Citation
Billets d’Afrique…
…et d’ailleurs
I n f o r m a t i o n s e t av i s d e r e ch e rch e s u r l e s ava t a r s d e s r e l a t i o n s f ra n c o - a f r i c a i n e s
Sommaire
Dans ce numéro
ËP. 2 LES BRÈVES DE LA FRANÇAFRIQUE
Répression marocaine, dissimulation
française - De l’art de formater les esprits
– Sassou bat en retraite dans l’affaire du
Beach – Tchad : 12,2%..mais de combien
– Cameroun : disparition du chef de la
Garde Présidentielle –
Manœuvres
grossières
pour sauver
Falcone
ËP. 1 & 3 Edito LA FRANÇAFRANCE
ËP. 4 ANGOLAGATE Les manoeuvres
grossières pour sauver Falcone
Les manœuvres de l’Etat, à deux mois du
procès en appel se multiplient. Objectif:
enterrer le dossier qui empoisonne les
relations économiques avec l’Angola.
ËP. 5 BURKINA Le vernis peu
démocratique de Compaoré
A deux mois du procès en appel,
les manoeuvres pour enterrer le
dossier se multiplient.
Sans surprise, Compaoré se succède à
lui-même à l’issue d’un scrutin présidentiel
irrégulier et salué par un obscur
observatoire français.
ËP. 6 & 7 TOGO Témoignage
FrAnce comores
L’insoutable légéreté
du pouvoir
Le double discours du
président Comorien,
le processus de
départementalisation de
Mayotte et le scandale de la
spoliation des terres.
Max Savi Carmel est le fondateur de
Tribune d’Afrique, média menacé par le
gouvernement togolais.
ËP. 8 & 9 MAURITANIE Le bilan
0 ans après son indépendance, quelle
souveraineté, politique et économique ?
P. 10 FRANCE RWANDA Le paradis
judiciaire français
Le cas de Sosthène Munyemana, médecin
rwandais présumé génocidaire exercant à
Villeneuve-sur-Lot.
ËP. 11 LIRE ALTERMONDES
ËP. 12 & 13 COMORES L’insoutenable
légéreté du pouvoir
Le président comorien, ferme dans ses
discours pour la restitution de Mayotte,
signe pourtant un accord de défense avec la
France. Pendant ce temps, le processus de
départementalisation de Mayotte progresse
au parlement français, sans que soit
dénoncé la spoliation des terres.
ËP. 14 & 15 RDC De la qualification
de crimes de génocide
La Françafrance
Le mot «Françafrique», popularisé par François-Xavier Verschave1, intéresse
l’opinion ces temps-ci. De la récupération à la négation il titille les fabricants
d’images et de discours.
Suite page 3
Lettre mensuelle éditée par Survie // N° 197 Décembre 2010 - 2,30 euros
Comment peut-on qualifier les crimes
commis en RDC de 199 à 007 recensés
dans le récent rapport de l’ONU ?
ËP. 14 & 15 Survie et Pierre Péan,
mise au point
w w w. s u r v i e . o r g
En bref
Erratum
Myrtille Delamarche, directrice de la
publication de Marchés tropicaux nous
signale la relance de ce titre en mars 2010
sous la forme d’un mensuel couplé à un site
internet quotidien (www.mtm-news.com).
Toutes nos excuses pour cet acte de décès
ainsi que nos encouragements à l’équipe de
Marchés tropicaux.
Rectificatif, suite
Nous avions noté que Proparco, la
banque de l’AFD (Agence française de
développement), était parmi les financeurs
de la publication Les Afriques, qui a célébré
Biya le mois dernier. Il paraît que Proparco
s’est retiré de ce titre. Il n’en reste pas
moins que Philippe Séchaud, à Genève,
est président du comité des fondateurs de
Les Afriques et administrateur de Proparco.
On compte aussi dans l’actionnariat du
périodique Gérard Mangoua, PDG de
Laborex Côte d’Ivoire. Cette chaîne de
distribution de médicaments dans plusieurs
pays africains dépend de Eurapharma, filiale
médicaments de la CFAO, dont elle assure
30 % du chiffre d’affaires, laquelle CFAO
est un fleuron du groupe Pinault. A part cela
il n’y a pas plus africain que Les Afriques,
selon la pub du magazine.
Répression
marocaine,
dissimulation
française
Il y a longtemps qu’on sait que le mandat
de la Mission des Nations unies pour
l’organisation d’un référendum au Sahara
occidental (MINURSO) a été dévoyé,
depuis presque trente ans que le référendum
d’autodétermination se fait attendre. La
France, qui soutient indéfectiblement
la politique coloniale de la monarchie
marocaine, n’a pas peu contribué à cet état
de fait. On a récemment rapporté comment
elle s’était même opposée à ce que la
MINURSO doit dotée d’un volet consacré
à la surveillance du respect des droits
humains, ce qui en fait une exception parmi
les missions de maintien de la paix de l’ONU
existantes. Aujourd’hui, la diplomatie
française persiste et signe. Pour protester
contre les discriminations et la situation
sociale dégradée dont elles sont victimes,
les populations Sahraouies ont organisé de
début octobre à début novembre un camp
de tentes dans le désert, regroupant jusqu’à
25 000 personnes à proximité de Laâyoune.
Après avoir fait mine de privilégier la
négociation, les autorités marocaines ont joué
la provocation, organisé le démantèlement
brutal du campement et provoqué des
émeutes qu’elles se sont empressées de
réprimer. Le nombre de victimes parmi
les Sahraouis reste aujourd’hui incertain :
combien de tués, de blessés, d’arrestations
arbitraires et de cas de tortures ? Les
versions divergent fortement sur place
comme dans la presse internationale. Avant
le déclenchement de la répression, Kouchner
avait jugé « inadmissible » à l’Assemblée
le refoulement par Rabat d’un député
français (le communiste Jean-Paul Lecoq),
mais la position officielle du Quai d’Orsay
se contentait de juger «surprenante»
et de «regretter» cette décision sans la
condamner. Plus grave, sous l’effet des
pressions françaises, le conseil de sécurité
de l’ONU, au sein duquel la France dispose
d’un droit de veto, réuni à huis clos le 16
novembre, a simplement «déploré» les
événements de Laâyoune, mais a renoncé à
envoyer une commission d’enquête...
De l’art de formater
les esprits
L’Elysée fait payer une partie de ses
dépenses de sondages par Matignon via le
Service d’information du gouvernement
(SIG) selon le rapport du député PS, Jean
Launay, sur les crédits alloués à l’Elysée en
2011. Delphine Batho (PS) a dénoncé une
«annexion du SIG par la présidence» et a
interpellé Henri de Raincourt, ministre des
Relations avec le Parlement sur «l’existence
d’un contrat» de «120 millions attribué
le 30 juin par le SIG à Aegis [géant
britannique de l’achat médias, ndlr], dont
Vincent Bolloré est actionnaire [30% du
capital, ndlr], qui entrera en vigueur au
1er janvier 2011 pour divers conseils en
communication, notamment pour la mise
en œuvre de story telling». Quand «l’art
de raconter des histoires» devient l’art
de «formater les esprits» pour les aliéner
résumait Christian Salmon dans son essai
Story telling, La machine à fabriquer des
histoires et à formater les esprits…
nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
C’est un peu comme la belle histoire de
l’Afrique désenclavée grâce au groupe
Bolloré qu’aiment raconter les dirigeants
du groupe…Le ministre a répondu: «Il
n’y a aucun contrat nouveau de cette
nature qui ait été signé le 30 juin». Il y a
eu, a-t-il dit, «effectivement un contrat de
110 millions» mais il a été «passé en 2006
sur quatre ans».
Sassou bat en
retraite dans l’affaire
du Beach
Quelle surprise ! Le Congo Brazza
vient de renoncer à la procédure qu’elle
avait entamée en 2002 devant la Cour
internationale de justice (CIJ) contre la
France concernant les disparus du Beach
de Brazzaville (près de 350 congolais,
de retour d’exil, avaient eté enlevés par
des éléments de la garde présidentielle et
exécutés dans l’enceinte même du palais
du président Sassou Nguesso).
On se rappelle que le Congo Brazza avait,
le 9 décembre 2002, demandé à la CIJ
de faire annuler une procédure judiciaire
ouverte à Meaux, à la suite d’une plainte
déposée par la FIDH et des rescapés du
massacre du Beach. La plainte, pour
crimes contre l’humanité et tortures,
mettait en cause notamment le président
congolais Denis Sassou Nguesso, le
ministre congolais de l’Intérieur Pierre
Oba et Jean-François N’Dengue, en charge
de la sécurité au Port fluvial du Beach de
Brazzaville. Le Congo Brazza estimait
que la France, qui avançait le principe
de compétence universelle, avait violé
la règle selon laquelle un Etat membre
de l’ONU ne peut exercer son pouvoir
sur le territoire d’un autre Etat membre.
En 2004, N’Dengue, en visite privée
dans l’Hexagone était arrêté et placé en
garde à vue à Paris à la demande du juge
de Meaux, Jean Gervillié, qui instruisait
l’affaire. Il avait été libéré dans la nuit sur
intervention de Dominique de Villepin et
exfiltré hors de France.
«On se dit que ça ne vaut plus la peine.
L’affaire des disparus du Beach a
l’autorité d’une affaire jugée», a expliqué
Dinar Moubanga Moukonzi, directeur
de cabinet au ministère congolais de la
Justice et des Droits humains (AFP, 18
novembre). En 2005, quinze officiers
supérieurs et cadres avaient, en effet, été
acquittés à Brazzaville dans une parodie
de procès.
En réalité, les autorités congolaises
craignaient que la justice internationale
identifie les responsables de la tuerie,
d’où l’abandon opportun de la procédure
devant la CIJ.
Éditorial
12,5 %... mais de
combien ?
La Françafrance
Lors de l’émission Le Débat africain, le
7 novembre dernier sur RFI, le ministre
tchadien des infrastructures, Adoum
Younousmi a publiquement reconnu que
son gouvernement ne pouvait pas contrôler
les montants de production pétrolière
déclarés par les multinationales implantées
dans le pays et sur lesquels sont calculés
la part fiscale revenant à l’Etat (déjà
ridiculement basse : 12,5% seulement).
« Mais Monsieur le ministre, ce que vous
dites est quand même grave. Vous dites :
“Nous ne contrôlons pas ce qui est produit.”
Ils peuvent vous dire n’importe quoi !
Vous n’avez aucun moyen de vérifier »,
a insisté le journaliste Alain Foka. «Bien
sûr. Absolument», a confirmé le ministre
avant de tenter de se rattraper aux branches,
affirmant que des audits réguliers étaient
organisés, même si le pays ne disposait
pas des cadres à même de procéder à cette
expertise... Le drame, c’est que le cas du
Tchad est loin d’être une exception, et que
toutes les industries extractives procèdent
de la même manière.
Mais qui parle de pillage ?
Suite de la page 1
Cameroun :
disparition du chef
israélien de la Garde
présidentielle
Un hélicoptère Bell 412 de l’armée
camerounaise s’est écrasé à Boumnyebel
entre Yaoundé et Douala le 22 novembre.
Sur les cinq passagers, quatre sont morts
dans l’accident, le cinquième, hospitalisé
à Yaoundé est décédé par la suite.
Parmi les victimes on compte l’ancien
colonel de l’armée israélienne Abra
ham Avir Silvan. Son corps a été
ramené en Israël dès le 23 novembre.
