Fiche du document numéro 22165

Num
22165
Date
Lundi 22 septembre 1997
Amj
Taille
1097670
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 1D [But de ma démarche - Bref rappel de l'histoire du Rwanda]
Tres
Jean Kambanda explique sa démarche d'aveu
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
+2
(en!
37

Cassette 1D - Jean Kambanda & à



[Face A]

PD M. Kambanda, cette interrogatoire est présentement enregistré. Nous sommes dans une
maison située à Dodoma, en Tanzanie, dans une pièce située à même cette maison, puis, euh,
nous allons, euh, considérer cette pièce-la comme une salle d’interrogatoire à partir maintenant.
C'est d’ailleurs l'endroit nous avons travaillé depuis longtemps. Il est aujourd’hui le 22
septembre 1997, à 15 h 40. Les personnes présentes, y compris vous, M. Kambanda, seront.….sont

priées….sont priées de décliner leur...leur identité s’il vous plaît, en débutant par vous, S.V.p.
JK Jean Kambanda (JK).

PD Oui. Ok. M. Desaulniers est ici.

MD Marcel Desaulniers (MD). Je suis enquêteur au Tribunal International pour le Rwanda.

PD Pierre Duclos, enquêteur au Tribunal International du Rwanda. Bon, M. Kambanda, à la
fin de l’interrogatoire, on scellera la cassette. une des deux cassettes dans une enveloppe, puis
qui ceux seront présents, on va signer sur cette enveloppe. Ensuite, aussitôt que ce sera possible,
à vous ou à votre représentant, il sera remis une copie de cet enregistrement. Je vais maintenant
vous lire, euh, l’Avis des droits du suspect.
Avant de répondre à une question, vous devez comprendre vos droits. En vertu de l’article 42 et
43 du Règlement de Preuves et de Procédure du Tribunal pénal international pour le Rwanda,
nous devons vous informer que notre entretien est présentement enregistré et que vous avez les
droits suivants :
1. Vous avez le droit d'être assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les services d’un
avocat sans frais, si vous n'avez pas les moyens financiers de payer les services d’un

avocat.

2. Vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans frais, si vous ne pouvez pas

comprendre la langue utilisée lors de l’entrevue.



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3. Vous avez le droit de garder le silence, si vous le souhaitez :
4. Toute déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourrait servir de preuve contre vous.
5. Si vous décidez de répondre à nos questions, sans la présence d’un avocat, vous pouvez

arrêter l’entrevue en tout temps, et réquérir les services d’un avocat.

En bas ici, il y a...sur la même feuille que je vous présente, il y a la rénonciation aux droits. On
y lit : J’ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l’énoncé de mes droits. Je
comprends l’étendu de mes droits. Je comprends également que ce que je dis est
présentement enregistré. Je comprends et je parle la langue utilisée lors du présent
interrogatoire, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un interprète qui m’a été assigné.
Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une déclaration. J’affirme, en toute
connaissance de cause, que je ne désire pas d’avocat à ce moment. Aucune promesse
ni menace ne m’a été faite et aucune pression n’a été exercée pour moi.

On voit, sur le document, que la Signature du suspect, le nom du suspect, la date, l’heure et le
lieu ; le signature du témoin, le nom du témoin, la date, l'heure et...

Si vous voulez prendre connaissance de cet avis-là, si vous êtes d’accord. Si vous voulez le

signer avant qu’on commence, S.V.P.
MD Est-ce que vous désirez le signer ?
JK Oui.

MD Vous êtes d'accord ?

JK Je suis d’accord pour le signer.

PD Ok. Peut-être indiquer la date, l’heure et le lieu là.



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&

3
Cr
Cx
D

MD La date est le 22 septembre.

PD Le 22 septembre. Moi, à mon heure, j'ai 15 h 43... Quarante-trois !

Marcel, tu signer sur la partie

MD Ok. Je vais signer signature du témoin.

PD Comme on a déjà discuté, je pense que votre déclaration, vous désiriez commencer par
un chapitre que vous aviez intitulé « Le but de ma démarche ». C’est ça le but de la démarche
?

JK C’est ça.

PD C'est..Est-ce que vous êtes prêt à lire ça ? Est-ce qu’il y a certaines parties que vous prêt

à...à procéder ?
JK On devait...on devait expliquer que, euh, il y a déjà un document qui...

PD Oui, c’est ça, il y a déjà un document qui a été, euh, qui sont faits à partir des notes de

l’enquêteur, qui ont été remises à M. Kambanda, que vous avez retravaillés.…
JK Oui.

PD puis que là vous...c’est..c’est votre produit final que vous semblez prêt à lire ici

aujourd’hui. C'est ça ?
JK Oui.

PD Alors, si vous voulez procéder à la lecture, on va suivre en même temps, nous, sur les

notes non modifiées que nous avons.



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JK C’est comme vous le dites le premier point que j’ai intitulé « Le but de la démarche ».
Contenu de la responsabilité que j'ai eue à assumer en tant que Premier Ministre du
Gouvernement intérimaire, entre avril et Juillet 1994, je suis conscient qu'aucune démarche ne
peut me soustaire de la justice et que dans tous les cas..je.je…dans les cas d’espèce, j’assume
une certaine responsabilité dans les événements qui ont eu lieu au Rwanda au cours de cette
période. Au cours de l’exil, j’ai beaucoup réfléchi à cette situation, et parallèllement, je me
demandais quel pouvait être l’issu de la tragédie rwandaise. J’ai fait le constat suivant : d’un côté,
c’est-à-dire, les gens qui étions susceptibles d’être accusés d’avoir commis le génocide, des
crimes contre l’humanité et/ou les violations des droits humanitaires, nous faisions tout pour nier
même les évidences, par exemple, le fait que des gens soient morts entre avril et juillet 94,
uniquement du fait de leur appartenance ethnique. On allait même jusqu’à nier tout simplement
que des gens aient été tués au cours de la période sous examen. Pour cela, nous nous fabriquions
des alibis au sein desquels le mensonge avait une place de choix. Du côté de ceux qui, de près
ou de loin, étaient appelés à nous accuser, tous les énergies étaient déployés pour produire des
preuves Contre nous, même si parfois il fallait trahir la vérité. Du côté de la communauté
internationale, en général, face à l'horreur, tous les moyens étaient également bons pour
rechercher et punir sans discernement ceux qui sont qualifiés de coupables, y compris des
moyens qui d'habitude sont contraires à l'éthique et au droit international, du genre : retour forcé
des réfugiés, ou la non assistance à ces derniers. Face à cette situation, je n’avais que deux choix
pour préparer mon propre procès qui ne pouvait, comme je l’ai dit au début, ne pas avoir lieu :
faire tout le monde en cherchant à nier tout ou une partie des faits qui me seraient reprochés, et
de ce fait, refuser de contribuer à la recherche d’une solution à un problème que je savais
complexe ou dire tout ce que je savais, c’est-à-dire, toute la vérité, tout en espérant pouvoir ainsi
donner ma modeste contribution à la résolution de ce qui aujourd’hui considéré comme Ja plus
grave tragédie de la fin de ce vingtième siècle. En choisissant la vérité, j'étais bien conscient des
conséquences que cette option induisait sur moi-même, ma famille, mon entourage et mon pays
dans l’ensemble. Mais en moi-même, j'étais disposé à les assumer, parce que je me disais que
c'était le prix à payer pour apporter ma modeste contribution pour une véritable réconciliation
entre les Rwandaïis, tout en espérant que cette voie seraient suivie par d’autres dans les deux
Camps qui s'opposent. Face à un environnement que je savais très hostile à une telle option, je

