Fiche du document numéro 22220

Num
22220
Date
Vendredi 15 mai 1998
Amj
Taille
1058577
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 58 [Callixte Nzabonimana et Pauline Nyiramasuhuko]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
KO055610

Face A de la cassette # 58.

PD -Bonjour, nous sommes vendredi, le 15 mai 1998. Nous allons débuter comme habituellement par
la lecture de l’avis des droits du suspect. Avant de répondre à nos questions vous devez comprendre vos
droits. En vertu de l’article 42 et 43 du règlement de preuve et de procédure du Tribunal pénal international
pour le Rwanda, nous devons vous informer que notre entretien est présentement enregistré et que vous
avez les droits suivants: 1, vous avez le droit d’être assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les
services d’un avocat sans frais si vous n’avez pas les moyens financiers de payer les services d’un avocat.
2, vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans frais, si vous ne pouvez pas comprendre la langue
utilisée lors de l’entrevue. 3, vous avez le droit de garder le silence si vous le souhaitez. 4, toute déclaration
que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de preuve contre vous. 5, si vous décidiez de répondre à nos
questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez arrêter l’entrevue en tout temps et requérir les services
d’un avocat. Je vais vous passer la feuille sur laquelle j’ai lu le premier paragraphe, le premier, la partie
supérieure de la feuille, en bas, si heu... si vous acquiescez, ou si vous comprenez bien ce qui est, ce qui
est inscrit ici, ça s’appelle renonciation aux droits, alors si vous voulez le lire, puis si vous acquiescez à
cette demande, si vous voulez signer en bas, au même endroit qu’habituellement.

JK -J’ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l’énoncé de mes droits, je comprends
l’étendue de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement enregistré. Je
comprends et je parle la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement, soit par
l'intermédiaire de l’interprète qui m’a été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une
déclaration. J’affirme en toute connaissance de cause que je ne désire pas d’avocat en ce moment. Aucune
promesse ni aucune menace ne m'a été faite et aucune pression n’a été exercée sur moi.

MD -Alors, vous désirez signer cette formule.

JK -Oui.

PD -L’enregistrement a débuté à 9 heures 55.

MD -Nous sommes toujours au même endroit. Au centre de détention des Nations Unies à La Haye.
Nous sommes dans la même pièce, la pièce qui nous a été assignée, à l’intérieur. Alors je vais signer
comme témoin. Marcel Desaulniers. Voilà.

PD -Avant de poursuivre avec la partie de votre déclaration relative à Monsieur Callixte, il serait peut-
être bon qu’on s’identifie. Alors devant moi est assis Monsieur Jean Kambanda.

JK -Jean Kambanda.



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MD -Marcel Desaulniers.

PD -Pierre Duclos. Hier soir, lorsque nous avons été interrompus par les, les gardes ici, nous étions à
discuter du cas de Monsieur Callixte. Est-ce que, est-ce que vous avez en mémoire où on a terminé, où nous
avions terminé, ou si comme moi c’est... ça a été tellement subit qu’on a de la misère à se retrouver ?
MD -Çaaété plutôt, oui, on s’est plutôt fait interrompre de façon assez rapide...

PD -On pourrait peut-être poursuivre, si je vous demandais de nous expliquer la partie de votre
déclaration dans laquelle vous expliquez qu’il vous répondait lorsque vous lui avez soulevé le fait que
comme ministre il était impliqué, et qu’il participait à des massacres, il vous a répondu que c'était, il vous
répondait que c’était la population Hutu qui était responsable, que lui n’y était pour rien. C’est la, c’est la
réponse qu’il vous donnait lorsque vous l’avez rencontré ça ?

JK -Oui.

PD -On a dit hier, si ma mémoire m’est fidèle, que cette rencontre-là s’est fait comme, de façon
informelle, vous avez pas, il y avait pas de témoins, il y avait pas de prise de notes, il y avait rien dans cette,
il y avait rien de vraiment formel dans cette rencontre-là.

JK -Ce n’était pas une rencontre formelle.

PD -Ok. Est-ce que votre gouvernement a été avisé de cette rencontre-là ou si c’est une rencontre à titre
personnel que vous avez faite ?

JK -C’est une rencontre à titre personnel.

PD -Atitre personnel.

JK -Le gouvernement n’a pas été avisé de ça.

PD -Ok, par la suite est-ce que, parce que vous aviez discuté avec des membres de votre parti politique,
vous nous avez dit hier que.

JK -Oui, j'avais discuté avec certains membres de mon parti politique.

PD -Est-ce que c’était des membres qui étaient membres, qui étaient membres de votre cabinet, qui
étaient membres du... des ministres ou des choses comme ça ?

JK -Non, c'était le secrétaire exécutif de mon parti, le docteur Donat Murego et puis le vice-président
du parti MDR dans Gitarama, dont j’ai plus le nom pour l’instant.

PD -Ok. Ça ça faisait suite à votre survol...

JK -Ils’appelait Faustin Nyagahima [phonétique].

PD -Faustin ?



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JK -Nyagahima.

PD -Docteur Murego pour les fins de. d’interrogatoire, vous ignorez où il se trouve présentement ?
JK -Je ne sais pas où il se trouve.

PD -Ok. La dernière fois, si encore une fois, si j’ai bonne mémoire, la dernière fois qu’on en avait
discuté vous disiez qu’il était en exil au Zaïre, la dernière fois que vous aviez eu des nouvelles de lui.
JK -Je l'avais laissé à Bukavu, en juillet, en juillet-août 96.

PD -Puis l’autre Monsieur, Monsieur Faustin, lui ?

JK -Il se trouverait au Cameroun.

PD -Il serait au Cameroun. Ok. Alors ça cette, cette rencontre-là fait suite à un survol de, lors d’un vol
de retour de Ruhengeri, vous avez survolé la préfecture, vous avez constaté quelque chose. Qu’avez-vous
constaté ?

JK -C’est ce que j’ai décrit.

PD -Ce que vous décrivez ici, vous avez, vous avez décrit que vous avez vu plein de cadavres flotter,
des maisons détruites partout.

JK -Oui.

PD -Est-ce que c’était, à ce point visible, des airs ou on, on pouvait pas, quelqu’un qui survolait ça

pouvait pas ne pas voir ce qui se passait ?

JK -C’était visible. Personne ne pouvait, à moins d’être un aveugle, on ne pouvait pas ne pas voir ça.
MD -Le…

PD -Est-ce. Pardon.

MD -Non…

PD -Est-ce que vous étiez seul au moment où vous avez survolé cette région-là ?

JK -Non, j'étais avec le ministre de la Défense.

PD -Lui, quelle a été sa déclaration, c’est Monsieur Augustin ça ?

JK -Augustin Bizimana.

PD -Bizimana.. quelle a été sa réaction au Monsieur Augustin ?

JK -J’ai eu l'impression qu’il avait la même réaction que moi.

PD -Ok. Est-ce que ça été plus qu’une impression, est-ce que vous en avez discuté ensemble ?

JK -Je… j'en ai discuté ensemble avec lui, mais pas autrement, donc j’ai juste dit. fait des

commentaires avec lui, que c’était une catastrophe.



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PD -Lui, de son côté, comme ministre de la Défense, est-ce que vous savez s’il a pris des actions ?
JK -Jen’en connais pas.

PD -Vous n’en connaissez pas. Ok. Vous l’action que vous avez faites c’est, c’est de rencontrer
Monsieur Callixte et lui dire de cesser ses activités ?

JK -Oui.

PD -Ça faisait suite au recommandations de Monsieur Murego ?