Après avoir été attaché de défense à
l’ambassade d’Israël à Yaoundé, dans les
années 80, Abraham Avir Silvan est resté
au Cameroun comme conseiller militaire
privé. Il a créé la garde présidentielle
de Biya, devenue DSP (Direction de la
sécurité présidentielle), et récemment le BIR
(bataillon d’intervention rapide) chargé de la
lutte contre l’insécurité. Il commandait ces
deux formations, ayant toute la confiance de
Biya qui se méfie de l’armée camerounaise
et qui lui a donné tous les moyens pour ces
unités spéciales qui ne dépendent que de la
présidence. Soldat mais aussi businessman il
passe pour avoir eu la haute main sur les juteux
marchés de l’armement et aurait des intérêts
dans la société de téléphonie et d’accès
internet Ringo, créée en 2008 à Yaoundé.
Un documentaire en deux épisodes, intitulé «Françafrique, cinquante ans
sous le sceau du secret» de Patrick Benquet, est diffusé début décembre
sur France 2. Lors de la présentation, l’auteur a révélé qu’il pensait à ce
documentaire depuis quatorze ans mais ne l’a mis en oeuvre que depuis deux
ans et demi «parce que les esprits n’étaient pas prêts». On leur sert aujourd’hui
une version édulcorée de l’histoire de la Françafrique. Ce documentaire fleuve
fait une très large place à des entretiens avec des acteurs français de la
décolonisation, ex-agents secrets et autres ambassadeurs, notamment avec
Maurice Delauney, décédé à 90 ans en 2009, dont on entend longuement les
commentaires assez comiquement désuets, mais qu’on se borne à présenter
comme ex-ambassadeur de France au Gabon, omettant de mentionner son rôle
majeur, comme administrateur colonial, en 1958, dans la sanglante répression
des nationalistes camerounais et le fait que, de 1979 à 1989, après avoir été
ambassadeur au Gabon de 1965 à 1972 puis de 1975 à
1979, il a été PDG des mines d’uranium de Franceville au Gabon, ce qui est quand
même plus intéressant, historiquement et politiquement, que ses radotages à
relents racistes.
De même, on perd beaucoup de temps avec des images de réceptions officielles
banales, tapis rouge, défilés et serrage de mains entre présidents français
et africains, alors qu’il n’y a pratiquement pas d’images des quelque trente
interventions militaires de l’armée française en Afrique subsaharienne depuis
1960. Les mots Rwanda, génocide, ne sont même pas prononcés, non plus
que ceux de Um Nyobé ou de Sankara et aucun témoin africain n’est appelé
à s’exprimer en entretien spécifique. Autant dire que les principaux secrets
restent bien gardés et que l’ensemble est très franco-français.
Seules les magouilles pétrolières sont largement décrites et ce n’est certes
pas rien pour le grand public, qui découvrira que les pays africains financent
l’économie et la politique française.
Ce sera certainement encore trop pour certains et ce documentaire défrisera sans
doute des gens comme Pierre Péan pour qui la Françafrique n’est qu’une idéologie,
«une vision négative où il n’est question que de corruption et où la France est
responsable de tous les maux affectant le continent noir»2 ( lire par ailleurs page
16). Pour lui, Mitterrand a radicalement changé la politique africaine de la France
par le discours de La Baule, en 1990, dont il se garde bien de citer la moindre
phrase3, encore moins les suites contradictoires avec les principes censés avoir
été proclamés. Il affirme également que «la dernière intervention militaire de l’armée
française en Afrique a eu lieu en janvier 1997 en Centrafrique ». C’est un exemple des
innombrables faussetés qui jalonnent ses propos. Il ignore que l’armée française a
tiré sur le peuple ivoirien à Abidjan le 9 novembre 2004, qu’elle a repris l’aéroport
de Birao en Centrafrique le 28 novembre 2006 et a défendu celui de Ndjaména au
Tchad les 2 et 3 février 2008.
Pour lui la politique française, en maintenant les dictateurs africains, protège des
pays immatures contre les troubles ethniques – les Africains étant incapables
de se gouverner eux-mêmes – et la corruption en Afrique n’est pas perçue
comme telle parce que la société y est fondamentalement différente. Ceux qui ne
souscrivent pas à cette vision, qu’il ne faut surtout pas appeler raciste, sont des
anti-France. Vieux discours...
Odile Tobner
1- François-Xavier Verschave, La Françafrique, le plus long scandale de la République. Stock, 1998.
2- Pierre Péan, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique. Fayard 2010.
Voir p. x
3- Odile Tobner, La vision de l’Afrique chez les présidents de la Ve république française in collectif,
L’Afrique répond à Sarkozy, Philippe Rey 2008.
No 197
n
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn
Salves
En bref
Angolagate
Biens mal acquis :
florilège de la société
civile africaine
Manœuvres grossières
pour sauver Falcone
Les manœuvres de l’Etat,
à deux mois du procès en
appel de l’Angolagate, se
multiplient alors que Pierre
Falcone reste en prison.
Objectif : enterrer le dossier
qui empoisonne les relations
économiques avec l’Angola.
L
e 27 octobre 2009, à la surprise
générale, malgré les manœuvres et
les multiples pressions politiques,
Pierre Falcone, le personnage central de
l’Angolagate, était condamné à six ans de
prison ferme pour avoir organisé un vaste
trafic d’armes entre la France et l’Angola,
pays alors en guerre civile et soumis à un
embargo de l’ONU. Affaire qui impliquait
notamment Charles Pasqua, Jean-Christophe
Mitterrand ou encore l’ancien préfet JeanCharles Marchiani.
Le parquet général, n’avait pas, lui non
plus, ménagé ses efforts pour sauver le
soldat Falcone en épousant quasiment
toute la ligne des avocats de la défense.
Arguant de «difficultés juridiques» du
fait du statut diplomatique de Pierre
Falcone, privilégiant une «immunité de
juridiction», c’est-à-dire la compétence
de la justice française à le juger, à une
«immunité d’exécution» qui interdit
d’entraver la liberté d’aller et venir d’un
diplomate, l’avocat général avait requis
«la présomption d’innocence» (Billets
d’Afrique, janvier 2010).
Mais la chambre financière de la cour
d’appel de Paris, présidée par Christian
Pers, avait rejeté cette analyse en
considérant que «les faits reprochés
à Pierre Falcone étaient antérieurs à
sa nomination par l’Etat angolais»
et «sans lien avec l’exercice de ses
fonctions diplomatiques». L’arrêt de
la cour rappelait que Falcone avait été
«opportunément» nommé en juin 2003
(dix ans après les faits) «en qualité de
ministre conseiller de la représentation
permanente angolaise auprès de l’Unesco
pour une activité couverte selon lui par le
secret diplomatique».
Le 17 novembre dernier, pour la troisième
fois en un an, la cour d’appel a donc
rejeté la demande de remise en liberté de
Pierre Falcone, qui restera donc en prison
jusqu’au procès en appel de l’affaire de
l’Angolagate en janvier prochain (du 19
janvier au 4 mars).
De la circulation
au trafic d’armes
Sauf que l’appel ne sera pas présidé,
comme initialement prévu, par Christian
Pers, nommé opportunément conseiller la
cour de cassation par le Conseil Supérieur
de la Magistrature (CSM). Rappelons, à
toutes fins utiles, que le CSM est présidée
par le Président de la République et que le
vice-président en est le Garde des Sceaux.
«Il lui a été signifié qu’il était le meilleur,
et qu’il était donc promu au poste qu’il
demandait à la cour de cassation»
raconte un magistrat.
On ne peut pas dire que son successeur
a été choisi au vu de ses compétences
dans les dossiers de trafic d’armes: Alain
Guillou1 était, jusqu’à présent, chargé
des délits dans les transports et de la
circulation.
Le juge Guillou peut, d’ors et déjà, annuler
ses vacances de fin d’année et sacrifier
tous ses weekends d’ici le 19 janvier : il
dispose de deux mois, à raison de quatre
volumes par jour, pour ingurgiter les 250
volumes d’une exceptionnelle complexité
du dossier de l’Angolagate !
Ce croche-pied fait à la justice survient
après que l’un des assesseurs de Christian
Pers a été approché par un collaborateur
de l’ex-ministre du Travail, Eric Woerth
(Le Canard enchaîné, 17 novembre).
Cet émissaire lui a proposé, sans succès,
de quitter son poste pour une vague
«mission» de la plus haute importance.
Ce qui est moins vague, et nettement plus
clair, ce sont les manœuvres grossières
de l’Etat pour enterrer le dossier de
l’Angolagate et redorer ainsi les relations
entre la France et l’Angola, 1er producteur
africain de pétrole.
En 2008, à l’ouverture du procès,
Survie signait un communiqué «Quand
la politique entre dans le prétoire, la
justice en sort». C’est plus que jamais
d’actualité.
RDB
1- Ironie de l’affaire, c’est l’homonyme
d’un autre Alain Guilloux, avocat fiscaliste
sulfureux… et ancien avocat de Falcone et
d’Arcadi Gaydamak.
nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
Au-delà des clans au pouvoir au Gabon,
en Guinée équatoriale et au Congo
Brazza, plusieurs voix se sont félicitées
de l’arrêt de la cour de cassation.
Le directeur exécutif de l’Observatoire
Congolais des Droits de
l’homme
(OCDH), Roger Bouka Owoko, a estimé
que la cour de cassation avait pris «une
bonne décision qui permet de mettre
la pression sur les dirigeants africains
qui détournent les deniers à leur profit
personnel».
«Cette décision est très importante et
historique, et fait école pour les chefs
d’Etat qui mettent (utilisent) pour eux
l’argent de leur Etat et achètent des
voitures et maisons de luxe», a réagi
Placido Mico, candidat à l’élection
présidentielle en 2009 et secrétaire général
de la Convergence Pour la Démocratie
Sociale (CPDS), «je suis content qu’un
juge d’instruction (…) enquête sur les
biens du président Obiang et de sa famille,
biens acquis avec l’argent des citoyens qui
vivent pauvres ici», a-t-il ajouté.
Pour l’Observatoire Congolais des Droits
de l’Homme (OCDH) la décision de la
justice française est une «bonne décision
qui permet de mettre la pression sur les
dirigeants africains qui détournent les
deniers à leur profit personnel, pour les
placer dans les pays européens».
Au Gabon, Marc Ona Essangui, lauréat
du Prix Goldman de l’environnement
2009 et coordinateur de Publiez ce que
vous payez Gabon a déclaré que «le fait
que nos responsables africains savent
qu’ils peuvent être poursuivis même
en exercice peut les pousser à réduire
ce phénomène de main-basse sur les
ressources alors que les populations
croupissent dans la misère».
Pour Grégory Ngbwa Mintsa, qui
s’était porté partie civile aux côtés de
Transparence-International France en
2008 a estimé que «quelle que soit l’issue
de l’enquête, le fait que des dirigeants
puissent être interpellés par des citoyens
et des associations est une grande victoire.
Nous attendons la suite qui ne va pas
manquer de croustillant».
«L’autre motivation de ma plainte était de
frapper la Françafrique qui a une grande
part de responsabilité», «Les populations
sont spoliées. Après, lorsqu’elles sont
dans le désespoir, lorsqu’elles n’ont plus
rien à perdre, on a beau jeu de parler
d’extrémisme ou de terrorisme. La
Françafrique porte en elle les germes de
l’extrême»
Burkina Faso
Ré-élection de Blaise Compaoré, un
vernis démocratique peu crédible
Sans surprise, Blaise
Compaoré se succède à luimême à l’issue d’un scrutin
présidentiel irrégulier et salué
par un obscur observatoire
français. Un sérieux accroc
dans le costume d’un
Compaoré « médiateur »
et « homme de paix » de la
région.
en mesure de la rendre invalide : de
nombreux électeurs ont pu voter sans
papiers d’identités car la distribution
des cartes d’identité n’a pas pu être
effectuée à temps. Par ailleurs, les
cartes électorales ne mentionnaient
pas les dates et lieu de naissance des
inscrits. Dans un pays ou de nombreuses
personnes portent les mêmes noms, cette
situation rend impossible d’identifier
clairement les votants et laisse libre
cours à la fraude.