me devais d’être prudent et de préparer ma démarche dans la plus stricte discrétion, même si,



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comme je l’avais déjà annoncé à une équipe de sénateurs belges en visite dans les camps au Zaïre
en septembre 1994, et à un journaliste belge de la revue Trait d'Union en septembre ou octobre
de la même année, même si donc mon choix était déjà, à cette époque, arrêté. Ma démarche

devait se faire en trois étapes qui, d’après moi, se complétaient :

i) quel a été mon propre rôle au cours de la tragédie d’avril-juillet ’94 ? Je savais qu’en tant que
Premier Ministre au cours de cette période, même si je sais quelle part, quels moyens, je
parvenais par l'absurde à démontrer que je n’avais rien vu, rien entendu, ma responsabilité

resterait malgré tout engagé, ne serait-ce que justement par omission ;

ii) quelle a été la responsabilité des autres autour de moi dans cette tragédie ? S’il y en a...S'il
n'ya,en principe, pas de difficulté réelle à me situer personnellement au cours de la période
d’avril-juillet 94, il beaucoup plus délicat, pour ne pas dire plus risqué, de chercher à déterminer
le rôle de mon entourage dans ces événements. Ce sera donc la tâche la plus difficile autour de
cet...de cet exercice, compte tenu de l’état d’esprit qui régnais au sein de la communauté des

réfugiés rwandais au début de notre exil :

ili) quelle est la part de responsabilité du FPR et de la communauté internationale dans la
catastrophe rwandaise ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce fut la partie la plus facile
à élaborer dans la mesure où tout le monde semblait disposer à y apporter sa propre contribution
et surtout dans la mesure où il m'était plus facile de justifier une telle démarche auprès des
réfugiés. J’ai donc commencé par rassembler des éléments pour la constitution du dossier sur le
rôle du FPR et de la communauté internationale dans la tragédie rwandaise, en général, et, à
partir d'avril de..1994, en particulier. Pour ce faire, j'ai actionné, dès le début de l’exil, le service
des renseignements, ou ce qui en restait, pour qu’il même des enquêtes auprès des réfugiés sur
le rôle joué par le FPR et la communauté internationale au cours de cette guerre. J'étais bien
conscient que les résultats que nous obtiendront n’auront aucune crédibilité auprès de l’opinion
internationale, contenu du peu de crédit que nous avions nou-mêmes auprès d’elle. J'ai donc fait,
en collaboration, bien entendu avec d’autres, la promotion de création des associations de
réfugiés pour la publication des résultats de ces enquêtes. C’est dans ce cadre que vut le jour,

Solidaire Rwanda, a.s.b., qui publia, en trois volumes, les résultats de nos enquêtes au Sud-Kivu,



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K 47563

au Burundi, et en Tanzanie, sous le titre « Les Non Dits sur les Massacres au Rwanda ». La
deuxième association s'appelait LIRDHO (Ligue des Réfugiés Rwandais pour les Droits de
l'Homme), qui publiera surtout les résultats des exactions commises après juillet 1994. La
troisième association a AJPR (Association justice et paix au Rwanda) vut le jour dans les camps
des réfugiés du Nord-Kivu, et s’opposa à la centralisation des résultats des enquêtes par ce
Solidaire Rwanda a.s.b.I., préférant les publier elle-même, même si les enquêtes avaient été
menées par des équipes mises en place par mon service de renseignements. Les résultats furent
publiés sous le titre « L'autre face du génocide ». Au vu de ces résultats, il a été mise en place une
commission chargée de préparer un document à transmettre au Tribunal pénal international pour
le Rwanda (TPIR). Pour cela, des contacts furent pris avec un certain nombre d’avocats, dont
l'avocat bruxellois, Juan SKIRS, que j'ai rencontré à Bukavu en juin 1995. C’est à lui que nous
avons transmis notre premier document, aux fins de le remettre au TPIR à la Haye. Nous lui

fournirons un deuxième document pour les mêmes fins vers la fin de l’année 1995.

Concernant le rôle joué par les institutions en place entre avril et juillet 1994, il a été mise en
place une commission de juristes qui devait se pencher sur les procédures du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR) et les comportements que justiciables devaient y avoir. Ils
ont produit un document intitulé « Vad mecum pour les justifiables du TPIR ». Il définissait les
crimes qu’on pouvait nous reprocher, les lois qui y seront appliquées, les peines que nous
risquions d'encourir et tracer surtout le comportement à adopter si l’on est appréhendé. Au sujet
de ce dernier point, il est...il était question de tout nier en bloc et ce y compris le génocide et les
massacres eux-mêmes. Comme je l’ai déjà signalé, j’étais personnellement conscient que ce n'est
pas en niant que j’effacerai ma responsabilité en tant que Premier Ministre au cours de cette
période. Mais je ne pouvais pas l’exprimer parce qu'un tel comportement aurait été interprété
comme une trahison, et j'étais assez bien placé pour en mesurer les conséquences. Comme je
savais que dans tous les cas, J'aurais l’occasion de l’exprimer, ce n’était donc partie remise ; j'ai
pris la décision d’attendre.