JK -C’est.. après discussion avec Murego mais après également mon propre constat sur le terrain.
PD -Ok. Ça visait à dissocier votre gouvernement, près comme ça, d’une action comme ça ou quoi ?
TK -Oui.

PD -C’était, c’était pour pas que vos ministres soient impliqués parce que les gens n’aimaient pas,
appréciaient pas ça ?

JK -Ça me, ça me paraissait anormal qu’on associe un ministre à une action, à une... de cette ampleur-
là, qu’on associe directement un nom d’un ministre à une action du genre de ce que je voyais à Gitarama.
PD -Est-ce que vous aviez eu écho, vous, de, de discussions dans la population relativement à ça ?
IK -Oui.

PD -Oui ? Qui discutait de ça ? Qui en... par qui vous avez eu, vous avez, vous avez entendu parler de
ça vous ?

TK -Par mon chef de service de renseignement, Alexis Nsabimana.

PD -Qui lui vous a informé...

JK Etant originaire de la région, étant responsable du service de renseignement, il savait ce qu’il se
passait dans la région. Et ce qui se disait.

PD -Puis ce qu’il se passait, lui, qu’il vous rapportait, c’était que Monsieur Callixte était actif pendant
la nuit ?

JK -Oui.

PD -Ok. Si on... on relit votre déclaration, on dit qu’il visitait les bourgmestres un à un ?

TK -C’est ce qu’on disait, mon service de renseignement.

PD -C’est ce que vous disait votre service de renseignement. À ce moment-là, est-ce que votre service
de renseignement vous informe aussi que cette personne-là influençait, modifiait, c’était la personne qui
influençait et modifiait le, le comportement des, des, des bourgmestres en place ?

JK -Jene me rappelle pas avoir eu un rapport aussi précis, mais les visites, et les comportements m’ont



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amenés à tirer une telle conclusion. Si, si je sais qu’un bourgmestre a un tel comportement, que je sais qu’il
a reçu la visite, que après je sais qu’il a changé de, de comportement, même sans, sans que il soit nécessaire
d’avoir un rapport, je ne peux qu’en tirer cette conclusion.

PD -Ok.

MD -Lors de la réunion que vous eue avec lui, comment, comment justifiait-il ces, ces rencontres
nocturnes qu’il faisait, on dit qu’il faisait des rencontres nocturnes avec les bourgmestres ou avec les gens
de sa région... est-ce que, de quelle façon justifiait-il ces réunions-là, est-ce que. c’était, est-ce que cette
chose-là vous l’avez discutée avec lui ?

JK -Oui, lui il les justifiait dans le cadre de la mission de pacification que lui avait assignée le
gouvernement. Que donc, il, il était de son devoir de rencontrer les bourgmestres.

MD -Alors il a, il admettait qu’il rencontrait ces gens-là, chez lui, ça se faisait chez lui ces rencontres

?

XX -Non, il les rencontrait chez eux, chez les bourgmestres.

MD -D’accord.

JK -Mais disons, on n’a pas, on n’est pas allé jusque dans les détails, est-ce qu’il les rencontrait de jour
ou de nuit.

MD -Oui.

JK. -Ça, on a eu, ce sont des détails.

MD -Parce que vous dites, hier, il faisait des réunions pendant la nuït, et.

JK -Ça ce sont des détails que moi j’ai reçus, mais dans les discussions je ne lui ai pas demandé s’il
les rencontrait de jour ou de nuit.

MD -Oui.

JK -Mais il n’a pas nié qu’il rencontrait les bourgmestres.

MD -Il n’a pas nié qu’il rencontrait les bourgmestres ?

JK -Non.

MD -Mais à la lueur de, des événements, heu, c’était, il réussissait pas très bien dans sa mission de
pacification, on pouvait douter un peu de, de ses, de ses propos.

PD -Ouil réussissait très bien.

MD -Ouais, ou il réussissait très bien. Vous dites ici que vous n’aviez pas le pouvoir politique pour le,

pour vous interposer auprès de lui, il était, il était supporté par qui lui ?



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JK -Il était ministre du MRND), il était supporté par son parti.

MD _-Par son parti. Est-ce que il avait un rôle à jouer avec les Interahamwe de cette région-là ? Est-ce
que c'était un des leaders ? Est-ce qu’il était en contact avec eux ?

JK -Il était en contact avec eux.

MD -Avec.…. est-ce que vous croyez qu'il était, heu, plutôt sur la rue, qu’il était plutôt sur le terrain avec

eux ou s’il, s’il négociait surtout avec les responsables ?

JK -Il était, il se disait qu’il était sur la rue avec eux. C’est des...
MD -Ilétait là ?
JK -D’après les rapports que je recevais, lui, il était sur la rue avec eux, il ne négociait pas avec les

responsables, il négociait directement avec les gens de terrain.

MD -Etle, le, cette, de cette façon il se trouvait bien protégé, c’est comme ça que vous le voyez, vous,
quand vous nous dites que vous aviez pas le pouvoir politique pour vous interposer, c’est que il, il était bien
entouré, il était.

JK -Je ne craignais pas tant les, son entourage direct, non, c’est, ce sont, ce ne sont pas tant les gens
qui pouvaient être avec lui qui pouvaient me faire craindre disons une agression de sa part, c’est plutôt le
support qu’il recevait de son hiérarchie [sic].

MD -De son parti ?

JK -De son parti, donc son... le. peut-être que il y avait beaucoup moins de danger avec les, les petites
gens avec qui il était qu'avec le, le parti lui-même. Pour, en ce qui me concerne, disons, à mon niveau.
PD -Est-ce que ça explique la pudeur, pourquoi vous lui avez pas posé les vraies questions quand vous
l’avez rencontré ? Selon ce qu’on lit dans votre déclaration, vous l’avez rencontré, vous lui avez disons,
très poliment signifié qu’il devait cesser ses activités, mais vous avez pas, quand on vous pose des
questions, est-ce que vous lui avez parlé si c’était de jour ou de nuit, le soir etc, quelles a été [sic] ses
interventions personnelles, c’est pas des faits que vous avez, des sujets que vous avez abordés à fond avec
Jui ?

JK -Je n’ai pas abordé ces sujets à fond, mais dans notre langage, dans notre coutume, chacun
comprenait, se comprenait sans devoir nécessairement dire ce que vous êtes en train de dire. On ne devait
pas nécessairement passer par là pour se faire comprendre. On n’avait pas besoin de ça.

PD -Est-ce. oui, sauf que vous avez pas obtenu la, disons, la réponse, s’il rencontrait les gens de nuit,

c’est pas quelque chose que vous avez obtenu ?



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JK -Je... c’est peut-être parce que je ne l’ai pas demandé. Si je l’avais demandé peut-être qu’il m'aurait
dit... si je l’avais demandé de cette manière-là, il m’aurait répondu. Maïs si, s’il confirme qu’il rencontre
des bourgmestres, est-ce que j’ai besoin de savoir s’il les rencontre de jour ou de nuit ?

PD -C'est ça, mais ce que moi, ce que je me demande, c’est justement d’où vient votre pudeur de pas
aller raide sur le point, d’aller directement à la question. Vous savez où, d’où, où vient cette censure, cette
auto-censure là que vous avez faite, que vous..., vous lui dites pas tout simplement “écoute, j’ai, je possède
cette information-là, je connais cette personne-là, j’ai ci, j’ai ça...”, c’est. est-ce que c’est dû à la, la
situation politique que vous expliquez, la force d’un parti politique par rapport à l’autre, la force d’une
organisation politique ?

