également quitté le Rwanda en mars
2001, se sentant menacéeà la suite de la désertion de son frère. Elle n'avait aucune information à
fournir sur l’assassinat du Président HABYARIMANA, mais évoquait avoir assisté à une fête organisée
à Matimba (Rwanda) le 4 juillet 2000 ou le 1°” octobre 2000, en présence de Paul KAGAME. Au cours
de cette fête, des chants avaient été entonnés pour remercier le FPR d’avoir promu un de ses soldats
ayant abattu l’avion d’HABYARIMANA. Les recherches effectuées confirmaient qu’une cérémonie

officielle présidée par Paul KAGAME s'était déroulée à Matimbale 1°" octobre 2000. (D3266, D4101,

D4105)

3) Evariste MUSONI

Tutsi né au Rwanda, Evariste MUSONI était entendu le 29 août et le 04 septembre 2001.
(D3269, D4096)

Sur son parcours, il expliquait avoir intégré l’APR en 1991 et avoir rejoint le quartier général de
Mulindi à compter de septembre-octobre 1992 pour être affecté à la protection « avancée »de Paul
KAGAME. Déçu du traitement que l’armée rwandaise lui réservait, il rejoignait en mars 2001 son ami
Innocent MARARA en Ouganda.
Il relatait qu’en février ou mars 1994, il avait été chargé d'apporter un poste radio à Paul
KAGAME au cours d’une réunion que tenait ce dernier avec plusieurs officiers du hautcommandement, dont le colonel NYAMWASA KAYUMBA, le colonel Steven NDUGUTE,le lieutenantcolonel James KABAREBE, le colonel Sam KAKA et le major Jack NZIZA. En entrant dans la salle de

réunion, il avait entendu, au milieu du brouhaha, un officier qu’il ne pouvait identifier s'exclamer «si

l'avion est abattu on peut arriver à notre objectif ». De même, pendant qu'il ressortait de la salle, le
colonel NYAMWASA KAYUMBAavait dit «… qu'il n’y avait pas d’autre façon que de tirer sur son
avion ».

Il n’en avait pas entendu davantage sur le moment mais déclarait que beaucoup plus tard,
Mutayega NYAKARUNDI lui avait confié que trois militaires du haut commandementavaient participé
à l'attentat et qu’il s'agissait de Franck NZIZA, de Bosco NDAYISABA et du « sergent Didier ».

61
Parquet du TGI de Paris — Section Ci — Procédure 9729523030

Le soir du 06 avril 1994, il était de garde au quartier général du FPR à proximité de la salle de
transmission et avait entendu les transmetteurs évoquer la réception d’un message codé annonçant
que « Kinani », surnom du Président HABYARIMANA,avait été abattu. Quelques minutes après, les
unités étaient rassemblées et certaines quittaient immédiatement le camp pour partir en mission.
(D3269-D3271, D4096-D4100)

Evariste MUSONI refusait début 2011 d’être de nouveau entendu dans le cadre de cette
procédure comme le souhaitait pourtant le magistrat instructeur, qui avait émis une CRI aux
autorités britanniques en ce sens. (D7784)

C.

L'examende ces accusations: la possibilité discutée de dissimuler des missiles dans les
locaux du CND et de les acheminer discrètement vers la colline de MASAKA

Aux termes des accusations ci-dessus exposées, se dessinait l'hypothèse d’un attentat commis
dans les circonstances suivantes : des missiles SA 16 appartenant au FPR avaient été transportés
depuis le quartier général de Mulindi vers le CND de Kigali où ils avaient été dissimulés. Le 6 avril
1994, ces missiles avaient été transportés jusqu’au lieu de tir sur la colline de Masaka par un groupe
de quatre personnes.

Les investigations cherchaient donc à établir la possibilité matérielle de faire entrer des
missiles au CND puis de les transporter jusqu’à la colline de Masaka, dans un contexte sécuritaire
marqué par de fortes tensions avec les FAR, et alors même que la Minuar était censée escorter tous
les convois du FPR entrant et sortant du CND.

Comme souvent dans cette procédure, des témoignages contradictoires étaient recueillis.
1) Les témoignages soulignant la possibilité de faire entrer et sortir des missiles du CND
En procédure, plusieurs anciens responsables des FAR ou du régime HABYARIMANA
soutenaient que le FPR parvenait à faire entrer des armes et des hommes au sein du CND à l’occasion
de convois de ravitaillement. Il s'agissait notamment de Faustin TWAGIRAMUNGU, qui soutenait que
les effectifs du bataillon du FPR à Kigali avaient été multipliés par huit (D4190), mais également de

Dismas NSENGIYAREMYE (D5218), de Colette NYIRARWIMO (D2059), de Maurice NSABIMANA
(D7035), de Joseph BUKEYE (D5107), ou de Joseph MURASAMPONGO (D5117).

Gérard NTASHAMAIE, ancien cadre du FPR ayant quitté le Rwanda en 2000, indiquait avoir
personnellement constaté que l'APR se préparait intensément au combat, transportant des armes
depuis l’Ouganda pour les dissimuler dans des caches. Il disait avoir également appris que les
militaires de l’APR se servaient des convois de bois de chauffage pour faire entrer au CND du matériel
lourd, et notammentdes missiles anti-chars. (D1954-D1955)
Ces témoignages faisaient écho aux déclarations de Dimitri PAUWELS, militaire belge affecté à
l’escorte des officiels du FPR à Kigali, qui indiquait qu’à l’occasion d’une sortie « nous nous sommes
retrouvés avec deux à trois cent personnes de plus qui n'étaient pas prévues » parmi lesquelles
figuraient des hommesporteurs d’armes de toutes sortes, notamment un RPG-7. (D6290-D6294)
Cette anecdote était confirmée par le militaire Didier LEFEBVRE, qui précisait néanmoins que
tout le matériel avait été inspecté pour vérifier s’il était « acceptable ». Il ajoutaït que la Minuar

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

contrôlait tous les convois qu’elle escortait jusqu’au CND et que les FAR contrôlaient égalementles
entrées etles sorties. (D8565)
Le militaire belge Johnny BOREUXestimait lui que la Minuar était « trompée » par le FPR qui
effectuait des « changements de personnes », permettant à des militaires de s'infiltrer dans Kigali.

(D5264)

Bernard CUSSAC, chef de la mission militaire de coopération française au Rwanda en 1994,

soulignait de son côté qu'aucun contrôle des convois du FPR faisant la liaison Mulindi-Kigali n’était

effectuéet qu’il était donc possible d’acheminer de l'armement. (D368)

Devantle Sénat de Belgique le 7 mars 1997, le colonel MARCHAL, commandant du secteur de
Kigali pour la Minuar entre décembre 1993 et avril 1994, confirmait que les relations avec le bataillon
du CND n'étaient pas aisées, ajoutant « j'ai toujours été persuadé que lorsque le FPR allait chercher
du bois de chauffage dans le Nord, c'était pour amener des armes. On a tout essayé pour contrôler
cela, mais en vain ». (D3997)
Auditionné par les magistrats instructeurs le 9 juillet 2002, il soulignait l'impossibilité de
procéder à des contrôles d’identité des membres du FPR à l’entrée et à la sortie du CND en l’absence
de documents d'identité.
il faisait néanmoins état d’un contrôle de l’armement du FPR détenu au CND qui s'était avéré
négatif. (D6278-D6285)
2)

Les témoignages soulignant les difficultés de faire entrer clandestinement des armes dans les
locaux du CND et de les transporter jusqu’à Masaka

Le rapport de la commission MUTSINZI soulignait qu’un détachement de la Minuar affecté à la
sécurité quotidienne du CND contrôlait les opérations et les mouvements du FPR.
Ainsi, les auteurs soulignaient que toute « demande de sortir du CND était adressée à la
Minuar douze heures avantle déplacement et la fiche de demande précisait le lieu de destination, le
motif de sortie, l'itinéraire à suivre, le nombre de personnes, la quantité et la nature d ‘armes détenues
par les militaires qui devaient accompagnerla délégation, etc. ». Chaque convoi était soigneusement
escorté par les militaires de la Minuar durantle trajet et faisait l’objet d’une fouille à la sortie et au
retour au CND, fouille à l’occasion de laquelle l'identité des personnesétait relevée. Les conditions
de contrôle étaient notamment détaillées par Patrick MAZIMPAKA et Georges RWIGAMBA,

membres du FPR présents au CND en 1994. (D7944, D7899/6-11, D7750, D8259)

Au soutien de ces arguments, il pouvait être noté que l’agenda du colonel MARCHAL exploité
en procédure ne faisait nullement état de l’entrée illicite d’armes ou de soldats au sein du CND.
L'intéressé avait d’ailleurs souligné, lors de sa déposition au procès du colonel Théoneste
BAGOSORA, qu'aucun missile n'avait été retrouvé au sein du CND la suite d’une inspection. (D7484,

D8419/28)

En conséquence, les auteurs du rapport contestaient que le FPR ait pu transférer
clandestinement au CND des armes et des munitions et ce d’autant qu’outre la Minuar, les FAR
exerçaient un contrôle vigilant sur le comportementdes agents du FPR au sein du CND.
En effet, selon le rapport, « des équipes de militaires de la garde présidentielle avaient été
choisies et affectées à la surveillance de tous les mouvements qui se passaient autour du CND et

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

rendaient compte chaque soir au major Mpiranya, commandantde la garde présidentielle, de tout ce
qu'ils avaient vu. Ces militaires s'habillaient en civil et effectuaient des rondes dans les endroits
proches du CND, repéraient et identifiaient toutes les personnes qui y entraient, notamment en
notant les numéros d'immatriculation de leur véhicule ». (D7088/78)
Ainsi, Andréa TWAGIRIMANAindiquait que des « commandos de recherches et d’actions en
profondeur » (CRAP) avaient notamment pour mission, au sein de la garde présidentielle, de
surveiller les entrées etles sorties du CND. (D8432/7)
Etienne NSENGIYUMVA confirmait que les militaires de Kanombe avaient renforcé les
patrouilles dans le quartier proche du CND, ce qui n’empêchait toutefois pas que des militaires du
FPR puissent sortir du CND sansqu'ils en soient informés. (D8144/12)

Alphonse MUGANGAexpliquait que des patrouilles de militaires en civil se faisaient dans le
quartier du CND ettoutle long de la route qu’empruntait quotidiennement le Président, notamment
par crainte qu’un attentat soit commislors d’un trajet en voiture. Il ne pensait pas que les membres
du FPR auraient pu quitter le CND avec les armes nécessaires pour abattre l'avion présidentiel.
(D7955/14-20)
De surcroît, il apparaissait que de nombreux barrages mobiles étaient dressés par les FAR sur
différents axes routiers, constituant autant d'obstacles au transport de lance-missiles depuis le CND
jusqu’aux alentours de Kigali pour procéder au tir.
La présence de plusieurs barrages, notamment au niveau du « km 19 » situé à Masaka, était

attestée par Innocent MUTIGANDA, Emmanuel IYAMUREMYE et Roger TURINUMUKIZA. innocent

MUTIGANDA ajoutait que selon lui, la présence de ces barrages empêchait le FPR de se déplacer avec
des armes. (D8069/28-31, D7896/23-34, D8431/18)

Par ailleurs, lors du déplacement au Rwanda, Etienne SIBONAMA,ex soldat des FAR, montrait
au magistrat instructeur la localisation de différents barrages existant selon lui au 06 avril 1994.

(D7975)

Outre ces témoignages, la présence de barrages destinés à faire respecter les dispositions
relatives à la zone de consignation d’armes était également attestée par un document de la Minuar
datant de 1993 ainsi que par un rapport de la 13° compagnie de parachutistes de l’armée belge (Kibat
1) en date du 26 décembre 1993. (D7218, D6658)
De manière générale, la commission MUTSINZI écartait la présence d'armes et de militaires
non prévus au sein du CND, considérant que dans une telle hypothèse, une résistance aurait pu
s'organiser face aux massacres, ce qui n'avait pas étéle cas.
A ce sujet, le colonel Walter BALLIS de la Minuar exposait qu'aucun mouvement particulier
n'avait été relevé au CND le soir des faits. Il ajoutait qu’il lui paraissait compliqué voire « assez
impressionnant » pour des soldats du FPR installés au CND de rejoindre le lieu du tir avec des
missiles. (D7576/15)
Devantle Sénat Belge, le chef de la Minuar, le général Roméo DALLAIRE, considérait quant à lui
que le FPR ne détenait que des mitrailleuses et non des missiles au CND. (D3996)

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Section 3 : L'émission et l’exécution de mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs
responsables du FPR
Sur la base des éléments rappelés ci-dessus, les magistrats instructeurs émettaient le 22

novembre 2006 des mandats d'arrêt à l’encontre de James KABAREBE, Jackson NKURUNZIZA dit Jack
NZIZA, Rose KABUYE, Samuel KANYEMERA dit Sam KAKA, Faustin NYAMWASA-KAYUMBA, Franck
NZIZA, Eric HAKIZIMANA, Charles KAYONGA et Jacob TUMWINE. (D6919-D6926)

En exécution de ces mandats, Rose KABUYE était interpellée en Allemagne le 09 novembre
2008 et remise aux autorités françaises avec son accord le 19 novembre 2008. (D7009-D7011)

Par ailleurs, à l’exception de Faustin NYAMWASA-KAYUMBA et Eric HAKIZIMANA, les
personnesvisées par des mandats d'arrêt étaient mises en examen en décembre 2010 au Burundi,

en exécution d’une commission rogatoire internationale en date du 09 novembre 2010. (D7699)

i.

