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Irène, femme tutsie de 54 ans. ©Bryan Anselm/Global-Getty Images
Nous sommes au sommet d’une colline dans le pays qui en a mille. Le jour est tombé brutalement dans ce village haut perché, où l’électricité n’est jamais arrivée. Il y a cette bougie collée sur la table instable d’un cabaret désert et qui éclaire doucement le visage d’Irène (1). Paysanne timide, la Rwandaise de 54 ans n’a raconté cette histoire qu’une seule fois. Pour l’entendre, il aura fallu retrouver sa trace, l’emmener là où personne ne la connaît. Enfin, elle se tient là, son corps frêle entouré de ses bras serrés, ses grands yeux noirs baissés. Dans un filet de voix : « C’était l’été du génocide, un voisin avait dit aux militaires français du camp de Karama – à quelques kilomètres – que nous cachions des armes. » Trois soldats entrent brutalement chez elle. Ses enfants partent en courant, son mari est absent. « Ils avaient un appareil qui émettait de la lumière, souffle-t-elle. Leur machine a sonné quand ils l’ont approchée du coffre sous mon lit. C’est là que notre argent était caché. Ils ont voulu le prendre, je me suis interposée. » Le souffle s’accélère, la voix s’étrangle, les larmes coulent. « Un des trois militaires m’a brisé l’auriculaire, m’a jetée sur le lit et m’a violée, raconte Irène avec la voix d’une enfant. Quand le premier a eu fini, l’autre m’a violée aussi. Le troisième assistait, il ne semblait pas intéressé, alors que je criais. »
Le cauchemar dure « moins d’une heure ». Mais, depuis dix-sept ans, il ne se passe pas un jour sans qu’Irène ne revive ce moment. « C’est trop, ce qu’ils m’ont fait, gémit la Rwandaise qui écrase chaque larme avec son foulard. À chaque fois que je vois un Blanc, j’y repense, et ça fait mal. Des fois, je me réveille la nuit, mon coeur bat très fort et je me fâche, mais je ne sais pas contre qui. » Irène dit-elle la vérité ?
Dans le Centre mémorial de Kigali, les familles des victimes viennent suspendre les portraits de leurs proches disparus. ©Bryan Anselm/Global Getty Images
Tout commence là. Tout commence par la volonté de donner une chance au récit de ces Rwandaises qui jurent avoir été violées par des soldats français pendant le génocide de 1994. Tout commence aussi par une plainte déposée en France par trois femmes, Olive, Diane et Françoise (1), au printemps 2004. Irène ne les connaît pas. Irène, c’est Causette qui l’a retrouvée à l’issue de plusieurs semaines d’enquête. La paysanne ignore tout de la procédure en cours et, de toute façon, elle n’est pas prête à porter plainte et à s’afficher dans un pays où les victimes de viols sont mises au ban de la communauté. C’est aussi pour cette raison que Marie-Jeanne ne parle pas de son histoire. À Causette, elle a accepté de livrer le récit de son viol dans le camp de réfugiés de Nyarushishi. C’est aussi là que Diane (1) et Olive (1), deux des plaignantes, disent avoir été agressées par plusieurs soldats français. Une coïncidence qui vaut de remonter le temps, dix-sept ans en arrière, à l’été du génocide.
Nyarushishi : l’enfer au bout de la tente
Nous sommes en 1994, en plein génocide des Tutsis. La France, sous mandat de l’ONU, vient de lancer « Turquoise », une opération destinée à « contribuer, de manière impartiale, à la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des réfugiées et des civils en danger au Rwanda ». Le 21 juin, une trentaine de soldats du premier régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMA), sous le commandement du colonel Didier Tauzin, débarque dans le camp de réfugiés de Nyarushishi, à l’extrême sud-ouest du pays. Le paysage d’éden porté par les collines luxuriantes, la brume qui colle aux champs de thé à perte de vue jurent avec la misère des milliers de tentes où s’entassent les survivants. Le 1er RPIMA est vite remplacé par une trentaine de légionnaires (1re compagnie du 2e régiment étranger d’infanterie) commandés par le capitaine Franck Nicol. Installés en retrait du camp, les soldats, dont la mission est de protéger les rescapés, patrouillent chaque jour.