JXK -Toute la période de, d’avril à juillet a été couverte par cette pudeur. Donc, si... je n’ai pas eu le
courage d'affronter des situations directement. Parce que je connaissais le risque.

PD -Ok. Le risque, le risque serait venu de son parti ?

JK -Oui.

PD -Ok. Est-ce que le risque serait venu de vos. de vos, de vos confrères ministres ou si vous, vous
vous craigniez plus les membres du parti, vous savez, la direction pardon du parti ?

JK -Je craignais la direction du parti plus que les ministres.

PD -Plus que les ministres ?

JK -Je ne craignais pas les ministres.

PD -Lorsqu’on parle de direction du parti que vous craignez, est-ce que vous pouvez nous nommer des
personnes ?

JK -Les structures du parti au Rwanda étaient les mêmes pour tous les partis politiques. Il y avait un
président, un vice. un premier vice-président, un deuxième vice-président, un secrétaire exécutif, pour tous
les partis politiques au Rwanda. C’est ça la structure du parti.

PD -C'est cette structure là que vous vous craigniez ?

JK -Oui, c’est ça la direction du parti dans tous les partis politiques au Rwanda.

MD -Mais au niveau du MRND), est-ce qu’il y avait en particulier des, des gens qui étaient, qui étaient
plus, plus aptes à prendre des mesures, heu, ou qui avaient, qui avaient un rôle spécial à jouer au sein de
son parti [sic] ou c’était le président qui dirigeait vraiment les activités et qui pouvait demander des
interventions?

JK -J'ai.. mon impression c’est qu’au niveau de ce parti il y avait un consensus visible, donc il y



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avait. je n’ai pas en... je n’ai pas vu de discordance entre les actions au niveau de la direction du parti
MRND à l’époque.

MD -Alors on peut dire que le, que le président était vraiment heu...

JK -Le président jouait son rôle, le premier vice-président jouait son rôle, le secrétaire exécutif jouait
son rôle, donc chacun était à sa place.

MD -Mais la personne la plus forte demeurait le président. C’est lui, c’est lui qui dirigeait ? Il était le
capitaine du bateau ?

JK -Si je dis que chacun jouait son rôle, ça veut dire que le président était le président.

MD -Ok. C'était pas. il y avait pas un homme, un homme fort ou plus violent qui était reconnu, qui
pouvait ressortir au milieu, au sein de cet exécutif-là ?

JK _-Je ne l’ai pas vu. Je n’ai pas vu quelqu’un qui, qui, qui me semblait plus important que le président
dans son parti. Le président était le président et il présidait son parti. Il le tenait, il l’avait.

MD -Ok. Alors spécifiquement, dans ce cas-là, quand vous mentionniez ici que vous n’aviez pas le
pouvoir politique, c’était vraiment, le, la, l'exécutif du parti qui était le, qui était le, le pouvoir politique
à combattre ? Pour vous, à vous opposer. Si vous vous opposiez, si vous aviez tenté de vous opposer à ces
actions ou de mettre la pression sur Callixte, c’est l’exécutif du parti qui était, qui était le, le, le poids à
combattre ?

JK -Oui.

MD -On dit plus loin que... les gens, les, les, les Tutsi qui étaient déjà, il était déjà trop tard. On dit que,
d’autre part je crois, qu’il était déjà trop tard pour les Tutsi. Ça s’est fait, ça s’est fait dans quelle laps de
temps, est-ce que... on parle de quelle période-là, à ce moment, ici, là quand vous dites il était déjà trop
tard, on se situe à quel moment, ça ?

JK -C'’est vers la fin avril.

MD -Vers la fin avril. Alors vers la fin avril, déjà, on peut, on peut dire que il restait très très peu de
Tutsi dans cette région ?

JK -Je crois que, formulé comme ça ça serait inexact, dans la mesure où les, c’est peut-être l’une des
rares préfectures où les Tutsi ont été le plus sauvés.

MD -Le plus sauvés ?

JK -Oui, parce que ceux qui se sont réfugiés à Kabgayi, et il y en avait beaucoup, ont été, dans la

mesure du possible protégés.



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MD -Dans la mesure du possible, on entend quoi ? Qui, qui les a protégés ?

JK -Le gouvernement.

MD -Le gouvernement les a protégés ?

JK -Oui.

MD -De quelle façon que le gouvernement a protégé les Tutsi ?

JK -Les, les militaires tout autour de, de, de leur lieu de refuge.

MD -Le lieu, c'était, c’était.

JK -C'était Kabgayi.

MD -Kabgayi. Mais est-ce qu’il y avait un endroit, est-ce que c’était… heu, un endroit particulier, un
camp ?

JK -Il y avait pas un endroit particulier, on peut dire que toute la, si on peut appeler ça la ville, toute la ville de Kabgayi était considérée comme un lieu de protection des Tutsi.

MD -Qui étaient protégés par les forces gouvernementales ?

JK -Oui.

PD -Par contre il y a eu des exactions commises là...

JK -Oui.

PD -Par, par les forces gouvernementales elles-même ?

JK -Oui.

PD -Mais dû au nombre, on a déjà expliqué que dû au nombre de Tutsi qu’il y avait là, c'était plus
difficile pour eux de...

JK -Disons que les, c'était des actions isolées qu'il y a eu effectivement, quelques individus qui, qui
ont été extraits, qui ont été exécutés, mais c’était des actions isolées et dans l’ensemble on peut dire que
le village était plutôt assez bien protégé.

MD -De quelle façon, est-ce que... si on, si on regarde le nombre de, de, de Tutsi qui ont pu se réfugier
à Kabgayi, et qui ont pu être sauvés, heu, vous... est-ce que vous pouvez qualifier un nombre, est-ce que
c’est. parce que. on dit qu’à la fin d’avril il y en avait plus, soit qu'ils étaient réfugiés ou soit qu’ils
étaient, qu’ils avaient été heu massacrés. Est-ce que, est-ce qu’on peut, est-ce qu’on peut déterminer quel
était le pourcentage qui a pu sauvé dans cette région, qui ont pu se sauver pardon ?

JK -Je n’ai pas, je n’ai pas de chiffres, je n’ai pas de pourcentage, j’ai eu à visiter ces, ces, ces

personnes qui étaient déplacées à l’époque, je ne peux pas quantifier, et dire c’était 100 000, 50 000, 60



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000, mais c’était plusieurs milliers.

MD -C’était important.

JK -C'était très important. Puisque les. il y avait même pas assez de place pour eux. J’ai expliqué dans
d’autres passages qu’on a même tenté de les répartir sur d’autres sites parce que on trouvait que le site était
exigu.

MD -Alors quand il y avait plus de, on avait plus de Tutsi, ils tentaient maintenant de s’en prendre aux
Hutu, là on éliminait les, les opposants politiques. Est-ce que, est-ce que vous en connaissez des opposants
politiques qui ont été éliminés par eux ? Parce que c’était des gens de votre parti, forcément ça aurait dû
être des gens de votre parti ?

JK -Les.. je ne les connais pas, personnellement j’avoue que je ne peux pas dire untel a été éliminé
dans ce cadre-là, mais je sais que les gens de mon parti étaient effectivement persécutés par le fait que avant
les événements d’avril 94, ils étaient opposés au MRND.

PD -Parce qu’on lit ici dans votre déclaration, si on lit la ligne un petit peu plus bas, on dit “il n’a pas
éliminé de Hutu car ceux-ci ont menacé de s’en prendre à ses proches, s’il s’attaquait à eux”. Alors si je
comprends de ça, si. j”en à le faire, je peux, je sais pas si c’est exact de dire que eux, le craignaïent moins
que les Tutsi, donc qu’ils réagissaient, ils ont une réaction qui était. si vous vous attaquez à nous on va
s’attaquer à vous aussi.