Des réunions ont donc été organisées sur ce « Vad mecum pour les justifiables du TPIR »
catégorie par catégorie, allant des membres du Gouvernement jusqu’aux rencontres préfecture
par préfecture. À côté de cette démarche d'ensemble, contenu de mon objectif de sortir un jour

toute la vérité sur les événements survenus au Rwanda, je menais des enquêtes parallèlles. Les



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ATSÉA

st

2

plus faciles à mener furent celles relatives aux finances et à l'économie en général. Quant à celles
touchant l’implication des individus et à des actes concrets en rapport avec les massacres, elles
furent plus délicates à mener, pour ne pas dire impossibles. Je ne pouvais rassembler des
informations qu’à travers des conversations avec les concernés ou des témoins, toujours avec la
prudence qu'une telle entreprise imposait dans les conditions qui étaient les miennes dans les
camps. Alors que des rapports confidentiels sur la gestion du patrimoine public pouvaient assez
facilement m'être fournis, et qui ont été saisis lors de mon arrestation, il m'était plus difficile de
recevoir des rapports écrits sur les massacres opérés dans la partie sous contrôle gouvernemental,
même si, comme je viens de le signaler, je pouvais recevoir un certain nombre d'informations

que je n’ai jamais mettre par écrit pour des raisons de sécurité.

Concernant mon propre rôle au cours de la période sous examen, j'ai rassemblé tous les
documents à ma disposition : agendas, cassettes audios de tous mes discours entre avril et juillet
"94, Ja plupart de mes discours écrits, les principales instructions envoyées aux responsables
politiques et militaires, la justification du peu de fond que j'ai personnellement eu à gérer, etc.
Tous ces documents ont été saisis au cours de mon arrestation, de même d’ailleurs qu’une partie
de la documentation relative à l’implication de la communauté internationale dans le drame
rwandais. C’est donc après avoir rassemblé tous ces éléments relatifs à mon rôle personnel à
celui des institutions en place entre avril et juillet 1994 à Ja part de la responsabilité du FPR et
de la communauté internationale dans le drame rwandais que j'ai décidé à partir de novembre
1995 d'élaborer une sorte de mémoire sur les faits tel que je les ai personnellement vécus. Pour
des raisons de sécurité, j’ai passé sous silence certains passages ou certains faits que je comptais
exprimer au Tribunal le moment venu. Au moment de mon arrestation, ce document était
quasiment terminé et son brouillon dactylographié saisi, J’étais en train de le corriger quand j'ai

été très tôt le matin du 18 juillet 1997.

Ma démarche compte trois objectifs : j'espère pouvoir ainsi contribuer à une meilleure
compréhension des causes immédiates et lointaines à l’origine de ce drame, en circonscrire les
acteurs, et permettre ainsi, du moins, tel est mon souhait, que des mesures soient prises pour que
le pays ne puissent plus jamais revivre la même situation. Je me dis que ma démarche pourra

dénier les langues et permettre à d’autres que moi de se dépasser et d’apporter leur contribution



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h._. 47565

L

à cette recherche de la vérité sur le drame rwandais. La connaissance de cette vérité amenera, je
l'espère, la communauté tant nationale qu’internationale à cesser de traquer tout un peuple aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Rwanda sans que parfois certains sachent eux-mêmes pour
quel motif on s’acharne sur eux.

Ma démarche vise enfin à me libérer personnellement de tout ce que j'ai ou je n’ai pas fait, vu
et entendu au cours de cette période. Au délà de ma responsabilité que je ne peux nier en tant que
Premier Ministre, donc, administrateur du pays, au plus haut niveau, je reste un homme et, à ce
titre, je porte mon propre jugement. La tête froide sur les événements d’avril-juillet 1994. Il est
un fait que la cadence et une certaine vision apocalyptique des événements intervenus au Rwanda
entre avril et juillet ‘94, n'étaient pas de nature à favoriser une appréciation sereine de la
situation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le renouveau, que j'appelle « le tour mes voeux »
passe par la vérité sur les événements survenus dans le pays. J'ai décidé de contribuer. J’ai ajouté

un paragraphe sur le.…..le rôle de la communauté internationale que je lis :

Au sujet du rôle joué dans la tragédie rwandaise par la communauté internationale dans son
ensemble et certains pays en particulier, les informations collectées, notamment auprès de
l'Ambassade du Rwanda aux Nations Unies, nous permettent d’affirmer que certains
responsables de certains pays ont joué un rôle clé dans la.. désengagement de la MINUAR au
Rwanda au cours de la période d’avril-juillet *94. Cette décision a dû peser lourd dans Ja
poursuite et l’intensification des massacres alors que les rapports faits sur terrain
recommandaient à cette même communauté internationale de s'engager militairement entre les

les belligérants pour arrêter ces derniers.

Alors, ça c’est la partie qui concerne le...le.….l’objectif...le but de ma démarche.
MD Ok. Ça, ça résume bien votre pensée ?

JK Oui.

e

MD Est-ce que vous avez autre chose que vous voulez ajouter là-dessus ou c’est vraiment la

façon que vous voyez ?



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J
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CN
MN

JK C’est la façon que je vois.

MD D'accord.

PD Marcel, tu as des questions à poser là-dessus, toi ?

MD Non, j'ai pas de questions à poser là-dessus.

PD Ok. Moi, il y avait, au début de votre texte, vous dites que « je savais bien, je sais à
quelles conséquences je m'expose, moi et ma famille et mes amis ». Quelles sont les
conséquences que vous pouvez anticiper à ce moment-ci de...de la démarche que vous voyez ?
JK Puisque dans ma démarche, je serai obligé de parler des faits qui touchent des personnes
autres que moi-même ; et je serai donc, en quelque sorte, témoin des événements

que.….aux.….auxquels j'ai...je..j'aurais assisté ou auxquels des informations m’auraient été

apportées ; ce qui comme tout autre témoin peut avoir des conséquences sur moi-même et sur ma

famille.
PD Ok, je...
JK notamment au niveau de la sécurité.

PD Justement, c’est ça. C’est...Le but de ma question était vraiment, parce qu’à deux reprises
vous parlez des conséquences sans les expliquer dans votre...dans votre texte. Vous... Au début
vous parlez des conséquences « sur moi et sur ma famille », ensuite vous employez encore le
même terme qui est « conséquences d’une trahision ». Quelles sont les conséquences anticipées

que vous voyez à une démarche comme ça ?

JK Les conséquences anticipées, euh, peuvent aller de l'insécurité à la liquidation physique

du témoin.



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NS
en
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DS

PD OK. Est-ce que vous identifiez des personnes qui auraient intérêt à procéder à ce genre

d’intimidation ou ce genre de geste ? Des personnes, des organismes, des...des...gens.… ?