Rose KANYANGE épouse KABUYE

Mise en examen des chefs de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise
terroriste et d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, Rose KABUYE
était interrogée au fond à 7 reprises par les magistrats instructeurs entre le 28 janvier 2009 et le 23

septembre 2009, contestant toute implication dans l’assassinat du Président HABYARIMANA et des
passagers du Falcon 50. (D7012, 7018, 7035, 7036, 7039, 7040, 7048, 7049)

Sur son parcours personnel, elle indiquait que sa famille avait fui le Rwanda pour s'installer en
Ouganda en 1962 alors qu’elle n’avait qu’un an. Elle avait intégré l’APR avec le grade de lieutenant en
octobre 1990 au momentde la grande offensive lancée contre le Rwanda. Après la signature des
accords d’Arusha, elle avait été choisie par le FPR pour siéger en tant que députée ets'était à cetitre
installée au CND avecle contingent du FPR. (7018)
Selon elle, le FPR souhaitait réellement la mise en œuvre des accords d’Arusha. Elle considérait
que son parti pouvait prendre le pouvoir progressivement, démocratiquement,par le jeu d’alliances
avec d’autres partis. (D7018)
Interrogée sur l’installation d’un bataillon du FPR au CND, elle indiquait que celui-ci était
composé de 600 soldats dont la mission était de protéger les hautes personnalités du FPR qui y
étaient logées. Elle contestait totalement que ce bataillon ait été renforcé par des individus ou des
armestransférés clandestinement depuis Mulindi. À cet égard, elle précisait que les convois entrant
ou sortant du CND étaient systématiquementfouillés par la Minuar et que l’armée rwandaise aurait
nécessairementrepéré l’installation clandestine de plusieurs milliers de soldats de l’APR dans la ville
de Kigali. De manière générale, elle s’étonnait de l’imprécision des accusations portées contre le FPR,
qui ne dénonçaient aucune situation précise, ainsi que de leur caractère tardif, la Minuar n’en ayant
pas été informée en 1994. (D7035)

Entendue sur la détention de missiles sol-air par l’APR,elle indiquait ne pas en être informéeet
n’avoir jamais constaté la présence de missiles à Kigali ou au CND. Lorsque le magistrat instructeur lui
faisait remarquer que de nombreux témoignages indiquaient clairement que les FAR ne détenaient
pas de telles armes, elle répondait que ces déclarations émanaient de personnes qui se défendaient
et que si des membres du FPR avaient été entendus, îls auraient probablement également contesté
la détention de tels missiles. (D7036)

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Elle disait par ailleurs n’avoir jamais entendu parler d’un « Network commando »agissant pour
le compte du FPR mais évoquait le fait qu’un tel groupe existait aux ordres du gouvernement
rwandais. Elle réfutait de la même façon les déclarations d’Abdul RUZIBIZA et d'Emmanuel

RUZIGANA, qu’elle estimait fabriquées pour accuser le FPR. Selon elle, Abdul RUZIBIZA était aide-

soignant au sein de l’APR et n’aurait jamais pu accéder aux informations dontil faisait état, ajoutant
qu’il avait quitté l’armée à la suite d’un vol. (7036)
Entendue sur les diverses réunions qui auraient été organisées pour préparer l'assassinat du
Président HABYARIMANA,elle n’avait jamais entendu parler de la réunion de Bobo-Dioulasso et ne
voyait pas pourquoi ce lieu aurait été choisi pour préparer une telle action. De la même manière, elle
contestait les déclarations d’Innocent MARARAet d’Evariste MUSONI, considérant invraisemblable
qu’un projet tel que celui d’abattre l’avion du Président rwandais puisse être évoqué devant les
personnes chargées de la sécurité. (D7039)

De manière générale, elle critiquait des témoignages indirects, faisant état de propos
rapportés et émanantde personnes elles-mêmesimpliquées dansle génocide des Tutsis.
S'agissant des personnes qui l’accusaient directement, elle contestait les déclarations de
Sixbert MUSANGAMFURA etsignalait que Théoneste LIZINDE étant décédé,il était désormais facile
de lui prêter des propos mensongers. (D7049)
A titre personnel, elle pensait que les responsables de l’acte devaient être recherchés parmi les
gens qui contrôlaient le camp de Kanombe, à savoir l’armée Rwandaise, la Minuar et l’armée
française. (D7049)
Il. James KABAREBE

James KABAREBE était mis en examen le 06 décembre 2010 à Bujumbura (Burundi), des chefs
de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs
en vue de préparer des actes de terrorisme, avant d’être interrogé au fond à 3 reprises. (D7700,
D7701, D7702, 7704)

Sur son parcours, il indiquait avoir rejoint l’APR et le FPR le 1°" octobre 1990 en Ouganda.
Commandant de la garde présidentielle de 1994 à 1997, il devenait ministre de la Défense en avril
2010.

S'agissant de la situation politique issue des accords d’Arusha, il estimait que le FPR avait
beaucoup d'’alliés au sein des groupes politiques, ce qui lui permettait de participer au processus
démocratique et d'envisager de gagner, si ce n’est la première élection, à tout le moins les scrutins
suivants.
Comme Rose KABUYE, il rappelait que les entrées et sorties du CND étaient soumises à un
strict contrôle de la Minuar faisant obstacle à l’arrivée clandestine d’armes ou de militaires dansles
locaux du CND. Répondant aux déclarations de Dimitri PAUWELS,il indiquait que le FPR ne disposait
à Kigali que d’un ou deux camions, rendant impossible le transfert clandestin de 200 à 300 militaires
à l’occasion d’un seul convoi, commece dernier l’affirmait. (7701)
Il contestait également que des membres du FPR aient été évacués de Kigali en connaissance
de l’imminence de l’attentat, faisant valoir le nom de plusieurs officiels du FPR qui étaient encore au

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

CND lors de l’attentat. De la même façon, il expliquait que l’APR n'avait pas eu de réaction
particulière avant le 08 avril 1994, date à laquelle elle était intervenue pour interrompre le génocide.
S'agissant de l’armement du FPR,il était constitué d'armes prises à l’armée ougandaise lorsque
les soldats rwandais l’avaient déserté en 1990 pour constituer l’APR, ainsi que des armesprises au
FAR. Selon lui, les contrôles réalisés par les Nations-Unies à la frontière entre l’'Ouganda et le Rwanda
dans le cadre de la MONUOR faisaient obstacle à ce que l'Etat ougandais fournisse des armes à l'APR
qui ne disposait par ailleurs d’aucun missile sol-air. (7702)

Interrogé sur les différents témoignages imputant la préparation de l’attentat et sa
commission à des membres du FPR, il les réfutait totalement, présentant ainsi Abdul RUZIBIZA,
Emmanuel RUZIGANA, Aloys RUYENZI, Innocent MARARAetEvariste MUSONI comme des soldats de
faible envergure ayantfui la justice rwandaise et qui n'auraient jamais pu accéder aux informations
qu’ils disaient détenir. S'agissant plus spécifiquement d’Innocent MARARA et d’Evariste MUSONI,il
précisait que ces derniers n’avaient intégré l’APR qu’en mai 1994 et qu’ils ne pouvaient donc pas
avoir assisté à des réunions qui se seraient tenues antérieurement.Il soulignait en outre qu’innocent
MARARA n'avait jamais été affecté à la garde rapprochée de Paul KAGAME et faisait état de
nombreuses erreurs factuelles dans son récit, notamment s’agissant du lieu de résidence de M.

KAGAME. (7702/11)

ll contestait de la même façon les conclusions du rapport HOURIGAN et les déclarations
d'Albert MUDENGE ou de Jean-Pierre MUGABE, qui n'avaient été directement témoins d’aucun fait,
se contentant de rapporter des témoignages indirects. (D7701)
Ainsi, il réfutait l’existence d’un commando « Network » chargé de commettre des assassinats
et niait la tenue d’une réunion à Bobo-Dioulasso, expliquant que le Président KAGAME ne s'était pas
rendu au Burkina-Faso avant 1997.
Il rejetait de la même façon le récit d'’Abdul RUZIBIZA, soulignant que ce dernier n’était pas
venu à Kigali avant 1995 et qu’il n’était pas possible d’acheminer des armes dans la zone de Masaka
depuis le CND en raison des nombreux barrages érigés sur la route. (7704)
De manière générale, il considérait que les accusations contre le FPR étaient portées par des
personnesréfugiées en Europe, qui espéraient ainsi obtenir l'asile.
IN. Samuel KANYEMERAdit Sam KAKA

Samuel KANYEMERA était mis en examen le 08 décembre 2010 des chefs de complicité
d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs en vue de
préparer des actes de terrorisme. (D7705)
Il était interrogé au fond à deux reprises le même jour. (D7706, D7707)

Réfugié en Ouganda, il expliquait avoir intégré l’APR le 1°’ octobre 1990. De décembre 1993 à

avril 1994, il était le commandant des forces de l’APR basées à MUKARANGE avant d’être nommé

coordinateur de Kigali le 15 avril 1994. (7706/2)

Interrogé sur l'installation du bataillon du FPR au CND, il confirmait que des tranchées avaient

été creusées autour du bâtiment, précisant que celles-ci n’avaient pas pour but de déclencher une
attaque mais de loger en sécurité les militaires du FPR. En revanche, il indiquait ne pas savoir

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 - Procédure 9729523030

commentdes armes ou des hommesauraient pu être transférés clandestinement au CND en dépit
de la présence de la Minuar. (7706/4)
Confronté aux déclarations d’Abdul RUZIBIZA, Emmanuel RUZIGANA, Aloys RUYENZI et Albert
MUDENGE faisant état de l’existence d’un commando « Network », il disait qu’un tel commando
n'existait pas et affirmait ne connaitre aucune des personnesprécitées. (7706/9)
Comme James KABAREBE, il soutenait que l’APR disposait d’armes légères prises à l’armée
ougandaise en 1990 ou au FPR par la suite et aucunementde missiles sol-air.

Entendu sur les déclarations d’Innocent MARARA et Evariste MUSONI l’accusant d'avoir
participé à des réunions préparatoires à l'assassinat du Président HABYARIMANA, il les réfutait,
déclarant impossible que des membres du service de sécurité aient pu assister à des réunions
opérationnelles de cette nature. (D7706/14)
De la même façon, il contestait le récit de l’attentat fait par Abdul RUZIBIZA et Emmanuel

RUZIGANA, qu'il qualifiait « d'histoires fabriquées ». Contrairement à ce qu'affirmait M. RUZIBIZA,il
précisait que les troupes du FPR n’avaient pas fait mouvementdans la nuit du 06 au 07 avril 1994
mais uniquementle 08 avril 1994 pour répondre à l'attaque subie par le bataillon du CND ainsi qu’au
début des massacres. (D7707/5)
S'agissant des différents témoignages mettant en cause le FPR de manière indirecte, il les
contestait sans apporter davantage d’éléments. (D7707/9)
IV. Charles KAYONGA

Charles KAYONGA était mis en examen le 08 décembre 2010 des chefs de complicité
d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs en vue de
préparer des actes de terrorisme. (D7708)
Interrogé à trois reprises, il déclarait avoir rejoint l’armée de résistance ougandaise en 1987
puis l’APR en 1990 en tant que commandant de peloton. En 1993,il devenait commandant du
bataillon du FPR au CND jusqu’à la fin de l’année 1994. Il terminait sa carrière au poste de chef
d'état-major général des forces rwandaises. (7709/2)
S'agissant du bataillon logé au CND de Kigali, il était composé de 600 hommes recrutés parmi
d’autres unités et formés uniquement pour assurer une mission de protection des hautes
personnalités du FPR. Comme les autres mis en cause, il contestait l'introduction clandestine de
soldats et d’armes au sein du CND, soulignant que les contrôles effectués par la Minuar, mais
égalementles barrages dressés par les FAR entre Mulindi et Kigali, rendaient toute opération de
cette nature totalement impossible. Il ajoutait que le CND était un endroit exigu qui ne pouvait pas
accueillir 200 ou 300 personnes supplémentaires. (7709/6, D7710/17)

À titre personnel, il réfutait totalementles déclarations de Christophe HAKIZABERA l’accusant
d’avoir participé à des opérations ayant pour objet d’éliminer des opposants ou de poser des engins
explosifs. (D7709/7)
Il contestait également l’existence d’un commando « Network» et considérait qu’Abdul
RUZIBIZA, « soldat de moindre rang », ne faisait pas partie du bataillon des 600 et n’était pas à Kigali

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

le 06 avril 1994.II le soupçonnait de s’être livré à de tels propos pour obtenir une « récompense».
(D7709/9)
Il présentait de la même façon Aloys RUYENZI comme un « soldat insignifiant » qui n’aurait
jamais pu connaitre d'informations sensibles. (D7709/10)

Interrogé sur l'armement dont disposait l’APR, il réfutait la détention de missiles. (D7710/5)
Entendu sur les différentes réunions préparatoires à l’attentat qui auraient été organisées,il
en réfutait l’existence, ajoutant que contrairement à ce qu’indiquait Abdul RUZIBIZA, Charles

KARAMBA, Jacob TUMWINE et Théoneste LIZINDE se trouvaient à Kigali et non à Mulindi le 31 mars