Marie-Jeanne rapporte avoir été violée par plusieurs militaires dans le camp de Nyarushishi. Fait exceptionnel, elle accepte de témoigner à visage découvert. ©Bryan Anselm
Pour Marie-Jeanne, réfugiée, leur activité ne se limite pas à ça. « Ils donnaient des biscuits aux enfants pour qu’ils leur montrent les tentes où se trouvaient les jeunes filles et pour qu’ils les entraînent à l’écart », explique la survivante. Silence. Marie-Jeanne se décompose, elle déroule son foulard pour se cacher le visage. La jeune Tutsie se fait prendre au piège : « Un petit garçon m’a dit qu’il y avait une distribution de riz. Quand je suis arrivée, un soldat m’a poussée dans une tranchée (2) et il m’a violée. » Assommée, la jeune fille de 22 ans finit par sortir de la tranchée, mais son calvaire n’est pas terminé. Une semaine après, Marie-Jeanne va chercher du bois. Sur son chemin, deux soldats l’attendent. « À nouveau, ils me poussent dans une tranchée », reprend-elle. Et de décrire, la voix étranglée, un autre viol par deux militaires, puis encore un autre, par trois soldats cette fois. « Ils m’ont fait les pires choses, je hurlais pour que quelqu’un m’entende. Quand ils sont partis, j’étais presque morte. Je saignais beaucoup, je n’arrivais pas à refermer mes cuisses et je ne pouvais plus me lever. Je suis restée trois jours dans la tranchée, sans eau et sans nourriture. J’attendais la fin. » Mais la fin n’est pas venue, Marie-Jeanne a survécu. Encore.
‘‘ Quand on se voit, on n’en parle pas ’’
C’est dans cet endroit, en contrebas de la colline où était installé le camp de Nyarushishi, que Marie-Jeanne affirme avoir été violée. ©Bryan Anselm
Intriguée par la concordance des témoignages qui désignent ce camp comme un lieu de viols collectifs, Causette est donc partie sur les traces des anciens rescapés de Nyarushishi. Emmanuel, un survivant rencontré dans un petit village du Sud, se rappelle : « Une fille que je connais était allée chercher du bois. Elle est revenue en larmes, son tricot déchiré. C’est mon amie et elle avait été violée. Quand on se voit, on n’en parle pas. Si cela se savait, sa vie serait ruinée. » Rencontré dans la même province, Casimir, devenu procureur, nuance : « On voyait les militaires entrer dans les tentes et repartir avec des filles. Mais je ne crois pas qu’elles étaient forcées, car elles revenaient avec de la nourriture. » Le vieil homme n’est pas le seul à parler à mots couverts de prostitution. Désiré, maire de Karama en 1994 – là où Irène dit avoir été violée –, purge une peine de 24 ans pour incitation au génocide. « Il y avait deux jolies Tutsies, elles étaient toujours avec le capitaine dans le salon du bâtiment où l’on faisait les réunions [lieu nommé “SOS village” sur la carte, ndlr], raconte l’ancien maire interrogé en prison. Je ne sais pas si celles-là étaient forcées, mais il y avait une dizaine de Hutues qui se prostituaient dans les tranchées avec les soldats, à côté de la mairie. »
Le colonel Tauzin, qui commandait un des secteurs de la zone Turquoise, ne nie pas que ce type de commerce ait pu exister : « On ne peut pas jeter la pierre à ces pauvres femmes. Une mère qui vend son corps pour nourrir ses enfants, ça a quelque chose de merveilleux. » Avant de marteler : « Mais cela n’a rien à voir avec du viol. » Pourtant, selon l’historien des violences de guerre, Stéphane Audoin- Rouzeau, la frontière est parfois tenue : « La prostitution peut faire écran, mais elle peut aussi créer une zone de porosité. Nous sommes dans une situation postcoloniale. Dans l’esprit des soldats, on se sert. » Certains militaires ont-ils pu franchir la limite ? « Le Rwanda est un charnier, les gens sont dans une situation de complète anomie, poursuit l’historien. S’il n’y a pas de consignes extrêmement précises du commandement et qu’on laisse s’ouvrir un vide moral, des tas de comportements criminels sont possibles. »
