Fiche du document numéro 17429

Num
17429
Date
Mardi 5 juillet 1994
Amj
Taille
688402
Titre
Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République, et Nelson Mandela, Président de la République d'Afrique du Sud, sur les relations bilatérales franco-sud-africaines, sur la situation politique au Rwanda et les conditions de l'intervention humanitaire française, Le Cap le 5 juillet 1994
Cote
Pol. Etr. juillet-août p. 26- 29
Fonds d'archives
Type
Conférence de presse
Langue
FR
Citation
(Le Cap, 5 juillet 1994)

France - Afrique du Sud - visite du Président Mitterrand



Le Président Mandela - Il s'est agi d'une visite tout à fait historique. Le Président
Mitterrand, en fait, a fait plus que répondre à nos attentes. Les sentiments qu'il a exprimés au
cours de cette journée et les offres qu'il a faites, nous ont donné l'espoir que soit réalisé le
programme de reconstruction et de développement qui est notre principal projet et doit
permettre de répondre aux besoins fondamentaux de notre peuple. Bien entendu, nous avons
parlé des principes généraux, les détails devront être réglés par les spécialistes des différents
domaines qui ont été examinés. Toutefois, nous avons pu constater votre engagement à nous
aider à résoudre nos problèmes, et ceci est apparu clairement dans tous ces discours.

Hier, j'ai emmené le Président dans le township de Khayelitsha, et ainsi il a pu voir de
ses propres yeux quelles sont les conditions dans lesquelles notre peuple vit. Ce sont les
dirigeants de ce township qui ont décrit au Président leurs conditions de vie, et il en a été ému,
surtout lorsque nous sommes allés dans quelques maisons. Il a eu l'occasion de parler à leurs
propriétaires et de voir le nombre de personnes qui s'y trouvaient. Il a été visiblement ému des
conditions dans lesquelles ils vivent, et ce qu'il a dit après indique bien là que c'est un
engagement de la part d'une personne qui vit véritablement la liberté, l'égalité.

Je crois que cette visite, en fait, a tout à fait répondu à notre attente, et lorsque le
Président va partir pour Johannesburg, nous le verrons partir avec beaucoup de regrets car, eu
égard à la façon dont il s'est identifié à nos problèmes, nous le considérons maintenant comme
l'un des nôtres ; il nous a donné beaucoup de force.

Afrique du Sud - France - Union européenne - G7 - aide économique



Le Président- Je vous remercie. Je suis venu en Afrique du Sud avec une grande
curiosité. Pendant des années Monsieur le Président, votre pays apparaissait comme un point
de mire parmi les grands problèmes qui occupent le monde, et nous étions habitués à ne plus
espérer. Par un étonnant retournement des choses, voilà que ce pays s'est doté d'un système
démocratique, s'est défait de son système de ségrégation, et a pu élire un Parlement, un chef
d'Etat et voir se mettre en place un gouvernement de bonne volonté où l'on sent une volonté
politique d'une nature exceptionnelle.

Je ne peux pas, après 24 heures, avoir été déçu par ce que j'ai vu puisque, à chaque
instant, on va d'étonnement en étonnement. Naturellement les questions de fond restent là, et
chacun de ceux qui m'accompagnent a pu se rendre compte de l'immensité de votre tâche. On
l'a déjà dit, je vais le répéter, une immense espérance suscitera aussi une forte impatience ; il
serait très injuste de laisser les responsables de l'Afrique du Sud seuls avec leurs difficultés.
Voilà, pourquoi il est nécessaire de mobiliser l'attention du monde extérieur : celle de la
France en tant que telle, dans le cadre de notre relation bilatérale, selon nos moyens,
davantage encore celle de l'Union européenne, avec tout ce dont elle dispose. Il y a aussi les
accords de Lomé qui ne sont pas applicables à l'Afrique du Sud en raison des circonstances de
l'époque, mais qui représentent un apport important aux pays d'Afrique, du Pacifique et des
Caraïbes qui sont visés par ces textes. Les dernières décisions concernaient douze milliards
d'Ecus. D'autre part, il me semble que seul un plan mondial d'aide affecté à des tâches précises
comme par exemple la construction, permettra d'en finir avec ces milliers de townships,
situation que l'on rencontre ici ou là dans le monde, mais qui me parait dans ce pays plus
grave qu'ailleurs. Seule cette solidarité mondiale au travers du G7, où je siégerai dès vendredi
prochain à Naples, et l'ensemble des dispositifs au travers des institutions internationales, la
Banque mondiale, le Fonds Monétaire International, etc... permettront de réussir l'expérience à
laquelle vous êtes attachés. Vous avez déjà beaucoup réussi politiquement, il vous reste à faire
la démonstration économique que les problèmes accumulés à travers les décennies
précédentes vont être résolus dans un temps raisonnable.

