Fiche du document numéro 21165

Num
21165
Date
Samedi 17 mars 2018
Amj
Taille
278758
Titre
Chronique confidentielle d’un drame annoncé [2/3]
Sous titre
Les secrets de la France au Rwanda 2|3. « Le Monde » consacre une série d’articles au génocide rwandais du printemps 1994. Que savait-on, à Paris, de la situation dans ce pays ? Les massacres avaient-ils été planifiés ? Des documents inédits montrent que la France disposait d’informations alarmantes dès février 1993
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Une centaine de Tutsi ont été massacrés sur la colline de Nyanza, dans le sud du Rwanda, en avril 1994. Patrick Robert/Getty Images

C’est la magie de la télévision et de son journal de 20 heures : en moins de dix minutes, une scène rare va faire entrer la tragédie rwandaise dans les foyers français. Ce 24 janvier 1993, donc plus d’un an avant la phase la plus terrible du génocide, le présentateur de France 2 Bruno Masure a invité le président de l’association Survie, Jean Carbonare, tout juste rentré d’une mission d’enquête au Rwanda, réalisée avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Pendant trois semaines, l’ONG a documenté les massacres de Tutsi organisés par le régime dans des régions où cette minorité (15 % de la population) est concentrée.

A chaque offensive des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, dominé par les Tutsi, les Forces armées rwandaises (FAR), sous contrôle du gouvernement au pouvoir, ont répondu par des massacres de civils tutsi et réussi à convaincre la France de défendre ce régime dictatorial mais ami. En direct, M. Carbonare commente les images des fosses communes. « Ce n’est pas fortuit, ce n’est pas gratuit, assure-t-il. Derrière tout cela, il y a un mécanisme. On a parlé de purification ethnique, de génocide, de crime contre l’humanité dans le prérapport que notre commission a établi. » Puis, les larmes aux yeux, il accuse : « Notre pays, qui supporte financièrement et militairement ce système, a une responsabilité. Et des fosses comme celles que vous avez vues, il y en a pratiquement dans presque tous les villages. J’insiste : nous sommes responsables et vous aussi, monsieur Masure, vous pouvez faire quelque chose… vous devez faire quelque chose. »

Poignante et prophétique, la séquence n’a pas échappé à l’œil de Pierre Conesa. Aussi, quelques semaines plus tard, quand la FIDH présente son rapport définitif à la presse, ce haut fonctionnaire du ministère de la défense envoie l’une de ses collaboratrices de la Délégation des affaires stratégiques (DAS) écouter les conclusions de la mission. « Cette dynamique des massacres à répétition m’interrogeait, confie-t-il aujourd’hui au Monde dans sa retraite parisienne. S’agissait-il d’un processus récurrent ou d’une explosion temporaire ? Ce qui m’a frappé en lisant les conclusions de la FIDH, c’était le côté cyclique de ces massacres, comme si c’était un régulateur démographique. »

Cette machine de mort, organisée, planifiée et mise en œuvre par l’Etat rwandais, lui inspire une note de trois pages, datée du 10 avril 1993, presque un an jour pour jour avant le début des massacres à grande échelle. Il y évoque notamment la présence, au Rwanda, depuis 1990, de troupes françaises « officiellement » déployées pour assurer la protection des ressortissants français. L’ensemble est un vrai brûlot pour l’Elysée : « Dans cette note, je démonte l’argumentaire de notre présence en 1993. L’intérêt stratégique du Rwanda ? Le syndrome de Fachoda [la crise de Fachoda, fin XIXe siècle, incarne la grande rivalité franco-britannique en Afrique], parce que Kagamé parle anglais et a été formé aux Etats-Unis ? Il me semblait que rien ne justifiait qu’on tienne le régime Habyarimana à bout de bras… C’était une critique frontale de la cellule Afrique de l’Elysée et du dispositif militaire. Cette note avait pour but de dire : prenons nos distances, car l’Elysée se fourvoie. »