L
Des observateurs très
françafricains
e dimanche 21 novembre, les
burkinabé étaient appelés à réélire Blaise Compaoré, leur
président en place depuis 23 ans
(depuis l’élimination du président
révolutionnaire Thomas Sankara avec
la complicité de la France)… ou à voter
éventuellement pour un autre candidat,
mais sans réel espoir de changement.
L’enjeu réel de cette ré-élection
n’était évidemment pas qui gagnerait,
mais plutôt combien de burkinabé se
déplaceraient aux urnes pour donner
une légitimité démocratique à leur
président, grand médiateur de toutes
les crises régionales (Guinée, Côte
d’Ivoire), et pilier incontournable de la
françafrique !
Or, la population du Faso a globalement
boudé cette élection, sachant bien que le
scrutin était joué d’avance. Ainsi, sur le
7,5 millions d’électeurs potentiels, seuls
3,3 millions s’étaient inscrits sur les
listes électorales, et à peine 1,7 millions
de votants ont été enregistrés lors du
scrutin. Cette très faible participation
résulte de la lassitude de la population,
qui ne voit toujours pas les fruits du
développement que devait apporter la
«démocratie» instaurée en 1991, et de
l’absence de perspectives politiques.
Le parti au pouvoir, le Congrès pour
la Démocratie et le Progrès (CDP)
domine largement le paysage politique,
les administrations, les mairies, et
l’opposition, dispersée et désorganisée,
ne dispose pas des moyens financiers et
humain pour lui faire face.
Au delà de la faible participation, cette
élection a été entachée par un certain
nombre d’irrégularités qui seraient
Au niveau de la communauté
internationale,
on
notera
que
l’Union européenne n’a pas envoyé
d’observateurs.
En revanche, l’observatoire européen
pour la démocratie et le développement
(OEDD) a affirmé que «tout s’est
passé dans les règles de l’art» !
Renseignements pris, cette association
co-fondée par Pierre Mesmer regroupe
de nombreux individus liés de près ou
de loin aux réseaux de la françafrique,
et semble être une structure sans aucune
légitimité pour observer une élection.
Sans surprise, les résultats ont donné
un score soviétique de 80 % à Blaise
Compaoré, les cinq autres candidats
se partageant le reste des suffrages
exprimés. Mais la faible participation
et les irrégularités constatées et reprises
dans les médias ne donnent pas vraiment
la légitimité que le pouvoir espérait
tirer de cette élection. D’autant que
l’opposant, Me Benewende Sankara,
arrivé en troisième position, a porté
plainte auprès du tribunal administratif
contre la CENI (commission électorale
indépendante) pour irrégularités, et
ledit tribunal lui a donné raison.
Tripatouillage
constitutionnel en vue
Or, la reconnaissance ou non de
cette élection aura des conséquences
importantes dans la politique interne
comme au plan régional. Au niveau
national, tous les regards sont tournés
depuis longtemps sur l’échéance de
2015, date des prochaines élections
présidentielles à laquelle Blaise
No 197
n
Compaoré ne devrait pas pouvoir se
représenter d’après l’article 37 de
la constitution… mais le CDP fait
déjà campagne depuis des mois pour
faire modifier cet article, et les forces
d’opposition s’organisent également
pour s’opposer à cette réforme. La
bataille promet d’être rude au cours des
cinq prochaines années !
L’imposture Compaoré
Au
niveau
international,
Blaise
Compaoré est médiateur des crises de
la sous-région (Guinée, Côte d’Ivoire,
Togo), et se taille une stature «d’homme
de paix et de démocratie». Or, les
conditions de sa «ré-élection» devrait
le disqualifier totalement pour jouer
le donneur de leçon démocratique à
ses voisins… particulièrement en Côte
d’Ivoire où il s’est pourtant rendu le
samedi 27 novembre, à la veille d’un
second tour sous très haute tension.
Quant à son costume d’homme de
paix que ses courtisans espéraient sans
doute redorer par un nouveau vernis
démocratique, il ne nous fera pas
oublier son sinistre passé, du soutien
au seigneur de guerre libérien Charles
Taylor (en connivence avec ses amis de
la françafrique) à l’appui aux rebelles
ivoiriens, sans oublier bien sur les
nombreux crimes impunis de son régime
dans son propre pays…
Comme le dit un proverbe Peuhl:«Le
bout de bois à beau rester longtemps
dans l’eau, il ne deviendra jamais
caïman.»
Noël Surgé
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn
Témoignage
Togo
Max Savi Carmel « Il faut que le Togo
de la justice internationale… »
Max Savi Carmel est le
fondateur de Tribune
d’Afrique (voir encadré).
Journaliste d‘investigation,
il est spécialiste du Togo
et directeur zone Cémac,
Afrique Centrale à la
rédaction. Il est l’auteur de
Togo, de l’état de voyou à
l’Etat de droit, la république
menacée et Togo, la face
cachée du processus
politique.
Billets d’Afrique et d’ailleurs : Quel est
aujourd’hui l’état de la liberté de la presse
au Togo ?
Max Savi Carmel : Elle est passable,
c’est-à-dire qu’à première vue, nous
sommes dans un état de respect de liberté
d’expression, avec un code de presse et de
communication raisonnable et l’inexistence
de peine privative de liberté pour les
professionnels des médias. La réalité est
tout autre, le président Faure Gnassingbé
intimide judiciairement la presse qu’il
estime trop libre et a tendance à tenir les
médias privés par l’argent. Il crée ainsi un
réseau de griots abrutis par les cadeaux et
les privilèges accordés.
Le dernier rapport de Reporters Sans
Frontières a été réalisé avant les nombreuses
attaques en justice et donne, du coup, une
image trompeuse d’un pays de liberté, ce
qu’exploite, bien sûr, le régime. Il y a aussi
l’instrumentalisation de la justice contre
les médias, la justice au Togo étant une
épicerie pour la famille gouvernante.
Notre journal connaît d’ailleurs plusieurs
difficultés au Togo. Il y a eu, d’abord,
les menaces de la Haute Autorité de
l’Audiovisuel et de la Communication
(HAAC), puis une pression par l’argent
par le biais de ministres du gouvernement
et enfin l’utilisation de la justice avec un
procès contre nous, davantage politique
que juridique.
Nos journalistes sont sous pression et
notre titre, cible d’une partie de la presse
nationale qui nous taxe de socialisme à
outrance, de communisme de mauvais goût
ou de journal à la solde de l’opposition.
BDA : Quelles sont les
enquêtes
réalisées
par
Tribune d’Afrique qui
déplaisent au pouvoir ?
MSC : Nos articles ciblent
des sujets qui fâchent telles
que les injustices d’Etat,
les
détournements
de
fonds publics, la mauvaise
gestion, la répression de
manifestants, les violations
de droits de l’homme, les
trafics divers, etc.
Nous nous sommes inté
ressés à la vie «privée» du
chef de l’Etat, une vie qui
n’a rien de privée à partir du
moment où elle se résume
à des crimes et sabotages
économiques. Nous avons
fait un dossier sur les
propriétés somptueuses du
président de la République,
ses biens si mal acquis,
Max Savi Carmel : «Le régime a peur de la vérité, il la
ses folies féminines, sa vie
veut tordue»
trop dispendieuse et ses
dérapages économiques. Il gère le pays fait un reportage avec photos à l’appui. Le
comme une usine familiale de bois d’ébène. palais est estimée à onze millions d’euros
Il s’agit de dépenses inadmissibles et de la au moins, piste d’avion et routes bitumées
gestion hasardeuse de fonds publics. C’est comprises. Et pour la construire, il a
le cas de la société des impôts à laquelle fallu aplanir plusieurs hectares de zones
nous nous sommes souvent intéressés montagneuses. Au Nord de la ville de
mais aussi de la société de phosphate, si Lomé, à Cacaveli, il dispose d’un château
mal gérée et monopolisée par la dynastie de la démesure et ne cesse de construire
gouvernante.
des maisons de luxe pour ses proches. Son
Il y a trente ans, elle rapportait cin–quante salaire de 12 000 euros ne permet pas de
fois plus à l’Etat qu’elle n’en rapporte financer ces résidences de luxe.
aujourd’hui. En 2009, elle n’a contribué que
pour cinq milliards au budget de l’Etat alors BDA : Votre dossier sur les trafics de
qu’elle pouvait en apporter le quadruple drogue évoquant des rumeurs à Lomé
au moins. Mauvaise gestion également concernant les frères de Faure Gnassingbé,
des sociétés de télécommunications, Mey et Kpatcha, est à la source de votre
Togocel et Togo Télécom avec à leur condamnation cet été. En quoi la lutte du
tête des copains du président. Malgré gouvernement américain contre les trafics
les efforts de modernisation, la douane de drogue intervient-elle au Togo ?
togolaise rapporte cinq fois moins que son MSC : Il faut replacer cette problématique
homologue béninoise.
dans un contexte où d’un côté, Sarkozy
prend ses distances avec le Togo et de
BDA : Faure pourrait-il être concerné par l’autre côté, la Grande-Bretagne, le Canada
une affaire de Biens Mal Acquis comme et les Etats-Unis s’intéressent peu au Togo.
Sassou, Bongo, Obiang ?
Du coup, Faure s’est tourné vers l’Asie et
MSC : C’est évident que Faure Gnassingbé les dictatures arabes, la Libye et l’Arabie
dispose de biens mal acquis… Il dispose de Saoudite notamment…
plusieurs maisons construites en moins de La pression américaine allant grandissante,
cinq ans dont le majestueux palais d’Agou, conjuguée à l’allemande, Faure a
à 100 km de Lomé et sur lequel nous avions décidé de se rapprocher de Washington
nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
soit parmi les priorités
en s’engageant dans la lutte contre
le trafic de drogue. Mais très vite,
l’administration américaine s’est rendue
compte que la collaboration était viciée,
les gros trafiquants n’étant jamais livrés.
La Guinée-Bissau et le Togo étant les
plaque-tournantes du trafic de drogue
dans la sous-région, les Américains
poursuivent toutefois leur collaboration
avec Faure Gnassingbé, mieux disposé
que son père…
BDA : Comment réagit le régime alors
que revient sur le devant de la scène la
répression des élections de 2005 ?
MSC : Faure protège les criminels. Le
rapport de l’ONU de Diène DOUDOU
indexent nommément le Major Kouloun,
un tueur de premier plan très impliqué
dans les massacres dans la région des
Plateaux où il y a eu, en 2005, plus de
morts que nulle part ailleurs.
Mais il reste libre, n’est pas inquiété et
compte sur le régime pour le protéger.
La commission Justice Vérité et
Réconciliation n’y pourra rien. Elle
n’est pas une police et ne peut pas
interpeller les protégés du régime.
L’ONU ayant reconnu dans son rapport
de 2005 que l’Etat a failli par son silence
et sa complicité, et que l’armée était
responsable des massacres, Faure, qui
craint la justice internationale, essaie de
tuer la vérité ou l’encadrer. Le régime a
peur de la vérité, il la veut tordue.
La meilleure alternative, pour tendre à
(vers ?) un Etat de droit, reste celle de
la justice internationale. J’en ai parlé lors
de mon passage, en novembre dernier,
à La Haye avec plusieurs acteurs de la
justice internationale. La majorité des
Togolais que nous avons écoutés y croit
plus qu’à une commission Justice Vérité
et Réconciliation. Il faut que le Togo soit
rapidement inscrit parmi les priorités de
la justice internationale…
BDA : Les élections au Togo, en mars
2010, ont tourné à la mascarade. Que
pensez-vous du rôle de la Commission
Européenne ?
