Sous titre
Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS, auteur de L'Etat en Afrique. La politique du ventre (Fayard, dernière édition en 2006), suivait de près la politique africaine de la France et l'évolution du conflit rwandais dans la période 1990-1994. Il réagit au nouveau rapport balistique présenté mardi, qui attribue aux Hutus extrémistes l'attentat contre le président hutu Habyarimana en 1994, point de départ du génocide.
Citation
A tout seigneur tout honneur, Kagamé lui-même est soupçonné
d'avoir liquidé son prédécesseur à la tête du FPR lors des premiers jours de son offensive contre le
régime de Habyarimana. Vrai ou faux, bonjour l'ambiance...
A l'époque, vous aviez vous-même remis une note au Quai d'Orsay sur cette affaire.
Comment avait-elle été accueillie ?
En effet, en octobre 1990, j'avais rédigé une note de quelques pages, que Libération a
ultérieurement publiée, où j'analysais la stratégie de restauration autoritaire de Habyarimana, son
instrumentalisation de la guerre pour ce faire, l'extension du conflit à l'ensemble de la région, y
compris au Kivu du fait des tensions agraires qui y régnaient et de l'antagonisme entre Tutsis
d'origine rwandaise et «autochtones» que Mobutu, lui aussi engagé dans une stratégie de
restauration autoritaire, envenimait. La seule chose que je ne prévoyais pas était l'ampleur
génocidaire du massacre programmé, précisément parce que je n'étais pas un spécialiste des
Grands Lacs. Les Newbury, eux, l'avaient compris.
Sans enfreindre mon devoir de réserve, je puis dire que la parole d'un chercheur ne pèse pas lourd
à côté de celle d'un ambassadeur, surtout si celui-ci est devenu un intime du chef de l'Etat. Donc
mon avertissement n'a pas été pris au sérieux.