1994, date d’une de ces réunions présumées. (7710/10)

De la même manière, il rejetait les différents témoignages indiquant que le Président
HABYARIMANA avait déjà échappé à des tentatives d’assassinat du FPR, ne les considérant
« corroborées par aucune preuve ». (D7710/13)
En outre, il ne connaissait pas Franck NZIZA ou Didier MAZIMPAKA et ajoutait qu’après
recherches,il apparaissait qu’Eric HAKIZIMANAn’existait tout simplementpas.
Il soulignait par ailleurs qu’Emmanuel RUZIGANAle qualifiait de « Major » dans ses dépositions
alors qu’il était lieutenant-colonel à l’époque desfaits. (D7710/13-15)

Entendu sur les témoignages de Théoneste LIZINDE ou de Sixbert MUSANGAMFURA qui
mettaient en cause le FPR, il soulignait qu’ils émanaient de personnes en exil ayant fui le Rwanda.
(D7711/6)
V. Jacob TUMWINE

Jacob TUMWINE était mis en examen le 14 décembre des chefs de complicité d’assassinats en
relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes
de terrorisme. (D771.9)
Interrogé à deux reprises (D7720, D7721), il expliquait avoir rejoint l'APR en 1990 après avoir
passé 7 ans dansl’armée ougandaise. En décembre 1993, il participait à l’installation du « bataillon
des 600 » au CND, dontl’unique mission était selon lui d’assurer la sécurité des dignitaires du FPR
devantparticiper au gouvernementde transition. (D7720/3)
A titre personnel, il était en charge de la formation et des opérations avec le grade de major. il
s’occupait notammentd'organiser et de fournir les escortes pour les dignitaires du FPR qui devaient
sortir du CND. Il résidait au 1°" étage de ce bâtiment. (D7720/3)
De manière générale, il expliquait que le FPR s’inscrivait pleinement dans le processus de paix
consacré par les accords d’Arusha et n’avait donc aucune intention de s’en prendre au Président
HABYARIMANA.(D7721/14-17)

Il contestait les déclarations de MM. RUZIBIZA, RUZIGANA et RUYENZIrelatives à l'existence
d’un commando « Network » chargé de commettre des attentats et soutenait que le FPR n'avait pas
pour but de commettre des actesterroristes. (D7720/5-8)

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

S'agissant de l’armement du FPR, il indiquait n’avoir jamais vu de missiles et contestait donc
que des armes de cette nature aient pu être transférées au CND et dissimulées dans sa chambre

comme l’affirmait Abdul RUZIBIZA. (D7720/9-11, D7721/9-10)

Confronté aux déclarations d’Innocent MARARA, d’Abdul RUZIBIZA ou d’Aloys RUYENZI
relatives à des réunions préparatoires qui se seraient tenues à Mulindi et auxquelles il aurait
participé, il soutenait qu’il n’était jamaisallé à l'état-major de l’APR. (D7721/3)
Par ailleurs, il expliquait qu’aucun détritus du CND n’était transporté vers l'extérieur,
contestantainsi que Didier MAZIMPAKAaît pu utiliser un véhicule destiné au transport des poubelles
pour déplacer les missiles commel’indiquait Abdul RUZIBIZA. (D7721/10)
Enfin, il indiquait que les troupes du CND étaient en permanence en alerte compte tenu de la
nature de leur mission de protection, sans que cela signifie une posture offensive de leur part ou
l’imminence d’une attaque. (D7721/12)
VI. Jack NZIZA

Jack NZIZA était mis en examen le 10 décembre 2010 des chefs de complicité d’assassinats en
relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes
de terrorisme. (D7712)
Interrogé à deuxreprises, il contestait tout d’abord utilisé le nom de NKURUNZIZA qui lui était
souvent prêté en procédure. |! indiquait avoir été membre de l’armée nationale de résistance
ougandaise de 1985 à 1990, annéeoù il rejoignait l’APR et plus particulièrementsa Direction Militaire
du Renseignement (DMI). (D7713/2)
Ne s'étant pas rendu au CND entre décembre 1993 et le 06 avril 1994,il disait ne rien savoir de
l’introduction d’armes ou d’hommes dans ces locaux si ce n’est qu’elle lui paraissait impossible en
raison de la surveillance de la Minuar. (D7713/4)
De manière générale, il contestait que le FPR, dont le but était de prendre le pouvoir
démocratiquement et de « gagner les cœurs », se soit livré à des assassinats ou à des actes de
terrorisme qui auraient eu pour conséquence de le rendre impopulaire. (D7713/6)
Il contestait évidemment l’existence d’un commando « Network », insistant sur le fait que la
composition supposée de ce commando, évoquée par Abdul RUZIBIZA, n’était pas cohérente dans la
mesure où elle rassemblait des personnes qui étaient affectées dans des lieux très différents.
S'agissant de M. RUZIBIZA, il précisait que ce dernier avait souffert d’une maladie psychiatrique dans
le passé et soulignait d’une part qu’il n’était pas affecté au CND en 1994 et d’autre part qu’il n’était
pas venu à Kigali avant 1995. (D7713/11, D7714)

Interrogé sur l’armementde l’APR,il expliquait qu’elle n'avait pas besoin de missiles et n’en
possédait pas, ajoutant qu’elle se fournissait en prenant des armes et des munitions à l'ennemi.

(D7713/11)

S'agissant des déclarations d’Innocent MARARAl’accusant d'avoir participé à des réunions
préparatoires à l’attentat du Président,il les contestait formellement, indiquant qu’en tant qu’officier
« subalterne » non membre de l’état-major, il n'aurait jamais pu assister à une rencontre d’un tel
niveau. En outre, il ressortait de vérifications qu’il avait effectuées qu’Innocent MARARA n’avait

70
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

intégré l’APR qu’en mai 1994et qu’il n'avait donc pas pu assister à des réunions antérieures à Cette
date comme il le prétendait. Selon lui, MUSONI et MARARA avaient été utilisés par des services
étrangers. (D7713/13-14-15)
Entendu sur le départ supposé de cadres du FPR de Kigali peu avant le 06 avril 1994, il
répondait que de nombreux membres du FPR avaient été les premiers tués dans la nuit du 06 au 07

avril 1994. (D7715/2)

Finalement, il réfutait également les déclarations de Sixbert MUSANGAMFURA, dontil disait
qu’il faisait « partie de ces gens qui ont cherché à obtenir l'asile en fabriquant des histoires ».

(D7715/10)

VII.Franck NZIZA
Franck NZIZA était mis en examen le 13 décembre 2010 à Bujumbura (Burundi), des chefs

d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs en vue de
préparer des actes de terrorisme. (D7716)
Interrogé à deuxreprises (D7717, D7718), il expliquait avoir rejoint l’APR en Ouganda en 1990,
avant d'intégrer son état-Major basé à Mulindi de fin 1991 à 1994.Il précisait qu'entre fin 1993 et le

06 avril 1994, il était sous-lieutenant et commandant de peloton à l'état-major. À la date de son

audition, il était Lieutenant-colonel. (D7717/3)

Il réfutait totalementêtrel’auteur du tir de missile contre l’avion du Président HABYARIMANA.

Confronté aux déclarations de MM. RUZIBIZA, RUZIGANA et RUYENZI, il indiquait ne pas
connaître les deux premierset qualifiait le « Network » de « mensonge ». (D7717/6)
Il expliquait par ailleurs n’avoir jamais vu de missile à l’APR.

À l'instar d’autres mis en cause, il déclarait qu’Innocent MARARAet Evariste MUSONI n'avaient
intégré l’APR qu’en mai 1995 et qu’ils ne pouvaient donc pas disposer d'informations antérieures à
cette date. Il contestait donc toutes leurs déclarations relatives à la tenue de réunions préparatoires
à l’assassinat du Président HABYARIMANA etréfutait évidemment avoir confié à Innocent MARARA
son implication dans l’attentat contre le Falcon présidentiel. (D7718/9)
Sur les autres témoignages mettant en cause le FPR, il disait ne pas être au courant.

(D7718/17)
VIII.

Faustin NYAMWASA-KAYUIMBA

Le 20 octobre 2011, Gérald GAHIMA était entendu à sa demande par le magistrat instructeur.
Se présentant comme le conseil de M. Faustin NYAMWASA-KAYUMBA,il indiquait que ce dernier
était innocentet souhaitait pleinementcollaborer avecla justice française, sollicitant une audition en
Afrique du Sud où il résidait. (D7946-D7948)
Néanmoins, en dépit d’une CRI adressée aux autorités sud-africaines le 15 mars 2012, relancée
le 22 août 2016,l’audition de M. Faustin NYAMWASA-KAYUMBAse révélait impossible, les autorités
sud-africaines finissant par s’y opposer au motif que cela affecterait la « sécurité, l'ordre public et

71
Parquet du TG! de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

d'autres intérêts essentiels » du pays (D9058). Il apparaissait toutefois, dans le cadre des échanges
en
relatifs à l’exécution de cette CRI, que l’intéressé avait été victime d'une tentative d’assassinat
Afrique du Sud. (D8679-D8686, D8646-D8651, D8653-D8655, D8762-D8764)

Il ressortait également de certains articles versés en
cette tentative d’assassinat et ultérieurement, Faustin
Président KAGAME d’être l’instigateur de l’attentat contre
jamais apporter d’éléments au soutien de ses accusations.

procédure qu’au cours du procèsrelatif à
NYAMWASA-KAYUMBA avait accusé le
l’avion du Président HABYARIMANA, sans
(D8252, D8562, D8760)

Néanmoins, alors que le dossier était communiqué au règlement, Faustin NYAMWASAle 22
KAYUMBAtransmettait au magistrat instructeur une déclaration de sa part faite devant notaire

juin 2016.

Dans ce témoignage,il accusait le Président KAGAME, James KABAREBE et Charles KAYONGA
d’avoir planifié l'attentat contre le Falcon présidentiel grâce à un système de communication distinct
avoir
et secret. Il désignait Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA comme les exécutants et prétendait
obtenu ces informations directement par Paul KAGAME et James KABAREBE juste après l'attentat.
À titre personnel, il réfutait toute implication dans ces faits et contestait les témoignages le
mettant en cause. Ainsi, contrairement à ce qu’indiquait Aloys RUYENZI, il considérait que Paul
la
KAGAME n’aurait jamais autorisé la présence de sa garde rapprochée pour une réunion relative à
planification d’un tel évènement. De même,il fournissait une copie de son passeport pour démontrer
en
qu’étantà l’étranger, il n’avait pas pu assister à des réunions préparatoires qui se seraient tenues
septembre 1993 et début 1994 comme le disait Innocent MARARA. (D8983)

Le 12 avril 2018, alors que le dossier était de nouveau en voie de clôture, Faustin NYAMWASAKAYUMBA adressait un nouveau courrier au juge d'instruction pour solliciter son audition, le cas
était
échéant dans les locaux de l’ambassade de France à Pretoria (Afrique du Sud), ce qui
logiquementrefusé par le magistrat instructeur. (D9152, D9153)

IX. Eric HAKIZIMANA
Visé par un mandat d’arrêt émis des chefs d’assassinats en relation avec une entreprise

intéressé
terroriste et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (D6924),l'

n’était jamais localisé.

72
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

TROISIÈME PARTIE : L’affaiblissement des charges réunies à l’encontre des
personnes mises en examenet lesdernières investigations

Section 1 : Les opérations d’expertise menées au Rwanda et l’hypothèse d’un tir
émanant de Kanombe
Dès le 12 novembre 2008,les autorités Rwandaisesfaisaient savoir qu’elles étaient disposées à
examiner favorablement toute demande de coopération judiciaire qui leur serait adressée par les
magistrats instructeurs, demande déjà formulée par la défense le 30 mai 2007 et renouvelée le 14
juillet 2009. (D7034, D6891, D7042)

Ce déplacement était finalement organisé du 11 au 18 septembre 2000 en présence des
magistrats instructeurs, d’un représentant du ministère public, de fonctionnaires de police, des cinq
experts désignés par les juges d'instruction, des avocats de la défense et d’un avocat des parties
civiles. Etaient également présents, mandatés par l’Etat rwandais, des experts britanniques ayant
participé aux travaux de la commission MUTSINZI. (D7433, D7444)
Ce déplacement permettait la mise en œuvre de complexes opérations d'expertise. (Rapport
en D8027)
1.

Les opérations d'expertise

A. Objectifs et méthodologie

Le 21 avril 2010, les magistrats instructeurs commettaient un collège de 5 experts
pluridisciplinaires‘* avec pour mission de tenter de déterminer :
- La trajectoire d’approche de l’avion au momentde l'attentat;
-

La position etl'altitude de l’avion au moment du ou des tirs;

-

Les projectiles utilisés pour atteindre l’avion ;

-

Le mode opératoire optimal pour abattrel’avion avec les projectiles utilisés ;

-

Le mode opératoire choisi par les auteurs de l’attentat;

-

Les conséquences du ou des tirs sur l'avion ;

-

-

L’angle d’impact de l’avion ou desprincipales pièces de l’avion au sol ;

Les lieux possibles destirs ou les lieux devant au contraire être exclus. (D8008, D8020)

Cette mission d'expertise devait donc notamment permettre de déterminer s’il convenait de
privilégier l’hypothèse d’un tir émis depuis la colline de Masaka ou d’un tir provenant du camp de
Kanombe. (D7444)

14 Disciplines des experts : explosions, explosifs et incendies ; géomètre expert; armes, munitions et
balistiques ; armurerie aéronautique, pyrotechnie, armement embarqué ; aéronautique, transport aérien. Un
expert acousticien leur était adjoint le 29 mars 2011.
73
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

de la
Pour répondre à ces questions, les experts prenaient connaissance de nombreuses pièces
au
urs
instructe
s
magistrat
les
procédure et, à l’exclusion de l'expert acousticien, accompagnaient
Rwanda.
(planche
Au cours de ce transport, ils avaient l’occasion d'examiner les débris de l’avion

deslieux,
photographique D7913), de prendre connaissance de l’environnementet de la géographie
lieux de
les
d’examiner
ation,
d’investig
scènes
s
de réaliser des relevés topographiques des différente
entendus
témoins
tirs possibles cités par les témoins, de relever les positions et les coordonnéesdes
depuis leurs
par les magistrats instructeurs afin de vérifier ce qui pouvait être réellement vu
différents lieux d’observation.

