Fiche du document numéro 20464

Num
20464
Date
Dimanche 31 décembre 2017
Amj
Taille
118557
Titre
Le général Philippe Rondot, maître espion, est mort
Sous titre
Ancien de la DGSE et de la DST et acteur de l'affaire Clearstream, il avait arrêté le terroriste international Carlos en 1994. Il a été inhumé samedi, il avait 81 ans.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La radio Europe 1 a annoncé dimanche 31 décembre la mort du général Philippe Rondot. Selon une source citée par l'AFP, il est décédé d'un « arrêt cardiaque ». L'ancien de la DGSE et de la DST a été inhumé samedi 30 décembre à Flety dans la Nièvre. « Je garde le souvenir d'un homme droit et intègre avec le souci de la préservation de la réputation de nos Services chevillé au corps (...) Il est mort comme il a toujours voulu vivre: en secret », a indiqué sur Europe 1 son ancien avocat, Me Éric Morain.

Longtemps, on n'a connu de Philippe Rondot que la photographie en noir et blanc, pas très nette, d'un homme brun, nez fort et joues pleines, qui lui ressemble si peu qu'on dirait un leurre. Mais à l'époque, en 1994, le nom du général, qui vient d'arrêter le terroriste Carlos au Soudan, est révélé au grand public et il faut bien mettre une tête dessus? Un peu plus tard apparaît un second cliché, qui n'a rien à voir avec le premier: une capture d'écran montre, sur un plateau de télévision, un homme aux traits émaciés qui évoque un peu François Mitterrand jeune.

Philippe Rondot fut longtemps un fantasme sans visage fixe, et il faudra attendre 2006 pour découvrir la véritable physionomie du général de division, gloire des services secrets français sous le pseudonyme de Max - comme Jean Moulin -, qui apparaît au cœur de la calamiteuse affaire Clearstream. Car le maître espion, l'un des rares à avoir brillé à la DST comme à la DGSE, avait une petite manie: il notait tout et archivait méticuleusement ses carnets secrets. Lorsque la justice a perquisitionné son domicile de Meudon dans les Hauts-de-Seine et s'apprêtait à repartir bredouille, une greffière a écarté sans le vouloir une tenture, découvrant la porte blindée d'une chambre forte. Bingo: les fiches du général proposaient une chronologie complète de la manipulation avortée. Sans elles, pas d'affaire Clearstream - en tout cas, pas de procès.
Humble et plein d'humour

La graphomanie de l'officier est héréditaire. Son père, prénommé Pierre et disparu à l'âge de 96 ans, fut, lui aussi, l'un des agents français les plus réputés de son temps. Il avait l'habitude de noircir des pages et des pages, que Philippe Rondot a conservées, au premier étage de son manoir nivernais. Dans le vaste parc, il a planté un cèdre du Liban, souvenir d'un Moyen-Orient qu'il connaît comme sa poche et qui fut son terrain de chasse favori. Ce veuf solitaire avait un fils qui a suivi ses traces dans l'armée. Il avait choisi sa nièce comme assistante. Ses amis le décrivaient comme plein d'humour et, surtout, d'une humilité extraordinaire. Il a fréquenté ses homologues et les dirigeants des pays arabes pendant des décennies. Auteur de monographies sur la Syrie, la Jordanie et l'Irak publiées par les Presses universitaires de France, il savait amadouer ses terribles interlocuteurs en partageant, au besoin, leurs hobbies innocents. Ainsi de cet ancien ministre d'Hafez el-Assad, avec lequel il visionnait des films lestes pour détendre l'atmosphère.

Espion, féru de philosophie, écrivain, professeur, diplomate, polyglotte, le général Rondot se reprochera jusqu'à la fin de ses jours de n'avoir pas pu sauver les moines de Tibéhirine. Il est intervenu, entre autres, dans la libération des otages du Liban, ou auprès d'Abou Nidal pour juguler la campagne d'attentats palestiniens. Il faut donc faire un gros effort pour admettre qu'un homme de sa trempe s'est laissé gruger par Imad Lahoud, présenté par l'accusation comme le faussaire des listings Clearstream. À sa décharge, le général n'est pas la seule dupe de M. Lahoud qui, sortant de prison, a réussi à le convaincre, ainsi qu'un aréopage des services secrets français et quelques cadres de la CIA, qu'il pouvait le mener jusqu'à Oussama Ben Laden.

La seule chose que ne supportait pas Philippe Rondot, c'était qu'on lui manque de respect. Depuis décembre 2005, il était à la retraite et selon Le Parisien, occupait un discret bureau dans les combles du ministère de la Défense orné d'un écriteau: ‘Bureau des secrets perdus'.


Stéphane Durand-Souffland

Julien Boudisseau

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024