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Le secrétaire général des Nations unies a bien accueilli la proposition
française d'un envoi de troupes au Rwanda (le Monde du 17 juin) telle
qu'elle lui a été exposée, jeudi 16 juin, par l'ambassadeur de France,
Jean-Bernard Mérimée. Boutros Boutros-Ghali, indique-t-on de source
diplomatique à l'ONU, s'est montré « très coopératif » à ce sujet, dans
la mesure où lui-même a déjà manifesté à plusieurs reprises son souci de
tout tenter pour arrêter les massacres au Rwanda.
Le secrétaire général et son équipe, a souligné à l'AFP le porte-parole
adjoint de M. Boutros-Ghali, « ont travaillé dur ces dernières semaines
pour mobiliser des troupes et des équipements, et cela n'a pas été
facile. C'est pourquoi, si vous recevez une offre de troupes prêtes,
entraînées et équipées, elle doit être examinée sérieusement ». Dans ce
contexte, toute offre est donc bonne à prendre pour le secrétariat
général, même aux conditions que poserait la France : Paris souhaite
pouvoir, pour une telle opération, concilier un cadre multilatéral et
une conduite militaire et politique nationale. Autrement dit,
l'intervention, tout en s'inscrivant dans le cadre d'une opération de
maintien de la paix de l'ONU, serait conduite par les Français, dont les
militaires estiment être en terrain suffisamment connu au Rwanda pour ne
pas avoir à être placés sous une autorité multilatérale.
Ce procédé est à peu près celui auquel les Américains avaient eu recours
en Somalie fin 1992. Mais, s'il venait à être accepté pour la France au
Rwanda, il serait évidemment difficile de le refuser par la suite aux
Russes en Géorgie ou dans d'autres Républiques de l'ex-URSS, ou encore
aux Américains en Haïti. La France doit cependant s'assurer, avant de
s'engager, d'une participation européenne et de la coopération
africaine. Il lui reste également à obtenir le soutien des autres
membres du Conseil de sécurité, qui n'ont guère, jusqu'ici, manifesté un
grand enthousiasme à l'égard de la proposition française.
De son côté, l'administration américaine, soucieuse de ne pas prêter le
flanc aux critiques qui l'accusent d'avoir réagi trop mollement aux
massacres au Rwanda, a accéléré l'envoi de transports de troupes blindés
demandés par l'ONU pour les « casques bleus ». La semaine dernière, le
secrétaire d'Etat, Warren Christopher, avait accepté l'emploi du terme « génocide », que son administration avait jusque-là demandé à ses
représentants d'éviter à propos du Rwanda.