Fiche du document numéro 1597

Num
1597
Date
Mercredi 6 juillet 1994
Amj
Taille
330339
Sur titre
La création d'une « zone humanitaire sûre » dans le quart sud-ouest du Rwanda
Titre
Le dispositif « Turquoise » passe de l'humanitaire au sécuritaire
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La France met en application son initiative de créer, à compter du mardi
5 juillet, dans le quart sud-ouest du Rwanda, une " zone humanitaire
sûre ", selon l'amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major des armées.
Cette entreprise a une triple ambition : 1) protéger les populations
réfugiées ; 2) interdire toute exaction ; 3) s'opposer, le cas échéant,
par des actions de rétorsion à toute intrusion jugée agressive
d'éléments armés, qu'ils viennent du FPR, des forces armées rwandaises
(FAR) en déroute ou de bandes incontrôlées.

De fait, le dispositif " Turquoise " devient plus sécuritaire
qu'humanitaire, même si les Français insistent pour qu'une aide
internationale massive converge vers cette zone.

Officiellement, le commandement français persiste à dire qu'il n'a pas
mis sur pied une force d'interposition à proprement parler, mais une
force destinée à dissuader les agressions et à empêcher de nouveaux
massacres. La zone en question s'étend en pratique, dans ses dimensions
les plus larges, sur 70 à 80 kilométres de côté et elle accueille, pour
l'instant, plus d'un million de personnes déplacées.

Des blindés légers autour de Gikongoro



Concernant le comportement des troupes françaises à l'intérieur de ce
périmètre, les responsables de la mission " Turquoise " ont fait savoir
qu'il était régi par l'article 7 de la Charte des Nations unies, lequel
autorise l'ouverture du feu en rétorsion contre des attaques d'où
qu'elles viennent sur les forces et sur les populations qu'elles
protègent. Les combattants rwandais sont invités à se tenir à l'écart de
cette zone et à s'abstenir de toute infiltration et, à plus forte
raison, de toute action de force. Dans le même temps, un appel a été
lancé aux Etats et aux organisations humanitaires pour qu'ils apportent
vivres et médicaments aux populations.

Les états-majors se disent confiants, à la fois, dans la compréhension
de la situation par les différentes factions militaires impliquées dans
le conflit rwandais sinon dans leur coopération et dans la capacité des
unités françaises à faire respecter les limites de la " zone humanitaire
sûre ".

Des moyens supplémentaires sont en voie d'acheminement pour contrôler la
zone protégée et sécuriser les populations en plein exode. En
particulier, des hélicoptères équipés pour la reconnaissance de nuit,
des mortiers et jusqu'à des véhicules blindés légers (VBL), armés d'un
canon de 90 mm, ont déjà été mis en route pour prendre position autour
de Gikongoro. Mais l'état-major, qui a déployé à ce jour quelque 2 300
soldats au Zaïre et au Rwanda, laisse entendre qu'il n'a pas besoin pour
l'instant de renforts : il est en situation de " projeter " entre 800 et
un millier d'hommes dans cette partie-là du Rwanda.

Pour autant, tout danger ne peut être exclu. Les FAR, qui ont manqué de
munitions, de carburant et qui se sont dispersées face au FPR, peuvent
avoir localement des réactions encore imprévisibles et vouloir se fondre
dans le périmètre réservé pour y tendre des embuscades. Les milices
hutues, connues pour la violence de leurs exactions, restent une menace
permanente sur le terrain. Poussés par l'avance du FPR, les centaines de
milliers de réfugiés sont aussi à surveiller dans la mesure où, comme on
dit, un Tutsi peut être un rebelle potentiel.

Quant aux combattants du FPR, nul ne conteste qu'ils sont bien armés, en
particulier par l'Ouganda qui a continué de leur livrer des matériels
ex-soviétiques comme des mortiers lourds, des lance-roquettes multiples,
des obusiers et des batteries anti-aériennes. C'est cette supériorité en
armements et en ravitaillement divers qui a permis à cette ethnie
minoritaire de l'emporter progressivement sur les FAR. A Paris, on admet
que les militaires français, sur place, ont maintenu des contacts
réguliers avec le FPR en lui faisant discrètement parvenir des moyens de
transmissions dont les deux camps peuvent se servir pour prévenir de
leurs intentions et éviter ainsi qu'il y ait des méprises
préjudiciables.

DOC:AVEC UNE CARTE

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