JK Moi, je n’identifie pas de personnes comme telles, mais je me...je suis convaincu que les
faits qui ser...qui seront développés, qui ne pourront que impliquer des personnes ou des
Organisations, euh, peuvent conduire certaines de vouloir attenter à ma propre vie ou celle de ma

famille.
PD Ok. Donc, est-ce que vous êtes capable de me spécifier quelles seraient ces personnes,

ces organismes, ces..ces regroupements, ces individus, et ces pays, Je sais pas, qui pourraient,

vous croyez, à ce moment-ci attenter à votre vie, que vous qui pourraient attenter à votre vie ?
JK Non, je ne peux pas les spécifier.

PD Ok.

JK présentement.

PD Dans votre...dans votre ajout, vous allez...vous nous..vous entretenez de la communauté
internationale en disant « certains responsables de certains pays ». Est-ce que vous pourriez
préciser, s’il vous plaît, de quels pays il s’agit et de quels responsables il s’agit.

JK Les documents qui m'ont été remis par l’ Ambassade du Rwanda aux Nations Unies
concernaient, euh, surtout la responsabilité du Ministre belge des Affaires étrangères et du….de

l’Ambassadeur de Belgique aux Nations Unies sur la pression pour que la MINUAR quitte le

Rwanda au moment de la guerre.

PD Ok. Alors, quand vous parlez de « certains pays », est-ce que vous parlez de la

Belgique ?

JK Pour le cas, euh, précis, oui, de la Belgique.



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hf. 47568
PD Ok. Puis les responsables c’est les deux Ministres que vous venez d'identifier ? Est-ce
qu'il y a d’autres..d’autres pays que vous identifier dans ce texte-là..là..que vous pou...qui vous
vient à l’idée que...que ce texte-là inclut ?
JK Pour l'instant, je ne les ai pas mais comme ce document existe, je crois qu’en le con...en
le consultant, on peut trouver d’autres pays qui ont de près ou de loin insisté sur le fait que la
MINUAR devait quitter, euh, le Rwanda au moment où c’étaient les massacres.
MD Ce document-là existe à quel endroit ?
JK Dans les documents que vous avez saisis.
MD Dans les documents que vous avons saisis. Il identifie d’autres pays ?
PD Ok. Au début, euh, au début de...de votre démarche là, on a..a lu votre troisième
paragraphe, vous avez ajouté, euh, le..le texte que vous lisiez quelle est la part de responsabilité
du FPR dans la catastrophe rwandaise. C’était votre texte original. Et vous avez ajouté « et de
communauté internationale ». Est-ce que vous pourriez spécifier un peu le...le...le...le...le...la
raison de... pourquoi vous ajoutez « et de communauté internationale » .. à même titre ou dans le
même paragraphe que le FPR ? Je ne sais si c’est ici.
MD Au3, au 3, au paragraphe 3.

PD Ici, vous ajoutez ici. Vous voyez ?

JK Ça a été un oubli dans la mesure où dans...dans le paragraphe qui précède j’en avais déjà

parlé...
PD Oui. .
JK à où je dis « c’est donc après avoir rassemblé tous ces élément relatifs à mon rôle



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personnel à celui des institutions en place entre avril et juillet 94 à Ja part de responsabilité du
FPR et de la communauté internationale dans le drame rwandais ». Donc...ça...c’était un oubli

de ne pas l'avoir marqué...puisque dans le paragraphe précédent, j'en avais déjà parlé.

PD Moi, ce que j'aimerais vous faire spécifier, est-ce que la...est-ce que selon vous dans le
but de votre démarche les responsabilités sont individuelles ou sont collectives, à Savoir, est-ce
que les responsabilités du FPR sont les mêmes que celles de la communauté internationale. Est-
ce qu’il y a une différence. Est-ce que vous faites une différence à ce stade-ci entre les

responsabilités de chacun ?

JK Je fais une différence nette entre les responsabilités de chacun. Je... Si Je l’ai mis...j’ai
le..c’est une question de texte ou de...ou d'écriture, Ce n’est pas que je lie la responsabilité du

FPR à celle de la communauté internationale. Ça n’a rien à voir.

PD Ok. Moi, c’...Pour moi, c’est à peu près le...les choses que j'avais notées qui...pendant
que vous avez fait la lecture qui m’avaient amener à me questionner. Je ne sais pas si à discuter

comme ça, Marcel, ça t’a amener à d’autres...d’autres interrogations.

MD Moi, je vais..je voulais seulement spécifier avec vous que suite aux déclarations que vous
avez faites, vous désirez poursuivre la démarche que vous nous avez indiquée. Vous désirez

poursuivre le but que vous...vers le but que vous êtes fixé ?
JK Oui, je désire poursuivre, euh, le but que je me suis fixé...
MD D'accord.

PD Ok. En...là on arrive...vous, vous avez divisé Ça parce qu’on avait un peu, lors des
premières fois quand on avait pris des notes, c'était pas classé exactement dans cet ordrel-là.
Vous, c’est vous qui avez fait le travail de classement dans l’ordre de présentation que vous
vouliez le faire. Alors, on arrive au deuxième qui est extrait. Vous intitulez ça : « Extrait de mon

C.v., de mon curriculum vitae », c'est ça ?



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K 47657h
JK Oui, puisque dans les.…jJes Premiers interrogatoires que j'avais passés, vous m'aviez posé
des questions sur mon passé.
PD Parfait.
JK ….Je les avais données. I] fallait que je legroupe tout ce qui concerne mon passé.

PD Ok. Ça je crois que c’est dans les premières pages, ah ?

JK Oui.

MD Letexte [inaudible] avec ça.

PD Yaune..un autre interrogation qui...qui me vient comme ça et je m'excuse, je reviens

2

à l'étape précédente, le but de la démarche, est-ce que les gens vous ont expliqué le...le

PD On vous demandait de nier un événement qui étaient vra.….réellement survenus en avril
‘94 où dans la période d’avril 94. On vous a demandé de nier. Est-ce que les gens vous ont

expliqué pourquoi vous deviez nier ?

JK Ma démar.…

PD Premières des choses...premières de choses, j'aimerais savoir qui sont ces gens, si.

Ah, le...le...ce sera pas long, il faut changer le...de ruban.

[Fin de la Face A]



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 13
&

+

[on



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[Face B]

PD Bon. On va prendre sur l’autre côté du ruban. C’est toujours la même mise-en-garde. Euh,
il y a eu un petit délais de peut-être une ou deux minutes, M. Kambanda. C’est Marcel qui vous
a offert si vous vouliez avoir quelque chose à boire. Vous avez demandé pour avoir de l’eau.

Alors, c’est ce qui explique le qu’on n’a pas...