Grâceà l’apport d’un expert acousticien, les experts intégraient également dans leur réflexion
la perception auditive des évènementsdontfaisaient état les témoins.
albums
L'ensemble des constatations et des relevés effectués étaient consignés sur des
photographiques. (D8028 à D8052)
B.

Conclusions

A l’issue de leurs travaux,les experts rendaient leur rapport aux termes duquel il ressortait les
éléments suivants:
S'agissant de la trajectoire d’approche de l’avion au moment de l’attentat et des
conséquences du ou destirs sur l'avion

L'examen de la transcription de la bande sonore des communications radio avec la tour de
contrôle permettait de déterminer que l’avion avait emprunté une trajectoire d'approche directe,
« normale » par rapport à sa provenance pour l'atterrissage prévu à l'aéroport de Kigali, et non une
trajectoire spécifique destinée à se protéger d’un tir de missile.
le
Par ailleurs, une altération de la trajectoire avait pu être effectuée par les pilotes après
premier tir, celui ayant manqué son but, et ce pour éviter un éventuel second tir de missile.
e
Enfin, les experts soulignaient que les débris avaient été retrouvés à gauche de la trajectoir
l’avion
d'approche de l’avion, ce qui s’avérait logique puisqu'ils concluaient par ailleurs (cf. infra) que
avait été touché par la gauche. (D8027-316)
-

de
S'agissant de la position de l'avion au moment du tir ainsi que de l’angle d'impact

l’avion ou des principales pièces de l’avion au sol

Afin de déterminer la position de l’avion au momentde l'impact avec le missile, les experts
belge
repositionnaient les débris au sol conformément à un croquis réalisé par la gendarmerie
quelque tempsaprès les faits. (D7154/5, D8030, D8031)
Sur la base de cette reconstitution, et après application de règles géométriques et
el
mathématiques relatives aux mouvementsde chute des corps, ils concluaient quel'avion présidenti
de
au-dessus
mètres
avait été impacté par le missile à une altitude de 1646 mètres, soit à 236
t qu’il
l’altitude du lieu du crash, lui-même situé 1410 m au-dessus du niveau de la mer. Ils précisaien
mètres,
40
+
de
e
d'approch
e
trajectoir
convenait d'accorder un intervalle de tolérance sur cette
intervalle qualifié de « non significatif ».
74
Parquetdu TG de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

En outre,ils estimaient que l’avion avait parcouru une distance horizontale de l'ordre de 400 m
avant de s'écraser au sol, éparpillant des débris sur une longueur de 145 m et une largeur de 20m

environ. L’aéronef avait heurté le sol suivant un angle de 31° environ, occasionnant un phénomène

de ricochet et la perte de débris au fur et à mesure du parcours. Le temps de chute était estimé à 7
secondes.
Ils considéraient que la trajectoire de chute de l’avion se trouvait sur la gauche de son axe
d'approche de piste, duquel il avait dévié d’un angle de 14° environ.

Compte tenu de la faible dispersion des débris, les experts excluaient une désintégration totale
de l'avion en vol, mais considéraient que son intégrité avait été très altérée par l'explosion du missile.
(D8027/317-318)

-

S'agissant des projectiles utilisés pour atteindre l’avion

Les expertsse livraient à une étude exhaustive de 53 systèmes d'armementanti-aériens.
Parmi les armements recensésà la date desfaits, ils éliminaient les systèmes suivants:
- l’armement conventionnel (mitrailleuse ou canon) en raison de l'absence d'impact de
munitions de moyen calibre sur la carlingue de l’appareil ;
- les armes ne permettant pas d’atteindre une cible de nuit ;
- les armes nécessitant un dispositif spécifique de type trépied ;
- les armes indisponibles dansla région des faits.
A l'issue de ce filtre, 4 dispositifs étaient retenus : le SA 16, le SA 18, le Stinger 92 À et le
Stinger 92B.

Néanmoins, et sans pouvoir exclure les 3 autres systèmes, ils considéraient qu’une «très forte
probabilité » se dégageait en faveur du SA 16, dans la mesure où :
- Compte tenu des conditions de tir, un missile bi-bande de type SA 18 ou Stinger A n’aurait
eu que peu de chances de rater sa cible, alors qu’en l'espèce plusieurs témoignages
évoquaient un premier tir raté ;

-

Le missile Stinger B avait été fabriqué en très faible quantités. (D8027/173-174)

Les traces lumineuses aperçues par certains témoins, caractéristiques de ce type de missile,
confortaient selon eux le choix de ce matériel.
Les experts prenaientle soin de préciser que selon eux, leur prise de position n’avait « pas été
influencée par la découverte, dans la zone de MASAKA, de deux tubes de lancement de missiles SA
16 ». (D8027/328)

Ils précisaient que ce système avait été développé dans les années 1970-1980 au profit de
l'armée soviétique, afin de procurer aux troupes terrestres, qu'elles soient à l'arrêt ou en

mouvement, un moyen de se défendre contre des attaques aériennes survenant de manière

inopinée. I! résultait de cette exigence une conception de ce système d'arme qui se caractérisait par
un encombrement réduit et une grande simplicité de mise en œuvre, nécessitant néanmoins une

formation et un entraînement appropriés. Ils considéraient à cet égard que 70 tirs d'entraînement,
soit 50 à 60 heures, étaient nécessaires pour devenir un tireur opérationnel. (D8027/327)

75
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Utilisable contre les avions de combat évoluant à grande vitesse, ainsi que contre les
hélicoptères évoluant à basse altitude, il pouvait toutefois être employé dans des actions d'agression
contre tout type d'aéronef passant à basse ou très basse altitude. Le missile de ce système était
attiré par toute source de chaleur élevée rayonnant dans des bandes spectrales de l'infrarouge émise
par les réacteurs des avions de combat, de lignes commerciales et les moteurs des hélicoptères.

D'une longueur totale de 1670 mm, d'un calibre de 70 mm environ et d'une masse d'environ
10,800 kg, le missile SA 16 disposait d’une portée de 5000 m maximum, la tranche de distance
nominale opérationnelle étant comprise entre 1000 et 3000 mètres. Sa vitesse maximum était
estimée de l'ordre de 550 à 570 m/s. (D8027/204)
S'agissant du point d'impact du missile sur l'avion

Lors de leur déplacement au Rwanda, les experts pouvaient analyser des débris de l'épave
représentant moins de 20% de l’appareil (D8050). Cet examen révélait des informations
déterminantes pour établir le point d'impact du missile.
Ainsi, les trois moteursà réaction de l'avion n'étaient pas déformés par les effets de l'explosion
du missile et ne comportaient pas d'orifice traversant venant d'éclats produits par l'explosion de la
tête du missile. Les endommagements mécaniques constatés apparaissaient uniquement dus aux
chocs subis lors du contact brutal de l'avion avec le sol. En conséquence,les experts affirmaient que
ces trois réacteurs n'avaient pas été sollicités, de près ou de loin, par l'explosion de la charge
explosive du missile.

De la même façon, l'empennage, le tronçon fuselage arrière et le cône de queue, n'étaient pas
déformés par l'explosion de la charge explosive du missile. Seuls des orifices causés par des
munitions d'armes de petits calibres résultant de tirs réalisés après le crash de l'avion ainsi que des
déformations mécaniques dues aux chocs survenus lors de l'impact de l'avion sur le sol étaient
observés.
Enfin, s'agissant des ailes, une grande partie de l'aile gauche avait disparu, dont la portion de
l'aile et du réservoir qui était raccordée au fuselage, ce qui ne pouvait être que la conséquence d'une
explosion. Certains morceaux avaient également été soumis à un flux thermique très élevé ayant
brûlé la peinture. Les experts constataient également l'éclatement de la ligne des rivets, typique
d'une explosion interne du réservoir d'aile.
L’aile droite ne présentait quantà elle aucune trace de calcination. En revanche, il en manquait
une petite partie, fracturée par arrachementà l'aplomb du puits de train.
Pour ces deux ailes, aucun orifice lié à une projection d'éclats de la tête du missile n'était
relevé. (D8027/100)
Couplant ces constatations avec les nombreux témoignages faisant état d’une boule de feue
dans le ciel, les experts concluaient que le missile avait percuté l'aile gauche de l'avion,
probablementdansla partie la plus proche du fuselage comprenant son réservoir. En effet, seule une
explosion dans la partie correspondante au réservoir de kérosène permettait de justifier les
« endommagements mécaniques et thermiques importants constatés sur cette aile et la formation de
la boule de feu qui a accompagné l’avion dans sa chute ». (D8027/313)

76
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

ls ajoutaient que la puissance du phénomène explosif de la tête du missile, conjuguée à cette
t
réaction explosive au bilan thermique élevé (phénomène de « boule de feue ») avait nettemen
altéré l'intégrité de l’avion, entrainant sa chute. (D8027/322-324)

-

S'agissant du mode opératoire optimal pour atteindre l’avion avecles projectiles utilisés

ence
Pour les experts, compte tenu des conditions climatiques et de la bonne transpar
être
atmosphérique, le rayonnement infrarouge émis par les trois réacteurs du Falcon 50 pouvait
l'avant
détecté par l’autodirecteur d’un missile SA 16, que ce dernier soit positionné à 45° par
de
distance
une
jusqu’à
(situation la plus favorable), par le travers (90°), par l'arrière (135°) ou à 180°,
thermique étant en
3000 m voire plus. En revanche, un tir par l’avant était écarté, le rayonnement

grande partie masqué.

Sur place, l’avion en approcheétait visible par ses feux de navigation dans un délai compris
entre 1 min 30 s et 2 min 30 s selon les différents lieux de tir étudiés (cf.infra), délai largement
suffisant pour engager la procédure de tir. Dans ces conditions, l’utilisation d’une fusée éclairante
la
parfois évoquée se révélait non seulement inutile mais contreproductive car susceptible de révéler
position des tireurs voire de brouiller l’autodirecteur du missile.
un tir le
Enfin, au regard des excellentes conditions climatiques constatées le soir des faits,

nappes
matin lors du décollage se serait avéré plus aléatoire en raison de la présence éventuelle de

totalement le
de brouillard ou du soleil levant, susceptible d’absorber partiellement, voire

es de
rayonnement thermique de la source. Un tir le soir offrait donc de meilleures perspectiv
réussite. (D8027/327)
S'agissant du mode opératoire effectivement utilisé par les auteurs de l'attentat

-

Les sites de tir étudiés (cf. Infra) offraient un champ de vision suffisamment dégagé pour se
préparer et enclencher le tir.
Par ailleurs, les experts indiquaient que l'interdiction de survol du CND, prononcée quelques
dans la
semaines plus tôt à la demande du FPR, n'était pas indispensable pour réaliser cet attentat
et
mesure où le mode opératoire consistant à utiliser ces missiles sol-air au pouvoir offensif élevé
opération.
cette
de
performantsur le plan opérationnel, entrainait une probabilité élevée de réussite
la
En effet, cette interdiction avait été évoquée par plusieurs témoins comme ayant favorisé
et
seule
une
par
l'aéroport
approcher
à
commission de l’attentat car elle obligeait tous les aéronefs
unique trajectoire. (D8027/323)
S'agissant des lieux possibles de tir et deslieux devant au contraire être exclus
Au regard des éléments du dossier et des investigations réalisées au Rwanda, les experts
plus
retenaient 6 positions de tir situées dans 2 zones éloignées, avec pour objectif d’établir la
probable (cartographie en D8046 représentantles différentes zonesde tirs étudiées) :
-

-

-

celle de
1 KANOMBE : à l’intersection de chemins à proximité de maisons individuelles, dont
M. et Mme PASUCH ;

2 KANOMBE : cimetière de Kanombe, située à l’extrémité est du camp militaire de
Kanombe ;
3 Colline de MASAKA: le pylône, à proximité de l'entreprise GUTTANIT;
À Colline de MASAKA: la Ferme, à côté du point d'eau ;