J'ai été très frappé par la qualité de ceux qui s'occupent des différents secteurs publics de
l'Afrique du Sud. C'est un voyage très intéressant. Je suis très heureux de pouvoir être là,
premier chef d'Etat à faire une visite d'Etat au Président Mandela, qui a symbolisé et qui
continue de symboliser auprès de milliards d'êtres humains une certaine façon d'établir la
justice, de rechercher l'égalité dans la liberté. Je tiens à rendre cet hommage au Président
Mandela dont on connaît la vie contrastée et difficile, et qui est parvenu, aujourd'hui, à
dominer les ressentiments, les rancunes. Elles n'ont pas cessé, sûrement, - c'est un jugement
personnel que j'émets -, mais la volonté politique et morale qui anime le chef de l'Etat,
l'équipe du gouvernement et l'ensemble des responsables qui entourent le Président Mandela
me donnent bon espoir que tout cela sera maîtrisé.

Voilà l'impression que j'ai en cet instant, et je suis, comme le Président Mandela, à votre
disposition pour répondre à vos questions.

Rwanda - situation actuelle - historique de la présence française -
action de la France - accords d'Arusha



Q - Avez-vous parlé du Rwanda dans vos entretiens d'aujourd'hui ? L'Afrique du Sud
va-t-elle s'engager autrement que par la médiation au Rwanda ?

R - Le Président - Nous avons peu parlé du Rwanda, dans la mesure où les choses sont
claires. J'ai moi-même été tenu constamment informé par Paris de l'évolution de la situation.
Pourquoi ai-je dit que la situation était claire ? Il s'y livre des combats, des combats militaires
; un camp l'emporte sur un autre, c'est le sort habituel des guerres civiles. Nous ne sommes
pas partie prenante, nous Français. Nous n'avons pas à choisir un camp, nous avons
simplement à choisir la défense de ceux qui souffrent, qui ont souffert, - pour certains c'est
beaucoup trop tard, pour d'autres, c'est encore possible -, d'un véritable génocide, ce sont les
mots qui ont été employés en particulier à Genève.

Nous avons été quasiment les seuls, - pas tout à fait -, à tenter de mettre un terme à ce
génocide par une action qui est humanitaire et qui doit le rester. Cette action consiste à
protéger les populations, quelles qu'elles soient, contre les effets de la guerre et surtout de la
vengeance entre ethnies. Les forces françaises ont déjà sauvegardé des milliers de vies
humaines, sauvé beaucoup d'enfants, et souhaitent pouvoir continuer.

Qu'est-ce qui a changé ? Ce n'est pas la nature de ce combat, c'est son terrain. Entre ceux
qui se livrent à cet affrontement, le sort des armes décidera, est en train de décider. On se
posera la question de savoir : "et après?" Après, bien entendu, une population extrêmement
minoritaire devra trouver les moyens de parvenir à un équilibre avec la population dominée
qui est extrêmement majoritaire : j'emploie cet adverbe parce que c'est de l'ordre de 85 à 90 %
d'un côté, de l'autre la différence.

Des militaires français sont au Rwanda depuis l'accord qui date de 1975, un accord
d'assistance militaire, signé par le gouvernement de l'époque avec le gouvernement rwandais.
Il comporte un devoir de formation et d'organisation des forces rwandaises. Ce n'était pas, à
l'époque, une période de guerre civile. Le même accord prévoit que les soldats français ne se
mêleront, si cela devait se produire, ni à un conflit interne entre ethnies ou tout simplement
pour la conquête du pouvoir, ni à un conflit extérieur. Ce n'est pas un accord de coopération
militaire et d'assistance.

Cela vient de se produire. Quand cela s'est produit, les Français n'étaient déjà plus
présents car depuis plusieurs années, et avec beaucoup plus de force depuis quelques mois,
nous nous sommes efforcés d'organiser le dialogue entre les combattants, et nous y sommes
parvenus. Cet accord, qu'on appelle l'accord d'Arusha, du nom d'une ville de Tanzanie,
comportait diverses dispositions notamment sur le partage du pouvoir civil, mais aussi sur le
partage du pouvoir militaire. 40 % de l'armée devait comprendre ceux que l'on appelle les
"rebelles", ceux qui sont venus du nord, de l'Ouganda, et 50 % des cadres. Donc accord
politique, partage du pouvoir, présence des deux camps au gouvernement du Rwanda et dans
l'armée, non seulement pour l'exécution mais pour le commandement. Cela supposait aussi, et
les Français en étaient très désireux le départ des soldats français en petit nombre, avec
substitution par les forces des Nations unies.