MD Oui, je suis désolé. Je vous remercie...tout le monde.

PD Alors, moi...moi euh, à mon horloge, il est 16 h 09. On reprend l’autre côté. Je vous avais
posé la question si vous étiez capable de nous identifier les personnes qui vous avaient conseillé
de nier en bloc les événements survenus en 94 ; puis si ces personnes-là vous ont expliqué

pourquoi vous nier, c’est à quoi l’i...l’idée de nier quelque chose qui s’était produit ?

JK Je ne peux présentement pas identifier ces personnes. Bien entendu, en réfléchissant, je
pourrais peut-être retrouver quelqu'un. Mais, comme je l’ai indiqué dans une des parties de ma
démarche, il y avait toute une série de gens, des spécialistes du...du trois qui étaient dans les
camps et on les avait regrou.…..ils étaient regroupés en des commissions qui étudiaient les..les
procédures sur le...le Tribunal. Et c’est ces gens-là qui nous avaient conseillés de nier et de

trouver des...des alibis pour, disons, appuyer nos...nos démarches.

MD C'est des rencontres qui s’étaient...qui se sont faites pendant...quand vous étiez dans les

camps ?

PD Ou ça, à Bukavu, ou à Goma ?

JK À Bukavu.

PD Est-ce que ces mêmes rencontres-là sont au..se sont aussi tenues à... Goma ou si, euh, si

c'était seulement à Bukavu ?



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 15


2
Fe
sJ
cr
J
Cod

JK Je..Je ne peux pas préciser pour Goma, mais ces réunions..les réunions auxquelles moi

j'ai participé se sont tenues à Bukavu.

PD Ok. Vous, euh, vous mentionnnez ici, euh, dans...toujours là-dedans, dans le même texte
et on réfère à votre texte, que, euh, il y a un avocat bruxellois qui se nommais Juan Schiers,
Johan Schiers, que vous avez rencontré à Bukavu et que vous lui aviez demandé de transmettre
un document au TPIR, au Tribunal à Kigali. Est-ce que vous savez si, ou via la Haye, est-ce que

vous savez si effectivement cette démarche-là a été faite ?

JK Les informations que j’ai c’est que cette démarche a été faite, et donc le document a été

dépo...eff... déposé effectivement.

PD Avez-vous vu, vous, quelque chose qui peut vous certifier ça ou si c’est quelqu'un qui

vous à dit ça ?

JK J’ai vu un courrier où il était dit que le document avait été déposé à la Haye.

PD Ok. Vous savez...savez-vous à peu près vers quellle date vous avez vu ça. Quand...?

JK Je ne peux pas préciser, mais ça devrait se situer entre, euh, la...le mois de septembre "95

et le mois de mars 96.

PD Ok. Est-ce que Maître Schiers faisait partie des conseils qui vous ont rencontré, euh, à

Bukavu ?
JK Il m'a rencontré à ma demande. C’est moi qui le lui avais demandé pour discuter avec lui.
PD Ok. Je peux entrer dans les propos que vous avez pu tenir avec lui, euh, les conseils de

nier en bloc les événements et vous trouver des alibis, est-ce que ça avait été fait ça de façon

individuelle ou si ça l’a été fait de façon collective ?



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JK C'était de..fait de façon collective. Donc, c'était fait de façon collective et non pas
individuellement, pas dit à chacun individuellement de nier mais c'était de façon collective que
c'était fait de...que chacun essaie de….de revoir ses activités pendant la période et de préparer son
procès en fonction de ses propres activités. Mais collectivement que il valait mieux ne pas, euh,
accepter, disons de, il valait mieux nier que d'accepter d'emblée tous les faits qui...qui vous

étaient reprochés.

PD Ok. Et donc, on sait pas ce sont qui ces conseils-là. Alors on ne peux pas savoir c’est qui,
on peut pas savoir si ce sont des...des hommes de droit ou des hommes, on se sait pas c’est qui.

Vous avez pas spécifié. Vous pouvez pas le spécifier non plus ou vous pouvez spécifier ça ?

JK Je ne peux pas le spécifier.

PD Vous pouvez pas le spécifier ça, qui vous a dit ça. OK. Si vous voulez passer à l'étape

suivante qui était l’extrait de votre c.v.

JK Je suis né en octobre 1955, même si tous. même si sur tous mes papiers officiels du
Rwanda, il est inscrit que je suis né en 1956. Mes parents, qui vivaient dans un pays très chrétien,
m'ont d’abord baptiser avant de me faire enregistrer à Gishanvu. J’ai fait ma scolarisation à
divers endroits : 3 ans sur ma colline natale de Mubambano, 4 ans à Nyumba, 3 ans Gitarama ;
ensuite, jusqu’en 1975, j'étais au Groupe Scolaire de Butare avant d’entrer à l’École Supérieure
Militaire où je fus réformé en décembre de la même année dû à une maladie d'estomac. De
janvier 1977 à octobre 1978, je suis fonctionnaire au Ministère de l'Éducation Nationale ; Je suis
chargé des bourses d'étude. Au Rwanda à ce moment, il était plus difficile pour les gens du Sud
d'obtenir des bourses d’étude à l'étranger, mais j’ai quand même pu en avoir une pour m'inscrire
à l’École de Hautes Études Commerciales de Liège en Belgique. J’y suis demeuré six ans avant
d'obtenir mon diplôme d'ingénieur commercial. En décembre 1979, je me suis marié à
Nyabyenda Vénantie, une Rwandaise étudiant elle aussi en Belgique. C’était le 29 du mois. Elle
est diplômée en Sciences Sociales. Elle à travaillé au Rwanda, à l'Office National de la
Population, au NAPO, à un projet d'appui aux artisans, BIT, ensuite à CARE International avant

d'entrer à ENADES, géré par les Pères Jésuites de Remera. Ensemble, nous avons deux enfants



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 17
1

.

