Fiche du document numéro 1062

Num
1062
Date
Lundi 4 juillet 1994
Amj
Hms
18:36:00
Taille
88481
Sur titre
Rwanda France
Titre
La France établit une zone de sécurité contestée par le FPR qu'elle entend défendre par les armes
Nom cité
Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
Une zone de sécurité humanitaire contestée par le FPR et que la France s’est
engagée à défendre par les armes a été créée lundi par l’opération Turquoise
dans le sud-ouest du Rwanda après la prise par les combattants tutsis des deux
plus importantes villes du pays, Kigali, la capitale, et Butare.

La création de cette zone a été annoncée à Paris quelques heures seulement
après que les combattants du Front patriotique rwandais (FPR) se furent emparés
de Kigali et de la deuxième ville du pays, Butare, et alors que les hommes de
Paul Kagame progressaient vers l’ouest en direction de la frontière avec le
Zaïre où sont installées les bases arrières de l’opération Turquoise,
déclenchée il y a douze jours par la France.

C’est le chef d’état?major des armées françaises, l’amiral Jacques Lanxade, qui
a annoncé la création de cette zone humanitaire sûre en se déclarant assez
confiant
sur son acceptation par les combattants rwandais.

Réagissant plus tard à l’affirmation du représentant du FPR en Europe, Jacques
Bihozagara, selon laquelle la création d’une telle zone est d’ores et déjà
vouée à l’échec
, M. Lanxade a indiqué qu’il comprenait que le FPR ne donne son
accord que très progressivement, parce qu’il pourrait lui être gravement
reproché de ne pas faire ce qui doit être fait
pour que le Rwanda puisse
vivre de manière pluriethnique
.

M. Bihozagara avait affirmé que la zone humanitaire installée par la France
constituait le dernier retranchement de l’armée gouvernementale et des
milices face à l’avancée des forces du FPR.

Pendant ce temps, le secrétaire général du FPR, Théogène Rudasingwa, était reçu
au Foreign Office par le secrétaire d’Etat britannique à la Coopération, Lady
Lynda Chalker.

M. Rudasingwa a demandé à Londres de venir en aide aux deux millions de
Rwandais vivant dans des territoires sous contrôle du FPR
.

En ce qui concerne la zone de sécurité, l’amiral Lanxade avait auparavant
précisé, devant la presse, que les limites géographiques de cette zone, qui
couvre environ le cinquième du territoire rwandais, avaient été communiquées
aux belligérants, et que l’armée française était prête à s’interposer entre
des populations menacées et des bandes armées
. Ceux qui voudraient s’opposer
à cette action pourraient se trouver en difficulté vis?à?vis de nous
, a?t?il
averti.

L’ONU, à New York, et la MINUAR (Mission des Nations unies pour l’assistance au
Rwanda) à Kigali, ont également été notifiées de la création de cette enclave
qui, selon des sources militaires françaises, couvre un tiers des zones encore
tenues par les troupes gouvernementales rwandaises.

L’amiral Lanxade a ajouté qu’il ne devrait pas y avoir de combats dans la
zone de sécurité et que la France a demandé qu’il n’y ait pas d’unités
militaires qui pénètrent
dans cette enclave.

Nous avons indiqué au FPR que nous ne souhaitions pas qu’il entre dans la zone
de sécurité. Nos soldats sont là pour marquer les limites de cette zone
et ne
devraient pas avoir à s’opposer militairement au FPR, a estimé lundi
l’amiral. Selon lui, le FPR ne devrait pas franchir la limite de la zone
créée par les Français.

Dans le même temps, dix?sept partis politiques rwandais ont annoncé à Gisenyi
(sud?ouest) qu’ils s’engagaient à favoriser le retour du FPR et du
gouvernement à la table des négociations aux fins de trouver une solution pour
l’instauration d’une paix durable au Rwanda
.

Dans une déclaration solennelle remise à la presse, ces partis politiques ?
parmi lesquels figurent des représentants des anciens partis d’opposition
constitués en 1991 au Rwanda après l’avènement du multipartisme ? annnoncent la
mise en place d’une Assemblée nationale, organe législatif composé de
soixante?dix députés
désignés par ces partis.

Les 17 partis estiment que la mise en place de cette assemblée ne porte pas
préjudice aux accords d’Arusha (Tanzanie)
et constatent, dans le préambule de
leur déclaration, que suite aux obstructions du FPR, les institutions de
transition à base élargie n’ont pas pu se mettre en place et qu’il convenait en
conséquence d’éviter le vide institutionnel
.

A Genève, le ministre du Travail et des affaires sociales du gouvernement
rwandais déchu, Jean de Dieu Habineza, a déclaré que ce gouvernement
n’envisageait pas de s’exiler au cas où la minorité tutsie prendrait le
pouvoir, après avoir conquis Kigali.

Nous ne tenons pas à nous exiler a?t?il déclaré, notant que Kigali n’était
pas tout le pays
. Il a estimé que si la minorité tutsie prenait le pouvoir,
ce ne serait pas pour longtemps
, puisque 90% de la population ? de l’ethnie
hutue ? était contre ce pouvoir.

Pour M. Habineza, seule une solution politique, autour d’une table de
négociations, permettra de résoudre la crise rwandaise.

Enfin, interrogé sur la réponse que donnera le Conseil de sécurité des Nations
unies à la création de la zone humanitaire sûre, le chef de la diplomatie
française Alain Juppé a indiqué que la France considère qu’elle a sur la base
de la résolution (929) existante, l’autorisation requise
.

AZ/mif t

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