5 La PORCHERIE : près de la résidence présidentielle ;
6 KANOMBE: en bas du cimetière de Kanombe.

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 - Procédure 9729523030

de l'avion
La position numéro 5, était rapidement écartée dans la mesure où, située en face
la source
her
d’accroc
f
dans l’axe de la trajectoire d'approche, elle ne permettait pas au dispositi
situait en deçà des
chaude de l’avion. En outre, la distance missile-avion au momentdu tir (671m) se
capacités opérationnelles du missile. (D8027/336)
elle était
La position 1 était également écartée sur la base des témoignages recueillis. En effet,
témoins
plusieurs
nt
trouvaie
se
située juste à l'arrière de la baie de la maison PASUCH dans laquelle
qui se
entin,
de Saint-Qu
entendus, qui décrivaient un tir de missile plus lointain. De plus, Grégoire
bruits de missile dans
trouvait à 100 mètres de cette position aurait dû entendre distinctement deux
334)
(D8027/
cette hypothèse, de surcroît très intenses, ce qui n’avait pas été le cas.
meilleur angle
S'agissant des positions de tir 3 et 4 situées à Masaka, elles offraient le
m et 2012 m
1608
d'approche pour le missile (3/4 arrière), une distance de tir comprise entre
ibilité conférant
entrant parfaitement dans le domaine opérationnel du missile SA 16, ainsi qu’unevis
« la probabilité
donc
offraient
au tireur un temps largementsuffisant pour se préparer au tir. Elles
d'atteinte la plus élevée de toutes les positions detirs étudiées ».
zone n’aurait pu que
Néanmoins, selon les modélisations des experts, un tir émanant de cette

Or, cela n'avait
pénétrer le réacteur gauche ou celui de l’arrière, sans impacter le dessous de l'aile.
it que les trois
pas été le cas comme le révélait l'examen des débris évoqué ci-dessus, qui démontra
du missile. De
on
réacteurs et l'arrière du fuselage avaient été épargnés par les effets de l’explosi
présents dansla
plus, au terme de l’expertise acoustique, il apparaissait difficile pour les témoins
de la zone
missiles
des
départs
les
par
s
maison PASUCH de déceler les informations sonores produite
nt pu
n'auraie
de Masaka en raison de l’éloignementde cette colline. En tout état de cause, ces bruits
de la vitesse de
être entendus qu’après la perception visuelle de l'explosion compte tenu
et Daniel
PASUCH
Massimo
de
propagation du son, et ce en contradiction avec les témoignages
depuis MASAKA
DAUBRESSE. Enfin, toujours depuis cette maison, les trajectoires des missiles tirés
alors même que les
n’auraient pas pu être aperçues distinctement compte tenu de l’éloignement,
zone était en
Cette
témoins disaient avoir vu les traces lumineuses émises par les missiles.
conséquence écartée par les experts. (D8027/331, D8027/335, D8052)
les positions situées à
Modélisation de l’impact du missile dans l'hypothèse d'un tir émis depuis
Masaka

Tir émis depuis la position 3

Tir émis depuisla position 4

source chaude
Les positions 2 et 6 situées à Kanombe permettaient également d’accrocher la
outre, les distances
émise par le Falcon 50 quoique moins aisément que la zone située à Masaka. En
En conséquence, la
de tir, comprises entre 644 m et 1099 m ne posaient aucune difficulté.
l’un d'eux puisse
probabilité d'atteinte apparaissait suffisante pour que, sur les deux missiles tirés,
impactait l'aile
toucher l’avion. Selon les modélisations réalisées, le missile tiré depuis ces positions

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

gauche de l’avion par le dessous, conformément aux constatations réalisées sur les débris. Enfin, le
bruit du départ des missiles depuis ces deux positions était entendu distinctement avant la vision de
l’explosion depuis la maison PASUCH, permettant à tout témoin de cette maison de voir nettement
les trajectoires de ces projectiles. Ces conclusions s’avéraient cohérentes avec les déclarations de
Massimo PASUCH et Daniel DAUBRESSE. (D8027/336)
Modélisation de l'impact du missile dans l’hypothèse d’un tir émis depuis les positions 2 et 6 situées à
Kanombe

Tir émis depuis la position 6

Tir émis depuis la position 2

En conséquence,le rapport d'expertise privilégiait comme zone de tir la plus probable le site
de Kanombe dans lequel s’inscrivaient les positions 2 et 6. Les missiles pouvaient néanmoins avoir
été tirés depuis une zone plus étendue de l’ordre d’une centaine de mètres voire plus, vers l’Est et le
Sud, sous réserve d’avoir un terrain dégagé. (D8027/336)
Ill. Le complément d'expertise

A. Les demandes de contre-expertise

Les parties civiles émettaient plusieurs critiques à l’encontre des opérations d'expertise, leur
reprochant notamment:
- De ne pas avoir pris en compte, dans la définition du lieu de tir, la manœuvre d’évitement
susceptible d’avoir été effectuée par le pilote aprèsle tir du premier missile ;
-

Une sélection « opportune » des témoignages ayant permis de définir les zones de tir
étudiées;

-

Des conclusions erronées quant au mouvement du missile vers l'avion.

L’expertise acoustique était particulièrementcritiquée pour avoir été réalisée en France avec
un propulseur de roquette et non un missile SA 16, c'est-à-dire dans des circonstances ne
correspondant pas aux conditions réels du tir.
Plusieurs demandes de contre-expertise étaient en conséquence formulées (D8156, D8161,

D8161 bis, D8166), auxquelles la défense répondait. (D8179, D8205-D8207)

Le 12 juin 2012, les magistrats instructeurs rendaient une ordonnance rejetant l'intégralité des
demandes formulées par les parties civiles, à l’exception d’un complément d'expertise relatif à
l'examen d’une éventuelle manœuvre d’évitement, ordonnance confirmée par la chambre de
l’instruction le 19 mars 2013. (D8178, D8414)
79
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

B. Les conclusions du complément d’expertise
t
Le 12 novembre 2012, les magistrats instructeurs ordonnaient donc un complémen

d'expertise visant à déterminer (D8437):
-

si des manœuvres d'évitement de l'un ou des deux missiles avaient eu lieu ;

-

dans l'affirmative, l'ampleur et la nature de ces manœuvres d'évitement ;

-

e de
dans l'affirmative, les conséquences de ces manœuvres d'évitement sur la trajectoir

l'avion ;

-

si ces éventuelles manœuvres d'évitement auraient pu permettre à un missile venant du
secteur de la ferme de Masaka et, en tout cas, arrivant par l'arrière de l'avion, d'en
impacter l'aile gauche.

Aux termes de leur rapport, les experts estimaient qu'aucune manœuvre d’évitement franche
n'avait été engagée par l’équipage 2 s ou 3 s avant l’impact du second missile, que ce soit à gauche
ou à droite de l'approche de piste, dans la mesure où les trajectoires de chute modélisées en
intégrant une telle manœuvre conduisaient à des lieux de crash très éloignés du lieu réellement
constaté. (D8447/20)
Les experts estimaient néanmoins que deux manœuvres d’évitement respectant les données
suivantes étaient compatibles avec la zone de crash constatée : inclinaison de l'avion de 45° débutant
0,70 s avant l’impact ou inclinaison de 60° débutant 0,4 s avant l'impact. Ces deux manœuvres
n’étaient néanmoins pas retenues. D’une part car les délais de réaction des pilotes pris en compte,
trop longs, ne correspondaient pas aux réflexes de professionnels aguerris et d'autre part car
l'impact du missile sur l’avion ne correspondait pas, dans ces hypothèses, au point d'impact
déterminé dans le rapport d’expertise. Enfin, ces manœuvres étaient dirigées vers la gauche, soit en
direction de la menace et non à l’opposé, ce qui ne paraissait pas logique.

Répondantà l’interrogation du juge d'instruction, les experts indiquaient qu’un missile émis
depuis la ferme de Masaka ne pouvait pas impacter le dessous de l’aile gauche de l'avion en retenant
ces manœuvre d’évitement. (D8447/80)
Dès lors, les experts concluaient qu'aucune manœuvre d’évitement n’avait été engagée.

(D8447/79)

Par ailleurs, après modélisation, les experts ajoutaient qu’un premier tir émis depuis la colline
Masaka n’aurait pas pu passer inaperçu pour le pilote et le co-pilote. Il aurait donc dû en
conséquence entraîner une manœuvre d’évitement,ce qui n’avait pas été le cas. (D8447/57/68)
En revanche,tiré depuis le site de Kanombe, le premier tir n’était pas nécessairementvisible
de l’équipage, sauf si le missile passait devant le Falcon 50. Il pouvait donc n’entrainer aucune
manœuvre d’évitement.
En conséquence, cette expertise complémentaire confortait l’hypothèse d’un tir émanant de la
zone de Kanombe.
Les experts précisaient toutefois que l'initiation d’une manœuvre d’évitement s’accompagnait

avaient
normalement d’une extinction des lumières extérieures de l’avion, ce que certains témoins

noté. L’extinction des feux n’impliquait néanmoins pas systématiquement qu'il y ait eu manœuvre

80
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

d’évitement, la proximité du sol et de l'équipage ayant pu conduire l’équipage à ne pas effectuer de
manœuvre et se contenter de l’extinction des feux. (D8447)

Section 2 : La remise en cause des principaux témoignages à charge
|.

Les revirements d’Abdul RUZIBIZA et Emmanuel RUZIGANA

Témoins importants de l’enquête, Emmanuel RUZIGANA et Abdul RUZIBIZA devaient revenir
en grande partie sur leurs déclarations lors du développementde l'information.
A.

La rétractation totale d’'Emmanuel RUZIGANA

Le 30 novembre 2006, soit quelques jours après l’OSC du magistrat instructeur relative à
l’émission de mandats d’arrêts°, Emmanuel RUZIGANA adressait depuis Oslo une « lettre ouverte »
au magistrat instructeur, dans laquelle il contestait tous les propos qui lui étaient « attribués » dans
son interrogatoire. I! disait avoir été « interpellé » à l'aéroport pour être conduit dans le bureau du
magistrat instructeur auquel il avait répondu qu’il ignorait l'existence du « Network commando » et
qu’il ne savait rien des personnes ayant abattu l’avion présidentiel. (D6876)
Plusieurs articles de presse faisant état de ce revirementétaientjoints à la procédure. (D7388D7393)
Parmi ces interventions médiatiques, Emmanuel RUZIGANA donnait le 23 mars 2007 une

interview à Colette BRACKMANN, journaliste Belge du journal Le Soir, au cours de laquelle il
confirmait les termes de son courrier, présentant Abdul RUZIBIZA comme un affabulateur qui n'avait
qu’une position modeste dansl’armée etavait fui le régime rwandais car il était recherché pour vol. Il
pouvait être souligné que curieusement, cette interview faisait l’objet d’un constat dressé par un
huissier mandaté par Maitre MAINGAIN, avocat des personnes mises en examen, et était suivi d’une
autre interview de Deus KAGIRANENZA. (D7058, D7413, D7420/43)
Faisant suite à cette missive, les vérifications entreprises révélaient qu’Emmanuel RUZIGANA
n’avait été nullement interpellé ni même pris en charge par le service enquêteur à l'aéroport.
(D6893)
Compte tenu de ces contradictions, Emmanuel RUZIGANA était de nouveau entendu par les
magistrats instructeurs sur CRI en Finlande le 16 juin 2010.
S'agissant des circonstances danslesquelles il avait été entendu en 2004,il expliquait qu’Abdul
RUZIBIZA l’avait aidé à obtenir un visa depuis l’ambassade de France en Tanzanie, et que son billet
avait été payé par un certain Elisé NDAYISABA, opposant au régime de Paul KAGAME. Il considérait
qu’Abdul RUZIBIZA avait pu faciliter l'obtention de ce visa grâce à l’aide qu'il apportait aux autorités
françaises dans l’enquêterelative à l’assassinat du Président HABYARIMANA.
Lors de son audition, il confirmait la teneur de son courrier et contestait point par point tout ce
qu’il avait pu dire devant le magistrat instructeur en 2004, prétendantqu'il ne savait même pas pour
15 En date du 17/11/2006 et manifestement largementdiffusée dans certains média.
81
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

à l'existence
quelle raison il avait été présenté devantle juge. S'agissant de ses déclarations relatives

audition était « falsifiée » et
d’un commando Network, il n'avait « jamais dit cela ». Selon lui, cette

en comparaison
avait été préparée par le juge d'instruction et Abdul RUZIBIZA. Une expertise
signature apposée sur
d'écriture ordonnée le 28 août 2013, confirmait néanmoins que la
A. (D8621)
l’interrogatoire du 29 mars 2004 était bien de la main d’Emmanuel RUZIGAN

remarquer que sa
| fournissait peu d'explications lorsque le magistrat instructeur lui faisait
Abdul RUZIBIZA, la
déposition ne constituait pas un copier-coller des déclarations faites par
(D7401)
aspects.
complétant sur certains points mais la contredisant égalementsur d’autres
B. La rétractation ambiguë d’Abdul RUZIBIZA

tout inventé etles
Le 13 novembre 2008, un article publié sous le titre « Ruzibiza l’affirme j'ai
sur l’antenne d’une radio
français ont tout gobé », faisait état de la rétractation de ce dernier
rwandaise. (D7393, D7420)
urs dans
Le 15 juin 2010,l’intéressé était donc de nouveau entendu par les magistrats instructe
ions
déclarat
ses
à
tes
importan
ons
le cadre d’une CRI en Finlande et apportait plusieurs correcti
précédentes, tout en les confirmant globalementsur le fond.
indiquait que celles-ci
Interrogé tout d’abord sur les circonstances de ses auditions en 2003, il
, et donc de rejoindre
lui avaient permis d'obtenir un visa à l'ambassade de France en Ouganda

l’Europe.

fictifs ou
S'agissant du contenu de ses auditions, il expliquait avoir parfois donné des noms
pour les
l’identité
révéler
pas
voulait
s'être attribué les agissements de personnes dont il ne
pas
donc
n’était
Il
protéger, précisant que cette façon de faire avait été convenu avec l’enquêteur.
déclaré devant les
toujours le témoin oculaire de certains évènements comme il l’avait pourtant
authentiques
étaient
relatés
nts
enquêteurs etle juge d’instruction, mais confirmait que les évèneme
les témoins directs
et qu’il tenait ses informations de témoins directs ou de sources indirectes. Parmi
du 30 et 31 mars
des faits, il citait Aloys RUYENZI, qui avait participé aux réunions préparatoires
1994.
sources et s'il avait
Il refusait en revanche de dire si Emmanuel RUZIGANA était une de ses

participé à l'attentat.

ment, il était à 90 km de
A titre personnel, et contrairement à ce qu’il avait indiqué initiale

d’armes et n’avait
Kigali dans la nuit du 06 au 07 avril 1994, en mission de sécurisation d’une cache
donc nullementparticipé à la protection destireurs.
é des tireurs
Pour le reste, il maintenait l’ensemble de sa relation des faits relative à l'identit
qui était désormais
corrigeant seulement la composition du groupe ayant procédé au tir de missiles
composé de 5 personnes: 2 tireurs, 2 gardes et 1 chauffeur.
pas une unité
Il se montrait plus flou sur le « commando Network », évoquant désormais non
DMI.
de la
mais un ensemble d'unités susceptibles de constituer un réseau sous l’autorité

aucune information
Sur interrogation des magistrats instructeurs,il précisait n'avoir obtenu
relative à l’implication de Rose KABUYEdansl'attentat contre l’avion présidentiel.

