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Les troupes du Front patriotique rwandais (FPR, dominé par la minorité
tusti) ont pris lundi le contrôle des deux principales villes du
Rwanda, Kigali et Butare, risquant d'entraîner à l'avenir les Français
de l'opération militaro-humanitaire Turquoise dans une confrontation
directe avec les rebelles.
Face à cet important développement de la situation, le gouvernement
français a réaffirmé sa détermination à empêcher les «groupes armés»
de porter atteinte aux populations dans la zone de sécurité dont elle
souhaite la création dans le sud-ouest de ce pays.
Sur le terrain, le FPR a pris le contrôle de la totalité de Kigali
désertée, après s'être emparé lors de violents combats de l'important
camp de la gendarmerie de Kacyiru (nord de la ville) et du camp de la
garde présidentielle à l'est. Ces deux camps étaient les principales
positions que les forces gouvernementales conservaient dans la ville.
Lundi matin, les armes s'étaient tues alors que les rebelles
pénétraient dans le centre-ville. L'avancée du FPR a immédiatement
provoqué un nouvel exode de la population qui s'est lancée sur les
routes de l'ouest et du nord du pays, alors que les forces armées ont
fui la ville de même que leur commandement.
Je suis si heureux, j'ai rêvé pendant tellement longtemps de marcher
dans les rues de Kigali, a dit le colonel du FPR Frank Mugambe, en
visitant l'ancien bastion des forces gouvernementales. Des colonnes
entières de soldats du FPR, épuisés et trempés, sont descendues des
collines pour prendre position dans la capitale.
Dans l'extrême sud du pays, Butare est tombé lundi matin aux mains du
FPR. Cette ville, située à 120 km de la frontière avec le Zaïre, avait
été qualifiée dimanche soir de ville-fantôme, abandonnée par ses
habitants ayant fui devant la poussée des rebelles. La ville est
privée totalement d'électricité, d'approvisionnement en carburant et
de nourriture.
C'est à la sortie de Butare que l'opération Turquoise a connu,
dimanche, son premier incident depuis le début de la mission des
troupes françaises au Rwanda, il y a dix jours. Selon des responsables
militaires français, une patrouille de parachutistes a répliqué à des
tirs de combattants du FPR non loin de la ville. Les tirs ont duré une
trentaine de secondes et n'ont pas fait de victime côté français.
Cependant, le secrétaire général du FPR, M. Théogène Rudasingwa, a
démenti lundi à Londres que des soldats français aient été la cible de
tirs à la sortie de Butare. Cette dernière allégation des milieux
français est absolument fausse. (...) Je suis certain que l'accrochage
n'a jamais eu lieu et suis complètement choqué d'entendre de telles
accusations, a-t-il affirmé dans une interview à la BBC. Le FPR s'est
d'autre part déclaré une nouvelle fois hostile au projet français de
créer une zone de sécurité. La proposition française, c'est pour
protéger les assassins, a indiqué un responsable du FPR à Bruxelles.
Mais Paris semble déterminé à poursuivre l'opération humanitaire
actuellement en cours malgré la dégradation de la situation. La France
a réaffirmé qu'elle veillerait à ce que les « groupes armés » ne
puissent porter atteinte aux populations dans la zone de sécurité dont
elle a demandé l'instauration dans le sud-ouest du pays. Les troupes
françaises stationnées dans la région ont ainsi reçu l'ordre de
stopper l'avancée du FPR vers l'ouest. Le colonel Didier Thibaut, en
position à Gikongoro, à 30 km à l'ouest de Butare, a reçu cet ordre du
colonel Jacques Rosier, commandant de l'opération Turquoise, d'arrêter
le mouvement des rebelles au niveau de Gikongoro et au-delà. Nous
avons reçu l'ordre de rester à Gikongoro, et d'empêcher qui que soit
de s'en prendre à la population, que ce soit le FPR ou l'armée
rwandaise, a-t-il dit. Cet ordre transforme la nature de
l'intervention française au Rwanda. Jusqu'ici, Paris a insisté sur le
fait que l'intervention était une mission purement humanitaire et que
toute confrontation avec le FPR serait évitée dans la mesure du
possible.
Selon une source militaire à Paris, la France a demandé aux
combattants rwandais - FPR, forces gouvernementales et milices hutus -
de se tenir à l'écart de Gikongoro où sont réfugiés des centaines de
milliers de réfugiés. (AFP, Rtr.)