Et c'est nous qui avons pris l'initiative, nous Français, de saisir les Nations unies pour
demander leur concours, ce qu'elles ont fait. Des forces représentant les Nations unies sont
arrivées là. L'accord d'Arusha date du 4 août 93, la fin de sa mise en application de quelques
mois plus tard, et donc les Français ont laissé la place aux forces des Nations unies,
conformément aux voeux de la France. Un peu plus tard, le Président du Rwanda a été
assassiné. Il se trouvait dans son avion en compagnie du Président du Burundi, lequel avait
succédé à un autre Président du Burundi élu démocratiquement, lui-même assassiné avec un
certain nombre de ses ministres peu de mois auparavant, ce qui veut dire que ce pays s'est
trouvé du côté gouvernemental privé de tous ses responsables, non seulement le Président,
mais aussi le chef d'Etat Major, un certain nombre de ministres laissant une population livrée
à elle-même, en face d'une force militaire organisée. Il s'en est suivi ce que vous savez. J'ai
employé moi-même le mot de génocide. cela veut dire qu'on a tué n'importe qui, n'importe
comment, de la façon la plus barbare et selon, semble-t-il, un plan préconçu.

Les forces du Front Patriotique Rwandais, ceux qui venaient du Nord et qui partaient à
la conquête de ce qu'ils estimaient être leur pays, ont continué de progresser et ont conquis
Kigali. Au cours de ces dernières heures, elles continuent d'avancer. Qu'a fait la France dans
l'intervalle ? Elle était revenue d'une certaine manière à l'appel de tout le monde pour essayer
de faire évacuer les populations civiles, menacées par la guerre civile. Nos avions sont arrivés
et ont transporté les Belges, les Allemands, les Anglais, les Français, enfin tous ceux qui se
trouvaient là et qui désiraient quitter le Rwanda, ainsi qu'un certain nombre des forces des
Nations unies. Nous n'avions plus de raison d'être là.

Je tiens à préciser ces choses : depuis l'application de l'accord d'Arusha, la présence
militaire française a cessé. Elle a cessé longtemps avant le déclenchement du génocide,
longtemps avant la disparition soudaine et brutale du Président du Rwanda. Nous n'avons
donc aucunement été mêlés aux événements qui ont suivi. Mais personne, semble-t-il, n'était
désireux de venir en aide aux populations de toutes origines qui refluaient devant les combats
ou d'arrêter ce qui, ici ou là, continuait d'être l'oeuvre de massacreurs organisés.

Nous avons donc décidé au moins de donner l'exemple en incitant les Nations unies, en
les invitant à venir au plus tôt remplacer nos forces. Il nous paraissait qu'il appartenait d'abord
peut-être à des Africains de tenter de s'interposer entre des Africains. L'OUA, en tant que telle,
jusqu'ici, n'a pas bougé. Certains pays comme le Sénégal ont apporté quelques contingents.
Les Nations unies ont tout de suite dit oui. Mais, elles ont quelque peine à se mettre en place.
Nous n'en connaissons pas les délais. Fallait-il laisser pendant deux mois, trois mois, quatre
mois se parachever les massacres ? C'est dans ces conditions qu'est parti le corps français qui,
aujourd'hui, se trouve basé à la fois au Zaïre et au Rwanda.

Je répète bien ce que j'ai dit pour commencer : nous n'avons pas l'intention de faire autre
chose que de secourir ceux qui se trouvent dans le malheur, Le changement sur le terrain, c'est
que comme on pouvait le prévoir, le Front Patriotique Rwandais continue d'avancer. Et donc,
ses avant-gardes se trouvent pratiquement au contact avec les troupes françaises qui ne
cherchaient pas à avancer au-delà d'une limite raisonnable, au-delà de ce que l'on appelle une
zone humanitaire préservée, pour assumer leur tâche : sauver les vies humaines.