82
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Enfin, entendu sur diverses interview au cours desquelles il avait semblé revenir sur ses
de
précédentes déclarations, il expliquait avoir voulu protéger sa sécurité personnelle et celle
certains témoins. (D7400, D7425 idem)

du foie
Il devait être précisé qu’Abdul RUZIBIZA décédait le 22 septembre 2010 d’un cancer
de
s'étant développé sur un organe atteint d’une cirrhose et traité pour une hépatite B. Il ressortait
réalisée à la
son dossier médical, versé en procédure, ainsi que d’une expertise médico-légal
la maladie
de
décrite
n
demande des magistrats instructeurs français que « rien dans l’évolutio
n’indiquait quele patient serait décédé autrement que par mort naturelle ». (D7831- D7864)
C.

L’audition de Pierre PAYEBIEN relative à ces rétractations

lesquelles
Faisant suite aux observations de la défense relatives aux circonstances floues dans

,
Abdul RUZIBIZA aurait quitté l’Afrique et aurait été amené à témoigner dans la présente procédure
Pierre PAYEBIEN, enquêteur affecté à la DNAT,était entendu le 12 février 2010. (D7106)

S'agissant d’Abdul RUZIBIZA, il indiquait que l'identité de ce dernier avait été donnée par la
DGSE ainsi que par une autre source. Interrogé sur le revirement de ce dernier, il émettait
l’hypothèse d’un contact des services rwandais, sans en savoir davantage.
S'agissant d’Emmanuel RUZIGANA, il précisait avoir été mis en contact avec ce dernier par
qui
l'intermédiaire d’Abdul RUZIBIZA. Il jugeait « aberrant » le revirement d’Emmanuel RUZIGANA
n’avait en aucun cas été interpellé à l’aéroport. (D7106/2)
Il. La remise en cause par la défense des témoignages d’Innocent MARARA et Evariste
MUSONI

Le 6 juillet 2011, la défense produisait 4 témoignages rédigés en mars 2001 attestant
du 06
qu’Innocent MARARAet Evariste MUSONI n’étaient pas encore membres de l’APR à la date
ce,ils
conséquen
En
.
l'attentat
précédant
avril 1994 et n’étaient pas présents à Kigali dans les mois
n'avaient pas pu être témoins desfaits qu’ils disaient avoir constatés.
Le capitaine Celestin KARAKEZI indiquait ainsi qu’en mai 1994, Innocent MARARA était
Il le
aspirant dansl’APR et suivait une formation à la protection des personnalités près de Mulindi.
présentait comme un individu « qui n’était pas de bonne conduite » et selivrait à des vols. (D7880)
le
Herbert GATSINZI et le capitaine Francis NEZA disaient avoir rencontré Innocent MARARA
rejoigne
ne
dernier
ce
que
avant
20 avril 1994 au centre d'entrainement de Nyabwishongwezi,
une
Mulindi pour y suivre une formation à la protection des personnalités. Ils le décrivaient comme
personne ne respectant pas les consignes. Ces deux témoignages soulignaient l’amitié liant Innocent
MARARA et Evariste MUSONI. (D7881, D7882)

Le lieutenant Ernest BARAHIRA, confirmait les déclarations précédentes relatives à Innocent
qu’en
MARARAajoutant que ce dernier n’avait rejoint Kigali et l’unité de protection de Paul KAGAME
à
1995. || présentait par ailleurs Evariste MUSONI comme un ancien ami ayant une forte tendance
l’affabulation. (D7883)

83
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Il pouvait être ajouté qu’outre ces témoignages apportés par la défense, Aloys RUYENZI luipas encore
même indiquait aux magistrats instructeurs le 4 avril 2011 qu’Innocent MARARA n'avait
intégré le quartier général du FPR à Mulindi en avril 1994. (D7789/8)

Section 3 : Le recueil des derniers témoignageset l’exploration d'une ultime piste
|.

Le recueil tardif des derniers témoignages accusant le FPR

Les dernières années de l'information judiciaire étaient marquées par l’irruption de plusieurs
témoins venant accréditer l’hypothèse d’un attentat commis par le FPR.

A. Théogène RUDASINGWA

Ayant fait savoir par l’intermédiaire des conseils des parties civiles qu’il souhaitait être
entendu dansla présente procédure, Théogène RUDASINGWAétait convoqué et finalement entendu
le 20 avril 2012 par le juge d’instruction. (D8109, D7996-D7997)
À cette occasion, il expliquait être devenu secrétaire général du FPR après la signature des
de
accords d’Arusha et avoir quitté le Rwanda en 2005, alors qu’il occupait le poste de directeur
cabinet de Paul KAGAME.
Il déclarait qu’Alexis KANYARENGWE lui avait confié fin avril ou début mai 1994 tenir de Paul
KAGAME que le FPR était responsable de l’attentat contre l'avion présidentiel. De la même manière,
Paul KAGAME lui avait directement déclaré en juin 1994 avoir décidé de l'attentat car il pensait que
le processus d’Arusha ne marcherait pas. Il ajoutait que trois officiers, dont il refusait de dévoiler
Ainsi, les
l’identité, lui avaient également communiqué des informations relatives à l’attentat.

missiles auraient été transportés depuis Kampala à Mulindi puis au CND par Jack NZIZA. Il citait James
KABAREBE, Charles KAYONGA, Tom BYABAGAMBAet Jacob TUMWINE comme étant impliqués dans

cet attentat.

peu
En revanche, s’agissant de certaines accusations formulées dans le dossier, il estimait

de
probable la tenue de réunions préparatoires à un tel acte, et ce dans le souci d’impliquer le moins
n'aurait
qui
»
e
personnes. || décrivait de la même façon Aloys RUYENZI comme un « officier subaltern
pas pu être informé des projets de Paul KAGAME. (D8153)
Le 26 décembre 2017,il écrivait au Président de la République une lettre ouverte ne contenant
pas d’éléments nouveaux mais invitant le gouvernement français à « rester vigilants face à la
manipulation de l'opinion publique internationale parle régime Rwandais ». (D9124)
B.

Jean-Marie MICOMBERO

RO était
Faisant suite à la publication d’un article du journal Marianne, Jean-Marie MICOMBE

entendu le 05 juillet 2013 et le 30 janvier 2014 à la demande de certaines parties civiles. (D8473)

à
Ancien militaire de l’APR, il expliquait avoir intégré le bataillon du CND lors de son arrivée
Kigali à la fin de l’année 1993. Sa carrière militaire s'était poursuivie jusqu’au poste de secrétaire

84
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

général du ministère de la Défense, avant d’être incarcéré de 2006 à 2008 dans un dossier selon lui «
fabriqué » pour l’ « écarter ». Après avoir vécu au Soudan,il s'était réfugié en Belgique en 2011.
S'agissant de l’attentat contre l’avion du Président HABYARIMANA, l’équipe de tireurs était
selon lui constituée de Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA, qui était le seul à avoir touché l'avion. Ces

derniers avaient été emmenés sur le lieu de tir dans une camionnette conduite par Didier

MAZIMPAKA. Il expliquait tenir ces informations de ses propres constatations personnelles, mais
également de témoignages des personnes directement impliquées dans l’attentat. Plus
curieusement, s'agissant d’un acte aussi grave et sensible, il ajoutait que « tout le monde au CND
était plus ou moins au courant sans connaître les modalités pratiques ». Cet acte avait été
notammentorganisé par Charles KAYONGAou James KABAREBE et avait nécessité la participation de
plusieurs militaires, dont le sergent James MUGABO
Il désignait le lieu de tir comme étant une vallée en contrebas de la colline de Masaka, à

proximité de la colline de Kanombe.

Interrogé sur le rôle d’Abdul RUZIBIZA et d’Emmanuel RUZIGANA,il indiquait ne pas avoir
entendu que ces derniers aient participé à la commission de l'attentat. De même,il ne connaissait
pas Innocent MARARAet Evariste MUSONI. (D8542)
C.

Emile GARIFITA

Le 02 octobre 2014, alors que le dossier était communiqué au règlement, Maitre CANTIER

transmettait au magistrat instructeur une correspondance émanant d’un certain Emile GARIFITA, aux

termesde laquelle ce dernier soutenait disposer d’élémentsrelatifs à la préparation de l'attentat.

Il expliquait ainsi avoir participé, à Mulindi, à la dissimulation dans un camion des missiles
utilisés pour abattre l’avion du Président HABYARIMANA. Il avait égalementpris part au transport de
ces missiles dans le camion conduit par Eugène SAFALI alias KARAKONIE,jusqu’au CND de Kigali où its
avaient été remis au sous-lieutenant NZIZA. Il se disait désormais en exil et traqué par les autorités
de Kigali en raison des informationsqu’il détenait sur plusieurs sujets sensibles.

La transmission de ce témoignage entrainait la reprise des investigations et la convocation de
l’intéressé auxfins d’audition. (D8765-D8769, D8782)
Néanmoins, le 19 novembre 2014, son avocat indiquait que M.GARIFITA avait été enlevé 5

jours auparavant à Nairobi où il résidait. Considérant que cet enlèvement avait été organisé parce
que ce dernier « s’apprêtait à être auditionné » dans la présente procédure, les avocats des parties
civiles sollicitaient d’une part la saisine supplétive du magistrat instructeur du chef d'enlèvement et
séquestration, d'autre part l’envoi d’une CRI au Kenya afin de faire le point sur ces faits. (D8785,
D8796)
Cette demande était rejetée par les magistrats instructeurs le 24 mars 2015, décision
confirmée par une ordonnance de non-saisine de la chambre de l'instruction du 08 juin 2015.
(D8816, D8842, D9143)

Il pouvait être relevé que la défense contestait ce témoignage. D’une part, elle soulignait que
les signatures figurant sur la pièce d’identité d’Emile GARIFITA ainsi que sur le témoignage de ce
dernier apparaissaient différentes. D'autre part, elle fournissait un document censé constituer une
liste des chauffeurs accrédités pour réaliser les trajets entre le CND et Mulindi, sur laquelle l'intéressé

85
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

ne figurait pas, étant toutefois précisé que ce dernier ne s'était à aucun moment prévalu du statut de
chauffeur. (D8790)
D. James MUNYANDIDA
il
Le 21 février 2017, James MUNYANDIDA prenait attache avec le magistrat instructeur auquel

indiquait avoir joué un rôle dans la garde et le transport des missiles utilisés pour commettre
l'attentat. (D8999)
Il était entendu le 08 et le 21 mars 2017.

Sur son parcours,il expliquait avoir intégré l’APR en 1991 et avoir été affecté à la protection de
Paul KAGAME en 1992 soit à l’âge de 16 ans.Il avait poursuivi sa carrière au sein de l’APR jusqu’à
devenir chef de la section de la protection de la résidence présidentielle de Paul KAGAME à GABIRO.
Il expliquait avoir quitté le Rwanda en 2008 après qu’on lui a proposé d’assassiner ou de kidnapper
en Ouganda un certain Richard KABANO, que les autorités de Kigali accusaient de diffuser de fausses
informations. Le 02 octobre 2008, il s'était rendu en Ouganda mais n’avait finalement jamais
accompli sa mission, se cachant dans ce pays pendant plusieurs années avant de se rendre en France
pour apporter son témoignage. !l disait être entré légalement en France avec l’aide d’un tiers dontil
refusait de divulguer l’identité et souhaitait solliciter le statut de réfugié.

S'agissant des faits, il indiquait avoir été affecté en 1992 dans une section chargée de la
protection de deux missiles sol-air et faisait figurer sur un plan du quartier général de MULINDI le lieu
où ces missiles auraient été entreposés. Parmi les autres personnes affectées à cette section, il citait
le sergent MUSA, le caporal Vincent BUGINGO, le soldat Joël MUTABA, le soldat Emmanuel
GRAFIRITA, le soldat Richard KABANO ainsi que les soldats SEBUHURO, NKUSI, FAIDA, NAMBAZISA.