Le Monde a eu connaissance de ce document inédit, classé « confidentiel défense », diffusé à l’époque de manière très restreinte au sein du ministère de la défense. Intitulé « Plaidoyer pour un réexamen de la politique française au Rwanda », il décortique un à un tous les arguments de la cellule africaine de l’Elysée – très influente auprès de François Mitterrand –, à commencer par le choix des alliés de la France : « Le régime en place n’est pas plus représentatif que le FPR [les rebelles de Paul Kagamé] et la France peut valablement considérer que le scénario n’entre pas dans le cadre de l’accord de l’assistance militaire de 1975 [avec le pouvoir en place]. » D’après Pierre Conesa, il n’y a donc pas de base juridique à une intervention militaire française en soutien des autorités de Kigali. La note pointe aussi le risque, à terme, de voir la France se marginaliser en Afrique. « La crise rwandaise, est-il écrit en conclusion, constitue effectivement un test, mais probablement plus de notre capacité à repenser notre politique en Afrique que de notre volonté de soutenir nos alliés traditionnels. »

Des divergences entre services



La réaction est immédiate : « Le cabinet civil du ministre de la défense François Léotard reçoit très bien la note, se souvient M. Conesa, le cabinet militaire très mal, car mes propos venaient en confrontation avec beaucoup de gens en charge de la politique africaine. » Les trois pages finissent au fond d’un tiroir et ne changeront pas le cours de l’histoire : un an plus tard, le génocide fera 800 000 victimes en à peine trois mois.

La réaction du cabinet militaire ne surprend pas vraiment Pierre Conesa. L’homme a de l’expérience, c’est un pilier de la communauté du renseignement. Cheveux en bataille et barbe de trois jours, il y tient le rôle du trublion iconoclaste mais estimé. Son parcours est atypique : agrégé d’histoire, énarque (promotion 1980-1982, la même que celle de Pierre de Bousquet de Florian, futur patron de la direction de la surveillance du territoire), il entame une carrière d’administrateur civil de la défense. En 1987, un bref passage à la direction du renseignement de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) lui laisse un souvenir mitigé. En 1992, il se lance, avec le conseiller d’Etat Jean-Claude Mallet, dans la mise en place de la Délégation des affaires stratégiques. L’idée de créer cette structure chargée de « réfléchir » aux crises en cours et à venir revient au ministre de la défense de l’époque, Pierre Joxe, échaudé par les échecs du renseignement français lors de la guerre du Golfe, en 1991. « Joxe pensait qu’il lui manquait deux choses, explique M. Conesa, d’une part un service de renseignement militaire constitué, d’où la création de la direction du renseignement militaire [DRM, par un décret du 16 juin 1992], d’autre part un think tank, en l’occurrence la DAS, car il ne se satisfaisait pas du fait que le chef d’état-major des armées dise “la stratégie, c’est moi”. » Pierre Joxe, sollicité dans le cadre de cette enquête, n’a pas répondu à notre demande d’entretien.

Cette profonde réforme de l’appareil de renseignement va changer la donne sur le dossier rwandais. Pierre Joxe décide en effet de promouvoir à la tête de la DRM un officier qui a fait toute sa carrière dans les forces spéciales, Jean Heinrich. Celui-ci a carte blanche, de l’ambition, des crédits, des hommes. Leur mission : recueillir du « renseignement d’intérêt militaire », une notion suffisamment vague pour concurrencer leurs homologues de la DGSE, les services de renseignements extérieurs.

Au Rwanda, des divergences apparaissent très vite. La DRM d’Heinrich n’a pas la même vision de la situation que la DGSE. En d’autres termes, les militaires « pur jus » ne partagent pas l’analyse des « agents » du service spécialisé. Cette rivalité de structures cache aussi une histoire d’hommes. « Le général Heinrich, explique un ancien de la DGSE, a dirigé le service action de la DGSE, puis il a pris la direction des opérations. Quand il part créer la DRM, il va être en désaccord avec certaines options de la DGSE. » Un point confirmé par l’amiral Jacques Lanxade, à l’époque chef d’état-major des armées : « Le problème s’est posé avec Heinrich, indique-t-il au Monde. Il se voyait comme le patron d’une DGSE bis intégrée au ministère de la défense. Il s’est fâché avec Jacques Dewatre [directeur de la DGSE à partir de juin 1993], alors que c’étaient les meilleurs amis du monde. »