JIK -ls le craignaïent moins, je crois que c’est, c’est. c’est exact. Parce que eux, eux ils, d’abord ils
étaient assez nombreux, et puis là il y avait des gens qui étaient, au niveau du MDR, comme je l’ai dit, ils
étaient plus nombreux que ceux qui étaient au MRND), et puis peut-être qu’au début ils n’ont pas bien
compris que plus tard, ils seraient eux-même visés, et que quand ils ont compris, ils ont réagi, et cette
réaction, peut-être, a servi à les protéger.

MD -Maïs vous croyez qu’il y en a eu quand même quelques uns qui auraient été éliminés ?

JK -Dans un tel mouvement, vous ne pouvez pas dire qu’il y en ait personne [sic] qui ait été éliminé,
vous ne pouvez pas dire “il y a personne qui a été éliminée”, très catégorique, mais il y a pas eu un
massacre généralisé. C’est ce que j’essaye d’expliquer, donc il y a certainement eu des exactions sur
certains individus, mais il y a pas eu un massacre généralisé comme ça s’est fait pour les Tutsi.

MD -Comment calez-vous votre... comment qualifiez-vous votre relation avec Callixte, vous-même,
quelle était votre relation avec lui, est-ce que c’était cordial, est-ce que c’était du respect, est-ce que

c'était. de quelle façon que.



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JK -C’est une relation difficile à qualifier, c’est à dire que, moi j’en avais peur...

MD -Oui, carrément.

JK -Moi j’en avais peur, j’en avais, je, je... je devais le tenir à l’oeil, c’est à dire être le plus près
possible de lui pour savoir ce qu’il faisait, ce qu’il dit, heu... ça m'a même compromis à certains endroits,
dans la mesure où comme j’ai été lui rendre visite chez lui, à la maison, et puis heu... sa... étant... le
gouvernement étant dans sa préfecture, connaissant les activités qu’il menait, c’était toute cette relation-là

que j’ai nourri durant tout, toute la période que je suis resté à Gitarama.

MD -Là.…
JK -C’était le seul, la seule, la seule, la seule porte de sortie, partout, pour aller dans les autres
préfectures.

MD -C'était ça. La visite à laquelle vous vous référez, est-ce que, est-ce que c’est lui qui vous avait
invité ou c’est vous qui aviez décidé d’aller le rencontrer ?

JK -C’est lui qui m'a invité, c’était, c’était vers la mi-juin, quand j’ai été dans sa commune, au niveau
de la défense civile, qu’il m’a demandé de passer chez lui, à la maison. J’ai accepté l’invitation.

MD -Qui était présent à cette réunion-là, cette visite-là, est-ce qu’il y a, est-ce que vous vous étiez seul

pour la visite ?

JK -Non, j'étais avec un autre ministre, je crois avec le ministre de la Fonction publique, Prosper
Mugiraneza.

MD -Pardon ?

JK -Prosper Mugiraneza, qui était ministre de la Fonction publique.

MD -D’accord, qui était, qui vous accompagnait.

JK -Il ne m’accompagnait pas, en réalité, il vivait avec lui. Il vivait avec lui, chez lui.

MD -Alors la réunion, cette réunion-là, elle s’est faite entre vous trois, est-ce qu’il y avait quelqu’un
d’autre ?

JIK -Non, il y en avait, les gens de sa famille, les membres de sa famille et son père, et ses frères et ses
soeurs.

MD -Et la réunion a été faite en présence de tous les gens, on ne s’est pas.

JK -C’était juste une visite de, de retrouver la famille, ce n’était pas une visite [inaudible] politique.
Je suis juste passé chez lui, j’ai salué ses parents, et puis on est resté et on a pris un verre, et puis on est

retourné.



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MD -Est-ce que la, est-ce que vous avez discuté à ce moment-là de la situation justement dans, dans,
dans sa préfecture, heu, est-ce que vous avez discuté heu, le fait que, bon, les Tutsi avaient été massacrés,
des massacres ou de ce qui se passait ou... ?

JK -A part que le cadre ne s’y prétait pas, c’était à la fin du mois de juin, il n°y avait plus, pratiquement
de massacres de Tutsi, il y en avait plus.

MD -Ouais, alors la situation c’est que...

TK -Et que le cadre ne s’y prêtait pas, ce n’était pas un cadre, avec sa famille, ses frères et ses soeurs,
où qu’on devait discuter des sujets dans, d’une telle importance.

MD -A cette période-là est-ce qu’il était toujours actif lui, est-ce que, parce qu’on dit quand même qu’il
est sorti un peu et puis il est allé aider les autres, est-ce que, est-ce que vous entendiez dire qu’il était
toujours actif à ce moment-là ?

JK -Actif.…

MD -Selon des rapports...

JK -.… je ne sais pas ce que vous voulez dire par “actif”, c’est à dire que il était toujours dans sa
commune, il était dans sa préfecture, il visitait toujours les bourgmestres, il encadraïit toujours la jeunesse,
si c’est ça actif, oui.

MD -Ok, oui c’est ça. Et puis alors votre visite, vous avez entendu parler, quand vous mentionnez que
ça a été interprété comme une caution, heu... si vous avez eu des rapports là-dessus, vous avez entendu des
choses là-dessus ?

JK _-Non, j'ai, je ne peux pas dire, je, je, à l’époque, je n’ai pas réalisé que c’était une caution, mais
aujourd’hui je me dis que le fait que les gens ont vu, après tout ce qu’il avait fait, que le premier ministre
lui rendait visite.

MD -Une visite sociale, sociale, même de le rencontrer...

JK -Oui, socialement, le rencontrer, c’est que, dans la tête des gens, ils se disent donc ce qu’il a fait
était... vous pouvez mettre dans vos communes, on disait à l’époque.

MD -Ça finit ce que j’avais. Alors pour vous la, la, la, votre ligne de conduite, ça a été de, de fermer les
yeux sur ses activités, finalement, après la rencontre-là, où vous lui avez demandé heu, de, de cesser ses
activités, à partir de ce moment-là, vous avez réalisé que il changeraït pas, puis ça s’est, votre ligne de...
JK -M'étant rendu compte que je n’avais pas des moyens de coercition sur les, certaines personnes, j’ai,

j’agissais directement sur eux en essayant de, de faire appel à leur propre conscience. Et si ça ne, ils ne



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réagissaient pas, je, je fermais effectivement les yeux. Donc, je ne pouvais pas, je n’avais pas de, de moyens
politiques, en ce qui me concerne, j’estimais que je n’avais pas les moyens politiques pour avoir une
contrainte sur lui, alors j’ai agi directement sur la personne, en estimant, en croyant qu’il pouvait sentir ce
que je voulais, le message que je voulais lui faire passer, et si il ne réagissait pas je laissais.

MD -Et vous avez pas, vous avez pas tenté de, de, de recevoir l’appui d’autres membres du
gouvernement, les gens influents dans le gouvernement qui auraient pu, heu... intervenir, vous avez jugé
de... vous avez pris ça sur vous-même, personnellement, cette situation-là ?

JK -C’est…. si j’ai pris ça sur moi-même, c’est que j’ai, j’estimais qu’il y avait pas suffisamment de
gens, ayant suffisamment d'influence sur lui, qui auraient pu, mieux que moi, faire ce que j’ai, j’étais en
train de faire.

MD -De toutes façons, les membres du gouvernement qui étaient du MRND n'avaient. suivaient la
ligne du parti, tout simplement, et ne se seraient pas opposés à ces activités ?