En mars 1994, il avait chargé les deux missiles dans un camion sous du bois de chauffage en

compagnie du caporal BUGINGO. Cette opération s'était faite à la demande de Franck NZIZA et en
présence de James KABAREBE,tandis que le chauffeur du camion se nommait KARAKONIE.
En juillet 1994, Franck NZIZA et Eric HAKIZIMANA lui avaient raconté que les missiles avaient
été transportés à Kigali pour abattre l’avion présidentiel. Selon leur récit, le premier missile tiré par
Franck NZIZA avait raté sa cible tandis que le second, tiré par Eric HAKIZIMANA,avait atteint l’avion
présidentiel. Lestirs étaient partis depuis un pontsitué à Masaka.
Par ailleurs, il relatait qu’en juin 1994, le chef de l’état-Major de l’armée burundaise, Jean
BIKOMAGO, avait félicité James KABAREBE en sa présence pour avoir abattu l’avion du Président
HABYARIMANA.

S'agissant des déclarations d’Abdul RUZIBIZA, il les contestait sur deux points. D'une part, il
soutenait que ce dernier n’était pas affecté à Mulindi en 1994. D'autre part, il expliquait que les
missiles n'avaient jamais été-stockés en Ouganda comme Abdul RUZIBIZA le soutenait.
Interrogé sur les déclarations d’Aloys RUYENZI qui déclarait lui aussi avoir supervisé le
chargement des missiles, il convenait que ce dernier était présent. (D9000-D9001)
Sur la base de ce témoignage, le conseil de certaines parties civiles sollicitait l'audition de MM.
SEBUHORO, MUTABAZI, NKUSI, NAMBAZISA et BUGINGO, laquelle était refusée par le juge
d'instruction. (D9011-D9012)

86
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

d’une part, James
Il sollicitait également la réalisation d’une confrontation entre le témoin
KABAREBE et Franck NZIZA d’autre part.
BE ni Franck
Cette dernière était organisée par le juge d'instruction mais ni James KABARE
NZIZA ne se présentaient. (D9048, D9050)
de la défense
Quelques jours avant la date prévue pour cette confrontation, les avocats
Documents à
avaient adressé un courrier mettant en cause la crédibilité de James MUNYANDIDA.
es il avait quitté
l’appui, ils expliquaient que ce dernier avait menti sur les circonstances dans lesquell
re des études
poursuiv
pour
le Rwanda puisqu'il était parti avec l’autorisation de l’armée Rwandaise
nommé Sam NKUSI
en Grande-Bretagne. Ils communiquaient également un témoignage du
ent que James
contestant les propos de James MUNYANDINDA. Ils constataient finalem
avocat, Maitre EPSTEIN, qui
MUNYANDINDAavait curieusementfait élection de domicile auprès d’un

t ainsi la copie du
était ensuite intervenu comme avocat d’une partie civile le 07 juillet 2017, obtenan
dossier pénal. (D9037, D9134)
notamment
James MUNYANDINDA était quant à lui réentendu le 14 décembre 2017. 11 était
d'Emile
age
témoign
le
interrogé sur plusieurs contradictions identifiées entre ses déclarations et
missiles dans le
GARIFITA s’agissant notamment des personnes ayant procédé au chargement des

Franck NZIZA qui avait
camion, du conditionnement de ces missiles lors du transport ou du rôle de

nnés selon
supervisé le chargement des missiles selon James MUNYANDINDA maisles avait réceptio
Emile GARIFITA.

t d’un autre
S'agissant de son entrée sur le territoire national, il disait avoir utilisé le passepor
s de Maître
pays mais refusait d’en dire davantage. Enfin, il expliquait ne pas avoir eu de nouvelle
EPSTEIN postérieurement au 21 mars 2017. (D9049)
Il. La piste de l’assassinat des gendarmes DIDOT et MAIER

de Jacques
En juillet 2010, la défense versait au dossier d'instruction des extraits d’un livre
évoqué
était
,
celivre
MORELintitulé « La France au cœurdu génocide des Tutsis ». Au chapitre 10 de
les heures suivant
le décès suspect de deux gendarmes français, Alain DIDOT et René MAIER dans
« accidentelle »
mort
d’une
état
faisant
l’attentat contre l’avion présidentiel. Un certificat médical
par « balles d’armeà feu » en date du 06 avril 1994 était reproduit.
ts
Le laps de temps très court entre l'attentat contre l'avion présidentiel et ces assassina
lien entre ces
permettait de penser qu'il pouvait y avoir un lien entre eux. L’hypothèse d’un
d’une
domicile
son
à
disposait
DIDOT
évènements était renforcée par le fait que l’Adjudant-chef
station radio qui aurait pu lui permettre de capter un message radio relatif à l'attentat.
. (D8223, D8224,
Dans ces conditions, plusieurs auditions et investigations étaient réalisées

D8343)

1994,
Ces investigations permettaient de dater les assassinats des deux gendarmes du 8 avril
Falcon présidentiel
rendant dès lors impossible d'établir un lien entre ces décèsetl'attentat contre le
D8535)
(D8534,
1994.
avril
7
compte tenu des nombreuses exactions commises dès le

87
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Section 4 : Les investigationsrelatives au rôle joué par un interprète lié au régime

Rwandais et par Paul BARRIL

s Fabien
Les investigations tentaient également d’établir les circonstances dans lesquelle

cette procédure
SINGAYE,interprète lié au régime Rwandais, et Paul BARRIL étaient intervenus dans

et l'influence qu’ils avaient pu exercer sur celle-ci.

|.

L'intervention de Fabien SINGAYE, interprète lié au régime rwandais

en
Au cours de l’information judiciaire, il était fait appel à un dénommé Fabien SINGAYE
RUYENZI
d’Aloys
et
D4096)
qualité d’interprète pour les auditions d'Evariste MUSONI (D3269,
contrôle. (D6369)
(D6749, D6801), ainsi que pour la traduction des enregistrements de la tour de

était également
Or, le 17 novembre 2009,la défense de Rose KABUYE signalait que l'intéressé

it des
un ancien responsable des services de renseignement du régime HABYARIMANAet entretena

le beau-fils. (D7071 et
liens avec le capitaine Paul BARRIL ainsi qu’avec Félicien KABUGA* dontil était

suivants)
Le 12 mars 2012, la défense fournissait plusieurs documents complémentaires censés attester
la
de la proximité entre la famille HABYARIMANA, Paul BARRIL et Fabien SINGAYE, s’étonnant que
partie civile ne l’ait jamais signalé. (D8149-D8152)
Lors de son audition, Pierre PAYEBIEN indiquait être entré en contact avec Fabien SINGAYE par
du
l’intermédiaire de Paul BARRIL. En tant qu’ancien diplomate Rwandais en suisse chargé
avait
qu'il
ce
renseignement, Fabien SINGAYE devait initialement les aider à localiser des témoins,
avait
fait. Il avait par la suite également fait de l’interprétariat, mais jamais pour des témoins qu'il
aidé à localiser. (D7106/3)
Fabien SINGAYE était auditionné le 16 mai 2012. Il admettait avoir exercé les fonctions de

en se montrant
deuxième secrétaire de l’ambassade du Rwanda en Suisse de 1988 à juillet 1994, tout

on
assez flou sur le rôle d'agent du renseignement qu’il aurait pu jouer. S'agissant de son interventi
par
dans le dossier, il confirmait les déclarations de Pierre PAYEBIEN, soutenant avoir été sollicité
déjà
avait
l'enquête
Paul BARRIL en 1999 afin d'apporter son aide à la localisation de témoins que
à de
permis d'identifier. Plus tard, Pierre PAYEBIEN l'avait également sollicité pour procéder
régime
le
avec
liens
ses
que
re
l’interprétariat, ce qu’il avait accepté. S'il disait comprend
un
HABYARIMANApuissent poser question, il soutenait avoir « traduit fidèlement », « sans ajouter
mot ou en retrancher ». (D8154)

travaillé
Réentendu le 20 septembre 2013 sur ses liens avec Paul BARRIL, il contestait avoir
de Paul
avec ce dernier au Rwanda, en dépit de nombreux documents retrouvés dansles ordinateurs
BARRIL tendant à démontrer le contraire (cf.infra). (D8545)
Faisant suite à ces éléments, le magistrat instructeur ordonnait une nouvelle traduction des
es avecla
enregistrements de la tour de contrôle, laquelle ne révélait pas de divergences important
traduction effectuée par M. SINGAYE. (D8639)
bailleur de fonds
16 Félicien KABUGAétait accusé par le procureur du TPIR d’avoir été le « principalfinancieret

influence considérable sur ces
du MRND, de la CDR et de leur milice » et à ce titre d'avoir exercé « une

». (D7079/26)
organisations et une autorité sur leurs membres, y compris les miliciens Interahamwe-MRND

88
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Il. Le rôle de Paul BARRIL

En contact dès le début de cette procédure avec les enquêteurs auxquels il remettait des
élémentsissus de l’aéroport de Kanombe (D53, D69-D84), le rôle précis joué par Paul BARRIL dansles
heures et les jours ayant suivi l’attentat apparaissait néanmoins difficile à préciser, l’intéressé
entretenant personnellement le flou par des déclarations fortement évolutives, pour ne pas dire
contradictoires.
Ainsi, lors de son audition, Aloys NTIWIRAGABO, ancien chef des services de renseignement

militaire rwandais expliquait avoir retrouvé dans son bureau la boite noire de l'avion présidentiel,
déposée par un militaire français. En outre, dans un documentintitulé « lettre ouverte au Président
du parlementfrançais », il affirmait que les deux lance-missiles, la boite noire de l’avion présidentiel
ainsi que les bandes d'enregistrement de la tour de contrôle avaient été remis au capitaine Paul

BARRIL. (D266-D286)

Paul BARRIL lui-même, dans un ouvrage parue le 1er décembre 1996 et intitulé « Guerres
secrètes à l’Elysée », soutenait s'être rendu sur les lieux du crash pour y récupérer « environ 80 kilos
de pièces calcinées de l'avion, des boîtiers électroniques, des enregistreurs de vol, des bandes
magnétiques ». || ajoutait avoir récupéréles lance-missiles « avec l’aide de militaires fidèles » et avoir
procédé à l’audition de 80 témoignagesrelatifs à l’attentat.
Entendu à trois reprises lors de l’information judiciaires, Paul BARRIL relatait s'être rendu sur
les lieux de l’attentat à la demande d’Agathe HABYARIMANAet y avoir récupéré de nombreux objets,
dontla boîte noire qui n’en était en réalité pas une. S'agissant des lance-missiles, il soutenait dans un
premier tempsles avoir détenus avant de le contester. (D373, D6686, D8227)
Le 07 juin 2012, des perquisitions étaient réalisées au domicile de Paul BARRIL ainsi que dans
les locaux de sa société. (D8231, D8234, D8235, D8237)
Au sous-sol de son domicile, les enquêteurs saisissaient notamment une pochette cartonnée
supportant l’inscription « RWDA FABIEN » et contenant divers documents démontrant les liens
entretenus par Paul BARRIL avec le régime HABYARIMANA et Fabien SINGAYE. De même, une

pochette cartonnée portant les inscriptions "LEMONIER 15/12/1994 RWD J.1. Philippe C.p BOUDET"
était saisie. Elle contenait divers documents relatifs au Rwanda ainsi qu’à un litige commercial
portant sur l’achat de matériel de guerre par l'Etat du Rwanda auprès d’un Monsieur LEMONNIER,
dans lequel était intervenu Paul BARRIL. Enfin, dansles locaux de la société S.E.C.R.E.T.S, fondée par
Paul BARRIL, un courrier relatif à ce contentieux et adressé par Paul BARRIL à Dominique LEMONIER
était retrouvé. (D8244, D8246, exploitation en D8560)

En outre, parmi les différents supports informatiques saisis lors de ces perquisitions, l'expert
mettait en exergue différents documents susceptibles d'éclairer les liens entretenus par Paul BARRIL
avec divers protagonistes de cette procédure (D8308):
- Un fichier faisant état d’une prise de rendez-vous entre Paul BARRIL et Sébastien
NTAHOBARI afin d'évoquer une « contre-offensive diplomatique sans violence »;
-

-

(D8308/32)

un fichier de 27 pages contenant un mandatd'investigation et de recherche signé de Mme
Agathe HABYARIMANA adressé au capitaine Paul BARRIL, ainsi qu'une chronologie des
évènements survenus avant, pendantet après le 6 avril 1994 au Rwanda ; (D8308/32)

diverses factures relatives à une « mission » ou un « dossier Rwanda » ; (D8303/33)
un contrat d'assistance daté du 28 mai 1994, entre le gouvernement du Rwanda et le

capitaine Paul BARRIL prévoyantla fourniture de 20 hommes, de nombreuses munitions et

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

de matériel (11000 obus, 5000 grenades) pour un montant de 3 130 000 dollars;

(D8308/36)

De nombreux documents éclairaient par ailleurs les relations entre Paul BARRIL et Fabien
pays
SINGAYE, ce dernier ayant offert de présenter la société S.E.C.R.E.T.S à plusieurs ambassades de
africains à Paris. (D8586) .
Auditionné le 7 juin par les enquêteurs et le 20 décembre 2012 par les juges d’instruction, Paul
BARRIL indiquait avoir infiltré au début des années 1990 les instances du FPR en Belgique, en France,

de la
en Allemagne et au Burundi à la demande de François DE GROSSOUVRE,conseiller du Président

République. Le jour de l’attentat, il était aux Etats-Unis dans le cadre d’un déplacement professionnel
qui s'était déroulé du 31 mars au 13 avril 1994. Il confirmait avoir entrepris une enquête sur les
circonstances de l’attentat à la demande de la veuve du Président HABYARIMANA, au cours de
laquelle il avait récupéré des pièces de l’avion qu'il avait gardées pendant 5 ans. S'agissant des
témoignages qu’il avait recueillis, ils n'étaient qu’oraux et aucune synthèse écrite n’avait été établie.
Il convenait néanmoins que certains témoignages étaient « sans réelle certitude ». Selon lui, cette
enquête avait été réalisée bénévolement et il n'avait jamais lié de contrat avec les autorités
rwandaises.