Les divergences portent aussi sur les méthodes de travail : « La DRM est un assemblage de militaires du 1er RPIMa et du 13e RDP, les gars des forces spéciales, rappelle un ancien de la DGSE. Ils sont très forts en kaki, mais moins bons pour faire du renseignement humain sur le terrain. Au Rwanda, la DRM a donc envoyé, à partir de 1992, ces jeunes militaires du rang et sous-officiers à Goma, Kigali, Butare… Ils étaient sur le terrain, visibles comme le nez au milieu du visage et leur analyse n’était pas juste. Le renseignement et l’action, ce sont deux métiers différents. »

L’enjeu, avoir l’oreille de l’Élysée



Petit à petit, une vive concurrence s’installe entre les deux directions. « Sur le Rwanda, nuance Alain Chouet, ex-cadre de la DGSE, la DRM dispose des meilleurs observateurs sur le terrain, puisque l’armée y est présente. Mais elle est dépendante de ses sources, à savoir les militaires rwandais de la coopération. La DGSE, elle, a peu de gens sur le terrain. En revanche, elle a beaucoup plus de contacts en périphérie, des gens qui travaillent dans les pays limitrophes, sur l’opposition, en Europe et ailleurs. Les militaires, ils sont comme Fabrice au milieu de la bataille, ils voient bien les sabots du cheval, mais pas forcément la situation d’ensemble. La DGSE avait peut-être une vision plus politique du dossier… » Pour tous, l’enjeu est d’avoir l’oreille du pouvoir, au plus haut niveau. Bataille gagnée par la DRM, qui s’impose auprès de l’Elysée. Le général Christian Quesnot, chef de l’état-major particulier du président François Mitterrand, a lui-même déclaré, devant la mission d’information parlementaire de 1998, être informé à « 90 % par la DRM », ce qui a conforté sa vision très ethniciste du dossier rwandais.

L’une des premières victimes de cette sourde bataille qui, à l’époque, divise l’armée et les services de renseignement, est un général. Inconnu du grand public, le général de division Varret occupe une position stratégique dans la gestion du dossier rwandais, puisqu’il dirige la Mission militaire de coopération (MMC). Celle-ci appartient au ministère du même nom, mais elle gère l’ensemble des militaires en mission à l’étranger au titre de l’aide militaire : 800 hommes et 900 millions de francs (environ 200 millions d’euros actuels) de budget au début des années 1990, car elle a aussi la main sur les armes et munitions vendues ou cédées à titre gracieux. Jean Varret, considéré comme proche des socialistes, est un protégé de François Mitterrand, qu’il a rencontré dans les années 1980 au Tchad, où la France avait soutenu le pouvoir en place contre les menées du Libyen Kadhafi.

Varret suit l’actualité rwandaise de près. Il se rend à plusieurs reprises dans ce pays en 1992 et 1993, et connaît personnellement les principaux généraux locaux. En mai 1992, il constate de dangereuses dérives dans la coopération militaire. D’après lui, les gendarmes rwandais mènent des enquêtes consistant en fait à pourchasser les Tutsi, ceux que le colonel Rwagafilita – le chef d’état-major de la gendarmerie – appelle « la cinquième colonne ». Pour Varret, il est impossible de transformer cette force en « gendarmerie républicaine ». Mieux vaut tout arrêter, plutôt que d’appuyer un régime sanguinaire. Le volet gendarmerie de la coopération est réduit, l’affaire en reste là.