JK -Je n’ai pas estimé qu’il y avait quelqu'un qui aurait mieux fait que moi, si je l’avais estimé je
l’aurai fait, j’aurai pu le faire.

MD -Ça met un terme à, pour moi, à ce chapitre.

PD -On va tourner le ruban.

Fin de la face A de la cassette # 58.



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Face B de la cassette # 58.

PD -[inaudible] le léger délai là entre le temps de la face A et de la face B, c’est Monsieur Kambanda,
vous avez manifesté le désir d’aller à la toilette. Et Marcel a conduit Monsieur Kambanda à la toilette. Ok.
Monsieur Callixte, savez-vous où il se trouve présentement, est-ce que vous avez des informations à l’effet
que vous pouvez le trouver ?

JK -Non.

PD -Non. La dernière fois que vous avez eu des nouvelles, de ses nouvelles c'était ?

JK -]1 était à Bukavu, en août 96.

PD -Ok.

JK -C’est durant la guerre du Zaïre.

PD -Ok. Ce Monsieur-là, ce Monsieur-là est-ce qu’il se présentait à vous, heu... à vos réunions, à vos
conseil des ministres en treillis militaire, est-ce qu’il lui est arrivé de se présenter en treillis militaire ?
IK “Oui.

PD -Armé?

JK -Oui.

PD -Lorsque vous lui avez rendu visite chez lui, est-ce que c'était quelqu’un qui était habillé de façon,
comme un militaire, ou s’il était habillé en civil ? Est-ce que vous avez en mémoire à cette.

JK -Il était habillé comme un militaire.

PD -En militaire. Majoritairement, est-ce qu’il s’habillait en militaire ou si il s’habillait, si vous avez
en mémoire, lorsque vous le rencontr... lorsque vous avez... est-ce que vous avez une image de lui lorsque
vous le rencontriez à cette époque, est-ce qu’il était en treillis militaire ou si il était en habits civils ?

JK -Ilétait assez souvent en treillis militaire dans la mesure où il rentrait toujours chez lui le soir, après
les réunions du conseil des ministres, avec son treillis.

PD -C’était pas quelqu'un qui avait un passé militaire, c’était pas quelqu'un, c'était pas un...

JK -A ma connaissance, non.

PD -C'’est un homme d’environ quel âge ça ?

JK -Entre 45 et 50 ans.

PD -Entre 45 et 50 ans. Est-ce que vous connaissez, est-ce que vous connaissez sa formation ?

JK -Oui.

PD -C’était ?



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JK -Ilest ingénieur des mines et licencié en planification économique.

PD -C’était quelqu'un d’instruit ?

JK -Très instruit.

MD -Comment était-il heu perçu au sein du conseil des ministres ?

JK -Je sentais qu’il y avait des gens qui n’appréciaient pas son comportement.

MD -Est-ce que c’était une personne influente, est-ce qu’il était influent, est-ce que c’était une personne
qui intervenait beaucoup et qui apportait des, des idées ?

JK -Non.

MD -C’est pas, c’est pas quelqu'un qui heu, qui était heu... porté à faire des discours ou à intervenir ?
JK -Non, je. je n’ai pas senti que c’était quelqu’un qui, qui pouvait influencer les débats, non. Ce
n'était pas quelqu’un qui avait des arguments convaincants.

MD -Alors, pour heu... ceux qui étaient pas avec lui, heu... on pouvait aussi le craindre, on connaissait
sa, Sa, sa position et on s’opposait pas à lui.

JK -C’était l’attitude générale, oui. Non seulement pour les membres du gouvernement mais pour
l’ensemble de la population, dans le pays, à l’époque.

PD -Ok. On peut passer au chapitre suivant si vous avez pas autre chose à ajouter. Est-ce que vous
voyez autre chose à ajouter sur ce chapitre-là ?

JK -Je n’ai rien à ajouter.

PD -On peut peut-être passer au chapitre suivant, [inaudible].

JK -8.4.2, concerne la ministre de la Famille et de la condition féminine, Pauline Nyiramasuhuko. Ma première rencontre avec elle date du jour de l’enterrement de l’ancien président du MRND, feu Rugira Amandin [phonétique], à Butare, en 1993, ou vers 1993. Elle occupait déjà un poste de ministre pour le MRND à cette époque. Je la connaissais de renom, mais je n’avais jamais eu de contacts avec elle, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Ce premier contact fut très protocolaire mais je pouvais maintenant associer une personne à son nom. J’assistais à cet enterrement dû à l’importance du personnage, et à mes postes politiques et professionnels, cet homme ayant été président du conseil d’administration de la banque populaire de Ngoma, et même membre du conseil d'administration de l’union des banques populaires du Rwanda, y représentant la préfecture de Butare. En plus j’avais une raison personnelle et familiale, une des épouses de mon père étant sa soeur. La rencontre suivante se fera lors de ma nomination comme premier ministre, le 8 avril 1994, elle était déjà présente à cette réunion, accompagnant les autres



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ministres du MRND. Parmi ceux-ci, à part le ministre de la Défense qui était absent, mais que je
connaissais pour des raisons professionnelles, elle était la seule personne ministre du MRND), selon moi,
je peux faire erreur, avec qui j’avais parlé auparavant. J'étais intéressé de savoir comment ces gens avaient
vécu ces derniers événements, les sachant les mieux informés pour me permettre de me faire une opinion.
La sachant très attachée aux gens de sa région, j'étais relativement assuré d’avoir l'information que je
souhaitais avoir. Elle habitait, comme la plupart des ministres, Kimihurura. Certains d’entre eux furent
assassinés comme Landouald Rudasingwa [phonétique], Tutsi du PL, originaire de Kigali-rural, Frédéric
Uzamuragaro [phonétique], président du PSD, et puis originaire de Gikongoro. Elle m’informa de ce qui
s’était passé suite à la confirmation du décès du président Habyarimana. Les militaires de la garde
présidentielle sont venus chez elle, et l’ont prise pour l’amener à l’intérieur de leur camp, où elle a retrouvé
certains de ses collègues. Certains autres dignitaires du MRND avaient été évacués. Ils ont occupé un local,
un local relativement protégé à l’intérieur du camp. Les conditions de vie y étaient pénibles, des gens ayant
même été évacués en vêtements de nuit. Ce camp était fortement bombardé à leur arrivée. C’était vers 10
heures-11 heures, le soir du 6 avril 1994. Selon ce qu’elle m’a dit, j’en ai déduit que la personne qui a pris
la décision d’évacuer certains ministres ne pouvait ignorer que lui-même, quand d’autres équipes partaient
avec mission d’en éliminer d’autres, demeurant dans le même quartier [sic]. Elle vivait seule à Kigali, son
mari et ses enfants demeurant à Butare. Les bombardements se sont poursuivis la nuit du 6 et la journée
du 7 avril 1994. Vu l'intensité des bombardements, ils furent évacués un à un, jusqu’à l’ambassade de
France. Le commandant des gardes présidentiels, à cette époque, était le colonel [inaudible]. Ils utilisaient
des routes non-exposées aux bombardements pour se rendre à l'ambassade de France. Ils y ont passé la
deuxième nuit, avant que, avant que je ne la rencontre à la réunion de l’école supérieure militaire. Alors
que nous avions passé la nuit à l’hôtel des diplomates, la plupart des gens du MRND sont retournés à
l’ambassade française. Ceci explique pourquoi ce sont en majorité les familles de ces personnes qui seront
évacuées par les français. Je n’ai pas en mémoire les contacts particuliers avec, entre elle et moi avant le
12 avril 1994 à Gitarama. Arrivée à Gitarama, elle prêta assistance à mon ami Mare Twagiramukiza
[phonétique], afin qu’il puisse récupérer et évacuer sa famille de Kigali, elle utilisa un véhicule ramené par
ses gardes du corps qui appartenait à l'ambassade du Burundi et qui était immatriculé de plaques
diplomatiques. C’est ce véhicule qu’empruntera Marc Twagiramukiza pour amener sa famille de Kigali.
L’ambassadeur récupérera son véhicule plus tard des mains de Pauline Nyiramasuhuko, l’ayant reconnu

lors d’une visite qu’il m’a faite. Elle se verra assigner un autre véhicule par le ministre des Transports et