S'agissant des propos qu'il tenait dans son livre, il admettait que certaines parties de celui-ci
étaient « romancées ».
Interrogé sur le contrat d'assistance daté du 28 mai 1994, il indiquait que cette démarche ne
s'était pas réalisée. (D8322/110)
S'agissant de Fabien SINGAYE, il disait l’avoir rencontré dans l’entourage du Président
HABYARIMANAdans les années 1990. Il confirmait que ce dernier était un ancien agent des services
de renseignement rwandais et qu'il l'avait mis en relation avec les autorités françaises dans le cadre
de cette procédure, contestant néanmoins toute « manipulation ». Interrogé sur différents

BARRIL
documents datant de 1994-1995 relatifs à Fabien SINGAYE ou à sa société S.E.C.R.E.T.S, Paul

contestait de manière peu crédible que Fabien SIGNAYE ait pu travailler avec lui sur le Rwanda
postérieurementà l’attentat du 06 avril 1994. (D8242, D8322/8)

En conclusion de son interrogatoire, il se vantait d’avoir fait « bouger la machine » et que sans

lui, rien n’aurait été fait « au niveau judiciaire ». (D8242, D8322)

Il pouvait également être relevé que Paul BARRIL indiquait que Paul KAGAME lui avait confié
en 1991, à la sortie d’une mesure de garde à vue prise à son encontre par la DST, qu’il souhaitait
commettre un attentat contre le Président HABYARIMANA et qu’il cherchait pour ce faire une
télécommande à distance d’une portée de 30km. Interrogé sur ce point, le Directeur central du
renseignementintérieur répondait que les recherches effectuées dansles archives de la DST s'étaient
révélées « infructueuses » et que les allégations de Paul BARRIL étaient dès lors « sans fondement ».

(D8310)

Les collaborateurs de Paul BARIL auditionnés disaient ne pas connaître Fabien SINGAYE.
(D8589, D8590, D8592)

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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

Discussion
Au terme de information judiciaire, neuf personnesissues du FPR et de sa branche arméel’APR

sont mises en examen pour avoir participé à l’attentat commis le 6 avril 1994 contre l'avion du
Président HABYARIMANA.

Les investigations exhaustives réalisées pendant une vingtaine d’années ont permis d’explorer
de nombreuses pistes, de mettre à jour de véritables manipulationset de recueillir de très nombreux
témoignages, éclairant souvent de manière contradictoire les évènements ayant touché le Rwanda
en 1994.

Aujourd’hui encore, sur bien des aspects, les anciens dignitaires du régime HABYARIMANA et
du FPR continuent de proposer une lecture diamétralement opposée de ces évènements, dont
l’attentat contre l’avion du Président HABYARIMANA constitue une pièce essentielle puisqu’il a
marqué le début du massacre des populations tusies.
En effet, alors que les anciens dignitaires du régime HABYARIMANAconsidèrent que le FPR a
utilisé le chaos provoqué par l’assassinat du président HABYARIMANApour lancer son offensive et
reprendre le pouvoir, les membres du FPR estiment en revanche que cet attentat devait permettre à
l’élite hutue de préserver son pouvoir à travers la mise en place d’une nouvelle administration,
l’assassinat de plusieurs membres de l’opposition et le début du génocide des Tutsis.
Chaque camp considère ainsi que son adversaire avait un intérêt objectif à assassiner le
Président HABYARIMANA, que ce soit pour garder le pouvoir ou pour s’en emparer.
Dans ces conditions, si l’analyse de la présente procédure ne peut pas faire abstraction de la
situation politique et sécuritaire du Rwanda en 1994, elle ne saurait prendre trop largement en
compte un contexte rwandais fluctuant, chaotique et finalementtrèsdifficile à appréhender.
Elle doit surtout, et comme dans tout dossier, s'attacher à apprécier précisément et
rigoureusementla valeur probante des éléments matériels et testimoniaux réunis à l'encontre des
mis en examen.
S'agissant des éléments matériels, en l’absence de « boîtes noires» et de constatations

réalisées sur le lieu du crash, ils sont essentiellementconstitués des lance-missiles retrouvés dans les

jours ou semaines ayantsuivi l’attentat, ainsi que du message de revendication de cette attaque.
Pour ces deux éléments, force est de constater que les incertitudes restent nombreuses.

En effet, compte tenu des résultats de l’expertise concluant à l’utilisation d'un missile SA 16

ainsi que des liens existants entre le FPR et l’Ouganda, la découverte de deux lance-missiles SA 16
ayant transité par l’armée ougandaise n’a pu que constituer un indice tendant à désigner le FPR
comme responsable de cet attentat.
Néanmoins, il doit être souligné que ces lance-missiles, qui ont purement et simplement
disparu lors des différents transports qu’ils ont subis, n’ont jamais pu être expertisés dansle cadre de
l’information judiciaire. Aucune recherche d’ADN n’a doncpu être réalisée et il est même impossible
de dire si ces dispositifs étaient fonctionnels ou s’ils avaient déjà été utilisés.

91
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

De même,si de nombreux témoignages évoquent leur découverte à Masaka puis leur transfert
au quartier général des FAR, voire entre les mains du Président du Zaïre Mobutu, les affirmations
recueillies à ce sujet ne sont pas univoques, plusieurs lieux et dates de découverte étant évoqués.

Enfin et surtout, les investigations menées n’ont pas établi de manière formelle que l'APR
disposait en 1994 de missiles sol-air, pas davantage que les FAR d’ailleurs même si ces derniers
nourrissaient le projet d’en acquérir comme le démontrent les documents versés à la procédure.
S'agissant de l’APR, la découverte d’un missile SA 16 dans le parc de l’Akagera en mai 1991, dans des
conditions qui restent relativement obscures puisque ce missile n’a pas été pris directement à un
soldat de l’APR, ne saurait suffire à démontrer que cette organisation détenait de tels missiles en
1994. L’incertitude est d'autant plus prégnante qu’aucun dispositif de cette nature n'a jamais été
retrouvé lors des contrôles menés par la Minuar et que toutes les personnes mises en causerejettent
la détention de missiles anti-aériens.

Le message de revendication attribué au FPR et faisant état de la réussite d’un « escadron
renforcé » avec la complicité de la « communautébelge »laisse également dubitatif.
En effet, si les rétractations de Richard MUGENZI, opérateur ayant retranscrit ce message, ne
manquent pas d’interroger dans la mesure où elles sont intervenues tardivement et que l’intéressé
n'avait jamais fait état d’une quelconque falsification avant d’être entendu par la commission
MUTSINZI puis par le journaliste Jean-François DUPAQUIER, le format du message, tout comme son

contenu, ne saurait totalement convaincre.

Sur le format, on peine en effet à concevoir qu’un message aussi sensible aït pu être envoyé
par les moyens de transmission classiques du FPR, sansfaire l’objet d’une opération de cryptage ou
d’une quelconque mesure de précaution, le rendant ainsi particulièrement vulnérable à tout
dispositif d’interception. Sur son contenu, il peut être rappelé que ce message fait référence à
l'intervention de membres de la « communauté belge », thèse largementrelayée dans les heures et
les jours ayantsuivi l’attentat mais qui ne sera jamais corroborée par les investigations.
Dans ces conditions, en l’absence d'éléments matériels incontestables, les éléments les plus

importants réunis à l’encontre des personnes mises en examen proviennent des différents
témoignagesrecueillis tout au long de l’information.
Nombre de ces témoignages constituent des accusations indirectes, rapportant des faits qui
auraient été constatés par d’autres personnes. Ces accusations, si elles ne sont pas inintéressantes
en ce qu'elles permettent d’orienter les investigations, doivent néanmoins être maniées avec
prudence, surtout lorsqu’elles relayent des propos émanant de personnes décédées, comme
Théoneste LIZINDE par exemple, ou non identifiées, à l’instar des sources ayant nourri le
« memorandum interne » de Michael HOURIGAN.

En revanche, les témoignages d’Abdul RUZIBIZA, Emmanuel RUZIGANA, Aloys RUYENZI
Innocent MARARA et Evariste MUSONI, émanent de personnalités ayant quitté le FPR et constituent
des accusations directes contre plusieurs personnalités de ce mouvement. Globalement
concordantes, ces déclarations font état d’une attaque validée au plus haut niveau du FPR par Paul
KAGAME lui-même, au cours de plusieurs réunions tenues entrela fin de l’année 1993 et mars 1994
au siège de l’APR à Mulindi. Les missiles utilisés auraient été transférés depuis le quartier général de
l’'APR à Mulindi, vers les locaux du CND de Kigali. Le soir desfaits, ils auraient été transportés vers la
zone de tir située à Masaka où Eric HAKIZIMANA et Franck NZIZA, les deux tireurs, auraient abattu

l'avion.
Ces témoignages ont été fortementaffaiblis par les évolutions de l'information judiciaire.
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Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

D’une part, il doit être souligné qu’à l'exception d’Aloys RUYENZI, aucun de ces témoins n’a
confirmé ses accusations initiales dans les suites de l’information. Emmanuel RUZIGANA, dans des
conditions certes surprenantes, est totalement revenu sur ses dépositions, tandis qu’Abdul RUZIBIZA
affirme désormais qu’il n’a pas été personnellement témoin desfaits qu'il avait initialement relatés.
Sollicité en 2011, Evariste MUSONI a quantà lui fait savoir qu’il ne souhaitait pas être réentendu.

D'autre part, l'hypothèse de missiles tirés depuis la colline de Masaka a été formellement
écartée par les experts ayant accompagné les magistrats instructeurs lors du déplacement au
Rwanda, venant ainsi contredire les accusations portées par Abdul RUZIBIZA et Emmanuel

les
RUZIGANA, lesquels ont un temps affirmé avoir sécurisé la zone de tir à Masaka. Au contraire,
experts ont établi que les missiles avaient été tirés depuis la zone de Kanombe, sur laquelle était

installé un camp militaire des FAR.

Dans ces conditions, la force probante de ces accusations apparait particulièrement limitée et
ce d’autant qu’aucun témoin n’est venu apporter le moindre élément matériel confirmant ses
déclarations.
Les derniers témoignages accusant des responsables du FPR, recueillis en toute fin

d’information judiciaire, ne sauraient davantage emporter la conviction, d’une part car ils

apparaissent particulièrement tardifs et d’autre part car ils ne sont là encore étayés par aucun
élément matériel. En outre, ces derniers témoignages, s’ils rejoignent partiellementles déclarations
initiales de

MM.

RUZIBIZA,

RUZIGANA,

RUYENZI ou

MARARA, s'en éloignent aussi

parfois

sensiblement. Ainsi, à titre d'exemple, Théogène RUDASINGWA conteste que des réunions
préparatoires à l'attentat aient été organisées en présence de nombreuses personnes, décrivant au
passage Aloys RUYENZI comme un «officier subalterne » qui n'aurait pas pu être informé des projets
de Paul KAGAME.

Dans ces conditions, force est de constater que les charges retenues à l’encontre des mis en

examen nejustifient pas une mise en accusation devant la cour d'assises et que le doute doit profiter
à ces derniers.
Un non-lieu sera donc requis.

REQUISITIONS AUX FINS DE NON-LIEU
Attendu qu’il ne résulte pas de l’information judiciaire charges suffisantes contre Rose KANYANGE

Jack
épouse KABUYE, Charles KAYONGA, James KABAREBE, Samuel KANYEMERA, Jacob TUMWINE,

NZIZA et Faustin NYAMWASA-KAYUMBA d’avoir commis les faits de complicité d’assassinats en
relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes
de terrorisme qui leurs sont reprochés.

Attendu qu’il ne résulte pas de l'information judiciaire charges suffisantes contre Franck NZIZA et Eric
HAKIZIMANA d’avoir commis les faits d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et
d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorismes qui leurs sont reprochés.
ère
Requiert qu’il plaise à M. le Vice-président chargé de l'instruction et Mme la 1°"° Vice-présidente
chargée de l’instruction dire n’y avoir lieu à suivre contre ces personnes de ces chefs.

Fait à Paris, le 10 octobre 2018

_

P/ LE PROCUREUR DELA RÉPUBLIQUE; =>.
Nicolas Renucci, Vice-procuretir a

Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 97295230

des parties et aux
Copie certifiée conforme des présentes réquisitions a été adressée aux avocats
parties non représentées par lettre recommandée le MN | A0 TLOWR

Le Greffier,

Copie certifiée conforme à l'originar
Le Graffier

CA

fé 77 »

94
Parquet du TGI de Paris — Section C1 — Procédure 9729523030

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