MSC : L’Europe n’est pas suffisamment
sincère. Pendant que Louis Michel, le
commissaire belge était aux affaires
humanitaires et à la coopération, sa
proximité avec le régime était à la limite
de la complicité, une promiscuité qui
limitait l’objectivité de l’UE. Mais en
mars dernier, j’ai eu l’impression que
l’Europe était fatiguée du Togo. Elle
n’a pas été objective sur le cas du Togo
et ses premières déclarations ont été
précipitées. Elle a tenté par la suite de se
défendre avec une autre déclaration plus
proche de la réalité et qui contenait des
recommandations qui sont tout de même
pertinentes. Le scrutin de mars 2010 a
été truqué, on le sait tous, du nord au
sud. Faure s’est octroyé 62% des voix
alors qu’aucun des sondages qu’il a luimême commandité ne lui donnait pas
plus de 20%.
BDA : Avec Eyadéma, le Togo a été
historiquement un des piliers de la
Françafrique. Comment cela évolue-t-il
avec son fils ?
MSC: Il y a une différence fondamentale.
Tribune d’Afrique
Tribune d’Afrique est un journal régional, destiné aux pays de l’Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), le seul du genre, parce que
conçu et produit sur le continent, et qui se bat, depuis plusieurs années, pour la
promotion de la démocratie, des droits de l’homme et pour l’Etat de droit, facteur
exclusif de développement pour les pays africains. Basé à Cotonou, au Bénin,
Tribune d’Afrique est distribué au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d‘Ivoire, au
Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo où il dispose d’une rédaction. Très vite, le
journal a pris de l’ampleur dans ce dernier pays et a augmenté sensiblement son
lectorat qui est passé de 18% à 34,8% de 2008 à 2009. Son plus grand chiffre
d’affaire est réalisé au Togo où le titre occupe une place de choix dans l’espace
médiatique.
No 197
n
Eyadema était l’une des figures de la
Françafrique,
comme Bongo père,
Sassou Nguesso, Houphoüet-Boigny et
les autres… Son fils en est un héritier
protégé par Chirac, souvent peu aimé
par Sarkozy. Faure n’a pas donc la
grande place qu’il aurait bien souhaité
en Françafrique car c’est avant tout
une garantie de protection politique qui
profite si bien à Bongo fils. Mais ses
incompatibilités d’humeur avec Nicolas
Sarkozy lui jouent de sales tours.
BDA : Plus globalement, comment
voyez-vous l’évolution de la situation
politique au Togo ?
MSC : Faure ne pourra pas avoir la
solution. Il est embrigadé par des
supers ministres, vénaux, voyous, qui
ne pensent qu’à leur panse. Il manque
de courage politique et de sincérité. Je
m’attends à des complications dans les
prochaines années et je n’écarte pas une
intervention militaire comme en Guinée,
à Madagascar, au Niger, en Mauritanie
et ailleurs. Avec la démocratie éprouvée,
les droits de l’homme violés, la bonne
gouvernance falsifiée, toutes les issues
deviennent possibles. J’ai peur pour
l’avenir du Togo.
Propos recueillis par Régis Marzin
Usual business
Sous le titre «Usual suspects»,
l’éditorial de François Soudan, du
magazine soit disant panafricain Jeune
Afrique (14 novembre), stigmatise les
associations à l’origine de la plainte
dans l’affaire dite des «Biens Mal
Acquis», alors que la Cour de cassation
vient de juger recevable la constitution
de partie civile de l’ONG Transparence
International-France.
L’éditorialiste
s’interroge
sur
l’acharnement
d’«une
poignée
d’associations censées exercer un
magistère moral» à poursuivre
«exclusivement depuis près de quatre
ans» ceux qui ne sont «ni rois ni
puissants», mais simples «chefs
d’Etat de trois pays d’Afrique centrale,
suspects habituels des ONG». Et
Soudan, qui connaît bien le CongoBrazzaville, de reprendre quelques
motifs de la propagande colportée par
le régime de Sassou Nguesso, croyant
par exemple apercevoir derrière ces
ONG, qui ont fait de «l’Afrique leur
bac à sable», «l’ombre des fonds
vautours». Pas de doute, c’est dans les
moments difficiles qu’on reconnaît les
vrais amis...
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn
Cinquantenaire des indépendances
50 ans après, où en est la Mauritanie ?
50 ans après son
indépendance, peut-on
dire que le pays a conquis
sa souveraineté, politique
et économique alors la
population vit toujours dans
une grande misère ?
Bilan de 50 ans de régimes
prédateurs et libertides, qui
ont rendu le pays exangue
avec le soutien de la France.
L
es indicateurs de développement
sont au plus bas, l’écrasante majorité
des habitants du pays connaît des
conditions de précarité extrême, ne pouvant
assurer trois repas corrects par jour, même
si «seulement» 46,7 % de la population vit
sous le seuil de pauvreté.
Le système scolaire est dans un état
déplorable. 30% des enfants ne sont pas
scolarisés et la moitié de ceux qui le sont ne
finit pas le cycle primaire, les écoles n’ont
aucun moyen avec des classes surchargées
(jusqu’à 120 élèves par classe en primaire).
Les enseignants ont des salaires trop faibles
pour faire vivre correctement leurs familles
et multiplient les cours dans le privé,
«s’arrangeant» pour ne pas assurer toutes
leurs heures dans le public.
Des infirmiers
comme médécins
Le système sanitaire n’est pas plus brillant:
les patients qui doivent fournir eux-mêmes
le matériel médical (gants pour les soignants,
seringues, pansements, médicaments...),
l’entrée à hôpital national est payante, les
maternités de proximité fermées et le pays
dispose seulement d’une trentaine de lits
en psychiatrie pour un pays de 3,2 millions
d’habitants. Les médicaments sont rares
et très chers tandis que les fonctions de
médecins sont très souvent assurées par des
infirmiers...
Le chômage est massif touchant
officiellement un tiers de la population
active. Mais en réalité, il est bien plus élevé.
Seuls quelques-uns sont des salariés du
secteur formel. Le reste de la population est
condamnée à la débrouille, à travailler à la
petite semaine et à des salaires de misère.
Tout ceci n’est que la conséquence
logique d’un système bâti sur le
détournement, la corruption, l’impunité
et l’extrême concentration des richesses
entre très peu de mains.
Une minorité privilégiée capte à son profit
toutes les rentes du pays : ressources
naturelles (fer, poisson, pétrole, or, cuivre),
commerce national et international,
immobilier, élevage et transports sans
compter les activités illégales que sont les
détournements et trafics en tout genre.
Des dirigeants kleptocrates
Cette minorité se compose principalement
des proches des pouvoirs qui se sont
succédés depuis 1978, surtout sous celui
d’Ould Taya, de 1984 à 2005, et celui des
militaires putschistes de 2005 et 2008. Tous,
pour assurer leur emprise sur le pays, se
sont appuyés sur leur tribu et ont vassalisé
les autres en permettant à certains de leurs
membres de participer au festin, leur
accordant privilèges économiques et postes
dans l’appareil d’État.
On a ainsi vu des directeurs régionaux de
l’éducation nationale analphabètes... Autant
dire que pour nombre de fonctionnaires, la
seule préoccupation est de détourner tout ce
qui passe entre leurs mains.
Les aides internationales constituent
également des rentes pour les apparatchiks
du régime et ce, bien sûr, au détriment des
populations les plus fragiles. L’ONUSIDA
a ainsi révélé, en 2009, que le beau-frère du
Premier ministre a détourné 1,7 millions de
dollars des fonds destinés à la lutte contre le
sida et le paludisme.
Au Mali voisin, une affaire semblable a
déclenché un scandale énorme dont les suites
judiciaires sont en cours. En Mauritanie, le
coupable a démissionné...
Des informateurs relèvent par ailleurs
régulièrement que des proches de très hauts
responsables, voire certains responsables
eux-mêmes, sont impliqués dans tous les
trafics: cigarettes, voitures volées, drogue,
armes et migrants...
Depuis l’arrivée du général Abdel Aziz
à la tête du pays en août 2008, la situation
n’a cessé de se dégrader, ce dont témoigne
la chute que connaît la Mauritanie dans
le classement de l’ONG Transparency
International basé sur un indice de perception
de la corruption : le pays est passé du 115e
rang au 143e, à égalité avec le Pakistan et
juste devant la Côte d’Ivoire et Haïti...
La situation en matière de droits de l’homme
est tout aussi catastrophique. L’esclavage
est toujours présent à travers le pays. Cette
persistance est entretenue par les passedroits dont bénéficient les notables et plus
généralement par l’impunité offerte dans ce
genre d’affaires.
Quant à la police, elle est corrompue jusqu’à
nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
l’os et pratique souvent la torture, que
vous soyez prisonnier de droit commun ou
politique (islamiste le plus souvent) ainsi
que l’avait dénoncé Amnesty International
dans deux rapport en 2008 et 2010.
Quant aux libertés publiques, le bilan n’est
pas plus brillant comme le démontre la
même ONG.
Après le putsch d’août 2008, dirigé par le
général Mohamed Ould Abdel Aziz, la junte
a arrêté et détenu arbitrairement plusieurs
personnes, dont le président renversé, son
Premier ministre et un ancien ministre tout
en réprimant les manifestations d’opposants
au coup d’État.
Impunité et répression,
les deux mamelles du régime
De même, les médias sont étroitement
contrôlés. La presse écrite est étroitement
surveillée par les services de renseignement.
Certains titres leur sont d’ailleurs
associés plus ou moins directement. Pour
l’audiovisuel, c’est encore plus simple:
comme médias nationaux, seuls ceux de
l’État sont autorisés.
Le président renversé préparait une loi pour
ouvrir le paysage audiovisuel mauritanien à
la pluralité. Ce fut abandonné par la junte.
Les médias étrangers sont donc suivis avec
attention par la population, mais lorsque la
chaîne Al Jazeera envoie des journalistes
pour effectuer un reportage sur Al Qaida au
Maghreb Islamique, ils sont arrêtés...
Quant aux élections... rappelons rapidement
qu’un président élu et reconnu par tous en
2007, fut renversé par des militaires en août
2008. Le général Abdel Aziz à la tête de la
junte se fit élire un an plus tard président de
la République lors d’une élection truquée, de
l’élaboration des listes électorales jusqu’à la
proclamation des résultats.
Ce sont les autorités françaises qui ont poussé
l’opposition à participer et se sont activées
pour faire reconnaitre par la communauté
internationale une élection à laquelle le
putschiste n’aurait jamais dû participer,
d’autant plus qu’il avait bloqué l’application
des accords de transition devant permettre
de piloter des élections transparentes (Billets
d’Afrique n°174, 175, 180, 181, 182, 185).
Un soutien français indéfectible
Comment la France justifie-t-elle son
soutien à un régime aussi peu fréquentable?
Grâce à la menace terroriste. C’est ce que les
représentants du pouvoir français ont brandi
systématiquement durant toute la crise
consécutive au putsch puis lors de l’élection:
il faut un homme fort en Mauritanie pour
combattre le terrorisme.
La Mauritanie a ainsi rejoint le Maroc comme
allié prioritaire de la France dans la région.
D’ailleurs, les putschistes ont été formés
au Maroc, traditionnel sous-traitant de la
Françafrique. L’armée mauritanienne fournit
des supplétifs militaires ou sert de couverture
lorsqu’il faut intervenir militairement dans la
zone. Elle est formée par les forces spéciales
françaises. L’opération militaire francomauritanienne du mois de juillet dernier,
visant à libérer l’otage Michel Germaneau,
a révélé une présence militaire française
plus vaste que celle reconnue officiellement.