La mécanique du génocide en détail



La situation se tend à nouveau au printemps 1993. En février, les rebelles du FPR lancent une attaque vers Kigali, la France s’interpose, en rassemblant sous le même commandement toutes ses troupes présentes dans le pays, y compris celles de la coopération militaire. Le général Varret se rend sur place pour recadrer ses soldats du Détachement d’assistance militaire et d’instruction (DAMI) qui, juge-t-il, sont allés au-delà de leur mission de formation en participant aux combats contre les rebelles. Mais, lorsque l’officier rentre à Paris, la majorité politique a changé. En avril, le ministre RPR de la coopération, Michel Roussin, le désavoue en lui retirant le commandement du DAMI. Et, en mai, il est brutalement débarqué de son poste. « Il existait des points de vue différents sur la manière de gérer la coopération militaire au Rwanda », dira-t-il dans un doux euphémisme aux députés de la mission d’information parlementaire de 1998.

Jean Varret ne décrochera jamais sa quatrième étoile et refusera toujours d’exprimer publiquement son désaccord. Il est remplacé par le général Jean-Pierre Huchon, officier des troupes de marine, ex-chef du 1er RPIMa et adjoint du général Quesnot, le plus proche conseiller militaire de François Mitterrand. Le dispositif est désormais solidement verrouillé par les « faucons » de l’Elysée. Et la guerre n’est pas terminée…

De fait, les espions de la DGSE paraissent plus clairvoyants que leurs « cousins » de la DRM. Dans l’année qui précède le génocide, ils ne vont cesser de tirer le signal d’alarme pour éviter la catastrophe annoncée. La lecture de leurs notes d’analyse, déclassifiées dans le cadre de l’enquête judiciaire menée à Paris pour « complicité de génocide » à la suite de la plainte de rescapés rwandais et dont Le Monde a eu connaissance, montre qu’ils ont bien compris le piège de soutenir un régime coincé entre ses jusqu’aux-boutistes et les rebelles du FPR.

Ainsi, le 18 février 1993, les analystes de la DGSE décrivent de « véritables massacres ethniques » à Gisenyi. « Il s’agirait d’un élément du vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsi, dont les concepteurs seraient des proches du chef de l’Etat, ou tout au moins des personnalités influentes du MRND [Mouvement républicain national pour le développement, parti du président] et de la CDR [Coalition pour la défense de la République, parti extrémiste de l’Hutu Power], relayés par les préfets et bourgmestres. » En clair, une organisation des tueries planifiée par les autorités militaires et civiles rwandaises.

Le 8 septembre 1993, après les accords de paix d’Arusha (censés organiser le partage du pouvoir avec les rebelles du FPR), les agents de la DGSE avertissent à nouveau : « L’équilibre est extrêmement précaire et peut très bien voler en éclats subitement. » En janvier 1994, alors que le dispositif militaire français ne compte plus que 24 coopérants dans le pays, la DGSE affine encore son diagnostic, révélant cette fois la stratégie de provocation des milices Interahamwe (extrémistes hutu) vis-à-vis du FPR et du contingent de l’ONU qui assure l’application des accords de paix. En février, il est question de distributions d’armes dans la population, mais aussi de la politique de blocage du président Juvénal Habyarimana dans le processus de réconciliation.

« Mon sentiment, résume Pierre Conesa, est que c’était une crise “annonçable”, même si personne n’avait idée de l’ampleur des massacres à venir. De ce point de vue, la DGSE a fait ce qu’il fallait pour attirer l’attention, la DRM un peu moins et les affaires étrangères pas du tout. » En tout cas, les signaux d’alarme dévoilés par les agents de la DGSE s’avèrent pertinents. Mieux : après l’attentat du 6 avril 1994 dans lequel le président Habyarimana est tué et qui déclenche la phase la plus intensive du génocide, leurs rapports sont très bien informés. Tout y est, en temps réel : la décapitation de l’opposition modérée par les soldats d’élite de la garde présidentielle, la formation du gouvernement intérimaire, le poids des officiers extrémistes, la reprise des combats et les tueries qui enflent, jour après jour. La mécanique du génocide est décrite en détail, même si le terme lui-même n’apparaît pas explicitement. Un mois après le début de la crise, une note du 4 mai souligne l’importance des massacres commis par les forces gouvernementales. Elle suggère de condamner publiquement les agissements de la garde présidentielle et du colonel Théoneste Bagosora, l’architecte du génocide. En vain.

