Fiche du document numéro 21478

Num
21478
Date
Mardi 10 mai 1994
Amj
Taille
236997
Titre
François Mitterrand : « nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, même lorsque c’est l’horreur qui nous prend au visage. [...] nos soldats ne peuvent pas être les arbitres internationaux des passions qui aujourd’hui bouleversent et déchirent tant et tant de pays »
Sous titre
Transcription de l’interview donnée par le président de la République François Mitterrand le 10 mai 1994 sur les chaînes de télévision TF1 et France 2
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
François Mitterrand : « nous ne sommes pas destinés à
faire la guerre partout, même lorsque c’est l’horreur qui
nous prend au visage. […] nos soldats ne peuvent pas être
les arbitres internationaux des passions qui aujourd’hui
bouleversent et déchirent tant et tant de pays »

Transcription de l’interview donnée par le président de la République
François Mitterrand le 10 mai 1994.
Lien : http://www.ina.fr/video/I04098751/question-sur-le-rwandareponse-mitterrand-video.html
*
NB. – Les principaux bégaiements ont été supprimés.
[Début à 00’ 01’’]
Paul Amar (France 2) : Monsieur le Président. La communauté internationale a réussi à arrêter
l’invasion du Koweït par l’Irak. Opération spectaculaire, réussie. La communauté internationale dans
un premier temps est intervenue de manière efficace en Somalie. Pourquoi n’a-t-elle pas réussi à éviter
ces massacres terribles qui se sont déroulés récemment au Rwanda ?
[00’ 17’’]
François Mitterrand : Ah, au Rwanda maintenant ? La situation n’est pas… n’est pas la même. Pour
l’Irak… Je ne voudrais pas non plus faire... Un… Un discours…
[00’ 25’’]
Paul Amar (France 2) : Non, non. Ma question porte sur le Rwanda. C’était un rappel.
[00’ 29’’]
Patrick Poivre-d’Arvor (TF1) : Pourquoi pas le droit d’ingérence humanitaire au Rwanda ?
[00’ 30’’]
François Mitterrand : Oui, oui… Je comprends, mais… Le fait que vous ayez dit l’Irak fait que tous
ceux qui nous écoutent pensent qu’en effet il y a eu une guerre rapide. L’Irak a dû céder – elle résiste
encore aujourd’hui. L’armée a dû céder, elle a été vaincue et le Koweït a été libéré. Bon, on se dit :
« Pourquoi ne pas faire la même chose ? C’est parce qu’il y avait du pétrole là-bas, il n’y en a pas ici ».
Non, il ne faut quand même pas être aussi simple. En Irak, il y a un homme, un dictateur, à la tête d’une
forte armée, dans un pays très… nettement structuré. D’ailleurs très ancien et fort pays. Et, ayant dévoré

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le Koweït, l’Arabie Saoudite eut été très menacée. Et… Comment aurait résisté la Syrie ? Comment
aurait résisté la Jordanie ? Tout ce monde-là eut été sous la… dominé par l’Irak.
[01’ 25’’]
Patrick Poivre-d’Arvor (TF1) : Oui, la comparaison avec la Somalie en revanche...
[01’ 26’’]
François Mitterrand : Alors, donc c’était… Donc, cela touchait… A ce moment-là, cela devenait une
puissance mitoyenne d’Israël. Vous voyez tout ce que ça peut représenter de… d’électricité dans l’air,
là-bas ! Et de possibilités de conflits. Si nous avions été à l’époque l’Union soviétique – il n’y a pas si
longtemps était encore solide – …, cela pouvait être une menace de guerre généralisée. Donc il faut
comprendre que des précautions aient été prises là-bas, au Moyen-Orient, de la manière de ce que cela
a été fait. Pour le Rwanda, les choses sont différentes. Humainement, elles sont… du même ordre.
[01’ 59’’]
Patrick Poivre-d’Arvor (TF1) : On parle de 200 000 morts…
[02’ 00’’]
François Mitterrand : On parle de 200 000 morts. La France… Il s’agit, n’est-ce pas – pour bien fixer
les esprits – d’une ancienne colonie belge. Et la Belgique y a fait d’excellentes choses. Et a gardé, une
sorte, comme pays européens, une sorte de… Une sorte, je ne dirais pas de tutelle. Mais disons de
compagnonnage, avec le Rwanda, un peu préférentiel. Et la France, comme c’est un pays francophone…
La France a été constamment appelée au secours. Et nous y avons envoyé des soldats. A la fois pour
aider à sauvegarder nos compatriotes, qui vivent au Rwanda, et sauvegarder en même temps ce que nous
avons fait… Les Belges et toutes les nationalités européennes qui se trouvaient-là et qui faisaient appel
à nous. Mais nous n’avons pas envoyé une armée pour combattre.
[02’ 46’’]
Patrick Poivre-d’Arvor (TF1) : Et pour vous interposer peut-être pour faire la guerre…
[02’ 48’’]
François Mitterrand : Non, nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, même lorsque c’est
l’horreur qui nous prend au visage. Nous n’avons pas les moyens de le faire. Et nos soldats ne peuvent
pas être les arbitres internationaux des passions qui aujourd’hui bouleversent et déchirent tant et tant de
pays.
[03’ 06’’]
Paul Amar (France 2) : Monsieur le Président…
[03’ 07’’]
François Mitterrand : Alors, nous restons… Il faut voir les aspects positifs maintenant. Nous restons
à la disposition des Nations unies. Si les Nations unies, qui s’étaient emparées de ces problèmes… Mais
qui, devant la violence des combats, l’assassinat – des deux Présidents du Rwanda et du Burundi… Les
avancées du mouvement d’opposition appuyé, basé sur le pays voisin l’Ouganda… Tout ça, à cause des
affinités ethniques… Les Nations unies se sortiraient… Eh bien, nous n’avons pas à nous substituer, ce
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n’est pas notre rôle. Nous sommes à la disposition. Nous voulons bien être des bons soldats de la paix
pour les Nations unies. Il faut qu’on nous le demande. Il faut que cela s’organise. Il faut qu’il y en ait
d’autres à nos côtés.
[Fin à 03’ 51’’]

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