La France n’avoue, en effet, disposer que
de quelques instructeurs militaires à Atar,
dans le centre nord du pays. Pourtant, le
journaliste, Jean-Dominique Merchet, a
écrit que cette opération serait partie d’une
base militaire à la frontière malienne, qui
ne peut donc être Atar. Il s’est avéré que
celle de Bassikounou (sud-est) répond à ce
critère et accueille des militaires français...
Il y aurait vraisemblablement une autre base
aux environs de Ouadane (centre est) où
des soldats français seraient chargés de la
sécurisation du site d’exploration de Total.
Pourtant lorsque des députés mauritaniens
avaient accusé la France de maintenir des
bases militaires sur le sol mauritanien, les
autorités des deux pays avaient affirmé
que la France ne disposaient que des
instructeurs d’Atar.
La coopération militaire ne s’arrête pas
là, des militaires français sont présents
au côté de l’état-major mauritanien, des
hommes de la DGSE étaient en appui à
la Garde Présidentielle peu avant qu’elle
ne commette le coup d’État de 2008. Les
généraux français Irastorza, chef d’Etatmajor de l’armée de terre, et Georgelin, chef
d’Etat-major des armées, s’étaient rendus à
Nouakchott juste après l’élection du général
Abdel Aziz. L’objet de ces visites étaient
évidemment la coopération dans la lutte
anti-terroriste qui permet aussi de justifier
les ventes d’armes françaises aux militaires
mauritaniens.
Une menace terroriste
très opportune
Par ailleurs, la réalité d’AQMI en
Mauritanie soulève toujours des questions.
On peut tout d’abord noter que ses attaques
correspondent à un timing étrange. En
effet, la première date de juin 2005, trois
mois seulement avant le renversement
du dictateur Ould Taya par les numéros
deux, trois et quatre du régime: il n’était
plus assez «fort» pour tenir le pays.
Puis plus rien jusqu’en décembre 2007
alors que le président démocratiquement
élu est pris dans une lutte politique de
plus en plus acharnée contre ces mêmes
militaires putschistes qui le renverseront
huit mois plus tard au prétexte... qu’il
était trop laxiste avec les islamistes.
Après le putsch de 2008, les actes
terroristes se sont multipliés : attaques
militaires, assassinat, attentat-suicide,
enlèvements... prouvant ainsi la réalité
de la menace. Le président-général
Abdel Aziz, se montre intransigeant face
aux revendications d’AQMI quitte à se
brouiller avec le Mali voisin (même si
en catimini il se soumet à certaines de
leurs exigences). Il participe aux côtés
des Français à l’opération «Michel
Germaneau», lance une autre opération
militaire avec l’appui opérationnel de
ces derniers... Il est en guerre contre Al
Qaida et il le fait savoir.
Récemment, la justesse de sa stratégie
fut opportunément «démontrée» par la
reddition d’une trentaine de terroristes
mauritaniens en novembre 2010 car
comme le souligne Jeune Afrique,
«ces défections tombent à pic pour
Nouakchott, qui s’était donné pour
objectif d’inciter la jeunesse “égarée” à
revenir à la raison». Pourtant, l’armée
mauritanienne n’était pas vraiment en
position de force après avoir subi des
pertes sévères en septembre dernier.
Autre fait étrange, ce sont de très jeunes
gens qui se sont rendus, certains âgés de
14 ans... Peut-on raisonnablement croire
qu’ils aient été capables d’infliger ces
pertes sévères ? Qu’ils se soient rendus
en sachant que les djihadistes sont
systématiquement torturés ?
Pour éclairer tout cela, il convient de
reprendre ce qu’avait déclaré sur RFI
Alain Chouet, ancien chef de la sécurité
à la DGSE (services de renseignement
extérieurs français). Interrogé sur la
menace que fait peser AQMI sur la
Mauritanie, il répondait en premier
lieu, «il y a une situation interne à la
Mauritanie qu’il faudrait observer,
No 197
n
avec un certain nombre de rivalités de
pouvoir», puis, dans un second temps, et
de manière plus circonspecte : «et puis
peut-être aussi incapacité de contrôler le
territoire» (RFI, 3 août 2010).
Petits jeux funestes
Le territoire mauritanien semble aussi
servir de terrain tactique à des rivalités
stratégiques à d’autres échelles: si
AQMI dénonce la présence française,
l’Algérie aussi et l’on sait que la question
des relations entre les groupes terroristes
islamistes, notamment AQMI, et le
pouvoir algérien font l’objet d’analyses
solides (lire François Gèze, Jeremy
Keenan, Salima Mellah, Jean-Baptiste
Rivoire). Mais récemment, c’est le
ministre de la santé mauritanien qui a
été jusqu’à qualifier la position officielle
algérienne «d’ambiguë vis-à-vis du
terrorisme dans la région du Sahel»...
Pour certains, l’attentat manquée à la
voiture piégée contre une caserne de
l’est du pays fin août, serait un signal
de la sécurité militaire algérienne à
destination du pouvoir mauritanien
pour qu’il cesse d’impliquer la France
dans la région. Peu après, les autorités
françaises renonceront à participer à
l’opération militaire contre AQMI du
mois de septembre, officieusement pour
ménager l’Algérie...
Quant aux enjeux économiques, la
présence française est de plus en plus
présents, comme le soulignait Dov
Zerah, le directeur de l’Agence Française
de Développement, lors d’une visite en
octobre dernier : «5,5 % de croissance
enregistré par la Mauritanie est un
chiffre de croissance très élevé et nous
avons examiné (…) comment nous, nous
pouvons participer à ce développement
économique».
Issa Bâ
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn
Salves
France Rwanda
Le paradis judiciaire
français
Le 30 janvier 2010, une
trentaine de personnes
appellait la justice française à
enfin se prononcer sur le cas
de Sosthène Munyemana,
médecin rwandais accusé
d’avoir participé au
génocide des Tutsi en 1994
et qui exerce à l’hôpital de
Villeneuve-sur-Lot. Trois
d’entre elles sont assignés
en justice !
M
unyemana, a contre-attaqué en
assignant devant le tribunal de
Grande instance de Bordeaux
trois manifestants ainsi que l’association
Cauri1, au motif d’un préjudice moral
subit et du non respect de la présomption
d’innocence.
Une présomption d’innocence dont
les vertus protectrices semble vouloir
s’éterniser. La première plainte contre le
médecin date de 1995, en quinze ans la
justice française ne s’est jamais prononcée.
Et dans ce cas, comme dans celui des
seize autres Rwandais accusés d’avoir
participé au génocide qui vivent en France,
elle paraît complètement paralysée.
Aucun procès ne s’est tenu à ce jour, à la
différence par exemple de la Belgique où
quatre génocidaires ont été condamnés.
Mais à Bordeaux les choses prennent un
tour plus caricatural encore. Ce sont des
rescapés qui risquent de devoir comparaître
devant les tribunaux, avant leurs présumés
bourreaux, avec les militants de la société
civile qui ont voulu dénoncer les lenteurs
de la procédure.
Le 30 janvier, devant l’hôpital de
Villeneuve-sur-Lot2, où exerce Sosthène
Munyemana, le mot d’ordre était simple:
appeler la justice à enfin se prononcer.
Et montrer que la gravité des accusations
pesant contre le médecin ne peut avoir pour
seule réponse ce long silence de quinze
ans. Car les témoignages contre le docteur
Munyemana sont nombreux, et les enquêtes
émanent de sources qui n’ont pas travaillé
de concert. Un rapport de la Fédération
internationale des Droits de l’homme
(Aucun témoin ne doit survivre, éditions
Karthala,), publié en 1999, lui attribue un
rôle de meneur dans le déclenchement et
l’organisation des massacres à Tumba, un
quartier de Butare. Il avait été précédé par
ceux des organismes Physicians for human
rights (organisme britannique ayant reçu
le prix Nobel de la paix en 1997, pour sa
participation à la campagne contre les
mines antipersonnels) et African Rights.
Les témoignages recueillis par ce dernier
le présentent comme un homme ayant tué
de ses propres mains, et ayant incité la
population, par des discours enflammés,
à massacrer la communauté Tutsi. Radio
France internationale présentait à l’antenne,
en 2001, des témoignages qui allaient dans
le même sens. De nombreux médias, en
France comme à l’étranger, firent état du
rôle de Munyemana durant le génocide. Il
n’a jamais porté plainte contre eux.
En 2008 la cour nationale du droit d’asile lui
refusait le statut de réfugié. Elle concluait,
dans un long arrêté3, qu’il existe des
raisons sérieuses de penser que Sosthène
Munyemana s’est rendu coupable d’un
crime contre l’humanité, que ses propos
ne peuvent être regardés comme sincères
et qu’ils traduisent sa volonté délibérée
d’occulter la réalité des faits. Mais ce refus
ne l’a pas empêché de rester sur le territoire,
ni d’y exercer son métier.
La justice française s’est néanmoins
exprimée, en octobre dernier, dans
une procédure différente concernant
le médecin. Elle a rejeté la demande
10 nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
d’extradition formulée par le Rwanda,
où un tribunal gacaca l’a condamné en
2008 pour participation au génocide.
Rappelons enfin que depuis 2006, un avis
de recherche Interpol court contre lui.
Le faisceau d’arguments et de travaux
présentant Sosthène Munyemana comme
un génocidaire est large. Face à cela, qui
prend sa défense? Personne, ou presque.
Le très médiatique Pierre Péan le faisait
à l’automne 2009, dans les colonnes de
Sud-Ouest. Le même Pierre Péan qui
s’acharne à tenter d’occulter, par tous les
moyens possibles, le soutien de la France
au gouvernement génocidaire.
Le fait qu’une personne accusée de crime
de génocide puisse rester quinze ans sur le
territoire sans être jugé ne suffit-il pas à faire
de la France un paradis judiciaire4? Dans le
cas du génocide des Tutsi, la raison d’état
semble primer sur le droit à la justice. Car
les procès évoqués pourraient en appeler
d’autres, ceux contre les responsables
politiques et militaires qui ont engagé
notre pays dans la folie génocidaire. Mais
à Bordeaux, ceux qui ont voulu appeler la
justice à se prononcer risquent de bientôt
devoir comparaître devant les tribunaux.
Laurent Pujol
1- http://asso-cauri33.over-blog.com/
Pétition de soutien à venir
2- réunies au nom du Collectif girondin pour le
Rwanda.
3- http://www.scribd.com/doc/8153818/
Rwanda-Decision-de-la-cour-nationale-du-droitdasile-France-Sosthene-Munyemana
4- De plus, la loi récente d’adaptation du
droit français au statut de la cours pénale
internationale permet aux criminels contre
l’humanité d’être facilement épargnés par les
poursuites. Lire à ce sujet le communiqué de
La Coalition Française pour la Cours pénale
Internationale: http://www.cfcpi.fr/spip.
php?article624
Altermondes, cela vous
dit quelque chose ?