Un mois plus tard, le 2 juin : « Le pays est aujourd’hui confronté à une catastrophe humanitaire sans précédent. Après l’exode massif des populations tutsi, c’est au tour des populations hutu de fuir devant la progression des troupes rebelles. » Enfin, le 22 juin 1994, alors que la France vient d’obtenir le feu vert de l’ONU pour lancer l’opération « Turquoise », la DGSE livre cette phrase visionnaire : « Quelle que soit l’option retenue, le danger est grand pour la France de se voir accuser, au mieux de n’avoir pu remplir la mission qui lui avait été confiée, au pire de passer pour complice de l’actuel gouvernement rwandais. »

Pourquoi toutes ces analyses, d’une lucidité effrayante, ne sont-elles pas prises en compte par les hommes qui entourent le président de la République ? Pierre Conesa est obsédé par cette question. Alors, il reprend l’examen de conscience six mois après la fin de la guerre. Le 24 février 1995, dans une longue note baptisée « Evaluation politico-militaire de la crise du Rwanda » et destinée elle aussi à un cercle restreint de personnes au sein du ministère de la défense, il dresse l’inventaire des actions de l’Etat français. Ce document n’a jamais été publié. « Ma question était la suivante, précise son auteur aujourd’hui, les autorités politiques avaient-elles les moyens de savoir ? Avec mon équipe, nous avons repris toutes les notes des services (DGSE, DRM) et les télégrammes diplomatiques sur l’ensemble de la période, en nous demandant quel était le niveau d’information. » Leur conclusion est sans appel : « Le processus hiérarchique filtrait la réalité, se souvient l’ancien haut fonctionnaire, le canal d’informations faisait que ces gens-là, les hommes de l’Elysée, ne voulaient pas voir la réalité en face, les notes alarmantes n’étaient jamais mises directement sur le bureau du président. »

« Un sentiment amer »



En procédant à cette introspection, Pierre Conesa veut aussi soulever la question mémorielle, car il a compris que les critiques émises sur le rôle de la France au Rwanda ne vont pas s’éteindre. Il veut « mesurer a posteriori l’image que les principaux intervenants français conserveront dans l’opinion publique ». La lecture des rapports des ONG, des enquêtes à chaud de la presse et enfin des premiers livres rédigés par des spécialistes de la région laisse apparaître un constat accablant : l’Elysée est responsable au premier chef, suivi de près par la défense et la diplomatie. Bien sûr, l’armée concentre les reproches : « Les erreurs de la politique française au Rwanda semblent, pour l’essentiel, être imputées au rôle joué par les “militaires”, écrit-il dans sa note de février 1995. La multiplicité des décideurs politiques agissant à travers la présence d’officiers aboutit à faire porter à ceux-ci, pratiquement en tant que catégorie sociale, l’essentiel de la responsabilité. »

L’ensemble des neuf pages constitue une critique aussi cinglante que celle de 1993. Pierre Conesa espère alors qu’elle ne connaîtra pas le même sort. Il se trompe. Leur écho ne dépassera jamais les portes capitonnées du ministère de la défense : « Mon directeur s’est opposé à sa diffusion…, regrette-t-il, alors je mets mon mouchoir par-dessus, avec le sentiment amer d’un système qui se drape dans sa dignité. »

Vingt-quatre ans après, il en garde une boule au ventre. « J’étais amer de constater que les gens qui avaient critiqué ma première note et portaient une responsabilité directe dans la politique menée avant le génocide s’en sortaient indemnes. Evidemment, ils étaient soutenus par François Mitterrand. Mais les moyens d’autocritique interne n’ont pas joué et, aujourd’hui, nous sommes toujours dans une construction de mémoire historique qui ne sera vraiment étudiée que dans cinquante ans, quand les archives seront rendues publiques. »

Prochain article : Le temps des archives

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