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des communications dont c’était la fonction. S’il n’y avait pas de conseil des ministres à l’agenda, elle se
rendait dans sa famille à Butare. Le conseil des ministres prit la décision au tout début du gouvernement
à Gitarama, de centraliser l’argent disponible dans chaque préfecture chez chacun des comptables
préfectoraux, afin d’éviter les détournements par ceux-ci. Concernant la préfecture de Butare, le ministre
des Finances ne savait pas comment localiser le comptable préfectoral pour récupérer son argent. Pauline
Nyiramasuhuko l’informa de sa disponibilité à l’y conduire. Ensemble ils se rendirent dans la commune
de Runyinya où habitait le comptable. Celui-ci remit l’argent. On apprendra que ce comptable aurait été
assassiné, meurtre qui fut attribué à Pauline Nyiramasuhuko, étant la dernière personne l’ayant vu vivant,
selon les gens de sa colline. Je ne peux déterminer la date où j’ai appris ce meurtre, n’étant pas
personnellement concerné. J'ajoute qu’elle m’a dit qu’elle aurait de la difficulté à expliquer cet événement,
ne sachant pas réellement ce qui s’était passé. Dans le cadre de la pacification du pays, le gouvernement,
avant le 23 avril 1994, avait attribué à des ministres désignés des régions à pacifier. Dans ce cadre, Pauline
Nyiramasuhuko se vit attribuer la préfecture de Butare. Ce qui peut justifier sa présence dans cette
préfecture, de toutes façons elle y résidait avec sa famille. Elle prendra sous sa responsabilité le transfert
des réfugiés de la ville de Butare sur la colline de Umubano [phonétique], où était situé le plus important
camp de déplacés autour de Butare. Ceci explique sa présence dans certaines communes de Butare. Ceci
explique également pourquoi je me faisais accompagner par elle dans mes déplacements dans cette
préfecture. Ayant eu à voyager de façon régulière avant et après les massacres, ayant officiellement été
affectée à la pacification vers le 23 avril 1994, les massacres y ayant débuté vers le 19-20 avril 1994,
j'estime qu’elle devait être à même d’expliquer et d’informer sur ce qu’elle a vu, fait ou entendu à propos
des massacres dans cette préfecture de Butare. Je n’ai pas de connaissance de faits précis sur sa
participation personnelle aux massacres, mais, 1. il y avait une barrière juste devant son hôtel Thubriyo
[phonétique], qui lui servait aussi de résidence, situé devant l’école des sous-officiers de Butare. Je connais
l’hôtel pour y avoir passé deux nuits, minimum, pendant cette période, je peux témoigner de la présence
de cette barrière. L’information que j’ai recueillie auprès des gens fait était de la liquidation de plusieurs
personnes, majoritairement des étudiants de l’université sur cette barrière. La présence de son fils, Shalom
Ntahobali, sur cette barrière a été notée. De la façon dont cette barrière était située, de l’extérieur même
de l’hôtel, il était possible de vérifier ce qu’il s’y passait. Mais vu que j’y ai passé, était en mai, avec point
d'interrogation, et juin 94, période où les massacres n’étaient pas en cours dans la région, où je me trouvais

là [sic]. 2. j'ai vu que Shalom Ntahobali utilisait une camionnette Peugeot qui aurait appartenu à un



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commerçant de Butare, un certain Rwaboya [phonétique], dont j’ai appris l’assassinat. Je n’ai pas été
témoin de cet assassinat mais le fait que Shalom Ntahobali utilise publiquement ce véhicule me laisse croire
qu’il peut exister une relation entre l’assassinat et l’appropriation de ce véhicule. J’ai vu, accompagné de
Nyiramasuhuko Pauline, lors de mon séjour à son hôtel, son fils Shalom utiliser cette Peugeot blanche.
Pour rappel, le général de brigade Gatsinzi était commandant de l’école de sous-officiers de Butare. La,
la...

MD -On parle de la Peugeot blanche.

JK -La Peugeot blanche était souillée d’huile de vidange en guise de camouflage, comme il était
d’usage de le faire pendant cette période. J’ai connu Shalom Ntahobali lors de mes visites à l’hôtel en 1994.
À cette époque, j’ignorais que cette camionnette ne lui appartenait pas. Je n’apprendrai que pendant l’exil
par quelqu’un qui est étranger à sa famille, que le véhicule qu’il utilisait provenait de ce commerçant.
Shalom Ntahobali vendra même ce véhicule à Bukavu avant de se rendre avec sa femme au Kenya via la
Tanzanie. 3. j’ai appris en exil l’assassinat d’un commerçant connu de Butare, Semanzi François
[phonétique]. Il aurait essayé de se cacher mais l’équipe des tueurs de Butare l’aurait retrouvé sous le toit
d’une maison du quartier commercial avant de le conduire dans un boisement où l’on assassinait les gens.
L'équipe était composé de jeunes de Butare, dont Shalom Ntahobali. 4. des gens qui avaient trouvé refuge
à la préfecture de Butare y étaient extraits de nuit par l’équipe mixte de civils et de militaires pour ensuite
être assassinés. Afin de démontrer que les gens n’étaient pas éliminés, certains Tutsi survivants auraient
été gardés à la préfecture et exhibés lors des visites de la Turquoise ou du cardinal français en visite au
Rwanda en mai 1994. Lorsque je m’informais auprès de Pauline Nyiramasuhuko des gens que je
connaissais personnellement comme Tutsi de la ville de Butare, elle me répondait que la plupart des
intellectuels et des commerçants de la ville avaient fui vers le Burundi, me citant en exemple le
commerçant Bihurira [phonétique]. Par la suite,

pendant mon exil à Bukavu, j’ai appris qu’une des filles de cet homme aurait été cachée par Ntahobali
Shalom dans la cave de leur hôtel. Elle devait toujours.elle devrait toujours être vivante. Les vérifications
que j'ai faites par la suite tendent à me prouver le contraire. Les exemples suivront, après mes recherches,
le professeur Pierre-Claver Karenzi [phonétique] a été assassiné devant l’hôtel Faucon, décapité, et la tête
exposée sur la barrière pendant une ou deux journées, le professeur Muvyia Albert [phonétique],
démissionnaire du MRND), né de père Tutsi et de mère Hutu, fut aussi assassiné. Ce sont deux exemples

de personnes dont je connaissais, dont je connais l'élimination. Lorsque j’ai appris le décès de ces



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personnes, j’ai vérifié auprès de Pauline Nyiramasuhuko, et elle m’a confirmé ces faits sans toutefois
apporter de précisions. Voila donc en ce qui concerne les témoignages sur la personne du ministre de la

Famille et puis de la femme.