V
ous avez surement déjà croisé
Altermondes… Mais si, souvenezvous, notre tout premier hors-série
sur le Forum des Peuples au Mali en 2005
(«L’Afrique reprend l’initiative»), la
compilation musicale «Décolonisons» de
laquelle Altermondes était partenaire, ou plus
récemment le dossier réalisé avec Survie
sur les indépendances africaines dans notre
numéro de juin. Certains d’entre vous situent
très bien Altermondes, la revue trimestrielle
de solidarité internationale, d’autres l’ont
déjà feuilletée. Pour ceux à qui décidément
ces allusions ne disent rien, il est temps de
vous présenter la revue et ses accointances
avec Survie…
Le traitement de l’actualité internationale
dans les médias se polarise souvent entre
catastrophisme humanitaire et considérations
géopolitiques ; les luttes portées par les
sociétés civiles sont trop peu relayées, l’esprit
d’initiative des populations des pays du Sud
est bien souvent méprisé. Il y a urgence à
faire connaître les résistances et alternatives
portées par les mouvements citoyens
dans le monde, il y a urgence à donner la
parole à celles et ceux qui ne disposent pas
d’espace d’expression. Et c’est précisément
la particularité d’Altermondes: un espace
ouvert à l’ensemble des acteurs, associations,
syndicats, chercheurs, journalistes et citoyens
qui proposent leur lecture de l’actualité, avec
une priorité: privilégier l’expression des
organisations des pays du Sud et de l’Est.
Dans la perspective du très prochain Forum
Social Mondial à Dakar, le dossier du
numéro de décembre portera sur la société
civile sénégalaise, considérée comme l’une
des plus dynamiques du continent africain.
Comment s’est-elle construite ? Quelles en
sont les forces vives (associations, syndicats,
etc…) ? Quel rapport entretient-elle avec
l’Etat et comment a-t-il évolué depuis
l’indépendance ? Construit en partenariat
avec Survie, ce dossier donnera
exclusivement la parole à des Sénégalais
pour parler démocratie, services publics,
accords de libre échange, droits humains
et corruption…
Altermondes relaie les luttes et les
témoignages des sociétés civiles pour mieux
faire connaître au public les dynamiques de
solidarité, pour changer les stéréotypes et les
représentations, pour redonner de la valeur
au sens critique et à la citoyenneté. Car la
solidarité internationale et la lutte contre les
inégalités ne sont pas affaire de montants
de l’Aide Publique au Développement,
c’est avant tout une question politique. Une
question qui invite à se positionner et à
réfléchir sur la répartition des richesses, les
paradis fiscaux, l’accès aux biens publics,
la lutte contre l’impunité, l’ingérence, la
responsabilité sociale et environnementale
des entreprises, les règles du commerce
international… Et c’est de tout cela
dont il est question au fil des numéros
d’Altermondes.
Prochainement,
un
dossier sera consacré à la Justice Pénale
Internationale, et un autre viendra sur le
G20 : sous la présidence française, et juste
en amont des élections présidentielles, ce
sommet méritera qu’on s’y attarde…
Cela vous a donné envie de nous
(re)découvrir ? Ca tombe bien, nous avons
besoin de vous pour garantir notre pérennité
et notre indépendance…
Rendez-vous sur www.altermondes.org
ou jetez un œil sur le dépliant diffusé avec
Billets d’Afrique !
Flora Barré, Altermondes
Abonnement France : 20 euros (4 numéros
/an) ou 30 euros avec Hors-séries
En bref
Le serpent qui se
mord la queue
Biens mal acquis
et la flambée de
l’immobilier
Quant au Gabon, le pouvoir a mobilisé
ses associations satellites pour fustiger le
«néocolonialisme», «l’arrogance» des
ONG françaises.
Mais tandis que d’un côté, les bongolâtres
appellaient au boycott de Total et ses
stations-service, de l’autre côté, Ali
Bongo signait un important accord avec
le pétrolier français!
Bref, une agitation et un contre-feu
médiatique surtout destinée à détourner
l’attention des gabonais.
Les réactions outrées ont été
nombreuses en provenance des palais
présidentiels de Brazzaville, Libreville
et Malabo après l’arrêt de la Cour de
cassation française jugeant recevable
la constitution de partie civile de
Transparence International France
dans le dossier des Biens mal acquis.
Mais celle du ministre congolais de la
Communication, Bienvenu Okiemy, est
à savourer : «Il convient de préciser que
les prix de l’immobilier ont explosé dans
la plupart des grandes villes du monde
et qu’évaluer le coût d’un appartement
aujourd’hui est sans rapport avec ce
qu’il était il y a quelques années».
Retrouvez tous les publications
de Survie
sur le site survie.org !
No 197
n
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn 11
Salves
Comores-France
L’insoutenable légèreté du pouvoir
Le président comorien
sortant tient des discours de
fermeté pour la restitution
de Mayotte, et la fin du visa
Balladur-Pasqua, mais il
signe un accord de défense
avec la France. Pendant ce
temps, le processus (illégal)
de départementalisation
de Mayotte progresse au
parlement français, où
quelques voix s’élèvent pour
dénoncer divers aspects
de ce scandale. Mais pas
encore celui de la spoliation
des terres.
«
T
ant que je serai encore le Président
de ce pays, aucune discussion de
quelque nature que ce soit, ne doit
avoir lieu [avec la France] avant l’annulation
du visa qui a fait de la portion de mer qui
sépare Mayotte d’Anjouan, le plus grand
cimetière du monde». Voilà ce qu’affirmait,
avec un aplomb sarkozien, Ahmed Abdallah
Sambi, le président de l’Union des Comores,
le 30 septembre 2010, à quelques mois de la
fin de son mandat non renouvelable. Il venait
de revendiquer à nouveau à l’Assemblée
générale de l’ONU la restitution de Mayotte,
passant par une phase répondant au principe
«un pays, deux systèmes», en soulignant
que «s’il s’avérait que le droit et la légalité
internationale devaient être constamment
ignorés et l’intégrité territoriale des Comores
continuellement bafouée, toute [la] crédibilité
[de l’ONU] serait mise en cause».
Le premier objectif d’abrogation du visa
peut être réalisé immédiatement, sur
simple volonté française, pour revenir à la
situation d’avant 1995 où les Comoriens
circulaient librement entre les quatre îles de
cet archipel, pour des travaux saisonniers,
la vente de leur production artisanale, des
soins médicaux, des visites familiales,
ou pour toute autre raison, sans avoir
forcément à s’installer à Mayotte pour
«rentabiliser» une traversée clandestine
coûteuse et mortellement dangereuse.
«Cette proposition, qui vient du président
Sambi, de “deux administrations, un État”
n’est ni politiquement ni juridiquement,
acceptable»
a
répondu
Bernard
Kouchner, alors encore Ministre des
Affaires étrangères, Le 21
octobre, au sénateur UMP
de Mayotte Soibahadine
Ibrahim
Ramadani,
qui
voulait s’assurer du rejet de
cette proposition par Paris.
Le moment était propice
à la franchise puisqu’un
enjeu géopolitique venait de
connaître un dénouement,
qu’avait
pris
soin
de
souligner le Sénateur dans sa
question : «le ministre de la
défense, Hervé Morin, et son
homologue comorien, Fahmi
Saïd Ibrahim, ont signé, le 27
septembre dernier, un accord
de défense “rénové”, révisant
celui du 10 novembre 1978 et relançant,
par la même occasion, la coopération
militaire entre les deux pays, suspendue
en 1999». Évidemment, le visa criminel
n’a pas été abrogé préalablement à cet
accord militaire, ce qui donne belle allure
à Sambi quant à son engagement à exclure
toute «discussion de quelque nature que
ce soit». Discuter: non ! Mais on peut
signer sans négocier…
Élections, expulsions et
extraditions
Il est évident que ces contradictions et
incohérences de Sambi sont dues aux
pressions et menaces françaises, qui
lui interdisent de tenir ses promesses
électorales, notamment concernant la
restitution de Mayotte. Refuser les convois
de Comoriens expulsés de Mayotte est
aussi un moyen légal, légitime et utile qu’il
n’a pu se permettre que momentanément.
Son successeur sera élu au second tour
des présidentielles le 26 décembre.
Conformément à la constitution de 2002
imposant qu’à chaque mandat le Président
soit issu d’une île différente, le premier
tour, qui sélectionne trois finalistes, n’a
eu lieu cette fois que sur la petite île de
Moheli, le 7 novembre, n’impliquant que
5 % du corps électoral environ. Le poulain
de Sambi, Ikililou Dhoinine, est arrivé en
tête, mais il a surtout l’avantage d’être
mieux connu sur les deux autres îles, bien
plus peuplées, qui voteront elles aussi au
second tour, et il bénéficie plus ou moins
directement des moyens de propagande
de l’Union. La ligne officielle sur Mayotte
restera donc probablement la même.
Reste à savoir quel sera le courage, ou la
témérité, investi(e) dans le combat.
12 nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
Sambi joue d’un autre levier, sur d’autres
contentieux. Un séparatiste, acteur de la
crise sécessionniste qui a éclaté en 1997
entre les îles, ex-“président” d’Anjouan, le
colonel Abeid, condamné le 4 novembre
par la justice comorienne à treize mois
d’emprisonnement pour maltraitance
et tortures infligées par ses milices à
des opposants en 2001, s’est aussitôt
évadé, vers Mayotte. Un autre séparatiste
anjouanais ex-président d’Anjouan, le
colonel Bacar, a été sauvé des griffes
de la justice comorienne par Nicolas
Sarkozy, suite à une fuite via Mayotte en
février 2008 (Billets d’Afrique n°168). En
rétorsion, les Comores refusent d’extrader
vers Mayotte un présumé violeur, placé
en détention provisoire à Moroni. Sambi
veut signifier que la coopération judiciaire
sera réciproque ou ne sera pas.
Mais comme à l’accoutumé, les armes
sont inégales: deux putschistes protégés
d’un côté, qui auraient beaucoup à déballer
sur leurs complicités avec la France, un
criminel de droit commun de l’autre. Pas
de quoi faire plier l’Élysée.
Départementalisation,
Comme prévu, les députés ont voté
une fois de plus l’occupation illégale
d’un «département», en adoptant le
23 novembre une loi organique sur
l’évolution, en quasi-DOM, du statut
de Mayotte. Mais les protestations
émises depuis deux ans se confirment
: Jean-Paul Lecoq (PCF) a de nouveau
rappelé l’ilégalité de tout référendum
et changement de statut, puisque leur
comdamnation par avance de la part de
l’ONU n’a jamais été remise en question.
Il souligne le problème que soulèvera la
demande de statut européen de Région
ultra-périphérique (Billets d’Afrique
n°177), qui «suppose l’accord unanime
des États membres de l’Union européenne
– art. 355, alinéa 6, du traité –, lesquels
ont presque tous voté les vingt résolutions
de l’ONU reconnaissant Mayotte comme
comorienne, et condamnant fermement la
France depuis 1975».
Sandrine Mazetier (PS) a émis des
protestations moins radicales, mais plus
gênantes pour le gouvernement, sur le
non-droit pratiqué à Mayotte, surtout visà-vis des enfants, auxquels aucun droit
spécifique n’est reconnu en pratique.
Le préfet de Mayotte reconnaît que 4000
enfants sont abandonnés sur l’île après
que leurs parents aient été reconduits à la
frontière. Rien de moins. De plus, «une
procédure autorise, à Mayotte, l’officier
d’état civil à contester la reconnaissance
de paternité d’un homme français pour
un enfant né d’une mère étrangère [sur]
simple saisie du parquet» rappelle la
députée, qui ajoute qu’«il n’est pas
rare que des enfants de Français, euxmêmes français, soient ainsi expulsés de
Mayotte.» Elle a aussi abordé la situation
des mineurs étrangers isolés: «quand
la présence d’un ou plusieurs mineurs
est constatée sur les “kwasa kwasa”,
ces mineurs sont rattachés à un adulte
– sans que l’on se préoccupe, pour le
coup, de l’existence d’un quelconque
lien de filiation – et sont reconduits à la
frontière.»