: un garçon de 1712 ans et une fille de 12 ans. Depuis mai ’94, ils vivent en exil du soutien
apporté par des amis en Euripe. De 1985 à 1989, j'ai travaillé pour la Caisse Hypothécaire du
Rwanda à Kigali. Ensuite, j’ai travaillé à l’Union des Banques Populaires, occupant...occupant
des fonctions allant du...de chef de département jusqu’à directeur du réseau, qui était un poste
très important dans cette organisme. Dans les années ’90, il existait une censure stricte au pays.
J'étais directeur de comité de rédaction du journal d’entreprise Ehuliro. Je me souviens de la
réunion que nous avons eue avec le directeur du service d'intelligence du Rwanda qui nous a
avisé des interdits d'écrire à propos de deux sujets : le premier, la famille du Président ; le
deuxième, la division des régions et des ethnies. Le poste de directeur du réseau, je l’occuperai
jusqu’au 8 avril 1994, vers 14 h 00 lorsque Karamira viendra chez moi pour m’amener à l'École
Supérieure Militaire, où j’apprendrai que je suis nommé Premier Ministre. Pendant mon séjour
en Belgique, j’ai réfléchi à la situation de mon pays. Les conflits opposants les Hutu et les Tutsi
durent depuis plusieurs siècles. Les gens n’ont jamais vraiment vécu ensemble, à preuve, des
mariages mixte, même s’ils existent, c’est vrai, on les retrouvent plus...pphh...plus rarement à un
certain niveau. Il est plus fréquent de voir des paysans des deux ethnies se marier dans le Rwanda
ancien que de voir des intellectuels ou plus généralement, des dignitaires...le faire. Aujourd’hui,
c’est plutôt le contraire. Par contre, les rois avaient des épouses hutu, mais les princes pouvant
devenir rois, étaient toujours issus des mariages du roi avec des femmes tutsi. Donc, ça la partie
qui concerne mon c.v. tel que on l’avait, euh, écrit, tel que il est passé dans...dans les premiers

jours de l’interrogatoire.

PD OK. Alors, vous avez fait une division, à peu près où ce qu’on pourrait appeler...à peu près
PP

le.…..le paragraphe 6, je crois, que vous avez rebaptisé ici, c’est ça ?

MD Vous avez fait appel à l’histoire du Rwanda. Alors, vous avez séparé la première partie.

Vous avez gardé simplement ce qui vous touche directement ?

JK Oui.

MD Puis l’histoire de Rwanda, pas...



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 18
f 574

3

+

ÿ

JK Je l’ai mis en à côté.

PD As-tu quelques...quelques observations, toi, que tu veux faire sur le...

MD La seule remarque que...la remarque que je voulais c’est qu’on voit encore...je voulais
simplement préciser, on voit que vous lisez un texte. Alors, c’est le texte que vous avez révisé
à quelques occasions, que vous avez corrigé et on voit que vous avez rajouté aussi quelques
phrases ; vous avez fait des corrections.

JK Oui.

MD Alors, ce texte réflète vraiment les, euh, vos...vos..vos..vos idées, vos idées. Ça réflète

vraiment la situation tel que vous l’avez vue, tel que vous la...la connaissiez.

TK Les textes te.….que je viens de lire réflète ma...ma vision, mes idées tel que je, euh, les ai

exprimées.

PD Tel que vous voulez les rendre aujourd’hui ?

JK Oui.

PD C’est ça ? Ok. Moi, il y a...il y a juste une chose, qu’on...vous savez, euh, on nous
demande pratiquement toujours ça, puis ça vous a été à plusieurs reprises, vous...vous inscrivez
ici au tout début que vous avez été réformé d’une école militaire parce que vous souffriez d’un
mal d'estomac. Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes bonne santé ?

JK Aujourd’hui, je suis en bonne santé.

PD/MD [Rires]

PD C'est ça. Vous savez, les gens vous demandent toujours « est-ce que vous êtes en bonne



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 19


santé, est-ce que..Bon. »
JK Vous leur direz que je suis en très bonne santé.

MD/PD [Rires]

PD Ok. Euh, est-ce que vous pouvez nous i...nous nommer... Dans les années 90 vous étiez
le directeur du comité de rédaction d’un journal qui s’appelait Uhiriro, je m'excuse pour la
prononciation. Est-ce que vous vous souvenez des autres membres du comité. Qui était membre

de comité-là, ou est-ce que vous souvenez de quelques uns qui étaient membres ?

JK Je m'en souviens pas mais si je réfléchissais, je pourrais peut-être avoir leurs noms. Mais

présentement, si vous me posez la question, je m’en souviens pas.

PD Est-ce que ce journal-là était d’une appartenance politique ou d’une allégiance politique

quelconque ou c'était un journal d’entreprise ?

TK C'était, comme je lai dit, un journal d’entreprise. Ça n’appartenait à aucun parti
politique. Ça ne faisait pas la politique. C’était un journal qui s’occupait uniquement des faits

qui concernaient les Banques Populaires.

MD Puisqu’on vous a ….Puisqu’on on vous a rencontré, vous avez eu une réunion avec le
directeur..du chef des intelligences, est-ce que c’était suivi par des articles...qu’est-ce que...en

particulier, ou si c’était...c’était une démarche qui était entreprise de façon, euh...

JK C'était une démarche globale qui concernait tous les éditeurs de journaux et c’est...ce
n’était spécifiquement pour nous, mais c’e..on avait invité tous les responsables de tous les
journaux, y compris les journaux d’entreprise.

PD OK. Un journal d'entreprise au Rwanda au début des années *90, ça pouvait..Pouvez-vous

nous un peu ce que ça pouvait être ? Juste sommairement, juste un peu, euh. Ce qu’on pouvait



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 20


retrouver dans votre Journal à vous, c'était quoi ?

JK Ce qu’on pouvait retrouver dans notre journal c'était les bilans des Banques
Populaires ; les nouveaux produits, par exemple tel type de crédit qu’on nous...qu'on voulait
lancer ; les taux d'intérêt, les références sur les tetau...les taux d'intérêt ; les réunions de

sensibilisation ; les programmes de création de Banques Populaires. C'était dans ce sens-là.

PD Ok. Par d’éditorial ?

JK L’éditorial c’était toujours avec les...les.

PD L'économie ?

JK L'économie, nos produits ont augmenté, nos chiffres d’affaires se portent bien, des choses

comme ça.

PD OK. C'était comme de la publicité, comme un journal de publicité pour l'institution

bancaire ?

JK Oui.

PD Ok. Est-ce que vous avez en mémoire qui était le directeur du service d'intelligence du

Rwanda à ce moment-là, la personne que vous avez rencontrée ?

JK Je n’ai pas là son nom en mémore, mais en réfléchissant peut-être aussi que je pourrais

me souvenir de lui. Mais je n’ai pas en mémoire présentement de dire que c’était un tel.

PD Mmm faffirmatif]. Est-ce que cette personne-là a suivi le pouvoir ? Est-ce que c’est
quelqu'un que vous avez rencontré par la suite ? Est-ce que ce de...Est-ce que cette même
personne-là a eu à servir, disons, pendant que vous, vous étiez au Gouvernement, ou c’est des

gens qui tous été remplacés. Est-ce que c’est une personne..c’est une personne qui était



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 21


remplacée ?