PD -Vous débutez votre, votre déclaration concernant, relativement à Pauline, en disant que ça peut
paraître curieux que vous ne la connaissiez pas avant 93. Avant l’enterrement là de, du Monsieur que vous
citez dans votre déclaration, pourquoi ça pourrait paraître. comment expliquez-vous le fait que ça pourrait
apparaître curieux aux gens que vous ne la connaïssiez pas avant ?

JK -C’est que durant toutes vos interrogatoires [sic] vous m’avez toujours associé à elle. Donc, que,
si je me réfère à ce que vous, comment moi j’interprète, comment je perçois mes relations avec elle, il, pour
vous c'était soit un membre de ma famille ou quelqu’un qui, qui m’était déjà connu depuis plusieurs
années.

PD -Ok. Est-ce qu’il est, est-ce qu’il est, est-ce qu’il est exact de, de penser que pendant la période dont
nous discutons présentement, l’été 94, vous étiez fréquemment avec Pauline ?

JK -Oui, j'étais fréquemment avec elle.

PD -C'’est peut-être pour ça que les gens pouvaient aussi croire, parce que j”’imagine quand vous dites
les gens dans votre déclaration, vous devez pas parlez de nous, parce que vous auriez dit les enquêteurs ?
JK -Je l’ai dit pour vous. C’est vraiment pour vous.

PD -C’est vraiment pour nous.

JK -Oui.

PD -Ok. Alors. pour nous, pour que ce soit clair aussi, pour les gens qui vous rencontraient, est-ce que
le fait de vous voir fréquemment avec Pauline, a pu leur permettre de croire que vous la connaissiez
auparavant ?

TK -Probablement dans la mesure où je suis de Butare, elle est de Butare, donc les gens pouvaient dire
“ils se connaissaient bien, bien avant”. Mais moi, ce que je vous dis là, c’est, c’est la vérité.

PD -Ok, c’est ça, c’est que vous, vous vous aviez pas eu de relations avec cette dame-là auparavant.
JK -Jene l’a, je, physiquement je ne la connaissais même pas. La première fois que je l’ai vue de mes
yeux c’est à cette époque-là.

PD -Est-ce que dès, est-ce que. avant cette époque-là est-ce que... elle avait déjà subi des caricatures

dans les journaux, parce qu’on sait que c’est quelqu’un qui a été beaucoup caricaturé par les étudiants de



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l’université, alors est-ce que... avant ça est-ce qu’on, est-ce qu’on avait pu voir de ces caricatures dans les
journaux ?

JK -Ça ne me préoccupait pas, donc j’avais déjà entendu parler d’elle dans la mesure où c’était, ça
paraissait anachronique à certaines personnes qu’elle soit à l’université, étudiante en tant que. alors que
son mari était recteur, donc c’était toute une série d’histoires que les gens racontaient sur elle, mais ça ne
me préoccupait pas.

PD -Son mari, est-ce que lui c’est quelqu’un que vous connaissiez auparavant ou si c’est quelqu'un que
vous avez développé une... une connaissance pendant cette période-là ?

JK -Disons que lui je l’avais déjà vu, mais on ne s’était jamais parlé. Je l’avais déjà vu, en tant que
responsable de l’université, et même quand il n’était que directeur de, de l’IPN à l’époque où j'étais
étudiant, au groupe scolaire de Butare, mais je... je ne lui avais jamais adressé la parole.

PD -Pendant cette période-là, est-ce que c’est quelqu’un que vous avez fréquenté fréquemment ?

JK -Oui, je l’ai fréquenté.

PD -Est-ce que vos familles ont quitté le pays ensemble ?

JK -Oui.

MD -Quand vous dites que vous la connaissiez de renom, c'était, qu'est-ce que vous voulez dire, vous
la connaissiez de renom ?

TK -Non...

MD -Est-ce qu’elle avait une réputation particulière ?

JK -Non, en tant que mi... c’est la, l’une des premières femmes à avoir été nommée ministre sur une
vingtaine d’années, donc on ne pouvait pas ne pas s’intéresser à connaître qui est cette personne-là, et puis
le fait qu’elle ait été à l’université à un âge plutôt avancé, ça, ça avait, rendu plutôt populaire.

MD -Mais est-ce que c’était une personne qu’on entendait parler beaucoup effectivement, heu, comme
une première femme qui était, qui était ministre mais aussi, est-ce qu’elle pre... c’était quelqu'un qui prenait
position ou qui était souvent dans l’actualité, qu’on citait dans les journaux, dans les, dans les, à la radio,
tout ça ?

JK -A l’époque, c'était l’époque du multipartisme où, où les partis politiques se cherchaïent des poux
dans les cheveux, donc oui.

MD -Elle prenaït, c’était une personne qui intervenait souvent ?

JK -Oui.



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MD -Elle prenait position ?

TK -Pour son parti, oui.

MD -Pour son parti. Et quel, quel, quelle position avait-elle ?

JK -Non, je n’ai pas de position, je ne connais pas de position particulière qu’elle prenait, mais elle
défendait son parti, le mieux qu’elle pouvait.

MD -Est-ce qu’elle s’opposait au multipartisme ?

JK -Je..

MD -Ouvertement ?

JK -Je ne crois pas qu’elle. que quelqu’un aurait pu s’opposer au multipartisme, c’est à dire que le,
si les gens se sont opposés au multipartisme, c’est avant le multipartisme, mais pendant le multipartisme
personne n’aurait pu, n’aurait pu avoir le, la force pour s’opposer au multipartisme, donc on ne pouvait pas
s’opposer au multipartisme.

PD -Qui était une volonté du président.

JK -Volonté du président, je ne crois pas.

PD -Non?

JK -Non. C’est la volonté de la population.

PD -La population avaïit fait que le président avait autorisé le multipartisme ?

JK -Oui, alors comme elle, elle n’a pu apparaître qu’avec le multipartisme, elle ne pouvait pas
s’opposer au multipartisme, puisqu’avant le multipartisme on ne la, on la connaissait tout simplement
comme étudiante, donc... elle ne pouvait pas s’opposer au multipartisme comme tel.

MD -Dans ses interventions est-ce qu’on, est-ce qu’on pouvait quand même percevoir des prises de
position ethniques ?

JK -Je n’ai pas suivi ses interventions avant avril 94. Dans la mesure où on n’était pas du même parti,
on était plutôt dans des partis opposés, directement opposés, étant dans une région où la concurrence
politique était. peut-être une des régions où la concurrence politique était la plus forte, donc on ne pouvait,
il n’y avait pas d’alliance possible, disons à cette époque, entre mon parti et le sien.

MD -Mais, quand même, elle était. le fait que c’était une femme, elle était plus en évidence que les
autres ? C’était une des raisons ça, qu’on la voyait plus ou qu’on l’entendait quand même beaucoup, parce
qu’elle était femme ?

JK -C’est à dire que oui et non. Oui parce que dans la préfecture de Butare c’était l’une des rares



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préfectures qui avaient deux femmes ministres, dont l’une était de mon parti. Donc ce qui fait que il y avait
souvent de, certaines confrontations entre les deux dames sur des sujets politiques, c’est là où, la seule
préfecture où on pouvait effectivement avoir deux leaders femmes sur le plan politique, et pour la première
fois depuis une trentaine d’années.

MD -Alors au niveau de votre, de votre parti, vous aviez, au niveau de votre parti vous aviez une raison
particulière de suivre son cheminement de plus près, parce qu’il y avait une autre femme qui... alors ça
devait être le sujet de, de conversation, le sujet de, de, d’interventions, là, lors de vos réunions ?

JK -D'interventions peut-être non, mais le suivi oui.