Pour ajouter ce constat cinglant, puisque
la majorité des députés semblait d’accord
(vœu pieux de circonstance) sur la
nécessité d’aider au développement des
Comores indépendantes pour diminuer
la pression migratoire: «70 millions
d’euros sont consacrés à la lutte contre
l’immigration irrégulière, alors que le
coût de la coopération avec l’Union des
Comores est de 20 millions d’euros – c’est
ridicule – et que le budget de l’Union
des Comores s’élève, quant à lui, à 40
millions d’euros. Replaçons les priorités
là où elles devraient être».
Mettre la République au tapis
De telles interventions relèvent le niveau,
tant on touche fréquemment le fond sur ces
matières, comme à l’occasion de l’examen
de la loi Besson sur l’immigration, le
29 septembre. Dominique Tian (UMP)
a présenté un amendement : «Sur le
territoire de Mayotte et de Guyane,
est français automatiquement l’enfant
lorsque ses deux parents y sont nés.»
Une tentation de remettre à nouveau en
question le droit du sol, avec un code de
la nationalité différent selon la «france»
où l’on est. C’est un combat que mène
l’UMP depuis 2005, qui a déjà été rejeté
par le Conseil constitutionnel. Sachant
que cette mesure anticonstitutionnelle
reste promise à l’échec, c’est Thierry
Mariani, qui pourtant proposait des tests
d’ADN lors d’une réforme en 2007, qui
fera enterrer cette idée : «le message
envoyé sera[it] gravissime, […] nous
aurons créé une nationalité à double
vitesse». Mais au cours de la discussion,
c’est le champion de judo David Douillet,
devenu député UMP, qui remporte la
coupe avec une proposition «plus fine»
encore:
«peut-être
pourrions-nous
réfléchir à d’autres solutions un peu
plus fines. De quoi s’agit-il ? De femmes
qui arrivent sur le territoire français et
que nous sommes obligés de prendre
en charge, car elles sont en situation
de danger. Elles sont donc conduites à
l’hôpital, où elles accouchent. En donnant
simplement un statut extraterritorial
à l’hôpital, le problème est réglé. Il
suffit d’imaginer que tous les hôpitaux
frontaliers deviennent extraterritoriaux».
Cette effusion créatrice nous aura au
moins donné l’occasion de s’assurer qu’il
reste quelques notions de droit jusqu’aux
députés et ministres UMP avantgardistes, spécialistes du droit du sang et
autres finesses: outre Mariani, même le
ministre Besson a protesté. Comme l’a
dit Christiane Taubira, «ce serait en fait
un centre de rétention administrative à
l’hôpital».
Pendant ce temps à 7000 km de là, des
Mahorais commencent à comprendre dans
quelle République ils sont entrés. Après
avoir voté pour la départementalisation
qui leur promettait l’accès aux minima
sociaux (quelques centaines d’euros
par mois pour les ayant-droit), certains
doivent payer plusieurs dizaines de
milliers d’euros le terrain sur lequel ils
ont construit leur maison en toute légalité
d’alors. C’est en effet au nom de la règle
des Zones des pas géométriques (ZPG),
découlant des «cinquante pas du Roi»,
que la République leur dit depuis peu:
«votre terrain appartient à l’État».
Le statut personnel prenant fin, et la
mise en place du cadastre aidant, le droit
de jouissance des terres, ou la justice
traditionnelle des cadis, disparaissent, et
laissent place au cinglant État jacobin.
Les expulsions ont commencé. De plus,
de pauvres bougres défilent au tribunal de
Mamoudzou pour avoir cultivé le champ
familial. Il y reçoivent des amendes de
plusieurs centaines d’euros, ces terres
étant maintenant étatiques. Ce scandale de
spoliation est totalement passé sous silence
en métropole malgré les manifestations
sur l’île.
Pierre Caminade
No 197
n
Dossier noir n°19, édition actualisée
Comores-Mayotte
:
une
histoire
néocoloniale de Pierre Caminade
Survie, éditions Agone
En 1975, lors de la décolonisation
des Comores, la France viole le droit
international en arrachant Mayotte à son
archipel. Condamnée plus de vingt fois
par l’ONU, avec l’approbation de nos
partenaires européens, cette occupation
reste illégale. Depuis 1995, les Comoriens
des trois autres îles se sont vu imposer un
visa les empêchant de se rendre librement
à Mayotte – situation qui sera encore
renforcée par la départementalisation de
l’île en 2011. Dans le même temps, des
tribunaux expulsent des Comoriens de la
métropole vers… Mayotte.
Ce «Dossier noir» propose un examen
des motivations à la présence – notamment
militaire – française dans cette région
où passent deux tiers du pétrole exporté
du Moyen-Orient. On y voit à l’oeuvre
la «démocratie du coucou» qui, selon
la formule de Jean-Marie Tjibaou,
«s’installe chez vous puis demande un
référendum pour savoir à qui appartient
la maison».
Il analyse le processus de «domtomi
sation» puis ses conséquences, notamment
pour le reste de l’archipel, chasse gardée
d’une clique de mercenaires, feu Bob
Denard en tête
A lire aussi sur survie.org :
- Juillet 2010 - Comores : rififi dans la
«démocratie séparée»
- Mars 2009 - Comores - Comores,
Maoré/Mayotte:
référendum
de
départementalisation (mars 2009)
- Comores - Non au référendum illégal à
Mayotte, territoire occupé !
- Mars 2009 - Débat parlementaire sur
Mayotte : retenir le meilleur ou le pire ?
Juillet Aout 2006 - Dossier spécial
COMORES & PROCES DENARD
- Mai 2007 - Comores : Voir : Un allé
simple pour Maoré.
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn 13
Salves
République démocratique du Congo
De la qualification de crimes de génocide
Comment peut-on qualifier
les crimes commis en RDC
de 1995 à 2007 recensés
dans le récent rapport de
l’ONU ?
L
e rapport du Haut-commissariat
de l’ONU aux droits de l’homme,
dressant le bilan d’une décennie
de guerres atroces à l’est de la République
Démocratique du Congo (RDC) propose une
description de différents crimes commis en
RDC entre 1993 et 2003.
Ce «mapping report» est un recensement
d’atrocités, par zone géographique, basé
sur des rapports antérieurs de l’ONU,
qui ont été réexaminés par une équipe de
vingt personnes spécialement envoyée
en RDC entre octobre 2008 et mai
2009. L’ensemble des faits est tout à fait
affligeant et le rapport, très dense, exigerait
une analyse bien plus approfondie que
celle qu’on peut donner ici.
On a retenu pour l’essentiel le chapitre
consacré aux attaques contre les réfugiés
Hutu (1996-1998) menées par l’APR
(armée patriotique rwandaise) et l’AFDL
(alliance des forces démocratiques pour la
libération du Congo), chapitre tristement
spectaculaire, mais il n’est qu’un chapitre
parmi d’autres. Sont également décrites les
exactions commises contre les civils Tutsi
et Banyamulenge ainsi que contre d’autres
populations civiles, par d’autres forces
armées. Le rapport est divisé en quatre
chapitres pour ce qui est des exactions
(section I) : mars 1993-juin 1996 («échec
du processus de démocratisation et crise
régionale»), juillet 1996-juillet 1998
(«première guerre et régime de l’AFDL»),
août 1998-janvier 2001 («deuxième
guerre»), janvier 2001-juin 2003 («vers
la transition»). Par ailleurs, le rapport
insiste sur les crimes commis contre les
femmes et contre les enfants (section II).
Enfin, le rapport procède à une évaluation
de la justice en RDC (section III) et des
options de «justice transitionnelle» pour
la RDC (section IV).
Des solutions
pénales suggérées
On peut penser, étant donné les périodes
couvertes, qu’il s’agit pour les auteurs
du rapport de suggérer des solutions
pénales autres que celle de la Cour pénale
internationale, qui n’est compétente que
pour connaître des crimes commis après
juillet 2002, date de l’entrée en vigueur de
son statut. Même si d’autres questions sont
évoquées, notamment celle des réparations
et d’une nouvelle commission «vérité et
réconciliation», l’optique de ce rapport est
donc une optique principalement pénale :
une qualification juridique provisoire des
comportements décrits est avancée, les
«groupes armés» auxquels pourraient
être imputés les actes sont également
systématiquement identifiés. Il est clair
que la partie juridique du rapport a été
élaborée par des personnes familières de
la jurisprudence pénale internationale.
En ce qui concerne la répression, les
solutions pénales proposées vont de la
justice nationale au tribunal international.
Le rapport privilégie la solution du
«tribunal mixte», sur le modèle du
Tribunal spécial pour la Sierra Leone (§
1034) ou de chambres spécialisées au
sein de l’appareil judiciaire congolais (§
1039), tout en insistant sur le fait que la
décision ultime émanera du gouvernement
congolais (§ 1044).
Quelques rares éléments
d’analyse historique
Il s’agit donc d’un texte relevant du
rapport d’atrocités, il ne s’agit pas d’un
texte proposant une analyse historique ou
politique des exactions (contexte, structure
des forces impliquées, motivation des
auteurs). Plusieurs éléments peuvent
pourtant être soulignés. En premier lieu, il
faut y insister, le rapport reste prudent sur les
qualifications juridiques provisoirement
retenues. Ainsi, il explique à plusieurs
reprises que le «niveau de preuve», c’est
à dire la qualité des informations retenues
dans le rapport, n’est pas nécessairement
une qualité qui pourrait convaincre un
juge pénal. D’autre part, les qualifications
juridiques ne sont qu’avancées, sous
réserve de l’intervention de juges dont
la décision n’est pas certaine. Ceci vaut
particulièrement dans l’hypothèse du
génocide (§§ 507, 509). Par ailleurs, si le
rapport est d’abord une sorte d’inventaire
d’atrocités, basé sur des rapports
antérieurs, il n’élude pas complètement
la description de certains faits historiques,
il n’est pas entièrement dé-contextualisé.
Pour ce qui est des actes commis contre
les Hutu rwandais se trouvant en RDC,
la présence parmi eux des miliciens
Interahamwe et d’éléments de l’ancienne
14 nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
armée rwandaise (ex-FAR), impliqués
dans le génocide des Tutsi au Rwanda,
n’est, par exemple, pas occultée.
De même, la profonde déstabilisation
engendrée par le génocide des Tutsi
au Rwanda est évoquée au début de la
description des «attaques contre les
réfugiés hutu». On peut ainsi citer les
paragraphes 190 à 192 du rapport :
«Après leur installation au Nord-Kivu
et au Sud-Kivu, en juillet 1994, les exFAR/Interahamwe ont utilisé les camps
de réfugiés situés le long de la frontière
avec le Rwanda et le Burundi comme des
arrières-bases et des camps d’entraînement
(…) Face à la montée des tensions entre
le Zaïre et le Rwanda, plusieurs Etats
ont proposé d’éloigner les camps de
réfugiés de la frontière. Certains ont aussi
recommandé le déploiement d’une force
internationale de maintien de la paix et
l’ouverture de négociations au niveau
régional. Mais, faute de financement
suffisant, de volonté politique et de stratégie
adaptée pour séparer les combattants des
réfugiés, les camps n’ont pas été déplacés
et les éléments ex-FAR et Interahamwe ont
continué à s’armer en vue d’une reprise du
pouvoir à Kigali par la force. Du fait de la
présence de nombreux génocidaires parmi
les ex-FAR, de l’isolement diplomatique
croissant du Président Mobutu et du refus
des nouvelles autorités rwandaises d’ouvrir
des négociations, aucune solution politique
n’a pu être dégagée et les attaques des
ex-FAR/Interahamwe au Rwanda se sont
multipliées de même que les incursions
de l’APR sur le territoire zaïrois. A
partir du mois d’août 1996, des éléments
armés banyamulenge/tutsi, mais aussi des
militaires de l’APR et des FAB, se sont
infiltrés au Sud-Kivu. Ils ont attaqué les
FAZ (forces armées zaïroises) et les exFAR/Interahamwe mais aussi et surtout les
camps de réfugiés dont certains servaient
d’arrière-bases aux ex-FAR/Interahamwe
et aux groupes armés hutu burundais (…).
