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Si Kigali était, vendredi 5 octobre, une ville morte où seuls
circulaient les militaires, l'aéroport, que les rebelles auraient tenté
d'investir à l'aube, a été le théâtre d'un peu d'animation. Ce fut, dans
la matinée, l'arrivée des parachutistes belges dans les pas des
légionnaires français puis, le soir, l'évacuation d'une centaine de
ressortissants français à bord d'un Boeing-747 d'Air France.
La frontière avec l'Ouganda est, selon Kampala, hermétiquement close.
Les autorités de Bujumbura, quant à elles, ont fait officieusement
savoir que « quelques mesures ont été prises » pour empêcher les
Rwandais réfugiés au Burundi de rentrer chez eux et de se rallier aux
insurgés.
Un acte de désespoir
Fait nouveau et plus inquiétant pour le président Habyarimana, qui veut
croire que l'opposition à son régime est uniquement le fait de membres
de l'ethnie tutsie en exil : un ancien colonel de l'armée rwandaise,
d'origine hutue, Alexis Kanyarengwé, commanderait une unité de
maquisards. Il s'était exilé en Tanzanie, après une tentative de coup
d'Etat en 1980. A Bruxelles, un porte-parole du Front patriotique
national, qui aurait déclenché la rébellion, a souligné, vendredi, que
des Rwandais d'ethnie hutue combattaient « aux côtés de leurs frères
tutsis ». Un autre exilé rwandais, M. Jean Barahinyura, a expliqué, de
son côté, que l'offensive contre le régime en place à Kigali
représentait un acte de désespoir de la part de réfugiés qui savent
qu'ils n'ont aucun avenir en Ouganda. Ces gens envers lesquels le
président Yoweri Museveni a contracté une dette lorqu'ils l'ont aidé à
prendre le pouvoir (le chef des rebelles, Fred Rwigyema, a commandé la
prise de Kampala en janvier 1986) sont bien souvent rejetés par les
Ougandais de souche, qui n'acceptent pas cette « élite immigrée ».
Les autorités ougandaises ont en vain demandé au gouvernement rwandais
de permettre le retour d'une partie de ses 200 000 réfugiés. Mais, à
Kigali, on souhaiterait plutôt qu'ils obtiennent la nationalité de leur
pays d'accueil. On fait valoir, à cet égard, le problème de la
surpopulation du Rwanda et ses conséquences dramatiques : l'épuisement
des sols surcultivés et le morcellement des champs ont provoqué une
famine chronique dans le sud du pays.
Mais ce refus est peut-être plus politique qu'économique. L'attitude « passive » de l'Ouganda devant l'incursion des rebelles, selon le mot du
ministre rwandais des affaires étrangères, trouverait un début de
réponse dans le drame de ces réfugiés dont plus personne ne veut.