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Ils y sont allés. Pressés d'intervenir dans le « triangle de
Kibuyé », d'où émanaient des coups de feu réguliers et des
témoignages alarmants, les militaires français de l'opération
« Turquoise » se sont rendus sur place, jeudi 30 juin, comme
l'avait annoncé, la veille, le ministre de la défense, François
Léotard. « On est tombés ce soir sur un paquet de blessés », a
indiqué jeudi, à Bukayé, le colonel Jacques Rozier, l'homme des
missions spéciales du 1er RPIMA, en faisant le compte-rendu
de l'évacuation la plus importante de Tutsis depuis le début de
l'intervention française.
Selon le récit qu'a fait le colonel, les militaires, dont ni le nombre
ni l'unité n'ont été précisés, exploraient une région de collines
s'étendant entre Gishyta et le mont Karongi, dans l'ouest du Rwanda.
« On nous avait signalé des expéditions punitives, mais on ne savait pas
qui faisait quoi », a-t-il dit. Passés le matin par la forêt de
Bisesero, les soldats n'avaient rien vu. Ils avaient poursuivi leur
route vers la montagne, où ils ont relevé des traces de massacres : du
sang sur les murs de plusieurs maisons.
Ce n'est qu'à leur retour par la forêt qu'ils ont vu « sortir des
fourrés » des habitants amaigris à qui ils ont distribué de la
nourriture. Mis en confiance, ceux-ci les ont guidés vers divers
endroits où étaient gardés des blessés : bananeraies, grottes... Selon
le colonel, ils étaient « de cent à deux cents blessés » rassemblés,
tous des hommes ou des adolescents. Cent quatre de ces blessés,
grièvement atteints par balle ou machette, probablement dans les deux
jours précédents, ont été immédiatement évacués sur Goma, au Zaïre, au
moyen de six hélicoptères Puma.
Selon le colonel Rozier, les blessés étaient probablement des Tutsis,
venus de diverses régions du pays et qui s'étaient regroupés. Soupçonnés
d'être alimentés en munitions par le FPR, ils étaient attaqués par des
habitants des collines environnantes à majorité hutue. Pour se nourrir,
les reclus se livraient eux-mêmes à des attaques, selon le colonel.
Aucune arme à feu n'a été découverte à proximité. Dans les prochains
jours, plus de trois cents hommes sont attendus au commandement de
Bukavu pour poursuivre notamment l'exploration du « triangle de
Kibuyé ».