JK Moi, je ne l’ai pas connu quand j'étais Premier Ministre.

MD Est-ce que vous l’avez revu ce...cette personne-là ?

JK Je ne l’ai jamais revu.

MD C'est le seul con...le seul contact que vous avez eu avec cette personne...

JK En fait, je ne l’ai plus...je ne sais j’ap...je peux appeler ça un contact puisque je suis sûr

qu’il se souvient même pas que j'étais dans cette réunion.
MD TJRires].

PD ELui...lui il faisait le tour de tous les...les gens qui publiaient au Rwanda puis il expliquait

qu’il y avait des sujets tabous.
JK Non. On nous a convoqués dans une réunion, puis il a pris la parole. Il a expliqué.

PD Ah, Ok. Vous étiez convoqué ?

JK Non.
PD Il venait pas vous rencontrer ?
JK Non.

PD Il vous convoquait ?

JK Il nous convoqués dans une réunion.



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mn

3 0

ÿ

=
7



PD Ok. Une précision, ça on y reviendra parce que c’est vraiment, c’est moi, parce que Je
vous dévance, parce que je sais, euh, il y a un propos qu’on peut préciser. Euh, on dit que « M.
Karamira, euh, viendra chez moi pour am...pour m’amener à l’École Militaire où j’apprendrai
que je suis nommé Premier Ministre ». Est-ce c’est vraiment exact ça, ou c’est plutôt...ou ça
reconfirmait Premier Ministre ?

JK Je crois qu’il faudra attendra qu’on arrive à la partie où on en parle pour que …

MD OKk.Sic'est….

JK Ce que j'ai ressenti.

PD Ok, parfait, mais c’est parce que je vois juste ici, vous savez, c’est « où j’apprendrai »
mais on sait que par les...est-ce que je dévance ? Moi, je sais que il y a des choses là-dedans
qui...qui peuvent être différentes un petit peu.

Ok. Si on va, euh, au….l’autre chapitre, si je lis sur votre page, ici, « Brêf rappel de l’histoire du
Rwanda », c'est ça ?

MD Si vous voulez nous entretenir au sujet de ça.

JK Bien entendu la...la partie qui est rappellée ici, c’est une partie que j’estime qu’elle a un

rapport direct ou indirect avec les...les événements d’avril °94.

MD Cette.cette…..cette partie a été écrite pour nous faire comprendre ?

JK Pour placer les événements d’avril-juiliet 94 dans un contexte.

MD Historique.

JK historique.



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.
+

7

Er

LL


MD D'accord.

JK Mais c’est pas toute l’histoire du Rwanda parce que je crois que ça ne peut pas se faire

en si peu de temps et aussi..….aussi court.

MD Mais vous jugez que c’est nécessaire de...d’avoir cette partie d'informations pour bien

comprendre la situation.
PD …de l’eau aussi ?
MD On vous écoute.

JK Dans cette troisième partie que j’ai intitulée : « Brêf rappel de l’histoire du Rwanda », je
me sers surtout des écrits d’avant 1959 de Monseigneur Alexis Kagame qui explique clairement
la situation qui prévalait dans les royaumes du Rwanda avant l’arrivée des colons. Le premier
royaume tutsi aurait vu le jour près du Lac Muhazi. Il n’existe aucune preuve des ses avancées,
mais on que le peuple tutsi seraient venus de l’Est du Continent, tandis que les Hutu, eux,
originiraient des environs du Lac Tchad. Ces deux civilisations auraient émigré vers le Rwanda
où elles se sont rencontrées. En 1980, en tant que membre de l’Association, euh, Générale des
Étudiants Rwandais, suite à la publication d’un numéro de notre revue, Rwanda de Demain,
intitulé : « Pour un Dépassement Réel de ethnisme et du régionalisme au Rwanda, j’ai participé
au débat organisé surle sujet tenu à Bruxelles. Ceci démontre bien que le débat concernant
l’ethnisme est une situation à laquelle je suis sensibilisé depuis longtemps. L’unification des
royaumes du Rwanda ne date que de la fin du dernier siècle. Auparavant, le pays dont les
frontières sont différentes de celles connues aujourd’hui était divisé en petits royaumes où
régnaient des rois appelés Mwami. Même en 1916, sous l’occ...sous l’occupation militaire belge,
les royaumes hutu du Nord refusaient de se joindre à l’État monarchique central. Ce n’est que
sous Ja pression des force armées belges qu’ils furent contenus. En 1959, alors que notre pays
attendait des élections en 1960, une révolution éclata. À ce moment, je crois que tous les Hutu,
toutes tendances confondues, soit monarchiques ou républicaines, étaient d'accord pour réclamer

les changements au niveau de la gouvernance du pays. En 1960, le rois Kigeri V, qui assistait



T2K7-1D 17 November 1997 (2:58pm) 24
Ex

K 47589
aux cérémonies célébrant l'indépendance du Congo, ne put rentrer au pays et dut même s’exiler
à Léopoldville avant de poursuivre son exil aux États-Unis, à New York où il vivrait
présentement.

Les Belges tentent d'organiser des élections communales à la fin de juin 19960, le
PARMEHUTU, un parti dont les leaders principaux sont surtout hutu de Ruhengeri et de
Gitarama remportent 70 % des sièges. Il est soutenu par la Porsema, un parti représentant
principalement les Hutu de Butare, tandis que l’opposition par le RADAIR [phonétique],
représentant les intellectuels tutsi et les parti UNAR, dont le président est hutu, mais la majorité
des membres tutsi. Ce dernier parti, pronant l’abstention de vote, se retrouve faiblement
représenté par 56 % sur une possibilité de plus de 3000. L'ONU refuse de reconnaître ces
élections, alors qu’elles voulait mener une enquête et organiser un référendum, ses représentants
seront dévancés par la décision prise le 28 janvier 1961 d’abolir unilatéralement la monarchie
par l’élection d’un premier Président de la République et d’une Assemblée Nationale, alors
qu’eux-mêmes se trouvent au Burundi en direction du Rwanda. L'ONU ne reconnaîtra pas plus
ce pouvoir et d’en découlera le référendum du 25 septembre 1961. La décision prise par le
DERHUTU, le 28 janvier 1961 d’abolir unilatéralement la monarchie et mettre en place une
assemblée legislative avec l’appui des Belges, n’est étrangères aux problèmes que vit mon pays
aujourd’hui. Suite à la décision de l'ONU, le Gouvernement doit se mettre en vacance. Par
contre, les membres le composant ont conservé leurs prérogatives. Le résultat était prévisible,
Le même PARMEHUTU, le même parti PARMEHUTU fut reconduit au pouvoir. L'ONU, de
son côté, fera le 26 octobre 1961 des pressions sur le PARMEHUTU pour le forcer à inclure dans
son cabinet des Ministres provenant des partis d'opposition, en particulier des membres de
l'UNAR.