PD -Est-ce que Madame Pauline est reconnue ou était reconnue à cette époque-là comme étant une
personne qui avait des opinions et puis une façon de rendre ses opinions assez colorées ? C’était une
personne qui sans détour allait, dans ses discours, allait directement au point ?

K -Je ne comprends pas bien votre question.

PD -Vous ne comprenez pas bien. C'était quelqu'un qui était direct dans ses discours ?

JK -Vous me parlez de quelle époque ?

PD -Je parle de l’époque, là, avant le, avant le, avant avril puis pendant avril, le temps que vous vous
avez été avec.

JK -Avant avril, je ne peux pas qualifier.

PD -Vous ne la connaissiez pas ? Vous la suiviez pas ?

JK -Je ne la connaissais pas, je ne la suivais pas.

PD -Donc après avril, quand vous vous la suiviez, est-ce que c'était quelqu'un qui était, ou comme
membre de votre gouvernement, c’était quelqu’un qui tenait des propos forts et directs ?

JK -Oui.

PD -Sans interprétation ?

JXK -Non.

PD -Puis les propos qu’elle tenait c’était des propos anti-Tutsi ?

JK -Oui.

PD -Directs, il y avait pas. il y avait aucune interprétation possible ?

K -Non.

PD -Est-ce que ça vous a déjà été un sujet de discussion entre elle et vous ?

JK -Oui.



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PD -Est-ce que c'était sous forme de remarque, c’était sous forme de... par, disons comme, par amitié,
quelqu’un qui se connaissent ou qui, vous voyagiez ensemble, ou si c’était vraiment une remarque que vous

avez faite, une remarque de ministre, de premier ministre à ministre ?

JK -Non, c'était des. sous forme de suggestions.
PD -Sous forme de suggestions.
JK -Suggestions. au niveau du comportement.

PD -Ok. Quel était son comportement pour que vous en veniez à lui demander de, de modifier son
comportement ?

JK -Non, c’est que elle ne me semblait pas comprendre la vraie situation qui était en cours. Pour moi
le problème n’était pas un problème des populations civiles Tutsi, ce n’était pas le, la guerre qu’il y avait
ce n’était pas une guerre entre des populations civiles Tutsi et des populations civiles Hutu, il y avait un
groupe armé, qui avait attaqué, et c’est ce groupe-là qu’il fallait combattre, donc fallait pas s’en prendre
aux populations comme telles, puisque les populations, la plupart des gens que je connaissais
personnellement, des Tutsi de ma, de ma commune, ou de ma région, n’y étaient pour rien, ne savait même
pas ce qu’il se passait, ils ne pouvaient même pas comprendre ce qu’il se passait. C’est ça que j’essayais
de lui faire comprendre. De lui faire partager.

PD -Alors si je comprends bien ce que vous venez de nous expliquer là, c’est qu’elle, elle voyait une
solution en s’attaquant aux populations civiles Tutsi ?

JK -Ce n’était pas une opinion qu’elle, qu’elle était la seule à avoir. C’était une opinion qui, dont.
PD -Non, mais là on parle d’elle précisément.

JK -Oui.

PD -C'était, c'était une opinion que elle émettait, que la solution...

JK -Qu’elle partageait.

PD -Partageait. Mais elle comme ministre elle émettait cette opinion là ?

JK -Elle pouvait émettre ça, oui.

PD -Est-ce qu’elle l’émettait ou si elle...

JK -Elle pouvait l’émettre, puisque elle l’émettait ça veut dire que je dois dire je l’ai entendu émettre.
PD -Ok. Donc vous avez pas assisté à ses discours si je comprends bien ?

JK -Je n’ai pas assisté à ses discours.

PD -Ce qui vous a été rapporté de ses discours c’est quoi ?



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JK -C’est ce que je viens d’expliquer.
PD -C’est qu’elle pouvait émettre ou qu’elle émettait ?
JK -Qu’elle pouvait émettre.
PD -Qu'elle pouvait émettre. Vous savez, je vous demanderai d’être plus précis, parce que. pouvoir
émettre, est-ce que ça ça veut dire qu’on peut le faire mais ça veut pas dire qu’on l’a fait.
XK -Non, c’est à dire...
PD -Est-ce que vous, ce qui vous a été rapporté c’est qu’elle l’a fait ou si ça vous a pas été rapporté
qu’elle l’avait fait ? Qu’elle avait tenu des discours incitant à la violence puis incitant à, incitant à la
violence puis incitant aux actes réprimant ou de, de, de tueries envers les Tutsi ?
JK -Non, parce que les... entre les actes donc l’incitation directe à la violence et l’interprétation des
discours, je fais une distinction. Ce qui m’a été rapporté c’est les discours qu’elle a faite [sic] ont été
compris comme incitant à la violence.
MD -Mais est-ce qu’elle avait pas. quelle était sa définition de l’ennemi, elle, c’était quoi, de quelle
façon, c’était qui l’ennemi pour elle ?
JK -Non, pour elle l’ennemi, bon, je ne peux pas dire elle m’a donné une définition. Mais c’est

l’impression qu’elle me donnait. L’impression qu’elle m’a donnée c’est que pour elle l’ennemi c’était le

Tutsi.
MD -Çac'est….
JK -Ça c’est l'impression que j’ai eue d’elle. Mais ça je ne peux que... je ne peux pas dire j’ai entendu

dans un discours, ou je l’ai vue publiquement en train de donner ce message-là.

MD -Mais, elle a pris position, c’est une femme qui prenait position, c’est une idée qu’elle a quand
même exprimée clairement et publiquement ?

JK -Oui, oui. Mais dans des cercles restreints, je ne l’ai pas entendue publiquement dans un discours
public ou il y avait une réunion publique où elle exprimait ça, mais dans les discussions, quand vous
discutez comme ça, oui, elle pouvait exprimer ça.

MD -Mais est-ce qu’elle n’a pas aussi, heu, lors des réunions du gouvernement, qu’elle ne prenait pas
position très clairement là-dessus ? Dans, dans, dans vos réunions, est-ce que, est-ce qu’elle ne prenait pas
vraiment position, qu’elle ne se prononçait pas très clairement sur sa position ?

JK -C’était pas quelqu’un qui prenait, disons, la parole pour dire ce qu’elle pensait comme ça. Si vous

discutez avec elle, oui, elle vous le dit, mais ce n’est pas une personne qui, qui, qui a influencé les



T2k7#58 du 15/05/98. -29 juin 1998 (11h35) 24


#0055634

décisions, qui apportait ses idées au niveau du conseil des ministres.

MD -Peut-être qu’on mentionnait déjà que, en débutant à parler, on avait l'impression que c'était, c’était
quelqu'un qui était, qui prenait position très fièrement puis qui, qui n’avait, qui ne voyait qu’une solution
au problème.

JK -Oui, mais ça c’est quand vous discutez avec elle, donc si vous discutez avec elle, elle vous dit ‘non,
écoutez, la solution c’est, tous ces Tutsi-là qui nous attaquent”, mais disons, au niveau de la prise de
décisions, des réunions, il était difficile, plus, plus, disons, elle ne prenait pratiquement pas la, la parole
comme telle.

PD -Est-ce qu’elle avait de la crédibilité gouvernementale, de la crédibilité ministérielle pour justement

prendre la parole devant les autres ?

JK -La crédibilité, je ne crois pas.
PD -Non?
JK -Je n’ai pas eu cette impression, je n’ai pas eu l’impression que les gens s’attendaient à, disons des

arguments ou des idées fortes de sa part.
PD -Ten fifty-seven.

MD - {inaudible]

Fin de la face B de la cassette # 58,



T2k7458 du 15/05/98. -29 juin 1998 (11h35) 25

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