Ce qu'a décidé le gouvernement français, en accord avec moi-même, puisque cela s'est
déroulé au cours de ces dernières heures et que j'en ai été informé, c'est de maintenir la
mission confiée à nos soldats, en leur demandant naturellement de ne pas entrer en conflit en
quoi que ce soit, avec les forces militaires rwandaises qui sont chez elles et auxquelles nous
n'avons pas à nous substituer. Mais en supposant aussi que nos forces ne seront pas agressées.
Pourquoi le seraient-elles ? On ne peut pas laisser nos soldats, le cas échéant, à la merci
d'actions aventureuses ou isolées qui émaneraient de tel ou tel. Voilà où on en est.

Rwanda - rôle de l'Ouganda - relais de l'opération française par les Nations unies



J'ai moi-même rencontré, avant de partir pour l'Afrique du Sud, le Président de
l'Ouganda, Monsieur Museveni, que je connais depuis déjà sept ou huit ans, et avec lequel
j'entretiens des relations constantes. Il est passé par Paris, où nous nous sommes entendus
pour dire qu'une façon de régler ce conflit serait d'abord d'obtenir un cessez-le-feu, ensuite de
reprendre la base des accords d'Arusha, car de toute manière, quel que soit le vainqueur - on
sait bien lequel ce sera - il faudra gouverner avec l'ensemble des ethnies et des forces
politiques qui se trouvent dans ce pays. Enfin, pour faciliter les choses, nous avons décidé de
recommander la réunion des chefs d'Etat de la région qui seraient en mesure de fournir leurs
conseils et de veiller à ce que ce conflit s'arrête dans sa réalité. On ne cherche pas à inverser
les résultats des affrontements. Le Président de l'Ouganda m'a fait savoir qu'il avait reçu le
Président, le dirigeant principal du Front Patriotique Rwandais, en présence d'ailleurs de notre
ambassadeur, pour réitérer ce qu'il considérait comme la base raisonnable du règlement du
conflit, celui que je viens de vous indiquer.

On en est là, les dispositions respectives ne paraissent pas être agressives. Il faut
toujours se prémunir contre les actions isolées. Mais il ne faut pas non plus, comme j'en ai eu
l'impression à la lecture de la presse de ce matin, considérer que la France est dans la guerre.
Elle ne le veut pas. Doit-elle pour autant abandonner la tâche entreprise qu'elle est seule ou
presque seule à entreprendre ? Cela nous a paru inadmissible.

Il n'en reste pas moins que nous continuons d'attendre avec beaucoup d'impatience la
relève des Nations unies. Nous avons obtenu pour la mise en place de ces zones de sécurité
l'approbation de M. Boutros-Ghali. A dix sept heures aujourd'hui, en raison des règlements
internes des Nations unies, la position du Secrétaire général deviendra la loi des Nations
unies. Ce qui veut dire que l'attitude française deviendra également l'attitude des Nations
unies.

J'ai tenu à insister aussi sur le fait que cette politique d'assistance militaire, avec ses
limites, dont la non participation à des combats, ne date pas, comme on a voulu le dire, d'une
époque tout à fait récente : c'est le résultat d'accords d'il y a exactement dix-neuf ans.

Afrique du Sud - conditions d'une intervention au Rwanda - ONU -OUA



Q - La question était posée au Président Mandela également.

R - Le Président Mandela - Le principe général est le suivant : tout pays étranger qui
intervient dans une situation de conflit afin de sauver des vies humaines doit être soutenu.
Mais, c'est lorsqu'il s'agit de mettre en application ce principe que l'on pourrait avoir des
réserves à propos de toute action spécifique. L'Afrique du Sud est membre des Nations unies
et également membre de l'Organisation de l'Unité africaine. Ces deux organisations ont été
créées afin de promouvoir la paix dans le monde, et leurs chartes demandent à tous les pays de
déployer tous les efforts pour résoudre les différends par des moyens pacifiques. Par
conséquent, dans toute situation de conflit, nous agirions soit dans le cadre des Nations unies,
soit dans le cadre de l'OUA.

Les Nations unies nous ont demandé d'être impliqués dans la situation au Rwanda, mais
pas de faire une intervention militaire. En fait, nous avons essayé de répondre à leur demande
précise. Nous le faisons et ceci va à l'encontre de ce que faisait le régime de l'apartheid,
lorsque l'Afrique du Sud procédait à des interventions militaires, et à un sabotage économique
dans les pays avoisinants. Nous faisons donc très attention, eu égard à ce qui s'est passé, à une
intervention militaire. Les Nations unies ne nous ont pas demandé de faire une intervention
militaire au Rwanda.

