Fiche du document numéro 15828

Num
15828
Date
Vendredi 18 décembre 2015
Amj
Taille
151621
Titre
Un prêtre saintais réclamé par la justice rwandaise
Sous titre
Le Rwanda réclame l’extradition de Marcel Hitayezu qu’il accuse de participation au génocide. La Cour d’appel de Poitiers rendra son avis le 26 janvier.
Nom cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Marcel Hitayezu est un petit homme timide de 57 ans. Depuis cinq ans, il appartient, en tant que prêtre catholique, à l'équipe pastorale de Saintes. Sur cet homme poli et discret, récemment naturalisé français, pèse l'accusation de crimes abominables, formulée par son ancien pays, le Rwanda.

Le 30 juin 2016, le procureur général de ce petit pays africain a émis à l'encontre de Marcel Hitayezu un mandat d'arrêt international pour participation active au génocide qui a fait en quelques mois, courant 1994, des centaines de milliers de victimes, essentiellement dans la population d'ethnie tutsi. Le prêtre saintais était convoqué mardi matin devant la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel, qui doit émettre un avis sur cette demande d'extradition, avant que le ministre de la Justice ne se prononce.

On reproche plusieurs faits criminels à Marcel Hitayezu : du 10 au 14 avril 1994, plusieurs dizaines de Tutsis s'étaient réfugiés dans l'église du village de Mubuga, dont il était l'un des prêtres. Selon plusieurs témoignages recueillis par les autorités rwandaises vingt ans après les faits, le curé aurait soutiré de l'argent à plusieurs familles et à des religieuses tutsi contre la promesse de les exfiltrer. Ces personnes auraient en fait été remises aux milices interahamwe qui les auraient alors massacrées.

Le prêtre nie sa participation au génocide



Toujours selon l'accusation rwandaise, Marcel Hitayezu aurait coupé l'eau et détourné l'aide alimentaire destinée aux personnes réfugiées dans son église, finalement assassinées, en sa présence, par les milices hutus.

Mardi, le prêtre saintais s'est opposé à sa remise aux autorités rwandaises, a nié toute participation au génocide et indiqué qu'il pense que le gouvernement rwandais actuel achète des témoignages de victimes mais aussi d'anciens bourreaux. Mais il n'a pas pu préciser pour quelle raison l'État rwandais en voudrait particulièrement à un prêtre qui n'a jamais fait de politique.

Son avocate, Me Simone Brunet, a sérieusement mis en doute la neutralité de la procédure d'extradition entamée au Rwanda à l'encontre de son client : « Qui peut penser que le Rwanda ait été en mesure en vingt ans de mettre en place une institution judiciaire indépendante ? »

La question qui se pose aux juges poitevins est purement judiciaire. Jusqu'à présent, la Cour de Cassation a systématiquement annulé les arrêts émettant un avis favorable à une demande d'extradition vers le Rwanda. La raison : en 1994, le crime de génocide ne figurait pas au Code pénal rwandais ; ce crime ne peut donc pas être imputé aux auteurs du massacre.

Lors d'un récent arrêt, concernant un Rwandais résidant à Poitiers, la Chambre de l'instruction est passée outre cette jurisprudence. Les juges ont estimé qu'on ne saurait faire bénéficier des génocidaires de dispositions favorables d'un code dont ils sont eux-mêmes les auteurs. La Cour de Cassation a cassé cet arrêt, sans cependant répondre à l'argument soulevé par les juges poitevins.
Ceux-ci vont-ils se plier au dernier arrêt de la haute juridiction, comme l'a requis l'avocat général ? Où vont-ils au contraire se lancer dans une périlleuse partie de bras de fer avec la Cour de cassation ? Réponse, en principe, le 26 janvier.

Vincent Buche.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024