Toute cette période a été caractérisée par
une poursuite impitoyable des réfugiés
hutu, des ex-FAR/Interahamwe par les
forces de l’AFDL/APR à travers tout le
territoire congolais. Les réfugiés, que les
ex-FAR/Interahamwe ont parfois encadrés
et utilisés comme boucliers humains au
cours de leur fuite, ont alors entrepris un
long périple à travers le pays qu’ils ont
traversé d’est en ouest en direction de
l’Angola, de la République centrafricaine
ou de la République du Congo. Au cours
de ce périple, des ex-FAR/Interahamwe
et des réfugiés ont parfois commis des
exactions, dont un grand nombre de
pillages, à l’encontre des populations
civiles zaïroises».
«Crimes de génocide ?»
Pour ce qui est des crimes de l’APR/
AFDL, peut-on effectivement les qualifier
de «crimes de génocide» comme le fait
le rapport ?
Comme déjà indiqué, le rapport reste très
prudent sur les qualifications. Toutefois,
on peut relever que la qualification de
génocide n’a été discutée que pour les
seuls faits concernant des Hutu, ce qui
peut apparaître un peu étrange.
La partie du rapport qui traite du génocide
commence ainsi, sans plus d’explication :
«la question du génocide à l’encontre des
Hutu a soulevé de nombreux commentaires
et demeure irrésolue jusqu’à ce jour».
Le rapport n’expose donc jamais les
raisons pour lesquelles la qualification
de génocide n’est évoquée que pour les
victimes Hutu et ce silence n’est pas très
compréhensible. Pourquoi ne pas poser la
question du génocide à propos d’autres
exactions, par exemple à propos de la
persécution des Tutsi, signalée juste avant
dans le rapport comme susceptible de
relever d’une qualification de crime contre
l’humanité ? Des éléments se rapprochant
d’une intention génocidaire exprimée au
plus haut niveau de l’Etat y sont signalés
sans être discutés (§§ 497-498).
Même si les faits concernant les victimes
Hutu sont tout à fait affligeants, l’insistance
sur leur qualification semble dépasser le
simple enjeu de recensement des atrocités
– sans qu’il me soit possible d’indiquer
quel serait cet autre enjeu. Il faudrait
pour cela pouvoir notamment observer de
l’intérieur l’élaboration de ce rapport et
les consignes données à ses rédacteurs.
Quant à la pertinence de cette qualification
provisoire de génocide, il m’est impossible
de conclure, et ce n’est pas mon rôle.
J’insisterai de nouveau sur la prudence
du rapport. Il explique comment une
telle qualification de génocide pourrait
être retenue en utilisant la jurisprudence
internationale sur le sujet, en insistant sur
le nombre de victimes («probablement
des dizaines de milliers de membres du
groupe ethnique hutu»), sur l’inhumanité
de la «traque» dont les réfugiés ont été
l’objet, sur l’emploi d’armes «blanches»
(en l’occurrence ce sont des marteaux
qui sont décrits), sur la récurrence des
massacres, sur le fait que les femmes et
les enfants n’ont pas toujours été épargnés,
ainsi que sur certaines déclarations lors de
«discours de sensibilisation » à l’intention
de la population (§§ 512-515).
A ce dernier égard, le rapport évoque un
cas dans lequel la population aurait été
incitée à tuer les réfugiés Hutu, qualifiés de
«cochons» par les forces armées. Le rapport
insiste ici sur la métaphore animalisante,
supposée très significative, mais qui n’est
rapportée que ponctuellement (§ 113) et
qui se base apparemment sur un «entretien
confidentiel avec l’équipe mapping du
Nord-Kivu» (§ 515 et note 952).
De la définition de génocide
Mais le rapport souligne également les
raisons qui pourraient plaider contre une
telle qualification de génocide.
Et ces raisons sont apparemment assez
puissantes. Elles portent d’abord sur
l’intention. Y a-t-il eu, comme l’exige
la définition du génocide, «intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel» ? L’intention de détruire le
groupe Hutu rwandais réfugié en RDC est
difficile à établir dans la mesure où un grand
nombre de rapatriements sont organisés
– en même temps que certains massacres
sont commis. Le nombre de rapatriés
apparaît sans commune mesure avec le
nombre de victimes des massacres. Ainsi
: «Certains éléments pourraient faire
hésiter un tribunal à conclure à l’existence
d’un plan génocidaire, comme le fait qu’à
partir du 15 novembre 1996 plusieurs
dizaines de milliers de réfugiés hutu
rwandais, dont de nombreux survivants
d’attaques précédentes, ont été rapatriés
au Rwanda avec le concours des autorités
de l’AFDL/APR et que des centaines de
milliers de réfugiés hutu rwandais ont pu
rentrer au Rwanda avec l’assentiment
des autorités rwandaises après le
commencement de la première guerre» (§
517). Il est donc délicat d’affirmer que les
autorités rwandaises souhaitaient détruire
les réfugiés hutus. Par ailleurs, dans les
massacres, le «groupe hutu» a-t-il été
ciblé en tant que groupe considéré comme
No 197
n
ethniquement, racialement différent ? C’est
une autre question qui se pose, même si le
rapport y insiste moins. Les faits décrits
semblent plutôt attester d’une volonté de
représailles, plutôt que d’une politique
inspirée par une croyance raciale.
Enfin, le problème de la participation
étatique se pose. En l’absence de «plan
génocidaire» que révèleraient les faits, les
auteurs du rapport sont, il est vrai, amenés
à s’interroger sur l’hypothèse d’actes de
génocide non ordonnés mais spontanés, en
quelque sorte. Ainsi, l’intention génocidaire
pourrait être inférée du comportement
de «certains commandants de l’AFDL/
APR» (§ 518). Cette hypothèse de l’acte
génocidaire spontané ou décentralisé,
que privilégie finalement le rapport, est
également susceptible de poser problème
devant un juge, même s’il est vrai que la
jurisprudence internationale n’exige pas à
ce jour très explicitement qu’une politique
sous-tende les comportements qu’elle
qualifie de génocide.
Crimes contre l’humanité
Si l’on doit vraiment insister sur le détail
des qualifications, il n’est pas non plus
évident que les actes relèveraient d’une
qualification de crime contre l’humanité,
que privilégient les premiers rapports
de l’ONU (§§ 510 et 511). La notion de
crime contre l’humanité n’est pas tout
à fait stable. Dans le statut du Tribunal
pénal international pour le Rwanda par
exemple, il faut – pour reconnaître le crime
contre l’humanité – que la population
victime ait été ciblée pour des raisons
discriminatoires. Dans le statut de la CPI,
il faut constater l’existence d’une attaque
lancée contre une population civile, c’est
à dire «la commission multiple d’actes
(…) à l’encontre d’une population civile
quelconque, en application ou dans la
poursuite de la politique d’un Etat ou
d’une organisation ayant pour but une
telle attaque» (article 7.2.a.).
Crimes de guerre
La qualification de crimes de guerre est
sans aucun doute la plus immédiatement
accessible ; des crimes commis dans le
cadre de la guerre conduite par l’APR/
AFDL contre les Interahamwe/ex FAR.
D’après le rapport, les victimes n’en
furent pas que les combattants se trouvant
«hors de combat» mais également les
civils ne participant pas aux hostilités.
Des civils Hutu qui, notamment, fuyaient
les attaques militaires de leurs camps et
la guerre faite aux forces armées qui s’y
étaient parfois reconstituées.
Rafaëlle Maison
Agrégée des facultés de droit
Professeur à l’Université Paris XI
Décembre 2010 nn Billets d’Afrique et d’ailleurs nnn 15
Salves
Survie et Pierre Péan. Mise au point
D
ans son livre qui vient de
paraître, intitulé Carnages (Fayard),
Pierre Péan développe des thèses
aventureuses, notamment concernant Survie.
Le chapitre 2, «La Françafrique, un efficace
écran de fumée» affirme ni plus ni moins
qu’avec le concept de françafrique, destiné
à discréditer la France et ses dictateurs
protégés, Survie est au service des intérêts
anglo-saxons. Du reste son président, de
1988 à 1994, Jean Carbonare, décédé en
2009, «était en réalité un agent du British
M 15. Son travail consistait essentiellement
à prendre le contrôle de l’opinion nationale
française». Ce superman, pour ce faire,
a disposé en tout et pour tout de quelques
minutes dans un «20 heures » d’Antenne 2
en février 1993. Admirons le tour de force.
Survie pour son action délétère «bénéficie
de moyens financiers importants». Nous
sommes ravis de l’apprendre, nous qui nous
arrachons les cheveux sur nos bilans et devons
nos actions à l’inlassable dévouement de nos
bénévoles. Notre très modeste association
aurait réussi à gagner à ses vues la plupart des
journalistes et toutes les ONG, qui ne jurent
que par nous. Le sérieux de notre travail nous
vaut en effet l’estime générale, mais sûrement
pas la faveur des médias.
Pierre Péan réitère ses propos haineux
contre François-Xavier Verschave comme
figure, selon lui, de l’anti-France, président
de Survie de 1994 à 2005, décédé en 2005,
appelant à la rescousse Jacques Vergès,
Hubert Védrine et citant l’article malveillant
du Monde du 2-3 juillet 2005, ce qui réfute
du même coup sa propre thèse de la faveur
journalistique dont bénéficie Survie ; mais
ce n’est pas la seule contradiction dont son
livre fourmille. Cette attaque, caractérisée par
sa lâcheté, n’exprime que le chauvinisme qui
est la marque de la décadence.
Il persiste à prétendre que nous soutenons
Paul Kagame, malgré les informations que
nous avons toujours relayées au sujet des
exactions du FPR, cela dès 1994 sous la
plume de François-Xavier Verschave. Mais
il est vrai que nous sommes intransigeants
sur la recherche de la vérité de l’implication
française au Rwanda. C’est une question de
salubrité nationale.
Laissons donc les thèses outrancières de Péan
se réfuter d’elles-même par leur évident ridicule
et méprisons ses propos malgré leur caractère
injurieux qui ne déshonore que lui-même. Son
livre n’apporte rien à part ses vociférations
vagues, ses diffamations sur les Africains en
résistance et ses obsessions ressassées.
Odile Tobner
Géopolitique à la petite semaine
Beaucoup de redites par rapport au précédent ouvrage Noires fureurs, blancs
menteurs: Rwanda 1990-1994 paru en 2005. Mais Péan revendique cette filiation:
Carnages est un ouvrage plus ambitieux de la façon dont l’auteur «revisite» à sa
façon l’histoire du génocide. Il élargit son propos au Soudan, à l’Ouganda, au
Congo, à sa découverte de l’Afrique dans sa jeunesse, etc., le tout épicé de thèses
conspirationnistes où il mélange Américains, Britanniques et Israéliens. En résumé,
le génocide des Tutsi a été voulu par les Tutsi du FPR et par les Américains aidés
des Britanniques et des Israéliens pour évincer la France du jeu diplomatique
dans la région et … isoler le Soudan. Au fil des pages, Péan sert aussi la soupe au
prurit négationniste. Les moindres «ficelles» de cet auteur populiste ne sont pas
les libertés qu’il prend avec les citations (souvent approximatives, apocryphes,
douteuses, invérifiables, voire carrément mensongères), cherchant visiblement de
nouvelles polémiques pour favoriser la vente de cet ouvrage fourre-tout.
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16 nnn Billets d’Afrique et d’ailleurs nn Décembre 2010 n No 197
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