Quoi qu’il en soit, concernant la prostitution, il semble que le commandement n’ait pas toujours été regardant : « Il y avait de la prostitution partout, raconte Thomas (1), un cadre des services de renseignements de Turquoise. Dans les camps de réfugiés, partout jusqu’à Goma [au Zaïre, où se trouve le QG de Turquoise, ndlr] où je me rappelle un cas avec des collégiennes. Il a fallu recadrer les mecs, leur dire qu’on n’était pas chez nous. C’était une opération spéciale. » Les soldats de Turquoise se sont-ils laissés déborder par le chaos du génocide ? « Non, réplique le colonel Tauzin. Nos soldats sont professionnels et sereins même dans les pires situations. » Causette n’a pas eu exactement les mêmes échos…
Face au chaos du génocide : le choc des soldats
Thomas, le cadre des renseignements, se souvient encore : « Les jeunes pétaient les plombs, il y a en qui étaient mis à l’abri ou ramenés en France, certains qu’on devait mettre sous anxiolytique. Il y avait même des soldats qui viraient morbides ou se tiraient mutuellement dessus. » Au point que le général Lafourcade, patron de l’opération Turquoise, doit faire venir trois psychiatres depuis Paris pour faire le tour des unités. « C’était l’horreur absolue, il y avait des corps éparpillés partout », se rappelle, ému, le général. Les forces françaises ont beau être surentraînées, le choc est là : « Plus de cinquante soldats doivent être suivis par le psychiatre de l’armée », souffle Lafourcade. Des années après, les fantômes du Rwanda hantent toujours les esprits.
Stéphane (1), tout jeune militaire membre de Turquoise, a toujours du mal à parler de cette mission : « Ce sont les pires souvenirs de ma carrière. Quand je suis parti, j’étais un enfant ; quand je suis revenu, j’étais un homme. » Jacques (1), lui, n’a jamais mis les pieds au Rwanda. D’ailleurs, ce retraité français ne connaît du génocide que ce qu’il a pu en apprendre dans les livres d’histoire. C’est sans doute pour cette raison qu’il « ne [se] remet toujours pas » de son séjour au Centre hospitalier privé d’Aubergenville, en région parisienne, en septembre 2006. Là-bas, il partage sa chambre avec un légionnaire de Turquoise : « Il était soigné pour alcoolisme. Au fil des jours, il s’est confié. Il m’a raconté ses missions au Koweït et au Rwanda. Il m’a raconté que tout le monde était devenu complètement dingue, ils perdaient tous les pédales. Lui et ses copains avaient violé à tour de bras et même commis des meurtres… À l’autre bout de la chambre, j’étais muet, je n’arrivais pas à le croire. »
Éric Gillet, avocat de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, a mené une enquête avec l’organisation Human Rights Watch, qui lui a permis de recueillir des centaines de témoignages. Il affirme « avoir entendu parler des viols par l’armée française », des accusations émanant des « hommes et des femmes des collines » (c’est-à-dire des Rwandais). Stéphane (1), le jeune militaire, n’y croit pas : « Je n’ai jamais entendu dire que des mecs avaient craqué au point de violer. Dans notre compagnie, nous étions très contrôlés. » Même son de cloche du côté des officiers : « Il peut y avoir des saloperies limitées derrière une haie, balaie le colonel Jacques Hogard, qui commandait à l’époque le secteur où se trouve le camp de Nyarushishi. Si cela a existé, ce sont des cas isolés, pas un système. J’ai même été averti quand des légionnaires avaient volé des caisses de bière. Le moindre incident remonte au chef. Alors des viols… » Et son homologue, le colonel Tauzin de renchérir : dans l’armée, « les violeurs, on les rapatrie, on les vire, on les fout en taule ». Sûr ?