De 1962 à 1964 les réfugiés de 1959, mènent des attaques à partir de l’Ouganda. Finalement, en
1964, les Inyenzi en provenance du Burundi ont mené une attaque qui les mena à la porte de
Kigali. Comme représaille à cette attaque armée, le PARMEHUTU fait incarcérer les leaders et
les Ministres des partis tutsi qui mystérieusement seront assasssinés à Noël de la même année,
à la prison de Ruhengeri. Une autre conséquence de cette offensive fut que les bourgmestres des
communes, surtout de Kibungo, Gikongoro, Gisenyi, alors majeur...majoritairement, pour ne pas
exclusivement hutu, incitèrent leurs populations à se venger en si....en tuant les citoyens tutsi,

forçant ces derniers à fuir pour éviter la mort. Jusqu'en 1967, les Inyenzi mènent des attaques,



T2K7-I1D 17 November 1997 (2:58pm) 25


ce qui a pour conséquence que les autorités locales prennent toujours des mesures de représaille
contre leurs citoyens tutsi. À la même époque, le Gouvernement dans ses discours, tenait le
propos de ne pas confondre les agresseurs avec les citoyens tutsi du pays. Je me souviens de
l'arrestation de la plupart des enseignants tutsi de mon école cette année-là. L’année 67/68
amena avec elle le problème du régionalisme. Les Hutu du Nord étaient, eux aussi, écartés du
pouvoir. Notre pays était aussi sensible aux problèmes qui survenaient dans les pays voisins. En
1972, la tension monta encore avec la...l’arrivée des réfugiés hutu qui fuyaient les massacres au
Burundi. Un mouvement du nom de Comité du Salut fut particulièrement actif en établissant des
listes de noms de citoyens tutsi devant quitter leurs emplois de fonctionnaire ou quitter l’école.
Devant ces faits, les gens de la classe intellectuelle tutsi fuient le Rwanda. Le Président
Habyarimana mène un coup d’état contre le Gouvernement en place. Selon ce que l’on pouvait
entendre, ses objectifs étaient de rétablir l’unité nationale et de rétablir la paix dans le pays. Pour
y arriver, il introduisit l’équilibre. Cette règle qui ne fut jamais mise par écrit, mais l’application
était réelle, était la loi sur l'équilibre éthnique et régional. Cette règle ou loi consistait à équilibrer
les forces de chaque région, si bien que la préfecture de Butare qui en 1973 était l’une des plus
scolarisées sur pays, se vit défavorisée face aux préfectures du Nord au point où dans les années
1980, elle figurait parmi les moins scolarisées du pays. Les 11 officiers ayant participé au coup
d'état étaient majoritairement du Nord. Cinq originaires de Ruhengeri, 3 de Gisenyi, 1 de
Gitarama, 1 de Gikongoro, 1 de Kigali. 1980 fut l’année où Kanyarengwe est liquidé. Deux
membres de l’équipe de Habyarimana de ‘73 tentèrent, eux aussi, de lui faire un coup d'état
pour le dé...le déloger de la Présidence. Il s'agissait d’Alexis Kanyarengwe et de Théoneste
Lizinde, respectivement Ministre de l'Intérieur et Directeur-Général des Renseignements. Cette
tentative de coup d'état que les gens de Ruhe...fit que les gens de Ruhengeri et Gisenyi rompirent
les ententes et les liens au régime Habyarimana. De cette façon, le Président, ne se sentant plus
appuyé et soutenu que par sa région de Busheru, son pouvoir se sentant isolé de la population,
devient de plus en plus dur face à elle. L'année *84 verra des Ministres emprisonnés sous des
accusations de corruption. La manipulation frauduleuse des fonds destinés aux réfugiés rwandais
expulsés de l’Ouganda et établis dans le Parc de l’Akagera serait reliée à leurs accusations.
L’assassinat du Col. Stanislas Mahuya dans son bureau en plein midi au camp militaire de
Kanombe, alors que la rumeur le désignait comme le remplaçant possible du Président
Habyarimana, qui à cette époque voulait, semblerait-il, lui céder sa place, amena les gens à en



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k 4758

conclure que l’entourage du Président se serait débarrassé de lui. Des officiers supérieurs, même
le Col. Ndibwami [phonétique] Déogratias, Commandant-en-chef de la Garde Présidentielle,
troupe d’élité parmi l'Armée, qui est aujourd’hui Chef d’État-major de la Gendarmerie
Rwandaise fut incarcéré pendant une longue période avant d’être relâché. L’année 1988
correspond à l’année des dernières élections pour la Présidence et pour l’Assemblée Nationale.
Des gens de certaines régions ne votaient même pas, considérant que le choix était déjà fait par
les proches de la belle-famille du Président qui étaient très influents auprès de lui. À cette
époque, le Ministre le plus puissant était celui des Travaux Public. Ce poste était occupé par
Joseph Nzirorera. Un autre homme très craint était le beau-frère du Président, le Préfet de
Ruhengeri, Protais Zigiranyirazo, surnommé Monsieur Z. Il était le petit frère de l’épouse du
Président. Si l’on suivait situation dans le pays, l’on voyait que des changements étaient
indispensables car la corruption et la repression étaient trop présentes. Aussi, la politique
régionalisme était très présente, ce qui défavorisait les gens du Sud. Sur le plan économique, le
régime du Président recevait une bonne évaluation de la part de la Banque Mondiale, du moins,
jusqu’en 1990. Il n’en demeure pas moins que l’argent de ces crédits du pays était géré par les
proches de la famille du Président. L'économie du pays était basé sur le thé et du café, ce dernier
produit perdant du terrain face au thé. Le progrès du pays sur le plan économique dû aux
politiques du Président était visible. Les secteurs ou activités suivantes le montraient : les

télécommunications, bâtiments publics, scolarisation privée, le reboisement du pays...
PD Je pense qu’on peut poursuivre encore.

JK …Je reboisement du pays par l’institutionalisation de la Journée de l’arbre, la valorisation

du travail manuel, etc.
PD Je pense qu’il sera plus sage d’arrêter là. Vous serez coupé au milieu de la phrase.

[Fin de la Face B]



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Haut

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