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Depuis 2005, la Ligue des droits de l’homme (LDH), la Fédération
internationale des droits de l’homme (FIDH) et Survie, aux côtés
d’autres associations, sont engagées dans le dossier judiciaire
concernant les massacres de Bisesero au Rwanda où pendant trois jours,
fin juin 1994, des centaines de civils ont été exterminés par les
génocidaires, alors que le premier détachement français ne se trouvait
qu’à quelques kilomètres. La plainte contre X, déposée en 2004 par six
rescapés tutsis devant le tribunal aux armées de Paris, vise la chaîne
de commandement française de l’opération Turquoise, dont les militaires
auraient pu laisser sciemment se poursuivre les tueries dans ce secteur
en grande partie contrôlé par l’armée française.
Comme le révèle aujourd’hui MediapartFabrice Arfi, « Massacre de Bisesero au Rwanda
: la
justice clôt son enquête sans mise en examen », Mediapart, 25 septembre 2018.,
les parties civiles
ont été informées le 27 juillet dernier de la volonté des juges du Pôle
« Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre » du tribunal de
Paris (auquel le dossier a été transmis en 2012), de clore cette
instruction, sans que plusieurs points cruciaux n’aient été éclaircis.
Le refus d’auditionner certains témoins-clés (dont de hauts gradés), de
demander certains documents militaires ou de confronter les versions
parfois contradictoires des officiers de l’époque, est incompréhensible
pour nos associations, qui ont produit un travail considérable d’étude
de ce dossier avec leurs avocats et les avocats des parties civiles
rwandaises ; et qui ont régulièrement alimenté les juges de notes et
demandes d’actes.
Déjà l’an passé, la FIDH, la LDH et Survie avaient alerté sur le
traitement judiciaire de ce dossier, révélateur du tabou qui semble
toujours entourer l’objectif réel de l’opération Turquoise et
l’établissement des responsabilités françaises lors du génocide des
Tutsis de 1994.Opération Turquoise / massacre de Bisesero : la justice
refuse d’auditionner les plus hauts responsables militaires français »,
Communiqué de la LDH, la FIDH et Survie, 16 novembre 2017
Comme le souligne à juste titre Mediapart dans son article, aucune mise
en examen n’a été prononcée dans cette affaire et de nombreuses
demandes d’actes des parties civiles n’ont pas encore été suivies par
les juges. Pourtant, les éléments de la procédure permettent d’affirmer
que l’état-major des armées a eu connaissance des massacres en cours
dès l’après-midi du 27 juin 1994. Alors que l’objet de la mission
Turquoise était de « mettre fin aux massacres », le dossier qui
comprend plus de 16 000 cotes, ne fait état d’aucune réaction des
autorités militaires à cette découverte et d’aucun ordre pour se rendre
dans les collines de Bisesero pour faire cesser les tueries. Il est ici
indispensable de rappeler que le sauvetage des Tutsis de Bisesero le 30
juin 1994 ne fait pas suite à un ordre de mission, mais est le fait de
l’initiative de certains militaires de terrain alertés par des
journalistes.
Les juges d’instruction en charge du dossier, qui ont refusé
d’auditionner le chef d’état-major et son adjoint, entendent ainsi
mettre un terme à leur enquête sans chercher à savoir quelles sont les
autorités, militaires ou civiles, qui ont pris la décision de ne pas
faire intervenir les militaires français basés à proximité pour mettre
fin au génocide en cours dans les collines de Bisesero.
Afin d’éviter un déni de justice, la FIDH, la LDH et Survie s’emploient
actuellement à mobiliser tous les arguments et recours juridiques
possibles pour empêcher une clôture précipitée de l’instruction de ce
dossier emblématique de l’implication française au côté des
génocidaires rwandais. L’enquête judiciaire doit se poursuivre sans que
la raison d’État puisse y faire obstacle.