Viol à la baïonnette
À en croire le journaliste Pierre Péan (3) et nos sources, ce n’est pas ce qui est arrivé à deux soldats du 21e RIMA (régiment d’infanterie de marine), en poste au Rwanda fin 1992-début 1993, avant le génocide. À la sortie d’une boîte de nuit, le Kigali Night, ils embarquent une jeune Rwandaise dans le camion-benne qui doit les ramener à leur cantonnement. Ils la violent, avant de lui « “travailler” le sexe à la baïonnette » (3) et de la laisser pour morte sur le bord de la route. « La fille a été récupérée, amenée à l’hôpital, relate le colonel Michel Robardey, en poste au Rwanda au moment des faits. L’affaire s’est ébruitée et les prévôts (4) s’en sont saisis. » Le colonel encourage les gendarmes français à porter l’affaire devant le tribunal de grande instance de Draguignan. Les deux soldats sont renvoyés en France et exclus de l’armée, mais… ils ne seront jamais poursuivis. Le tribunal français se déclare incompétent au profit des juridictions rwandaises, les soldats « n’étant pas en service » au moment des faits.
Au Rwanda, « il y a eu un accord entre elle [la victime, ndlr] et les auteurs pour qu’il n’y ait pas de procédure devant la justice. Mais la hiérarchie a veillé à ce que la victime trouve une compensation financière », explique Michel Robardey. L’affaire est classée. Malgré cette ombre au tableau, rien à faire, le général Lafourcade persiste : à sa connaissance, pendant Turquoise « il n’y pas eu de faute grave, pas de viol collectif ». Une certitude qui se base sur le résultat d’une enquête de la Direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD) menée dans les rangs de l’armée en 1995. Selon plusieurs sources militaires, seulement quelques officiers, surtout des légionnaires qui n’allaient pas bien, auraient été consultés. Par-dessus la jambe, l’enquête ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, la question vient naturellement : des cas ont-ils été signalés ? Des soupçons ont-ils pesé sur les unités ? Pourquoi se concentrer sur les viols ? « Parce que c’est une question très délicate, répond sans hésiter le général Lafourcade. Il fallait être certain que, des années plus tard, une histoire de viol ne sorte pas dans la presse. » Oups !
Leila Minano et Julia Pascual
(1). Les prénoms des intéressés ont été changés à leur demande.
(2). Les « tranchées » sont des « postes ou abris de combat », des trous creusés dans le sol et recouverts ou non par du bois et de la terre, afin de se protéger des tirs ennemis.
(3). Page 208 de son livre Noires Fureurs, Blancs Menteurs – Rwanda 1990-1994, Mille et une nuits (2005).
(4). Officiers de gendarmerie chargés de police judiciaire.
Trois rwandaises devant le tribunal aux armées
Un des bâtiments du camp de Murambi où Françoise, une des plaignantes, dit avoir été violée. En 2004, le lieu est devenu un mémorial. ©Bryan Anselm
Sept ans qu’elles ont parlé pour la première fois. Sept ans qu’elles attendent un procès. Diane, Olive et Françoise, trois Rwandaises, déclarent avoir été victimes de viols et de violences volontaires de la part de militaires français de l’opération Turquoise, en 1994. En juin 2004, leur avocat, Antoine Comte, porte l’affaire devant une mauvaise juridiction et le dossier stagne. C’est donc seulement le 22 octobre 2009 que leur nouvelle avocate, Me Laure Heinich-Luijer, dépose plainte contre X devant le tribunal aux armées de Paris (TAP) pour « crimes contre l’humanité, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime contre l’humanité ». Une plainte que le juge d’instruction au TAP Florence Michon déclare recevable, affirmant que cette qualification suprême ne peut-être « écartée à priori ». Mais de rebondissements judiciaires (appel exceptionnel du parquet) en changement de juge d’instruction (Frédéric Digne remplace Florence Michon à l’été 2010) jusqu’à un contretemps médical (le juge s’est rompu le tendon d’Achille 48 heures avant l’arrivée des Rwandaises à Paris, ce qui l’aurait empêché d’entendre les plaignantes), les Rwandaises attendent une nouvelle convocation. Une rencontre pourtant rendue urgente par la disparition programmée du TAP en janvier 2012, qui retarderait encore leur procédure, en attendant la création d’un « pôle génocide et crimes contre l’humanité » au tribunal de grande instance de Paris. Entre-temps, les années passent. Et les chances d’établir la vérité aussi.
