Citation
De notre envoyée spéciale.
LE Rwanda nouveau ne fait pas peur à tout le monde. A Bujumbura, capitale du Burundi voisin, combien avons-nous rencontré d'exilés qui s'apprêtaient à rejoindre leur pays ? Me Rwagasore, par exemple, un avocat réfugié ici depuis 1959. « Le génocide des Tutsis a commencé à cette époque », rappelle-t-il souvent. « Personne n'en parlait. Nous avons vécu ce silence comme une persécution internationale. » Et puis encore Cécile, une immense femme au visage émacié. Elle veut consacrer toutes ses forces à reconstruire un avenir pour les enfants rwandais. Des enfants comme cette petite fille, ombre totalement silencieuse, qui trotte à ses côtés. « Toute sa famille a été massacrée sous ses yeux », dit simplement Cécile.
Il y aura eu Gloriose, entraperçue dans un quartier populaire de Bujumbura. Son seul luxe : le téléphone, qu'elle vient de faire couper, « puisque je rentre au pays », sourit-elle. Et puis Apollinaire, qui vit depuis toujours à Gahombo, un camp de réfugiés du nord du Burundi où 4.500 personnes espèrent des camions qui leur permettent enfin de retrouver un chez eux. Nous avions aussi rencontré Yvonne, du bureau de l'UNICEF à Bujumbura, et Jean-Marie, cadre dans une banque burundaise. Durant la guerre, ils plantaient des petits drapeaux sur une carte pour mesurer, au jour le jour, l'avance du Front patriotique rwandais (FPR). Aujourd'hui, avec l'accord enthousiaste de leurs deux fils, douze et huit ans, ils abandonnent leur belle villa, leur confort, leur carrière, pour retourner vivre dans ce pays dont ils furent chassés il y a trente ans. Et si vous évoquez devant eux cette rumeur qui voudrait que le FPR ne laisse rentrer au Rwanda que les analphabètes, ils éclatent de rire.
Réfugiés de 1959, de 1962, de 1973 ou de 1990 - dates des grandes vagues de répression envers les Tutsis et les démocrates hutus - tous repartent la joie au coeur vers ce Rwanda que certains avaient quitté enfants ou n'ont même jamais connu.
F.H.