Fiche du document numéro 16683

Num
16683
Date
Samedi 16 juillet 1994
Amj
Hms
09:20:00
Taille
88639
Sur titre
Rwanda ethnie
Titre
Hutus-Tutsis : une haine que l'on attribue aux hommes politiques
Mot-clé
Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
De l'un des envoyés spéciaux de l'AFP Bernard DEGIOANNI

KIGALI, 16 juil - Le Rwanda est un pays habité par la peur, sans oubli, ni pardon. Où la population rejette sur les hommes politiques et leur soif de pouvoir, la responsabilité des massacres qui opposent Hutus et Tutsis depuis 1959 pour beaucoup, mais qui remonte à la colonisation pour d'autres.

A Kigali, on justifie sans s'émouvoir la mort de plus de 500.000 Rwandais des deux ethnies, au cours des trois derniers mois. Beaucoup de gens ont tué parce qu'ils ont été contraints à le faire, dit-on généralement.

Si l'on n'approuve pas la violence, on ne la condamne pas pour autant. On conteste cependant l'existence d'une haine entre Hutus, l'ethnie majoritaire avec 85% de la population, et Tutsis. Les nombreux mariages mixtes sont la preuve qu'il n'y a pas, au départ, de rejet, affirme-t-on de manière catégorique.

Tous les Rwandais, Hutus et Tutsis, ont les mêmes traditions, parlent la même langue, le kinyarwanda, sont en grande majorité catholiques pratiquants, mais aussi illettrés pour la plupart.
Pour l'opinion publique, les responsables sont les hommes politiques qui ne démentent pas, se limitant à accuser leurs adversaires de propager l'incitation à la haine ethnique.

Dès le 6 avril, le jour de la mort du président rwandais Juvénal Habyarimana, la radio gouvernementale Mille collines a lancé de véritables appels au meurtre. Les Tutsis n'étaient pas nommés mais tous les ont reconnus.

C'est la radio du gouvernement formé au lendemain de la mort du président Habyarimana, qui a jeté sur les routes conduisant au Zaïre des milliers de Hutus en qualifiant les membres du FPR (Front populaire rwandais, la minorité tutsie) d'assassins. Préfets, maires et chefs de villages font pression sur des paysans illettrés.

C'est le régime militarisé à l'extrême du président Habyarimana qui, depuis l'indépendance en 1962, a conditionné les consciences.

Dès lors, au moindre ordre, la folie meurtrière n'a pas de limites: parents abattus à l'arme blanche devant leurs enfants, évêques, prêtres, chrétiens tués dans des églises, toujours avec un seul critère: l'appartenance ethnique, le danger que représente le voisin.

La communauté internationale a qualifié de génocide cette folie, accusant plus particulièrement l'armée et les milices hutues d'avoir froidement assassiné des Tutsis.

Il faudrait éduquer les politiciens. Dès que le régime est agonisant, on soulève un problème ethnique qui prend appui sur la misère, le bas niveau d'éducation et la peur des militaires, a affirmé à l'AFP Pierre Rwangabo, responsable du Parti social démocrate (PSD, opposition).

Le problème Hutus-Tutsis n'est qu'un paravent pour régler des situations politiques compliquées, a dit à l'AFP Alexis Kanyarengwe, le président du Front populaire rwandais, désormais au pouvoir.
Les hommes politiques évoquent aussi le temps des colonies, où Allemands, Français et Belges jouaient une communauté autochtone contre l'autre.

bd/nj t

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