L’Opération Turquoise
Opération proposée et dirigée par la France entre le 22 juin et le 21 août 1994, sous mandat de l’ONU, pour « contribuer, de manière impartiale, à la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger au Rwanda ». Au plus fort de l’opération, elle compte 3 000 hommes, dont environ 1 500 des troupes de Marine et de la Légion étrangère qui se déploient au sud-ouest du Rwanda, dans le triangle Cyangugu-Kibuye- Gikongoro, afin de créer une « zone humanitaire sûre ». Cette opération a déjà été l’objet de vives controverses, certains accusant les militaires d’avoir soutenu les génocidaires.
France-Rwanda : des affaires judiciaires en terrain miné
Celui qui s’intéresse au Rwanda, au génocide de 1994 et à l’opération Turquoise, met les pieds sur un terrain miné. Où Paris et Kigali se sont affrontées depuis des années, jusqu’à la rupture diplomatique (2006-2009). À l’époque, le juge français Jean-Louis Bruguière avait lancé des mandats d’arrêt internationaux pour « assassinats » ou « complicité d’assassinats » contre neuf proches de l’actuel chef d’État rwandais, Paul Kagame. Le crime visé : l’attentat perpétré le 6 avril 1994 contre l’avion du président d’alors, le Hutu Juvénal Habyarimana, allié de Paris. Sa mort avait été l’élément déclencheur du génocide. Face à Bruguière, Kagame réplique et charge la commission Mucyo de mener une enquête sur l’implication de la France dans le génocide des 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Le résultat est accablant et la responsabilité de la France est clairement établie par les enquêteurs de Kigali (« viols », « formation des miliciens hutus », « livraisons d’armes clandestines »). La France, alliée du régime hutu au début des années 90, aurait ainsi perpétué ses amitiés pendant le génocide, alors même que l’ONU l’avait mandatée comme force impartiale pour protéger les populations civiles. À Paris, on se défend : l’enquête est un tissu de mensonges, les témoignages qu’elle fournit sont bidonnés. Où se situe la vérité ? « Tout n’est pas vrai, mais tout n’est pas faux, confie un diplomate français. Personne n’a intérêt à ce que le rapport s’ébruite. » La plainte pour crimes contre l’humanité déposée à Paris par trois Rwandaises, Olive, Diane et Françoise – les deux premières ont été entendues par la commission Mucyo –, s’inscrit dans ce contexte politique. Tout comme une autre plainte contre X pour « complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité », déposée en France, en février 2005, par six survivants qui accusent des soldats français d’avoir aidé les miliciens hutus à débusquer leurs victimes et commis eux-mêmes des exactions. Ces procédures sont un enjeu de vérité pour l’Histoire. Dès lors, le soupçon pèse sur elles. Le récit des viols et des violences que Diane, Olive et Françoise disent avoir subi sera passé au crible et la moindre contradiction, érigée en preuve d’un mensonge. C’est déjà le cas, alors qu’aucun juge ne les a encore entendues. Olive, Diane et Françoise ont été examinées en juin 2011 par deux experts psychologiques. Ces derniers ont conclu que les Rwandaises n’ont pas cherché à « influencer ou manipuler l’auditeur », pas plus qu’elles n’apparaissent comme des individus « influençables ou manipulables ». Ces expertises sont essentielles.
Sophie Bouillon, Leïla Minano et Julia Pascual
Publié dans : Causette #18