L'OUA a examiné cette question et a confié l'examen de ce problème à trois dirigeants
africains de grande envergure ayant beaucoup d'expérience : le Président Yori Museveni cité
par le Président Mitterrand, le Président Hassan Mwinyi de Tanzanie et le Président Mobutu
du Zaïre. Il s'agit donc de dirigeants qui sont en train de s'attaquer à ce problème. Quant à
nous, l'Afrique du Sud, nous allons soutenir ce qu'ils feront et nous ferons tout ce que nous
demandera l'OUA, mais cette organisation ne nous a pas demandé de faire une intervention
militaire au Rwanda. Donc, nous suivons exactement ce que ces deux organisations nous ont
demandé.

Rwanda - action de la France - position de l'Afrique du Sud



Q - Une question au Président Mandela.
Le Président Mitterrand vous a-t-il demandé de faire quelque chose de
précis par rapport à cette crise au Rwanda[Réf.
Suivante] ?

R - Le Président Mandela - Nous n'avons, en fait, pas du tout discuté
de la question du Rwanda avec le
Président. Nous avons discuté de notre situation interne et nous avons
parlé de l'assistance que la République française est prête à nous
accorder, afin de lancer le programme de reconstruction et de
développement.

R - Le Président - Non, pas du tout. Nous cherchons l'accord de
l'Organisation de l'Unité Africaine et plus encore celle de
l'Organisation des Nations unies. Nous n'avons pas du tout l'intention
de demander particulièrement à l'Afrique du Sud, qui a tant de
problèmes elle- même à résoudre, de se mêler directement de ce conflit
; sauf, bien entendu, par le canal de l'OUA comme vient de le dire le
Président Mandela. Donc, ce n'était pas un problème à traiter entre
nous.

Je vous le répète, les Français ne sont pas en guerre, et je ne pense
pas d'ailleurs, sauf erreur de ma part, qu'il y ait jamais eu de
cartouches tirées par un soldat français dans les conflits qui se sont
déroulés au Rwanda depuis quelques
années, conformément, d'ailleurs, aux accords de 1975. Donc, c'est une
responsabilité qui ne nous incombe pas. Simplement, il y a quelqu'un
qui se noie, des gens qu'on massacre : faut-il rester immobile,
insensible, se contenter de faire des commentaires ? La France a jugé.
Je dois dire qu'elle est un peu seule dans ce cas-là ; espérons que
cela ne durera pas. Il était de son devoir d'intervenir sur le plan
que j'ai dit, c'est-à-dire la zone de sécurité humanitaire. Elle ne
cherche pas à retenir l'avance militaire de l'un des deux camps,
c'est-à-dire du Front Patriotique Rwandais. Simplement, Il ne faudrait
pas qu'aux massacres que l'on a connus, s'en ajoutent quelques autres.

Q - Monsieur Mandela, hier vous avez dit que des problèmes comme celui
du Rwanda ne devraient pas faire
l'objet d'actions unilatérales. Pensez-vous que ceci s'applique au
Rwanda ?

R - Le Président Mandela - Je parlais en fait d'un principe général.
Mais je ne suis pas prêt à discuter de toute action spécifique prise
par tout autre pays. J'ai parlé de ma propre position. J'ai dit que
j'agirai soit dans le cadre de l'organisation des Nations unies, soit
dans celui de l'OUA ou dans le cadre des pays de la ligne de front.

R - Le Président - Je voudrais ajouter un mot à ce sujet là. La France
n'entend pas mener d'opérations militaires au
Rwanda contre qui que ce soit. Le sort des
Rwandais dépend des Rwandais. Le seul problème qui nous est posé, je
l'ai dit il y a un instant, a été un cri d'indignation universel
devant ce qui s'est produit, au lendemain de la disparition du
Président du Rwanda. Universel ! On a même voulu à un
certain moment attribuer une responsabilité particulière à la France,
alors que je vous ai dit que la France n'a participé à aucun combat ;
et que, d'autre part, les accords militaires étaient de simple
assistance. Elle n'entend pas changer de ligne.

Le Front Patriotique Rwandais n'est pas notre adversaire. Nous ne
cherchons pas à retenir son éventuel succès Nous disons simplement
qu'il faut bien qu'il y ait, quelque part, un endroit où des gens en
péril puissent trouver secours, Nous tendons une main secourable. Là,
s'arrête notre action. Et nous sommes au regret de constater que les
organisations internationales n'ont pas déjà mis en place le
dispositif qui permettrait de ne pas laisser supporter cette charge à
la France seule.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024